À propos de Just Married:

À propos de Kiyohi:

Vers la lumière, paraît-il

C'est certainement une arnaque

Okay. C’est super chelou. Après bientôt trois quarts d’heure à déambuler dans ce labyrinthe de briques arborant toutes les nuances de pastel possibles et imaginables, c’est la seule conclusion logique à laquelle Kiyohi peut parvenir. Ah, et qu’elle ne doit plus jamais écouter les prétendus chercheurs qui lui proposent de participer à une « expérience sociologique sans danger ni douleur » aussi. Pourquoi a-t-elle accepté déjà ? Elle ne sait même plus. Ils étaient gentils et polis, ont répondu correctement à toutes les questions censées les coincer et n’avaient pas l’air d’une bande de charlatans ou de trafiquants d’organes. Et puis quand on lui a dit qu’elle trouverait quelque chose qu’elle désirait à la sortie du labyrinthe, elle n’a pas eu la sensation qu’il était temps de rallumer son cerveau pour éviter de se faire embarquer dans une arnaque. Seulement l’intime conviction que c’était vrai. Depuis qu’elle a failli mourir et qu’elle a revu sa mère durant cet épisode, elle a tendance à se fier davantage à ses intuitions. Et elle le regrette foutrement maintenant qu’elle avance dans ce merdier plein d’escaliers, de culs-de-sacs, de croisements et de couleurs à la con alors qu’elle a déjà tout ce qu’elle désire chez elle ou presque.

Quand elle arrive à un nouveau croisement, Kiyohi a gravé en lettres de feu au panthéon de ses résolutions de jeter tous les pastels de son fils en rentrant à la maison pour les remplacer par des feutres fluos. Et surtout, elle pile d’un coup sec en le reconnaissant à nouveau. Ce putain de cube avec ses petits cœurs débiles qui est là à chaque carrefour, comme pour lui dire qu’elle n’avance pas.

« Bordel mais c’est pas vrai. Encore toi ?! »

Putain, elle parle au cube maintenant. Sans danger ni douleur, ben voyons. Elle va se foutre en l’air avant la fin, si ça c’est pas du danger…

@feat le Cube !

Awful

Le Cube:

Kiyohi éclate de rire et s’étire à l’horizontale sur le cube avant de se relever et de lui tapoter gentiment le cœur du sommet. Il parle comme un philosophe dépressif mais ça ne l’empêche pas d’avoir de bonnes sorties de temps en temps.

« Ouais, tu serais sans doute une splendide chaise de bureau qui verrait défiler des tas de chouettes popotins au lieu de mon gros cul, trop la classe. Mais tu me fais plaisir, j’ai travaillé pour l’avoir ce cul. Avec un putain de môme, notamment. Bon bah puisque tu sers à rien, j’te laisse. À la prochaine ! »

Et elle fait exactement ce qu’elle dit, en prenant à gauche au croisement. Elle avance totalement au hasard depuis le début, sans se soucier de marquer son passage. Elle doit bien avancer de toute manière puisque, hormis le Cube avec qui elle échange des piques à intervalles réguliers, le reste du labyrinthe n’est jamais pareil. Maintenant, des pieds de glycines serpentent sur les murs pastel. Leur odeur entêtante la rend songeuse. Ce n’est pourtant pas la saison des glycines…

« Salut, Cuby ! Oh… »

Les poings sur les hanches, Kiyohi s’arrête à côté du cube pour faire face au mur devant eux. Un mur escalier pour être exact, qu’elle ne peut pas gravir toute seule alors que la manière dont il monte sans relâche vers le plafond inexistant lui souffle qu’elle est sur la bonne voie. Pensive, elle pose les yeux sur son compagnon, estime sa taille… Et finit par le saisir à plein bras pour le transbahuter jusqu’au pied du mur.

« Tu dis de moi mais toi aussi t’as un gros cube dis donc… »

Au moins, elle devrait pouvoir atteindre l’étage suivant en se tenant debout dessus. Quant à savoir comment le soulever jusqu’à elle ensuite, c’est un autre problème.

« Vous avez entendu ce gros con ? Il a choisi son tocard. Gardez-le votre prix pourri, j’ai besoin de rien de toute façon. »

Laissant son majeur bien tendu mettre un terme définitif à la négociation, Kiyohi ramasse une nouvelle fois le cube et s’éloigne de l’homme en costume. Vers où, elle ne sait pas trop. Le labyrinthe est bel et bien fini et l’espèce de plateforme sur laquelle ils sont arrivés n’offre qu’une surface limitée. Tant pis. Elle y réfléchira plus tard. Pour l’instant, elle se contente d’avancer jusqu’au bord pour y poser le cube, à la grande joie de ses lombaires. Ensuite, elle se laisse tout simplement tomber à côté de lui avec un soupir de soulagement, les jambes balançant dans le vide, reposant enfin son corps fatigué par l’escalade. Son regard se perd sur le paysage pastel en-dessous d’eux, sur le motif du labyrinthe qui aspire gentiment ses pensées dans son dédale et dans le parfum de glycine qui monte jusqu’ici. Un demi-sourire fleurit sur ses lèvres. Ça fait longtemps qu’elle n’a pas été aussi détendue, à vrai dire. Aussi… paisible. C’est bête de se sentir ainsi après une heure sans queue ni tête dans cette expérience foireuse avec un cube qui parle mais pourquoi pas après tout ? Si elle a accepté d’y participer alors qu’elle n’avait besoin de rien, c’était peut-être juste pour se retrouver ainsi. Contente d’elle-même après avoir gravi un sommet, contemplant le résultat de ses effort avec un compagnon d’infortune qui en vaut bien un autre. Lui donnant un coup de coude dans le côté, elle commente avec un sourire :

« Hey. On s’est bien amusés quand même. »

Et tout naturellement, sa tête vient se reposer sur son arête alors qu’elle ferme les yeux quelques minutes, profitant du calme, du parfum des fleurs et du vide sous ses pieds. En rentrant, elle proposera à Makoto de faire pousser une glycine le long de la maison.