Il fait froid. Très froid. Trop froid. Je ne comprend pas comment des gens peuvent vivre ici confortablement, sans jamais se dire qu'il serait préférable de quitter une telle température pour quelque chose de plus confortable. Autant je n'apprécie pas les fortes chaleurs, autant l'air glacé de Windoria me fait regretter les journées brûlantes du sud. J'ai hâte de quitter la ville, mais en même temps, un côté de moi exige de ma part que je reste ici. Après tout, si je souhaite devenir éleveuse, je dois me familiariser à tout type de pokémons et certains vivent dans de telles conditions. C'est donc pour cela que je m'efforce à rester dans ce lieu affreusement inconfortable, emmitouflée dans un manteau acheté dans une fripperie d'une ville voisine.
Azuris ne semble pas avoir de difficulté avec l'air frais de la ville. Au contraire, il s'amuse avec la neige qui couvre le sol, la lançant au-dessus de sa tête avec un sourire émerveillé sur le visage. C'est bien ce qui m'encourage à ne pas faire demi-tour ! Sans cela, j'aurais eu du mal à continuer à me convaincre des bons côtés de ce voyage. Rien de tel que de l'eau glacé dans les souliers pour vous faire fuir à vitesse grand V. Bien que la forêt d'Ehretia ne soit pas épargné des hivers de Lumiris un certain temps de l'année venu, on y trouve bien moins de neige et le froid n'est jamais aussi intense ici.
Je peine à marcher tend le sol est couvert d'une fine glace glissante. Chaque pas est un véritable obstacle et j'ai l'impression de ne plus être maîtresse de mon corps tant le moindre mouvement menace mon équilibre. Je ne remarque même pas qu'à mes côtés, mon petit Kaiminus a remarqué le principe de la neige collante et qu'une idée ingénieuse lui est déjà passé par la tête : celle de faire une jolie boule bien ronde afin de me l'envoyer en plein visage. Et hop, à peine a-t-il terminé de lancer son projectile que je me le prend en pleine tête, terminant de mettre fin à mon équilibre déjà faible et menacée. Je glisse et tombe violemment au sol, face première dans un banc de neige d'une grosseur tout juste suffisante pour que je ne me blesse pas sérieusement. Derrière moi, l'éclat de rire typique de mon petit pokémon aquatique résonne jusqu'à mes oreilles et je sens le rouge me monter aux joues, un mélange de colère, de gêne et de trop grande fraîcheur se manifestant sur celles-ci.
— Azuris !!!
Mon cri n'a rien de bien colérique, mais il est clair que je suis indignée. Cela ne l'empêche pas de continuer à s'esclaffer et à se moquer de mon sort. Même s'il est un pokémon adorable et très serviable, il a son petit côté espiègle et surtout, gamin. Après tout, il est encore un tout jeune pokémon, bien que je vois chez lui une bonne évolution jusqu'à maintenant. Malgré tout, il ne perd pas de cette personnalité fanfaronne qui le caractérise si bien et aujourd'hui, j'en ai un parfait rappel. La réalité qui frappe de pleins fouets, si on peut dire ça ainsi !
C’est la première fois que je vois autant de neige – l‘inconvénient d’habiter à côté d’un énorme volcan. L’état de la ville n’est d’ailleurs pas sans me rappeler la route 113, dans une certaine mesure. Juste avec moins de cendre et plus de neige.
Je déambule dans la ville sans but précis. Je suis sensé retrouver Kei demain, mais j’ai du temps à tuer d’ici là. J’en profite pour visiter la ville, admirer l’architecture et profiter de cette ambiance qui n’est absolument pas pour me déplaire.
La neige semble plonger la ville dans un état de quiétude permanent, presque hors du temps. Je pourrais y passer des mois sans jamais m’en lasser. Enfin ça ne serait pas au gout de mes Pokémons. Ganozunozu refuse de sortir de ma veste. Il faut dire que ça ne doit pas être pratique pour un Paras de marcher dans la neige. Enfin, il semble parfaitement se contenter de la vue qu’il a en sortant la tête par-dessus la fermeture éclair. Quant à Chunchunmaru, il a pris sa place habituelle sur mon crane, profitant même du bandeau de mon cache-oreille pour avoir une meilleure prise. Il a trouvé sa solution contre le froid en s’emmitouflant dans ses ailes.
Je continue ma balade au grès de mes envies. Je reste un instant à admirer le ballet étrange des personnes sur la patinoire, je regarde un moment des sculpteurs de glace, souris en voyant des enfants faire des bonhommes de neige. On dirait vraiment un monde à part.
Je finis par arriver sur une petite place, éloignée du centre-ville. Je me félicite d’avoir prévu des chaussures de circonstance : elle est recouverte d’une fine couche de verglas très dangereuse pour l’équilibre. Heureusement, mes chaussures m’offrent une prise au sol suffisante pour avancer sans trop de difficulté.
Je me mets à penser que ça serait bien qu’il neige. Tous ces flocons dont la légèreté semble défier la gravité, tombant avec douceur pour former une couche d’un blanc pur, ça doit être magnifique à voir.
Soudain un cri trouble mes pensées. Je me retourne juste à temps pour voir une jeune fille tomber dans la neige, tête la première. Elle a dû perdre l’équilibre à cause du verglas. Je devrais l’aider. Le temps que je me rapproche, elle jette un regard et un cri indigné à son Pokémon, lequel semble passer un très bon moment. J’imagine que Gerugeruni se serait moqué de moi aussi. J’arrive à son niveau.
« Mademoiselle ? Vous allez bien ? Tenez, je vais vous aider à vous relever. »
Je suis très embarrassée de me faire surprendre comme cela. Ce n'est pas très surprenant, il s'agit d'une rue passante, mais à ce froid, j'espérais presque que tout le monde s'était engouffré dans un bâtiment et que personne ne me verrait. J'imagine que les gens sont habitués à ce genre de température, qui ne semble pas embêter la plupart. Pour ma part, je préférerais me cacher dans la chaleur d'une auberge plutôt qu'être ainsi couchée dans la neige. Ça n'a rien d'agréable, bien au contraire.
C'est avec timidité que je prend la main de l'inconnu, marmonnant un faible merci. Je ne suis même pas certaine qu'il m'a entendu, mais c'est le mieux que je puisse faire alors que je suis aussi mal à l'aise. Azuris rit encore non loin de moi et j'ai presque envie de lui tirer la langue. Je me suis cependant assez humiliée comme ça déjà. Pas besoin d'en rajouter plus en agissant avec une attitude si gamine, même si l'envie est bien présente. Je me racle la gorge une fois debout, mais alors que je me repositionne sur mes pieds, je glisse à nouveau et je dois m'attraper de justesse sur le jeune homme qui m'a proposé son aide pour ne pas retomber. Heureusement, nous ne basculons pas et je parviens à retrouver mon équilibre.
— Par-pardonnez-moi ! Me-me-merci pour vo-trree ai-aide.
J'ai du mal à parler, tremblant sous le froid. De la neige s'est engouffrée dans mes vêtements, me faisant frissonner encore plus qu'avant ma chute. Déjà que je supportais difficilement la fraîcheur du lieu, je ne pense pas réussir à tenir bien longtemps à l'extérieur. Je risque d'attraper un rhume à ce rythme et c'est la dernière chose dont j'ai envie. Je ne peux retenir un éternuent, déboussolant à nouveau mon équilibre fragile. Je me rattrape à son bras, mais cette fois-ci, je n'arrive pas à me reprendre comme il faut, risquant de nous faire tomber tous les deux sur la glace. Plus le temps avance, plus je me dis que finalement, venir à Windoria n'était pas une si bonne idée...
Elle semble hésitante à me prendre la main. Je peux comprendre, je suis un parfait inconnu après tout. Elle finit tout de même par le faire en murmurant ce que je suppose être un merci. Une fois debout, elle semble essayer de se redonner de la contenance.
Je ne fais pas de commentaire, pour éviter de lui rendre l’instant encore plus désagréable, mais je ne peux m’empêcher de trouver ça mignon. Surtout qu’elle reperd l’équilibre juste derrière. A deux, on réussit à ne pas tomber, mais c’est juste.
« Par-pardonnez-moi ! Me-me-merci pour vo-trree ai-aide. »
Elle grelotte de la tête aux pieds.
« Vous avez f- »
Je suis interrompu par un énorme éternuement qui me prend un peu de court. D’autant que la pauvre jeune femme perd à nouveau son équilibre, s’agrippant à moi alors que je ne m’y attendais pas. J’essaye de m’agripper à quelque chose pour rester debout, sauf que… ya rien.
Résultat : on glisse tous les deux et on se retrouve sur les fesses, faisant au passage voler un peu de neige. On atterrit avec un gros « ouf ». Chunchun se laisse planer, stoïque, jusqu’à atterrir à nouveau sur ma tête. Le comique de la situation ne m’échappe pas, et j’éclate de rire.
« Ha ha ha ! Décidément, c’est pas votre journée ! Bougez pas. »
Je me relève tant bien que mal en rigolant, m’assure d’avoir un appui solide avant de lui proposer à nouveau mon aide.
« Allons-y, cette fois c’est la bonne ! »
J’ai mal aux fesses, j’ai le nez engourdi par le froid et un petit Pokémon semble se moquer de notre malheur. Drôle de première impression ! Mais c’est pour ça que je voyage, non ?
Je rougis de plus belle lorsque je nous fais tomber à nouveau. Le pauvre jeune homme qui ne souhaitait que m'apporter son aide se retrouve au sol avec moi et j'imagine que son atterrissage ne doit pas avoir été bien plus agréable que le miens. Azuris est toujours hilare à quelques pas de nous, retenant un instant son rire avant de ne plus être capable et d'en tomber sur le côté tellement la situation l'amuse. Je lui jette un regard sévère, qui ne l'empêche aucunement de continuer, avant de me faire aider à nouveau par le garçon aux lunettes.
— Par-pardonnez-moi...
Je semble répéter cela souvent, aujourd'hui. Ma maladresse et la glace au sol ne font vraiment pas bon ménage et le fait d'être frigorifiée en plus de cela ne m'aide pas à me sentir bien ici. Je me racle la gorge, regardant timidement tout autour de moi pour vérifier qu'il n'y ait personne d'autre qui ait assisté à la scène. Sans doute aussi parce que je suis mal à l'aise de regarder celui qui m'est venu en aide dans les yeux, tant je suis gênée par la situation.
Mon regard s'illumine lorsque je vois un petit café à quelques mètres de nous, promettant des boissons chaudes afin d'attirer les passants qui auraient un peu trop froids. Ce qui ne doit pas être chose rare ici, d'ailleurs. Je doute être la seule à souffrir du vent glacé et de la neige qui tombe bien trop à mon goût. Un chocolat chaud me ferait un bien fou, c'est chose certaine.
— Lai-laissez-moi vous payer une boisson chaude pour vous réchauffer en guise de remerciement.
Je claque des dents et instinctivement, j'attrape mes bras de mes deux mains pour les frotter, espérant ainsi les réchauffer. Ça ne change pas grand chose, mais je ne veux pas m'arrêter, arrivant à peine à ouvrir mes doigts fermement agrippés à mon petit manteau. J'espère que le jeune homme acceptera. Ma proposition tient plus d'une excuse pour me réfugier à l'intérieur et pour éviter qu'il ne décide de me faire la conversation ici-même. Je ne suis pas aussi sociable que certains et j'ai remarqué que beaucoup ont tendance à m'arrêter pour discuter avec moi, même si je n'en ai que très rarement envie. Espérons seulement qu'il ne soit pas l'un de ses fanatiques de combats pokémons...
« Lai-laissez-moi vous payer une boisson chaude pour vous réchauffer en guise de remerciement. »
A la voir trembler, claquer des dents et se frotter le bras, j’ai plus l’impression que c’est pour elle-même qu’elle demande ça. Mais qui suis-je pour lui refuser un tel réconfort ?
« Oh, excellente idée ! Je commençais à rêver d’un bon thé ! Haha ! »
J’essaye de la mettre à l’aise, la pauvre, elle est toute embarrassée ! Je l’accompagne jusqu’à l’entrée du café, faisant attention à là où nous mettons les pieds.
En entrant, l’odeur caractéristique de torréfaction nous accueille. Je n’aime pas vraiment le café, mais l’odeur à quelque chose de chaleureux, de rassurant. Comme si le lieu lui-même nous disait : Viens, tu seras confortablement installé ici.
La boutique compte quelques clients, mais pas assez pour provoquer l’un des brouhahas caractéristiques des lieux publics et ça, je ne peux que l’apprécier ! J’ai horreur d’avoir constamment du bruit dans les oreilles ! Enfin… sauf quand c’est de la musique, mais passons. En parlant de musique, celle qui passe semble être un morceau de Jazz joué au piano, pas très forte, juste assez pour qu’on la remarque si l’on y fait attention.
Typiquement quelque chose qu’auraient écouté mes parents. Mais ses accents langoureux ne sont pas déplaisants.
Retirant ma veste, j’avise une table libre assez éloignée des autres clients. Je fais signe à l’inconnue de me suivre.
« Au fait, je ne me suis pas présenté ! Sanzo Kobayashi. Mais vous pouvez m’appeler Sanzo. »
Poliment, je lui tiens une chaise pour l’aider à s’assoir.
« Mademoiselle … ? »
Regardez-moi, un vrai gentleman ! Probablement la musique qui fait ça…
Rejoins la famille !
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