« Aaaaaaaaah… »

Melosa prit une grande inspiration tout en s’étirant un poil paresseusement. Peut-être qu’elle se faisait des idées, mais l’air lui semblait différent de ce qu’elle était accoutumée à Kalos et elle voulait profiter de ce sentiment de nouveauté tant qu’il était présent. Découvrir de nouvelles choses était l’un des buts majeurs du voyager après tout, il serait un peu triste de ne pas prendre le temps de s’arrêter pour quelques plaisants détails.

Malgré un appréciable regain d’énergie, l’adolescente eut un petit soupir en laissant son regard balayer les alentours. Elle était maintenant dans la capitale de Lumiris, bien loin de la maison, un endroit qu’elle ne connaissait pas avec des gens qu’elle, en toute logique, n’avait jamais vu de sa vie. C’était un étrange sentiment, une excitation mêlée avec une certaine crainte et, bien qu’elle n’osait même pas envisager de regretter sa décision de venir, il fallait bien dire que quelques appréhensions lui trottaient l’esprit. Avec de la chance, celles-ci disparaîtraient bien assez vite, mais en attendant elle allait vraisemblablement devoir faire avec. De plus, il était probable qu’elle se sentirait bien plus d’attaque si sa compagne était physiquement à ses côtés en ce moment. Malheureusement pour la jeune maîtresse Pokémon, une certaine Vivaldaim se prélassait présentement dans sa pokéball. Dans les faits, à leur arrivée, le décalage horaire leur avait mis à toutes les deux une de ces raclées et il avait fallu au duo remettre à plus tard les grandes sorties. Melosa grimaça en repensant à quel point elle s’était senti peu apte à l’aventure à ce moment, mais elle était maintenant sur pieds et avec un but précis en tête. Il était donc temps d’avancer, pendant que l’autre veinarde se reposait encore un peu.  

Décidée, la jeune fille jeta un coup d’œil à son téléphone pour revérifier les informations qu’elle s’était pourtant répétées mille fois et se mit en marche. Peu après que l’annonce officielle de son départ à Lumiris, elle avait reçu un message d’abord un peu timide d’une fan clamant vivre et la capitale et demandant s’il serait éventuellement possible d’arranger une petite rencontre, tant qu’à être là après tout. Une fois que Mimi eut confirmé son intérêt pour une telle chose, la rédactrice du message s’était offerte avec plus de confiance (et de points d’exclamation) de servir de guide, du moins pour la petite partie limitée de la région qu’elle connaissait. Il s’agissait là d’une proposition difficile à refuser, non seulement Mimi ne faisait un point d’honneur de passer du temps avec ses abonnés chéris lorsqu’elle en avait l’occasion, mais l’idée d’avoir quelqu’un qui pouvait lui montrer même un iota de cette région inconnue de façon personnalisée représentait tout un avantage.

La voilà donc en direction de l’Académie, un endroit qui avait bien entendu attiré son attention dès le début des préparations, où le rendez-vous avait été donné. Apparemment une petite bande allait l’attendre, il lui faudrait faire bonne impression. Autrement dit, Melosa avait la pression mine de rien. Ce ne serait techniquement pas la première fois qu’elle rencontrait des fans face à face, et il n’y avait aucune catastrophe à recenser pour le moment, mais c’était toujours un peu plus l’angoisse que quand elle se contentait de parler à la camera. Au moins, on pouvait dire qu’elle n’était pas mal pour cacher son malaise.

À son arrivée, Melosa sortit un miroir de poche pour faire une mise au point. Maquillage : OK. Cheveux : OK. Tenue : OK. Bien, tout était parfait. Il était donc temps de réveiller la princesse quadrupède.

-On est arrivées, trésor, lança l’adolescente alors que Viviane était expulsée de sa balle bicolore, Enfin réveillée ?

Vivi se contenta de bâiller - aucune gêne la demoiselle - tout en s’étirant comme sa maîtresse l’avait un peu plus tôt. Après avoir regardé quelques secondes le lieu où elles se trouvaient, elle se mit à fixer Melosa avec le regard d’un soldat déterminé, prêt à commencer sa mission. Elle en faisait peut-être un peu trop, mine de rien.

-On y va alors, y’a des gens qui nous attendent.

Néanmoins, la starlette prit un instant pour prendre des photos de l’établissement avec son téléphone. Elle postera cela plus tard.

L’intérieur était grand, comme on pouvait s’attendre d’une telle académie, et Melosa s’en retrouva plus qu’impressionnée. Le nombre de cours présentés et d’étudiants qui venaient les suivre devaient être important. Pendant un moment, la nouvelle arrivée regretta de ne pas être venue une première fois pour une visite libre. Bon, ce n’est pas comme si je pouvais changer d’idée maintenant.

Un message spécifiait près de la bibliothèque comme lieu de rendez-vous. Mel repéra rapidement un plan du bâtiment qui lui permit de trouver rapidement comment rejoindre le lieu. Elle s’y rendit d’un pas rapide, une Viviane semblant à la fois curieuse et sceptique sur les talons, prenant tout son contrôle de soi pour ne pas s’arrêter à chaque petit Pokémon adorable que ses yeux remarquaient. Oh bon sang est-ce que c’était un Chinchidou !?

Focus, Mimi, focus. Elle était arrivée au couloir menant à la bibliothèque, ce qui voulait dire… Ah ! Elle repéra rapidement la jeune fille sur la photo qu’elle avait reçue. Avec un grand sourire, elle leva le bras et la héla :

-Hey ! Samantha, c’est bien ça ?

L’interpellée ouvrit grand les yeux en réalisant qui venait d’arriver. Quelques autres demoiselles environ du même âge avec qui elle paraissait être en parler une seconde plus tôt levèrent la tête et eurent à peu près la même expression. Une série de cris suraigus remplirent soudainement le corridor (manquant apparemment de causer une crise cardiaque à un pauvre homme qui passait par là) et Melosa eut une volée de filles accourant dans sa direction. Plus une des jeunes filles qui suivait avec nettement moins d’entrain, probablement plus blasée par la situation qu’autre chose. Mel compta jusqu’à trois mentalement avec une prendre une pose un peu plus dramatique.

OK, mode Mimi activé !

-Salut les amours, vous allez bien ?

Cette formalité ne rencontra pas de réponse, car déjà la dénommée Samantha parlait à toute vitesse, visiblement à bout de souffle.

-Ah j’savais que tu viendrais Mimi ! Trop contente que tu sois là, t’as pas eu trop de mal à venir ici, comment ça va ? Ah oui, c’est donc moi qui t’ai envoyé l’messages, ce sont des amies dont je t’avais parlé, on est toutes excitées de te voir – grande respiration – Oh Viviane est là elle aussi ! Elle est encore plus chou en vrai ! Euh, toi aussi t’es super jolie, enfin –

Le reste fut noyé sous un brouhaha causé par cette petite foule qui commençait déjà à attirer l’attention. Deux autres filles s’étaient aussi mises à parler rapidement et un poil plus fort que leur amie, une autre ouvrait fébrilement son téléphone comme si son idole allait soudainement disparaître au moindre coup de vent et une dernière essayait de caresser Vivi un peu trop brusquement, si bien que cette dernière avait trouvé refuge derrière les jambes de sa maîtresse. Ah, et il y avait aussi la blasée qui observait la scène appuyée contre le mur.

Ça venait tout juste de commencer et Mimi perdait déjà le contrôle. Avec un léger serrement dans l’estomac, elle leva légèrement les bras pour quémander le calme. Ça ne les arrêta évidemment pas, mais au moins elle eut une ouverture pour parler.

-H-hey ! HEY ! U-une, une à la fois s’il vous plaît ! Je suis super contente de vous voir aussi ! Juste, deux secondes, Vivi est un peu timide avec les étrangers laissez-lui un peu d’espace ! – L’intéressée émit un petit cri d’approbation - OK, merci. Doucement. Woah, vous êtes pleines d’énergie quoi.

Elle sourit, rassurée que ses présentes fans soient prêtes à l’écouter. Maintenant qu’elle avait pris le dessus, ça devrait bien se dérouler.

-Est-ce… Est-ce que je peux prendre une photo avec toi s’il te plaît ! s’écria celle qui s’acharnait avec son téléphone. Ça serait super, s’il te plaît !

Des curieux commençaient à se rassembler tout autour, un coup d’œil apprit à la starlette que pas mal semblaient confus et murmuraient entre eux alors que quelques-uns paraissaient surpris voire excités, ces derniers commençaient à faire du bruit. Comme quoi, certains devaient la reconnaître. Mimi ressenti une fierté digne d’une athlète qui venait de gagner la médaille d’or.

-Oui oui ! On peut commencer par prendre des photos, vous voulez que j’en prenne une en groupe pour mon blog et ensuite vous en prenez individuellement ? Ça me ferait super plaisir ! Oh, et s’il y en a d’autres qui me connaissent, vous n’avez qu’à demander pour une photo ! Ah ? Ouais, je peux bien signer après ! Hehe, OK, après je peux répondre à des questions si vous voulez. Vivi accepte les caresses, mais soyez délicats ! Pas tout le monde en même temps surtout, mais dites-le si vous être pressés moi je reste jusqu’à avoir terminé ! Merci, vous êtes vraiment des amours.

C’était la première fois qu’elle voyait autant de monde voulant voir Mimi, ses joues étaient légèrement rougies d'une joie gênée. Dans son emballement, la starlette était aveugle au dérangement qu’elle était vraisemblablement en train de causer.  

Sans le moindre avertissement, un fracas résonna soudainement dans le corridor, étouffant pendant un instant le brouhaha avec tellement d’efficacité que le silence se fit. Comme influencé par une conscience collective, toutes les personnes présentes se tournèrent simultanément vers le responsable, choquées. Celui-ci, visiblement peu intimidé par tous ces regards, en profita pour leur signaler calmement qu’ils étaient un peu… dérangeants.

Le silence se poursuivit quelques secondes, parfois coupé par quelques chuchotements. Un étudiant eut un faible « Mais… Mimi est là, elle est connue et on voulait la voir ! » en guise d’explication. Il eut quelques murmures d’approbations parmi la petite foule. Quelqu’un ajouta même « C’est une de mes Youtubeuses préférées ! » de loin, ça aurait fait plaisir dans un autre contexte.

Mel sentit les battements de son cœur s’accélérer, et sans une once de positif cette fois. Elle ne s’attendait pas à ce qu’on professeur – du moins elle assumait qu’il s’agissait d’un prof à son allure et comportement – débarque pour ruiner l’occasion. Des curieux quittaient déjà les lieux, probablement qu’ils voulaient éviter les ennuis. Quant aux « fidèles », leur hésitation était presque palpable. Melosa réalisa avec horreur que beaucoup s’étaient tournés à moitié dans sa direction alors que d’autres la regardait carrément. Elle était la maîtresse de cérémonie, leur chef temporaire qui devrait faire face directement à cette crise inattendue, ils attendaient donc qu’elle prenne les rennes et leur indique quoi faire.

Ils surestimaient carrément le contrôle qu’elle avait sur la situation. Connue ou non, Mel restait une gamine aussi prise au dépourvu qu’eux, voire plus. Malheureusement, il lui fallait aussi protéger son image, tourner les talons tête baissée n’était pas une option envisageable.

L’adolescente ferma les yeux pour s’accorder un moment de réflexion. S’ils étaient dans un film, elle pourrait probablement trouver une réplique pour faire fermer son clapet à cet intrus qui venait ruiner leur plaisir, mais ce serait idiot d’essayer. Elle était une ado socialement mal ajustée, pas le protagoniste d’un récit de wish fulfillment. Non, il fallait réfléchir. Mimi n’était pas douée dans les joutes verbales, qu’est-ce tous ces mois à préparer et organiser son émission lui avaient appris ?

L’instant où elle ouvrit les yeux, Mimi afficha un sourire. Un sourire un peu incertain, certes, mais un sourire quand même. Elle n’avait que quelques secondes avant que sa façade ne craque, autant bien les utiliser.

-Ahem, mes excuses pour le dérangement ! Il vaudrait mieux remettre tout à plus tard. Et ailleurs. Je reste en ville pour un bon moment, donc je peux revenir facilement à l’entrée dans les prochains jours. Désolée pour ceux qui voulaient une photo ou me parler, vous n’aurez qu’à m’envoyer un message privé sur mon blog ou les réseaux sociaux. Rappelez-vous, vous êtes des amours et ça me fait plaisir de vous voir !

OK son souffle se faisait court, sa voix étai nettement cassée dans sa conclusion :

-C-c’était Mimi pour vous servir !... E-et… euh, e-encore désolée pour le dérangement…

Elle avait réussi, elle avait terminé. Viviane émit un petit cri faussement joyeux en guise d’au revoir et les gens présents commencèrent à se disperser. Certains partirent sans un mot, d’autres grommelèrent, un gamin cria « Mimi t’es la meilleure » avant de déguerpir, deux jeunes prirent une photo et Samantha eut le plus grand moment d’hésitation jusqu’à que ses amis la pousse à suivre l’exemple des autres. Rapidement, tous ses regards qui auraient pu la juger avaient disparu. Troublée, Melosa mit ses mains devant ses yeux en pencha la tête. Elle tremblait légèrement, sa gorge était serrée et elle avait envie de pleurer.

Quel fiasco. Dire que tout allait merveilleusement bien, elle s’était confortablement mise dans la peau de son personnage et tout le monde semblait content. Même Viviane appréciait l’attention qui lui était porté. Alors, pourquoi ça n’avait pas marché ?

Parce que quelqu’un avait décidé de se mêler de ce qui ne le regardait pas et de ruiner le plaisir des autres, ce qui l’avait mené à une situation plus de précaire où elle avait dû avec peine sauver les meubles. Ce foutu enseignant, qu’est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? Un hoquet la remit à l’ordre, ses yeux commençaient à se brouiller. Outre la menace que cela impliquait pour son maquillage, il ne fallait pas qu’elle se mette à chialer au milieu d’un couloir de l’académie. Elle pourrait hurler et sangloter la tête dans un oreiller à l’hôtel, juste pas maintenant.

Une pression se fit contre sa jambe. Melosa reprit contact avec la réalité et éloigna une main pour mieux voir. Viviane se frottait affectueusement contre elle. Nul doute que l’adorable bestiole se doutait des émotions qui se bousculaient présentement dans la tête de sa maîtresse et voulait lui apporter du support moral. « C’est pas grave » entendait presque Mel, « Y’a rien eu de tragique, ça te fera de l’expérience ». Touchée, elle se pencha pour lui caresser le cou. Elle avait de nouveau envie de pleurer, mais cette fois parce qu’elle avait décidément le meilleur Pokémon comme compagnon.

-Qu’est-ce que je ferais sans toi, trésor ?

Ces mots n’étaient qu’un murmure qui fit ronronner (ou du moins, produire un bruit à peu près semblable) la Vivaldaim. Se sentant enfin un peu mieux, Melosa releva les yeux.

… Ah, chiotte. Le prof était toujours là. Peut-être voulait-il vérifier que le calme était revenu à long terme avant de repartir ou alors ouvrir cette lourde et bruyante porte prenait plus de quelques secondes, Mel en avait cure. Énervée, elle détourna le regard. Elle n’avait pas même envie de la voir, ce monsieur présentable et intimidant qui avait ruiné d’une simple action son moment de gloire. Quel toupet n’empêche. Peut-même qu’il attendait des excuses plus directes ou va savoir, ce ne serait pas impossible à ce stade. Ravalant sa salive et serrant les poings, Mel s’approcha de quelques pas et marmonna juste assez fort pour qu’il puisse entendre, toujours sans le regarder :

-J’ai… j’ai dit que j’étais désolée… et vous… vous auriez pu juste f-fermer la porte, vous savez…

C’était puéril, on aurait dit un enfant de 5 ans qui se défendait d’un peu convaincant « Mais c’est l’autre qui a commencé ! ». Sans parler que l’ironie de ce commentaire l’aurait probablement fait marrer dans un autre contexte. Erg, ce serait chouette de disparaître à ce moment précis…  

-Excuses acceptées, jeune fille. Je vous suis reconnaissant d'avoir dispersé tout ce petit monde.

Ah… retournement assez inattendu, le professeur n’avait pas l’air trop de mauvaise humeur finalement. Encore un peu incertaine, Mel pivota légèrement la tête dans sa direction pour le voir du coin de l’œil. Il était en train de replacer la lourde porte qui avait fait sursauter tout le monde. C’était à se demander comment ça avait réagi à l’intérieur de la bibliothèque. Pas si mal apparemment vu que personne ne venait se plaindre pour le moment. Remarque, elle n’était pas du genre à oser aller critiquer ouvertement un prof non plus.

Il finit par attirer de nouveau son attention en la questionnant sur ce qui venait de se passer. Ah, vraisemblablement, il n’avait aucune idée de ce qu’il avait stoppé. D’un point de vue extérieur, ce soudain rassemblement devait être un sacré mystère. Mel avait des doutes que ce soit quelque chose qui arrivait tous les jours.

-Ah… euh…

La tension s’étant relâchée quelque peu, Mel osa enfin, bien que timidement, lui faire face. Elle hésita pendant quelques secondes, cherchant les mots pour expliquer efficacement la situation et l’assurance de le faire. Ça n’allait pas aider si elle se mettait à bredouiller chaque phrase, sans parler que ce serait foutrement peu crédible. Qui prendrait la peine de venir voir une animatrice qui n’arrivait pas à articuler.

-Vous, hum, vous avez déjà entendu parler de la chaîne youtube d’une personne qui s’appelle Mimi ? Y’a pas mal d’étudiants qui avaient l’air de me connaître, du moins de nom donc peut-être le sujet s’est promené dernièrement… ?

Avec l’annonce de son arrivée dans la région, c’était fort possible maintenant qu’elle y pensait. Quelques fans assidus auraient pu passer le message, ce voyage pourrait indirectement lui avoir servi de publicité chez les jeunes du coin, surtout les passionnés de Pokémons qui traînaient à l’académie.

-Donc voilà, j’ai ma petite émission… et bah ça plaît à des gens. J'ai un blog aussi, j'ai pas mal de followers mine de rien. Oh, et Viviane ici présente est ma co star – Elle pointa cette dernière du doigt - J’étais juste supposée rencontrer une fan pour qu’elle me montre le coin, e-et elle voulait me voir en vrai aussi. Après… d’autres m’ont reconnu… ça a fait du bruit, attiré d’autres gens… voilà… J’peux vous dire que c’était pas prévu, hein ! J’aurais fait ça à l’extérieur sinon !

Attendez, cela signifierait-il qu’elle devrait faire attention de ne pas être reconnue maintenant ? Ah non, ce serait une plaie. L’académie devait être un terrain à risque, c’est tout.

Elle espérait du moins, les fans qui débarquaient de n’importe où faisaient partie des conséquences de la notoriété qu’elle n’avait pas envie de faire face quotidiennement. Mais il s’agissait là de craintes probablement infondées, ce n’était pas comme si elle avait déjà atteint ce niveau de célébrité.

Ce… c’était une impression ou il n’avait vraiment pas l’air d’avoir saisi quoi que ce soit ?

Mel arqua les sourcils, confuse à son tour. Est-ce qu’elle avait raté une étape cruciale dans son explication ? Pourtant, ce n’était pas comme si elle avait fait compliqué, non ? Ou alors peut-être qu’il ne la croyait pas… mais ce serait aussi bizarre, surtout après la scène qui s’était déroulée sous ses yeux (et à laquelle il venait plus ou moins indirectement mis fin).

Toutefois, l’adulte ne posa pas plus de questions et lui rappela de faire attention à ne pas causer d’autres problèmes prochainement. Mel fit la moue devant ce commentaire avant de faire un salut militaire, grimaçant légèrement.

-Aye aye capitaine. Je veillerais à apporter un pull à capuche partout où je vais au cas où.

Les lunettes aux verres fumés en plus seraient probablement trop suspect. Bon du coup… c’était tout ? Ses plans étaient un peu ruinés pour le moment, et Mel n’était pas sûre que continuer dans l’académie était la meilleure des idées.

Pas le temps de se décider, un membre du personnel débarqua sans prévenir et, visiblement, reconnut la jeune starlette qui se trouvait toujours devant la bibliothèque. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, Mel se voyait réclamer de nouveau un autographe par un jeune homme qui semblait avoir un peu de mal à contenir son excitement. Mel… eut besoin d’un petit moment pour réagir.

-… Euh, ah oui ! Oui, pas de problème !

Oups, mauvaise idée. Melosa vit du coin de l’œil que le nouveau venu venait tout juste de ramener l’attention sur elle. D’autres étudiants passaient dans le corridor, et ceux-là n’étaient pas au courant de ce s’était passé il y avait quelques minutes. Autrement dit, ça risquait de recommencer si rien ne se passait. En plus, l’étudiant qui venait de la bibliothèque n’était vraiment pas laid, probablement à peine plus vieux qu’elle en plus… arg, faites que son maquillage masque le fait que ses joues commençaient à chauffer ! Elle… elle devait se concentrer sur le vieux (et visiblement très souvent utilisé) cahier de notes qu’il lui tendait afin de le faire signer. Cela était particulièrement difficile, car l’attirant adolescent s’était mis à parler de façon motivée et assez craquante de son organisation des notes qu’il prenait assidûment lors des cours pour ensuite tâcher de les appliquer dans la vie quotidienne lorsque c’était possible. Un élève modèle, assurément. Le pauvre n’avait probablement pas conscience que la jeune fille devant lui cherchait une échappatoire, et qu’il était une distraction majeure. Elle aurait bien aimé lui parlé aussi, bon sang ! Bien qu’une partie de son cerveau encore en contact avec la réalité lui disait que ce n’était pas du tout le bon moment, pour plus d’une raison en fait. Fasjpgstw.

Viviane arriva une nouvelle fois à la rescousse. Sans la moindre gêne, la demoiselle à quatre pattes foutu un léger coup de boule à celui qui monopolisait l’attention de sa dresse afin d’attirer son attention à lui. Cela fonctionna, l’étudiant se pencha, attendri, pour la caresser. Le voilà enfin presque hors du champ de vision d’une Melosa qui essayait de passer à Mimi.

Heureusement, ces quelques secondes semblèrent suffirent. Mel stabilisa sa main jusque-là un peu tremblante et réussit à lui écrire un joli petit mot d’encouragement signé avec amour. Lorsqu’elle lui tendit le cahier, elle avait une vague idée de ce qu’elle pouvait faire.

-A-ah, voilà ! J’espère que ça te plaira ! Malheureusement, je ne peux pas rester à parler trop longtemps t-tu vois. Je suis supposée aider quelqu’un ici, et c’est assez important donc je ne devrais pas flâner non plus ! Donc je vais devoir y aller. Mais je compte revenir à l’académie à plusieurs reprises, donc je pourrais rencontrer ceux qui le veulent à ce moment, okay ?

Avec de la chance, les nouveaux curieux avaient aussi saisi le message. Elle était restée vague afin de pouvoir combler les vides si l’occasion se présentait. Et une occasion se présenta aussitôt. En fait, elle est là depuis un bon moment, ironiquement.

L’étudiant eut un air un peu surpris, puis impressionné et enfin un peu gêné.

-Ah, désolé ! Je savais pas que vous attendiez quelqu’un pour votre recherche.

Il… parlait à monsieur rabat-joie ? Profitant du fait qu’il ne la regarda pas pendant une seconde, occupé à faire ses excuses auprès du jeune adulte, Mel lança à ce dernier un regard interrogateur. Va savoir, il venait peut-être de lui donner les informations dont elle avait besoin pour rendre son histoire crédible… en espérant que le prof décide de jouer le jeu.

-Je m’excuse du dérangement et… merci beaucoup pour l’autographe !

Et il fila. Mel eut envie de crier de soulagement maintenant que sa cage thoracique avait une pression de moins.

-Merci de ton soutien ! Ça fait toujours plaisir ! s’écria-t-elle à la place, filant à son tour en direction du prof alors que les curieux s’éloignaient une nouvelle fois.

Mission réussie ! Pour le moment en tout cas. Elle put enfin prendre une grande respiration. Déjà trop d'émotions pour aujourd'hui.

-Vous faites une recherche du coup ? On, euh, on va dire que je me porte volontaire pour aider pour m’excuser de tout à l’heure, murmura-t-elle pour que seul le jeune adulte puisse l’entendre, Juste le temps de faire profil bas pour qu’on ne vienne pas déranger puis je file si ça vous va… Et puis, j’en ai peut-être pas l’air mais je suis une pro pour ce qui est de chercher des informations ! Je mets pas n’importe quoi dans mon émission non plus.

Va savoir, peut-être que ça lui permettrait d'apprendre des trucs intéressants.

Mel sentit sa motivation déjà instable s’écrouler lorsqu’elle réalisa que monsieur-le-prof-dont-elle-ne-connaissait-toujours-pas-le-nom n’avait pas spécialement l’air d’apprécier sa soudaine intrusion. Ennuyée, elle dû se retenir d’imiter son soupir et se contenta de pincer les lèvres. OK c’était peut-être un peu brusque et contre ses plans, mais comment pouvait-on réagir d’une façon aussi blasée à une offre d’aide gratuite ? D’une semi-célébrité en plus ! Il y avait probablement des tas de gens qui paieraient pour que ça leur arrive !... mais du coup, ça ne serait plus vraiment de l’aide gratuite, donc… Bref. Tout ça pour dire que Mel ne le prenait pas super bien. Un simple « merci » aurait déjà été pas mal.

Ce n’était pas comme si avoir soudainement une adolescente qui semblait douée pour attirer les ennuis dans les pattes pouvait sembler problématique pour certaines personnes, hein ?

Toutefois, la jeune fille n’eut pas le temps de s’apitoyer sur son (si terrible) sort. Le professeur fit apparaître un nouvel ami. Un nouvel ami Abra tout calme, tout curieux. Ah, il expliqua aussi son sujet de recherche dans les grandes lignes.

Dans les faits, bien que le type psy n’avait jamais fait partie de ses sujets préférés, Melosa pouvait difficilement dire qu’elle n’était pas intéressée sur le coup. Des capacités hors normes chez des individus ? C’était assez vague, mais elle pouvait se faire une idée. Une idée qui attisait vachement la curiosité, mais qui restait embrumée de doutes. Quel genre de capacités « exceptionnelles » pouvait-on vraiment s’attendre ? Elle avait déjà bien vu quelques trucs impressionnants, assumant qu’au moins une partie des ceux-ci n’étaient pas truqués d’une quelconque façon, mais rien qui tenait une chandelle à un Pokémon. S’il existait vraiment des gens ayant des aptitudes comparables aux Pokémons ça se saurait probablement… non ? À moins qu’il soit possible de reproduire leurs dons à force de pratique mais que personne n’avait encore atteint ce stade ? Elle avait des doutes. Faut dire, elle ne s’était jamais posée sur la question. Ça pourrait faire un chouette sujet d'épisode, tiens. Faudrait que je note ça.

En attendant, Mel allait juste se concentrer sur le bout du chou au sol. Tout sourire, elle plia les genoux pour se retrouver un peu plus à sa hauteur.

-Allooo Zyl, moi c’est Melosa. Et voici Viviane, ou Vivi si tu préfères. On va aider ton dresseur dans ses recherches. On peut dire que j’ai causé quelques soucis alors je me reprends, tu vois ?

Doucement, elle tenta de tapoter le dessus de la tête du Abra pour voir sa réaction. Viviane s’approcha à son tour, mais sembla vite perdre intérêt en voyant à quel point il était peu actif. Elle continua tout de même de l’observer du coin de l’œil, au cas où il montrerait l’envie de jouer ou quelque chose comme ça. Mel allait aussi devoir vérifier que la demoiselle ne poserait  pas de problèmes à son tour.

-C’est une bibli, Vivi, chuchota l’adolescente, pas une aire de jeu.

Ah, l’autre indiquer qu’il était temps d’aller faire… quelque chose, commencer/continuer les recherches apparemment. Sans crier gare, le prof balança soudainement un épais volume à sa nouvelle assistante temporaire (qui lâcha un petit « Blaargh ! » sur lorsque son cerveau réalisa le soudain poids mis entre ses mains). Ah ouais okay.

De nouveau ennuyé, elle tenta de mieux le placer, histoire d’épargner un peu ses pauvres bras non-entraînés et de voir de quoi il en retournait.

-Une… oh, une encyclopédie.

Elle fronça les sourcils. Ça servait encore, ce genre de gros bouquins ? Bon sang, dire qu’à une époque il s’agissait de la source la plus efficace d’informations. C’était presque déplorable, combien d’heures juste pour farfouiller tout le truc ? Curieuse, Mel prit un meilleur appuie et ouvrit l’encyclopédie à une page au hasard. Ses yeux brûlèrent. Une page remplie à en déborder de petits caractères bien entassés dans des paragraphes qui ne donnaient pas l’impression d’avoir être faits en ayant le confort de lecture en tête. Dans la page d’à côté se trouvait entre autres un schéma combiné à une longue et complexe légende. Ça faisait mal au cœur. C’était peut-être un paradis pour ceux qui aimaient lire ou juste pour lire, mais pour s’informer… Mel avait vu pas mal plus efficace.

Un poil confuse, elle jeta un coup d’œil aux alentours. Plusieurs ordinateurs modernes étaient libres, ne demandant qu’à être utilisés.

-Eeeeeeuuh… m-m’sieur ? Juste, j’veux pas me plaindre avant même d’avoir vraiment commencer ou quoi que ce soit, mais… juste pour savoir, vous, hum, vous comptez quand même utiliser la base de données de l’académie, hein ? Enfin je sais pas, vous l’avez peut-être déjà fait, mais… je demande juste.

Tant qu’à être ici, elle aimerait bien avoir l’occasion de l’utiliser. Surtout si c’était pour perdre son temps à chercher des infos dans un tel fouillis de pages. En plus, il est lourd votre machin là.

L’Abra fuit, bien que peu loin, avant même que sa main ne puisse l’effleurer. Comprenant le message, Mel s’éloigna à son tour sans cacher sa déception. Le prof expliqua que Zyl avait du mal avec les étrangers, ça lui rappelait quelqu’un tiens, et qu’insister n’était probablement pas dangereux, mais tout de même une mauvaise idée. Elle comprenait la réticence de certains Pokémons, l’inverse aurait été un échec en tant que dresseuse vu le temps passé avec sa Vivaldiam à son avis. Néanmoins, c’était toujours une triste situation.

-Ah, désolée Zyl pour l’invasion dans ce cas.

Vivi continua de l’observer à une distance responsable, un peu offensée par le non-respect qu’elle percevait envers sa maîtresse. Rien de grave de ce côté-là. Mel retourna son attention sur ce que le prof avait à dire par rapport à sa question. Et autant dire que ce n’était pas la réponse qu’elle attendait.

-Hum ? Oui, j'ai jeté un coup d’œil aux registres tout à l'heure, mais autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Trouver les livres qui m'intéressent vraiment m'aurait demandé de consulter des chapitres entiers d'entrées, et j'ai préféré laisser tomber ces livres de classement pour directement fouiller les étagères consacrées aux pokémons Psy.

Hein ? L’adolescente cligna des yeux, confuse. De quoi il parlait ? Les registres ? Ce n’était pas comme ça qu’une base de données fonctio… ah, attendez. Elle le dévisagea, le niveau de perplexité plus haut que jamais. C’était… le même type qui avait eu l’air un perdu perdu quand elle lui avait expliqué ce qu’elle faisait sur Internet, hein. La jeune fille commençait à avoir quelques soupçons à son sujet. Le temps qu’elle fasse sens de tout ça, il avait eu le temps de s’asseoir et de lui donner des informations sur l’encyclopédie qu’elle tenait. Sans s’assoir, elle posa l’ouvrage sur le même bureau et se mit à le feuilleter distraitement à la recherche des marque-pages.

-Je… je vois, mais, hum, ce n’est pas vraiment ce que je voulais dire par « base de données ». Je parlais des bases de données informatiques – elle désigna du pouce un ordinateur libre peu loin – Les outils de recherches, les regroupements d’encyclopédies, de journaux spécialisés, revues scientifiques, tout ça. Y’a bien plus de… Ooouh, un Spoink !

Merde, distraite par une image adorable.

-Désolée. Bref, y’a bien plus d’articles ou de quoi que ce soit qui peut vous intéresser que sur ces étagères, en plus la recherche est bien plus rapide donc je vois pas pourquoi commencer avec les bouquins. Celles de l’académie sont très bien d’après ce que j’ai entendu d’ailleurs, et j’assume qu’elles doivent être gratuites si on se connecte ici. Sinon, si c’est un problème, j’ai moi-même des abonnements personnels. Pour l’émission, tout ça.

Ah, elle venait de trouver un passage sur les Alakazams dont il avait de parler.

-Bon du coup, si c’est vraiment ces bouquins en particulier qui vous intéressent, je veux bien, mais je vois pas pourquoi ne pas utiliser l’ordinateur. Je me demande s’ils passent des portables ici, tiens.

Il la remercia de la façon la plus normale au monde, en plus d’être implicitement impressionné et/ou appréciatif de sa vitesse. Mel eut un froncement des sourcils presque imperceptible, un peu confuse devant cette politesse tout à fait basique. Elle se contenta donc d’un simple « Hum. » en guise de réponse.

Elle n’eut pas l’occasion de trop s’attarder si ce fait somme toute assez insignifiant, parce que le prof, maintenant avec le portable, se mit presque aussitôt à agir bizarrement. Il avait l’air de chercher quelque chose, chercher intensément en fait. La jeune fille lui jeta un regard interrogateur, se demandant si quelque chose n’allait pas, mais il finit par se lever pour aller voir elle-ne-savait-trop-quoi et revient… avec une souris.

… Eeeeeeh ?

Donc il… cherchait la souris, c’était ça ? On dirait bien, parce que ça avait l’air de le satisfaire. Mel le dévisagea quelques secondes, alors qu’il fixait l’écran comme si la lecture était complexe d’une quelconque façon. C’était l’impression qu’il donnait en tout cas, peut-être qu’il s’agissait juste de sa tête de concentration.

-Je vais assumer que vous êtes juste du genre à ne pas aimer les pavés tactiles…

C’était faux, elle était arrivée à une toute autre conclusion. Quelqu’un qui avait une simple préférence pour les souris, ce qui serait parfaitement compréhensible puisqu’elles étaient plus courantes avec les ordinateurs fixes, n’aurait pas pris autant de temps à la chercher. Il se serait juste douté en quelques secondes qu’elle avait utilisé le pavé à la place. Il était donc probable qu’il ait juste… ignoré l’existence de celui-ci.

Entre ça, le fait qu’il ait mal compris ce qu’elle voulait dire par « base de données » et le fait qu’il n’avait, selon ses dires, rien trouvé à ligne qui lui indiquait que fouiller les étagères serait moins productif, elle commençait à avoir de sérieux doutes sur son aisance avec les outils de recherche en ligne. C’était… étrange.

Elle n’avait quand même pas affaire à ce genre de personnes bizarres qui trouvaient les téléphones portables « trop compliqués », si ? Mel se mit à nerveusement taper du pied à l’idée de devoir expliquer comment un ordinateur fonctionnait à un adulte qui n’arrivait pas à comprendre ce que la plupart des enfants saisissaient instinctivement.

Heureusement, le prof ne semblait pas avoir besoin de son aide, ce qui soulagea l’adolescente. Bon alors… il risquait de mettre un moment à lire, autant qu’elle fasse de même. Sensiblement moins motivée qu’avec son antre de connaissances préféré, elle se mit donc à lire l’encyclopédie qui attendait son heure du coin de la table depuis un moment. Elle le regretta rapidement.

Le texte était juste lourd à en donner une migraine, utilisant des termes compliqués comme si peu importe qui avait écrit ce machin était payé au caractère. De plus, il y avait tellement d’éléments spécifiques couverts qu’il était difficile de trouver quelque chose de pertinent lorsqu’on voulait s’informer sur un seul sujet limité. Pour quelqu’un qui voulait juste s’informer en général, ou alors qui avait la patience d’un saint couplé à des réserves de temps libres impressionnantes, ça devrait être bien, mais dans cette situation… Mel maugréa un butant sur un autre mot et décida de lire des paragraphes en diagonale jusqu’à ce qu’elle trouve quelque chose d’intéressant. Viviane apparut à peu près à ce moment et posa sa tête sur les jambes de sa dresseuse qui se mit à lui caresser distraitement la tête. Mais je m’en fous des tailles moyennes des boîtes crâniennes selon les espèces.

Au moins certaines parties étaient nettement plus digestes. Ah, un truc attira enfin son attention.

-Hey, j’ai quelque chose ici à propos des problèmes de logique… y’a l’air d’y avoir juste deux ou trois lignes sur les Abras mais… eh ?

Melosa réalisa que le prof parlait tout seul, ou alors il avait beaucoup de mal à communiquer son attention au dialogue. De toute façon, il ne lui donna pas le temps de trop s’interroger sur ce qui lui passait par la tête, puisque quelques secondes plus tard il se mettait à manipuler un paquet de cartes, l’air totalement coupé du monde. OK, Mel devait l’admettre, les gestes étaient assez impressionnants mais… What.

Elle regarda dans les alentours sans trop savoir ce qu’elle espérait trouver. Juste, la situation avait pris une tournure inattendue, et la jeune fille ignorait comment réagir. Attendre ? Bon bah… attendre…

Notons que la définition d’attendre avait été modifiée pour inclure « utiliser son téléphone » il y a longtemps de cela. Tant qu’à avoir quelques minutes, autant les utiliser pour voir s’il y avait du nouveau sur les réseaux sociaux… ah, et elle pouvait aussi écrire à Samantha pour lui demander ce qu’elle voulait faire après tout ça et obtenir des infos sur les meilleurs endroits où organiser une rencontre générale.

Mel fit ça rapidement et releva les yeux vers l’homme diagonalement en face. Il était toujours à son affaire, surprenant qu’il n’ait pas encore fait tomber de cartes. Ça commençait à devenir inquiétant dans les faits, l’ado serait prête à parier qu’elle pourrait s’échapper sans qu’il ne le remarque. Est-ce que c’était normal ? Son Abra n’était pas en train de jouer dans son cerveau ou quoi que ce soit, si ?

Après hésitation, Melosa finit par se lever et aller voir directement le cas étrange. Toujours aucune réaction. Mel ferma les yeux, prit une grande respiration, puis utilisa une main pour stopper brusquement les gestes du prof, espérant que les cartes n’allaient se mettre à s’effondrer vers le sol.

-S’cusez euh… vous avez l’air au sur le point de tomber dans les vapes là. Tout va bien ?

Elle commençait à croire que ce type venait d'une autre planète.

Ouaip. La gravité reprit ses droits sur quelques cartes qui fuirent à la verticale. Melosa les fixa quelques instants, comme pour confirmer qu’il s’agissait bien là d’un petit dégât. Ah, merde.

Bon, apparemment, il était normal que monsieur parte sans un mot d’avertissement dans les recoins les plus sombres de son esprit durant une durée indéterminée. Mel fronça les sourcils. Non, à sa connaissance, les gens ne tombaient pas nécessairement dans les pommes s’il réfléchissait un peu trop fort (en même temps qui connaissait-elle ?), mais elle ne voyait pas non plus en quoi ce comportement consistait juste à « réfléchir ».

Le mec ne l’avait même pas vu s’approcher quoi. Ce n’était pas comme si elle s’était fait discrète. Il était fort possible qu’elle aurait pu porter un couteau à sa gorge si elle l’avait voulu. Monsieur insista quand même qu’il était juste en train de s’occuper les mains pour mieux réfléchir (à ce qu’elle avait trouvé, AH !) et que sa réaction n’avait pas lieu d’être.

Et pour appuyer ses dires, peut-être au cas où la jeune fille se mette à douter ses dires à propos d’être magicien à temps perdu, il fit un de ses tours. Mel écarquilla les yeux en cherchant par réflexe à comprendre le mécanisme, sans trop de résultats, mais ça ne suffit pas à lui faire oublier qu’elle était quand même un peu ennuyée par la réaction du prof. Bien sûr, ce n’était pas comme s’il avait pété un câble, c’était donc déjà pas mal, mais il ne devrait pas être si difficile de comprendre son point de vue.

Elle soupira à son tour et croisa ses mains dans son dos, cherchant à s’expliquer à quelqu’un qui n’avait pas compris sur le coup.

-OK OK, désolée pour avoir sauté à la mauvaise conclusion… ah, pour les cartes aussi mais… ça commençait à faire un bon moment que vous étiez parti, là. Je pense pas qu’on soit supposé voir quelqu’un se taire soudainement et ne pas broncher pendant plusieurs minutes, même quand on s’approche de lui, sans se demander au moins une fois si tout est correct. C’est... le genre de situation qu’on imagine se produire quand quelque chose ne va pas, justement !

Elle allait dire que c’est le genre de comportement qu’elle imaginerait voir dans un asile mais… valait peut-être mieux pas. Ses doigts s’agitèrent dans son dos.

-Du coup, je sais pas, prévenez quand vous planifiez réfléchir pour un moment devant quelqu’un qui est pas habitué ? Ça fait un peu peur quand ça commence à s’éterniser…

Elle ne releva pas son commentaire par rapport à leur rencontre. Honnêtement, elle avait l’impression qu’ils essayaient toujours garder un semblant de balance sur un seul pied.

-Écoutez. Contente que j’ai pu aider, mais si vous préférez que je vous laisse à vos réflexions, c’pas un problème pour moi. Vous avez clairement pas l’air de trop apprécier ma présence de toute façon…

La dernière phrase avait été dite en maugréant. Peut-être qu’elle avait exagéré son animosité dans sa tête, mais restait qu’il ne faisait pas trop d’effort pour modifier cette impression. Ses mains se libérèrent enfin pour qu’elle désigne le portable qui s’était mis en veille depuis le temps.

Ah, quand elle disait que ça avait duré longtemps.

-Vous avez accès à la base de données et toussa, vous pouvez toujours trouver d’autres trucs si vous tapez d’autres termes pour la recherche.

Et… ses bras revinrent à leur position de tout à l’heure. Mel attendait la réponse avec une certaine impatience, surtout parce qu’elle craignait de se faire encore malmener verbalement et autant que ça se passe rapidement.