Mon sac au dessus de la tête, je cours à toutes jambes. Non pas que ce soit un problème en soi. J’aime courir et je suis plutôt endurante. Bon, il est vrai que je possède des tenues pus confortables pour cela et qu’il existe de meilleurs circonstances pour le faire, mais le vrai soucis est ailleurs. Loin au dessus de ma tête à vrai dire. Ces foutus nuages gris! La pluie torentielle qui s’abat m’a déjà trempée jusqu’aux os et a rendu le sol pavé de Port-Corail très glissant, manquant de me faire casser la gueule deux ou trois fois. Qui a déjà vu une averse pareille en plein été? Bref. Même si le bateau n’a pas choisi le meilleur moment pour accoster (et l’équipage, pour me virer de l’embarcation), je suis au moins arrivée à bon port. La région de Lumiris, là où ma nouvelle vie commence.
J’aperçois, au bout d’une rue perpendiculaire à la mienne, un bâtiment qui semble ouvert au public, sans réfléchir, je bifurque (non sans glisser, m’obligeant à poser ma main au sol pour me rattraper (C’est quoi ce truc que j’ai touché? Berk…)) et entre d’un seul coup dans le… le quoi? Dégoulinante de pluie, je reste dans l’entrée pour éviter de mettre de l’eau partout et regarde autour de moi. Ça ressemble a un restaurant un peu chic, bien plus cher que tous ceux que j’ai pu visiter jusqu’ici dans ma vie, et toujours trop onéreux pour ma condition actuelle. Que faire? Je ne peux pas rester là sans consommer, mais je n’ai pas envie de retourner affronter la pluie. Un homme s’approche de moi.
-Hey la demoiselle! Tu vois pas que tu mets de l’eau partout? Sèche toi vite, ou décampe! -J’ai pas de serviette… -C’est pas mon problème, du balais!
C’est quoi cet accueil? Sympa le gars. Calme toi, Laurine. Tu viens d’arriver, calme toi, commence pas à t’attirer d’ennuis. Serrant les dents pour ne pas répliquer, je prend une inspiration et retourne dans le déluge au pas de course. Sérieusement, que font les Pokémon légendaires pour avoir un temps aussi merdique? Un peu plus loin, je rentre dans un autre bâtiment. Une bibliothèque. Idem, je m’arrête à l’entrée. La réceptionniste me dévisage. Je dois avoir l’air d’une serpillière avec mes vêtements trempés et mes cheveux lâchés dégoulinants. Je n’avais pas fait attention, mais même mes chaussures font un bruit de suintement quand je marche.
-Bonjour mademoiselle, je peux vous aider? -Je veux juste un endroit au sec, s’il vous plaît. -Et bien, c’est à dire que c’est une bibliothèque ici, vous risquez d’abîmer les livres en étant dans cet état. -Je ne toucherai à rien, je resterai dans l’entrée. -Ce n’est pas très…
Je la coupe, énervée.
-D’accord, ça va! J’ai compris! Je me tire!
C’est reparti pour un tour. J’ouvre la porte et repars dans ma quête d’un lieu accueillant. J’imagine que sous un pont fera l’affaire.
Le blondinet se trouvait à l'abri d'une terrasse de café où il avait prit une boisson chaude. A présent pensif, il scrutait le flot de la pluie et appréciait autant le bruit des gouttes dans les flaques que l'odeur caractéristique. Son aventure avait débuté il n'y a pas si longtemps et pourtant beaucoup de choses s'étaient déjà déroulées depuis, entre la mission auprès de cette imbécile de Rose, les nombreux rivaux qu'il souhaitait vaincre ou cette journaliste qui lui avait apprit des choses qu'il n'aurait jamais soupçonné. Niko finit par soupirer légèrement tandis qu'il ouvrait son parapluie afin de s'avancer hors de là, adressant naturellement un petit regard mauvais à ceux coincés là qui se plaignaient de la pluie. Tant pis, lui avait absolument tout prévu pour son périple, même une averse. Il n'avait rien laissé de côté pour ne pas être ennuyé plus que cela.
Sac sur le dos, Pokéball à la ceinture et parapluie au-dessus de la tête le blondinet observait autour de lui. Certains couraient pour s'abriter, certains stands fermaient d'urgence et quelques Pokémon gambadaient joyeusement sous la pluie. Il les scruta d'un air agacé avant de poursuivre sa route, ses mirettes se perdant peu à peu dans l'horizon. Il ne regardait dés à présent plus où il allait, main dans la poche et l'esprit ailleurs. Quand il percuta assez violemment quelqu'un, il fut comme extirpé d'un coup de son petit monde.
« Mais putain ! »
Grogna t-il en reculant d'un pas ; il avait lâché son parapluie sous le choc et voilà que sa chevelure blonde et ses vêtements étaient trempés. Sa première réaction fut de regarder la personne d'un air féroce et rapidement, il jetait une main dans sa direction pour lui empoigner le col.
« Espèce de conne ! » Il comptait bien lui faire payer cet accident qui, pourtant, était bien aussi de sa faute. Aveuglé par sa colère, Niko fermait même déjà son autre poing pour mettre un coup à la rousse. Il fallait dire qu'il était carrément frustré depuis sa rencontre avec Lorelei et pas de quoi se défouler comme à Kishika, difficile pour lui de retenir indéfiniment ce trop-plein.
J’ai arrêté de courir. Faut dire que ça ne sert plus à rien, si j’avais dû me noyer ça serait déjà arrivé. Mon sac doit être une citerne. J’espère que le Pokédex donné par le prof est étanche, parce que ce n’est pas le cas de mon portable. Je n’ai pas essayé de l’allumer mais je pense que je vais devoir le faire sécher avant de l’utiliser. J’aurais bien fait sortir Stahl de sa Pokéball pour me tenir compagnie mais je doute qu’il ne se plaise ainsi sous la pluie, pour rien. Tss… Au détour d’une rue, j’aperçois enfin mon salut. Un centre Pokémon? Il ne vont pas refuser d’aider une dresseuse en herbe, quand même? Bien que je ne risque plus rien à rester sous la pluie, je presse le pas jusqu’à courir à nouveau, visant le chaud et le sec.
C’était sans compter le petit (enfin, le grand, plutôt) blond avec son parapluie qui me coupe la route. Je tente de ralentir ma course, mais l’eau me fait glisser dans mon geste précipité, la collision est inévitable. Je parviens par miracle à garder mon équilibre. Je l’entends râler.
-Je suis désolée, j’ai glissé et…
Il me saisit au col en m’insultant, son poing prêt à frapper. Oups, il est de ce genre là. Et il fait bien dix ou vingt centimètres de plus que moi. Légèrement surprise, ma réaction et d’abord défensive. Je lève mes bras au niveau du visage pour me protéger de son poing, puis riposte. La main qu’il utilise pour me tenir le col est la moins dangereuse, c’est donc ma main qui se situe du même côté que j’envoie en direction de son visage. S’il est touché, il devrait avoir pour réflexe de me lâcher. S’il ne l’est pas, c’est qu’il s’est protégé en me lâchant puisque mon autre bras reste en position de défense pour bloquer toute action qu’il tenterait de faire avec sa main libre. Et nous sommes trop proches pour que je puisse louper par moi même. Je recule, en position de combat.
-T’es sûr que tu veux te battre avec moi, connard?
L’adrénaline me fait parler fort (non pas que j’ai pour habitude de parler doucement de toute façon) et sur un ton assuré. Le poing que j'ai voulu lui mettre n'était pas très fort, et je continue de rester sur la défensive. C'est un avertissement. Si toutefois il m'attaque encore, je ne lui ferai pas de cadeau à ce petit con. Je ne prête même plus attention à la pluie qui continue de nous tomber dessus sans relâche. Décidément, il faut croire que cette région n’est pas faite pour moi. Un temps de merde, des mentalités de merde… Je suis bien tombée, moi, tiens.
Le poing du blond percuta bien quelque chose mais ce ne fut pas ce qu'il comptait frapper ; il venait de taper dans le bras mit en position défensive, de la demoiselle. Ses prunelles pourpres captèrent alors qu'elle désirait répliquer d'un coup de poing, il la relâcha brusquement pour se reculer à temps, renvoyant sa tête en arrière avant de faire deux pas dans ce même sens. Dents serrées, l'air toujours si mauvais, Niko se tenait prêt. Il avait eut très chaud, le poing de celle qui qualifiait dans sa tête d'adversaire, avait manqué de le toucher. Les deux jeunes étaient face à face sous la pluie, chacun en position de combat. Le blondinet comprit bien vite qu'il avait face à lui un être qui savait se battre, tout comme lui. Il avait toujours eut besoin de faire beaucoup de sport pour évacuer sa colère et... bon, en fait, ça n'avait pas vraiment fonctionné, il fallait l'avouer.
« J'vais te péter les dents, tu feras moins la maline. »
Répliqua le blondinet tandis que, doucement, un sourire carnassier se muait sur ses lippes. Il l'observait attentivement, désireux d'en découdre. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas pu se défouler et voilà qu'il tombait sur une nana qui savait se battre, sérieux, ce n'était pas un sacré coup de bol ? Il comptait bien lui mettre une bonne raclée ! Quel bourrin, n'est-ce pas ? Niko ne perdait vraiment pas une seconde lorsqu'il s'agissait d'agir comme un vrai sauvage.
« Alors, on danse ? »
Sur ces mots, il chargea. A vrai dire, Niko ne comptait pas véritablement faire mal, il était certes violent mais il n'allait pas lui péter les dents à proprement parler. Ses coups manqueraient volontairement de puissance car il avait simplement besoin, comme il l'avait dit, de danser. Ainsi, il feinta un coup du droit avant de venir plutôt avec son poing gauche. Seulement il ferait en sorte de ne pas lui faire vraiment mal et surtout, il restait sur ses gardes ; elle semblait plus expérimentée.
Le mec réussit à esquiver mon premier coup en reculant. Cela m’importe peu. Le but n’était pas de faire mal mais d’avertir. Malgré cela, son regard reste le même. Il se met en position, lui aussi, signifiant qu’il ne compte pas s’arrêter là. La prochaine fois je tape pour faire mal, qu’il soit prévenu. Je suis pas d’humeur à jouer à la bagarre avec un gamin en manque d’affection. Profitant de cet instant de répit, je laisse tomber mon sac au sol pour être plus à l’aise. Et voilà qu’il me menace. Je n’ai pas peur. J’espère simplement qu’il n’est pas du genre à sortir un couteau de sous son manteau. Ca changerait la donne, là.
-Essaie.
Ouais. Juste, essaie. Approche, frappe moi. Je lui lance un regard noir, plongeant mes yeux dans les siens. Ses lèvres s’étirent, laissant paraître ce que j’interprète comme du sadisme. Il compare même une baston à une danse, un malade ce mec. D’accord. Approche Cendrillon, je vais t’apprendre à passer la serpillière. Son poing droit part. Instinctivement je me protège. Je réalise trop tard que c’est une feinte. Sa gauche me touche au visage, me forçat à avoir un mouvement de recul. Putain… M’être faite avoir ainsi comme une débutant me met encore plus en rogne. Je contre-attaque. Un bras toujours levé en défense, j’envoie l’autre en bas vers son ventre. Mais c’est mon tour de feinter. Certes, mon poing est destiné à toucher, mais la vraie attaque vient de ma “défense” qui vise directement son visage. Je ne lui laisse aucun répit et lui envoie un crochet au niveau des côtes.
Sur un ring, je lui aurais décroché un coup de pied. Mais s’il me l’attrape, il prendra un avantage considérable sur moi. Les règles dans un match de boxe et dans la rue ne sont pas les mêmes, j’ai du l’apprendre à mes dépends. Reculant de deux pas, j’attends que mon adversaire passe à nouveau à l’attaque. Je serai surprise qu’il capitule maintenant.
Niko eut un rire mauvais lorsqu'il sentit son poing gauche s'écraser sur la joue de la demoiselle face à lui, bon sang depuis quand n'avait-il pas eut ce loisir ? Galvanisé par la réussite de son coup, le blond s'apprêtait à frapper à nouveau. L'autre avait toujours son bras levé en défense et ce fut donc avec l'autre qu'elle visa son estomac. Niko s'apprêta donc à se protéger, voir à reculer d'un pas ou deux pour ne pas être touché. Seulement ce-fut trop tard, elle aussi venait d'avoir recours à une feinte ! Niko sentit le poing de la demoiselle venir s'enfoncer dans ses côtes tandis que l'autre s'était enfoncé dans son estomac. Il serra les dents, ses prunelles pourpres s'emplissant de colère ; elle frappait fort cette conne ! Le souffle coupé quelques instants, le blondinet dû prendre quelques secondes pour prendre un meilleur rythme, se donnant une petite tape sur la joue pour reprendre ses esprits.
Très bien, Niko comptait finalement bien y aller un peu plus à fond.
Il chargea brusquement dans sa direction, tête baissée, il passa ses bras autour de la taille de la jeune fille et la plaqua ni plus ni moins contre le sol trempé. Il tentait d'ignorer les éventuels coups qu'elle lui mettrait, dents serrés et muscles bandés. A califourchon au-dessus d'elle, le blond empoigna les poignets de la jeune fille pour tenter de l'immobiliser. Il veilla à ne pas garder sa tête trop proche de la sienne : un coup de tête serait vite arrivé.
« Attrapé. »
Un drôle de sourire se peignit sur ses lèvres. Il s'apprêtait à relâcher sa prise sur les poignets de la jeune fille quand une voix fut audible non loin d'eux.
Je porte mes coups au visage et au buste de mon adversaire, puis me recule. Je semblai l’avoir bien mis à mal, ce qui lui demande le temps de reprendre ses esprits et son souffle. J’en profite vérifier l’intérieur de ma bouche, là où il m’a mit le coup, avec ma langue. Sans surprise, je constate le goût du sang. Mais heureusement, je n’ai pas de dent cassée. Je ne crois pas lui en avoir cassée non plus. Je profite de l'accalmie pour relancer un avertissement.
-Si t’en a eu assez, tu peux toujours faire demi-tour.
Soudainement, il me chargea, tête baissée. La surprise m’empêche de lui balancer un bon coup de pied dans les dents pendant sa course. Il me fait basculer, ses bras autour de ma taille. Mon dos heurte le sol, ce qui me coupe le souffle. Il en profite pour se placer au dessus de moi et pour m’immobiliser les mains. Un nouveau sourire malsain se dessine sur son visage. Je ne suis pas encore totalement démunie. La donne aurait été changée si il avait été accompagné mais il semble seul. Il me nargue, mais je ne réponds pas. Je ne me débat même pas. Il crois me tenir, mais la vérité c’est qu’on est bloqués tous les deux. S’il me lâche, je serai libre de le frapper. Il croit s’être mis en position de force, mais son excès de confiance pourrait lui revenir en pleine gueule.
La voix de quelqu’un que je ne vois pas perce à travers le bruit de la pluie. Je ne sais pas si c’est un passant ou un policier, mais il vaut mieux ne pas rester là dans tous les cas. La pression sur mes poignets se relâche légèrement et je saute sur l’occasion. Je replie mes jambes. Genoux levés, pieds contre mes fesses. D’une pulsion des jambes, je soulève mon bassin en diagonale pour envoyer mon assaillant sur le côté. D’une torsion des poignets, je saisis les siens pour l’empêcher de se rattraper dans sa chute. Rapidement, je me redresse et jette un œil au gars, en bas de la rue. Aussi trempé que nous, il arbore un K-way gris et, planqué sous un porche, passe un coup de fil. Je ne vais pas attendre de savoir à qui il téléphone.
Je jette un dernier regard à l’autre connard pour m’assurer qu’il ne m’attaque pas encore une fois. Je lui en mettrai bien encore quelques unes dans les dents, mais ça ne serait pas raisonnable. Je ramasse rapidement mon sac et m’enfuit à toutes jambes, m’enfonçant dans le dédale de rues formant Port-Corail. Je sens encore l’adrénaline en moi, je suis furieuse.
Je finis par m’arrêter de courir sans trop savoir où je suis. Une petite rue banale, sans distinction particulière. Je regarde autour de moi à la recherche d’un truc dans lequel frapper sans risquer de me casser la main mais rien ne me saute aux yeux. Je m’appuie alors contre un mur et respire profondément. Je me laisse glisser au sol. Un éclair blanc vient accompagner l’apparition de mon Galekid. D’abord surpris par la pluie, il se contente de regarder autour de lui. Ses yeux finisent pas s’arrêter sur mon visage où il remarque un légère trace de sang. Je ne crois pas qu’il soit possible de faire la différence entre les larmes de colère et les gouttes de pluies qui roulent sur mon visage. Le type acier, impuissant face à ce que je ressent, se contente de s’approcher et de se blottir contre moi. Quelle superbe région!
Niko avait relâché son attention et voilà que la demoiselle se défit aisément de son emprise, le faisant basculer sur le côté. Le blond voulut se rattraper mais n'en fut pas capable : elle tenait ses poignets pour l'en empêcher ! Il grogna et tenta d'amortir le choc au mieux avec son corps accueillit par le bitume trempé. Délivré de l'emprise de la jeune femme, Niko se redressa le plus rapidement possible en jetant un regard vers le type qui semblait téléphoner.... à qui, aux flics ?
« Merde. »
Le blond regarda quelques secondes son adversaire filer en courant puis à son tour, il empoigna son sac à dos mouillé, son parapluie puis détala. Grommelant entre ses dents, le jeune homme se maudissait d'avoir eut la merveilleuse idée de la foutre au sol : voilà qu'il dégoulinait. Courant vers les ruelles pour plus de sécurité, il s'éloigna le plus vite possible du lieu d'affrontement. Il crevait d'envie de taper encore dans quelque chose mais tant pis, il allait simplement faire profil bas et trouver le Centre Pokémon afin de pouvoir se sécher et s'y changer. Il ne tarda pas à en trouver un aux extrémités de Port-Corail, saluant à peine l'infirmière pour simplement demander une chambre où il pourrait se changer. Ceci fait Niko s'éclipsa tout simplement pour se remettre en jambe et reprendre la route après cette... étonnante altercation.