Quasi immobile, la rousse se laissait porter par les courants des profondeurs. Le corps tourné vers la surface, elle admirait les lumières pâles qui flottaient, loin au-dessus d’elle. On ne lui avait pas menti, la Plage Mystique était incroyable au crépuscule. Elle était là depuis quelques minutes déjà et l’atmosphère avait déjà bien changée. Elle avait vu l’espace s’assombrir rapidement, et avec les ténèbres le froid était arrivé. Fort heureusement, elle était tout à fait au courant de ce phénomène. Pour dire vrai, elle aimait la plongée et avait choisi de son propre chef cet instant précis. Alors, à l’évidence, elle s’était correctement préparée – ayant loué l’équipement adapté avant de partir à l’aventure.

Le plus dur n’avait pas tellement été d’obtenir le permis de plongée de Lumiris mais plutôt de trouver le moment et le lieu idéal pour cet exercice. Alola avait des spots de plongée remarquables, qu’elle connaissait assez bien finalement. De jour, de nuit, en surface comme à 30 mètres, parfois même en apnée… Ici, tout était différent. Et, différence majeure, elle était seule. Ni Pikachu ni Munna ne pouvaient l’accompagner, ce qui faisait d’elle une femme vulnérable, en quelque sorte. Il y avait bien ce Pokémon qu'on lui avait prêté pour l'occasion – juste au cas où ? –, mais pour être tout à fait honnête, elle se passerait bien de l'utiliser.

Elle aimait la mer. Ce n’était pas par hasard si elle s’était échouée à Port-Corail, croyait-elle. Aussi était-elle heureuse de s’être trouvé un moment d’intimité pour aller plonger. Lentement, elle passa la main dans l’immensité aqueuse devant elle. Elle aimait cette sensation de fluidité ; elle se sentait légère et oppressée. Elle aimait le danger que cela représentait ; à deux doigts de ne plus pouvoir respirer.

Elle ferma les yeux et apprécia le silence sous-marin. Seule perturbatrice, sa propre respiration, régulière, artificielle.

June était quelqu’un de lent. Elle prenait son temps dans chaque chose de sa vie. Mais ces derniers mois, tout s’était accéléré et elle n’avait pas vu le temps passer. Cela l’angoissait, parfois, mais globalement elle aimait ce changement. Elle était souvent perdue, naïve, honteuse, mais elle avait le sentiment d’être vivante. Elle avait toujours très peur de ce que pensaient les gens qui la rencontraient, mais elle assumait de plus en plus ses défauts.

Ouvrant de nouveau les yeux, elle se remit en position de descente d’un coup de palmes. Elle prit soin de tirer un peu sur le câble qui la reliait à sa bouée de surface, vérifia son oxygène, sa pression, et puis comme tout semblait parfait, elle s’enfonça un peu plus dans les profondeurs.

Le sol n’était pas loin. Elle alluma sa lampe. Instinctivement, les animaux nocturnes s’enfuirent devant le puissant faisceau. Il faisait de plus en plus noir. Bientôt les lumières de la surface disparaîtraient. C’était un moment un peu effrayant, la première fois. Mais June avait vécu la nuit pendant de nombreuses années. Elle avait développé une relation toute particulière avec l’obscurité.

Avec émerveillement, June regardait le petit Pokémon évoluer autour d’elle. Il avait l’air inoffensif, pourtant elle n’osa pas avancer la main, de peur qu’il ait une réaction imprévisible. Pour profiter de la douce lumière qui en émanait, elle avait éteint sa lampe. C’était de toute beauté ; elle en avait le souffle coupé. Peut-être appréciait-il sa compagnie également, car il sembla vouloir l’embarquer dans un jeu de poursuite.

Cependant June aimait sa position d’observatrice. Sans contact avec les Pokémon. Elle les regardait de loin, rêvait un peu de nouveau… Et en remontant à la surface, elle laisserait ses rêves au fond de l’eau, profondément. Alors, ce jeu que lui proposait le Loupio, elle n’était pas certaine de vouloir y jouer.
Du moins, jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que sa mobilité avait été fortement entravée par le vol d’une de ses palmes. Soudainement surprise et un peu paniquée, elle constata avec frayeur que son bien disparaissait en direction du Loupio, aquaporté par un Babimanta.

Sans plus d’hésitation, la rousse poussa sur ses jambes pour se propulser en direction du duo espiègle. Pour être certaine de ne pas les perdre de vue, elle ne ralluma pas sa lampe, se laissant guider par la faible lumière que renvoyait le Loupio. Mais, déséquilibrée par la perte d’une de ses palmes, elle avait du mal à les suivre correctement. Certainement qu’ils s’en rendirent compte, car ils commencèrent à changer de stratégie. Après tout, cela devait rester un jeu. Ils se séparèrent, tournoyant autour d’elle. D’un coup de nageoire, ils passaient, tour à tour, à proximité de sa tête, se faufilaient entre ses jambes et reprenaient leur distance dans un tourbillon.

June n’osait pas trop les attraper. L’idée de les toucher et de les blesser la hantait. Elle tenta, vainement, l’une ou l’autre fois, de les piéger entre ses mains. Pour leur plus grand bonheur, visiblement. Elle aurait pu invoquer le Pokémon qu’elle avait en sa possession ; l’idée ne lui effleura même pas l’esprit.

Finalement, ce fut le Babimanta qui céda le premier. Certainement que son jeune âge joua en sa défaveur ; il s’était fatiguer à force de porter la palme de l’humaine. Cette dernière glissa de son dos au moment où il s’éloignait d’un coup de nageoire. La jeune femme se précipita à la réception et fut parcourue d’un soulagement en récupérant le bien qu’on lui avait prêté.

Elle jeta un regard au Loupio qui s’était arrêté de tournoyer, rejoint par le Babimanta. Alors ? Ce n’était plus pareil maintenant, n’est-ce pas ? Et tandis qu’elle remettait rapidement sa nageoire de caoutchouc, elle se fit la réflexion que ces « petits » gars méritaient bien qu’elle leur montre ce dont elle était capable, en pleine possession de ses moyens. Ils s’étaient bien assez moquer d’elle, à lui tourner autour sans qu’elle ne puisse rien faire. L’heure de la « vengeance » avait sonnée.

S’ensuivit une course folle mais fort distrayante. Ils avaient l’avantage de connaître les lieux, aussi passaient-ils parfois entre les rochers et les coraux. Mais June faisait preuve d’une détermination et d’une endurance incroyable. Peu à peu, elle les rattrapait. Et, tendant le bras, elle effleura le Loupio une première fois. Coup de palmes. Une seconde fois. Coup de palmes. Elle le toucha.

Finalement, avec délicatesse, elle avait attrapé le Pokémon. S’avouant vaincu, il libéra ce qu’il tenait entre ses nageoires. June le récupéra soigneusement avant de regarder le Loupio et le Babimanta s’éloigner, non sans une dernière pirouette aquatique. La rousse sourit tendrement ; tout ceci l’avait épuisée. Il lui fallait remonter, à présent.