Ses yeux étaient écarquillés, la peur distillant son poison dans son corps. Parce que devant lui, c'était le sang d'un autre qui s'évadait de ses tubes internes. Sa mère releva son regard, angoissée, attendant qu'il réagisse. Archibald inspira pour trouver du courage, plusieurs fois de suite. Il ne voulait pas mettre ses mains sur cette plaie béante. Il ne voulait pas sentir les spasmes de douleur. Mais si sa mère restait seule, elle n'y arriverait pas. Les yeux bleus et féminins attendaient, gravement, tristement. Désespérément. Archibald serra les dents, la nausée au ventre, et du haut de ses huit ans, aida du mieux que possible sa mère à recoudre la plaie à l'abdomen du villageois.

Merci beaucoup à vous, souffla l'homme, à moitié assommé par les plantes contre la douleur.

Il ne resta conscient que quelques minutes encore, le temps pour Rina Vonlipz de lui faire boire encore un peu d'eau fraîche. Ils le laissèrent se reposer dans la chambre et allèrent laver leurs mains souillées d'humeurs. Ils restaient silencieux, graves et sérieux. Archibald avait vu trop de corps passer devant ses yeux pour faire importance de tout cela, mais la chirurgie était parfois plus boucherie qu'autre chose. Heureusement, sa mère était une bonne infirmière, consciencieuse et calme - un calme dont il avait hérité, qu'il faisait pousser et grandir grâce au tir à l'arc, à la concentration. Il soupira et, après avoir nettoyé ses bras et ses mains, passa un peu d'eau sur son visage et son cou. Archie sursauta en sentant des doigts frais sur sa nuque quand il se redressa.

Mon amour, tu as été brave comme un luxray. Je suis si fière de toi.

Il sentait cette fierté dans sa voix, et aussi la fatigue, les nerfs à fleur de peau. Elle travaillait trop. Il essayait d'être là pour l'aider, pour soulever ce poids de ces épaules durcies par l'épuisement. Elle se bousillait la santé pour les faire vivre tous deux - Archie en voulait à son père d'être parti avant même qu'il ne naisse, laissant Rina avec un ventre grossissant et des dettes jusqu'au cou. Elle avait été forte pour eux deux, pour son premier-né, pour son amour. Elle avait reprit des études, mangé moins, mangé peu, parfois pas du tout. Elle avait refusé des petits plaisirs pour voir Archie prendre des cours de tirs à l'arc. Elle s'était saigné aux quatre sangs, et sa fierté avait une valeur de légende aux yeux de son fils.

Fébrilement, il caressa cette main maternelle, blotissant sa joue dans le creux de la paume avec un sourire. Mais les enfants grandissent, toujours beaucoup trop vite. Archie poussa comme un bout de bambou : grand, droit, frêle camouflant une grande force tranquille. Il prenait soin d'humains comme de pokémons, avec sa mère - il avait passé son permis pour pouvoir la conduire, pour pouvoir la seconder, de ville en ville, l'amener à la mer ou à la montagne, le temps de weekends, pour qu'elle prenne l'air pur. Mais sa mère finit par tomber malade, au point qu'ils durent s'installer chez un oncle à Lumiris alors qu'ils passaient dans la région.

Je suis navrée, mon grand. Je nous avais promis de retourner à Parmanie pour ton anniversaire prochain, mais ...
Ne dis pas de bêtises. Tu reprends doucement des forces, depuis que nous sommes chez oncle Pop. Et puis, nous poser quelque part nous fait du bien. J'apprécie la région et je peux m'occuper de ma mère bien-aimée, que demander de plus ? dit-il en souriant, relevant une mèche de cheveux sur le front de sa mère.
Ils étaient installés dans le jardin d'oncle Pop, à boire un peu de citronnade. Une piscine un peu plus loin était le théâtre des jeux de Solstice et de Néra, la lokhlass d'oncle Pop. Il faisait bon, dans le coin où ils étaient.

Je ne compte pas participer aux futures compétitions. Je devrais m'éloigner de toi durant beaucoup trop de temps. Que dirais-tu plutôt d'aller à la plage ?
Fais-moi plaisir ; participe. Tu n'es jamais aussi heureux qu'en participant à ces compétitions de tir à l'arc. Je te vois littéralement revivre. Je pourrais toujours te regarder à la télé, ou venir te voir si mon état le permet. Oncle Pop ne t'a jamais vu concourir, il ne sait pas à quel point tu crânes comme un couafarel gloussa t-elle en se mettant à tresser une longue mèche de son fils.

Il sourit - il n'avait attendu que cela, qu'elle lui offre la possibilité de concourir. Il le réalisait à présent. Elle avait raison - son arc était ce qu'il aimait le plus au monde, en tant qu'objet. Archibald attrapa Solstice qui vint lui demander des câlins, et ils se blottirent tous les trois dans le canapé du jardin, sous le soleil clair. Il n'était pas encore temps de partir, bientôt sûrement, mais pas maintenant.