Il est facile de se perdre, parcourir des sentiers sombres, facile de plonger dans l’abysse obscur d’un océan tumultueux. Facile de se noyer, de s’asphyxier. Bien plus demandant, bien plus difficile, de tenir debout en plein milieu de la tempête et de préserver ce doux sourire. Dans son regard d’azur, se mélangeant à l’orage violent, le fantôme de l’être aimé. Frêle ombre persistante, entourée des lumières de la foudre. Lys aurait plongé dans cette vaste étendue d’eau bien plus qu’agitée, elle aurait pris de plein fouet la foudre sans réagir pour attraper sa main, la ramener du côté des vivants, la sauver de tout ce qui pouvait la blesser, la ramener à elle, la tenir sans jamais la lâcher, caler sa respiration à la sienne pour se rassurer, pour savoir que la vie parcourait encore leurs veines à toutes deux, que leur corps assumait encore les fonctions dont il était affublé. Oui, elle aurait tout abandonné, tout laissé de côté, pour les yeux de celle qui n’était aujourd’hui rien de plus qu’une ombre, un vestige, un voile de fumée qui se brise au moindre petit coup de vent. Rien de plus que des cendres, que des os dans un cimetière, qu’une pierre tombale et quelques mots demeurant sur la toile en guise de souvenirs, des nuits de larmes qu’elle ne peut effacer et la douleur qui serre encore son cœur, qui sert encore tout son être.
Elle l’avait aimé. Elle l’avait aimé à s’en tordre l’âme, à s’en fissurer le cœur, à le briser en milles morceaux de sorte à ne plus jamais pouvoir le reconstruire. Elle l’avait aimé avec passion, avec espoir, sans limites, et surtout… sans le réaliser. Elle avait aimé la brise fraîche caressant leurs visages alors qu’elles réinventaient les étoiles, réinventaient le monde entier, et que la température descendait sous les zéros. Que les frissons prenaient tout son être. Elle avait aimé chaque instant en sa présence, chaque murmure berçant, chaque hurlement destructeur. Chaque crise, chaque moment de calme. Elle avait aimé chaque petite situation qui avait bouleversé son quotidien lorsque cette fille y était entrée. Chaque petit pas, chaque mot, chaque seconde en sa compagnie avaient été un bénissement, une chance inouïe, un paradis même. Elle avait eu droit à quatre mois. Quatre merveilleux mois en sa compagnie, quatre mois à lui parler, à la côtoyer, à le vouloir encore. Vouloir encore plus. Elle avait toujours su avoir besoin d’elle, su avoir besoin de sa présence, de ses mots, qu’elle soit présente et ne l’abandonne pas. Elle avait toujours su avoir tellement peur que jamais cet ange puisse se satisfaire du monstre qu’elle avait toujours été, toujours su vouloir la sauver des démons qui la prenaient jusqu’à même les prendre pour elle. Mais jamais elle n’avait pensé l’aimer elle tout simplement.
Et elle l’avait perdu. Elle l’avait compris après l’avoir perdu et la douleur fut la plus grande, la plus terrassante, foudroyante. On l’avait plongé dans un bain d’acide, on lui avait enlevé un à un chacun des ongles de son corps sans anesthésie, ou même on l’avait opéré à cœur ouvert sans auparavant lui donner la possibilité de ne rien ressentir. Elle avait eu cette désagréable impression que tout s’était écroulé. Et tout s’était écroulé. Elle l’avait perdu et on l’avait perdu elle. Jamais plus Lys ne fut la même personne, elle fut dévastée, détruite, encore plus qu’elle ne l’était auparavant. Rien ne lui donnait une raison. Une raison de poursuivre. Une raison d’avancer. Une raison de ne pas abandonner, de ne pas décrocher. Elle n’avait rien. Pas d’ancrage dans ce monde et qu’une envie cruelle de la rejoindre, de la retrouver. De ne plus ressentir cette douleur aiguë, sournoise, ce manque qui la rongeait, la dévorait de l’intérieur, ne lui laissait rien, pas de sortie de secours, d’échappatoire. Et elle avait survécu. Survécu à toutes les fois où elle avait tenté que ce ne soit pas le cas. Elle avait fini par ne plus rien attendre de la vie, ne plus rien attendre de la mort, s’enfermer dans une cage encore plus fragile et impossible à détruire que celle dans laquelle elle se trouvait auparavant. Elle avait fini par fermer les yeux, et seulement rêver. Rêver pour ne plus voir la réalité. Rêver pour toucher des bouts des doigts les vestiges de ce que son âme pouvait rematérialiser de celle qui avait partagé sa vie pendant seulement quatre mois. Elle s’était laissée disparaître. Mourir à petit feux intérieurement. Jusqu’à craindre la vie. Craindre la lumière à force de ne plus l’attendre, de s’enfermer dans la nuit et laisser loin d’elle l’espoir d’un nouveau jour.
C’était là qu’elle en était. C’était là qu’elle restait. Dans les souvenirs, dans l’espoir, et le désespoir surtout. Dans une instance entre la vie et la mort. Elle avait construit son refuge, entrevue pour la première fois la douceur, le bonheur véritable, la fierté de soi. Elle avait doucement, mais il était si aisé de faire marche arrière, de prendre peur, de voir la catastrophe arrivée sans pour autant que celle-ci ne soit réelle.
Aujourd’hui, elle se trouvait encore à s’activer au refuge, à nettoyer et vérifier les stocks, faire le tour des pokémons blessés en convalescence et s’en occuper, toutes les tâches qui étaient habituelles et simples. Un jour, peut-être, qu’elle viendrait à proposer à l’adoption certains pokémons se retrouvant ici. C’était à voir. Mais ce n’était pas pour aujourd’hui. « Kyya ! » Le petit cri de Casper l’aida à se recentrer et respirer profondément. Casper se trouvait toujours sur ses épaules, petit Mimikyu bien coloré qui aimerait pouvoir passer inaperçu. Elle l’avait toujours trouvé adorable et ne regrettait aucunement de l’avoir pris avec elle. Soupirant légèrement, la jeune Nova fit signe à son Eevee, Pixel, qu’elle allait se promener et prendre de l’air. Évidemment, il prit l’initiative de suivre et ça ne la dérangeait pas. De son côté, Aly restait aux côtés des malades et Lys aimait bien ce comportement. Aly était bien mieux dans le refuge où il pouvait aider. Au-dessus de sa tête volait un Baudrive qu’elle avait rencontré il n’y a pas trop longtemps avec une étrangère et qui avait décidé de la suivre pour des raisons bien mystérieuses. Taquine, mais point méchante, le petit ballon volait dans tous les sens. Quant à Kabuto, il surveillait l’activité dans le refuge. Lys commençait tout doucement à le dompter et créer un lien. Il semblait très protecteur, mais aussi très agressif contrairement à Pixel. Un pokémon de garde à ne pas tester et agacer. Il réagissait très vite et pouvait même entraîner des bagarres imprévues. Lys espérait pouvoir calmer ce comportement qui n’était pas celui qu’elle voulait dans un refuge où le calme devait dominer.
Alors qu’elle mettait les pieds dehors et se retourna pour verrouiller la porte, accompagnée de Casper, Pixel, Hakai et Nivy, elle vit la silhouette d’Aisu, son Amagara, venir vers eux et elle sourit en laissant le dinosaure les rejoindre. Visiblement, Aisu voulait prendre une marche également. Tranquille. La petite marche était tranquille alors que Lys avait ses écouteurs. Elle était dans son petit monde lorsqu’elle vit Kabuto partir à la course vers une autre femme qui avait un pokémon et lancer, en premier lieu, Aqua-Jet, pour enchaîner sur Vol-Vie. Elle paniqua et se mit à courir aussi, Casper s’accrochant fermement à sa dresseuse. Aidée de Pixel et Aisu, Lys éloigna rapidement le Kabuto de sa cible et empêcha de l’attaquer. Il semblait sonné légèrement, ce qui laissait entendre que l’autre pokémon avait pu riposter. « Je suis tellement désolée ! Je l’ai réanimé il n’a pas longtemps et j’ai encore un peu de difficulté à le maintenir ! On dirait un enfant… heureusement que je ne suis pas mère, je perdrais la tête! Enfin, vraiment, vraiment désolée.. j’espère que ton pokémon va bien ? Et que tu n’as pas été touchée ? Attends, j’ai des gâteries et des soins dans mon sac ! » Tout avait été lancé dans une seule tirade et le souffle commençait à manquer, mais la jeune Nova se sentait tout particulièrement coupable et s’en voulait terriblement. Elle s’accroupit, lançant un regard à Hakai qui était particulièrement surveillé par l’Amagara et l’Eevee, puis fouilla dans son sac pour en sortir de la nourriture, un soin et des gâteries. « Tiens ! Pardon encore.. je peux vous payer un café en guise de dédommagement aussi.. » C’était effroyable à quel point elle était maladroite et anxieuse en cet instant présent.
"Don't apologize. You did nothing wrong." - Lys & Charlie
Il était tôt, lorsque Charlie fut appelé en urgence par l'association de sauvetage de pokémons. Il devait être six heures du matin à peu près. Heureusement, ils l'avaient appelé aussi tôt, car ils savaient qu'elle devait dans tous les cas se rendre au centre de soins. Mais elle ne pensait pas que ce serait à cette heure-là. La sonnerie de son téléphone l'avait faite sursauter, et elle détestait se réveiller ainsi. C'était probablement le pire réveil qui pouvait exister. D'ailleurs, Héllébore avait fait un sacré saut lui aussi. Et puis, elle l'avait entendu se plaindre. Normal, le pauvre aussi dormait bien. Mais ils n'avaient plus de temps à perdre, ils devaient se dépêcher.
La jeune femme avait été appelée pour un Apitrini qui avait été attrapé dans un filet, et qui semblait grièvement blessé. L'association avait été prévenu par des passants. Qui plus était, le Pokémon semblait drôlement agité, et agressif. Et, dans ces cas-là, quand le Pokémon sauvage à attraper présentait des signes d'agressivité, c'était à Charlie qu'on faisait appelle. Bien entendu. Personne ne voulait aller les attraper, de peur de se faire blesser. Mais depuis que la jeune rousse avait foncé pour sauver son farfuret, c'était à elle qu'on attribuait les missions les plus ingrates. Enfin, ingrates pour tout ceux à qui ça ne plaisait pas. Car Charlie aimait bien. En vérité, elle aimait bien quand il y avait un peu de difficulté ; probablement dû à son côté casse-cou.
Enfin, elle se prépara en quatrième vitesse, et prit le premier bus en direction du réseau routier. Pour une fois, le farfuret était allé avec elle. C'était rare, les fois où il l'accompagnait. Mais là, Charlie sentait qu'elle aurait besoin de son aide. Et puis, il avait été réveillé en même temps qu'elle, alors autant en profiter. A deux, ce ne serait pas négligeable. Charlie était censée retrouver deux autres bénévoles, avec qui elle avait l'habitude d'aller faire des sauvetages, mais elle savait pertinemment qu'ils ne l'aideraient pas. Ils étaient juste là au cas-où la jeune femme viendrait à être blessée. Si jamais elle n'y arrivait pas, ils n'essayaient même pas d'attraper le pauvre Pokémon. Charlie se sentait donc obliger de réussir à chaque fois, elle le devait.
Enfin, elle arriva rapidement sur les lieux. Elle s'était précipitée. Ses collègues se trouvaient déjà sur les lieux, et avaient sécurisé les alentours, histoire que personne ne s'approche de trop. En même temps, il était tôt, mais on ne savait jamais. Des passants matinaux trop curieux pourraient bien venir entraver le bon déroulement du sauvetage. Enfin, Charlie s'approcha. En effet, le pauvre petit Apitrine s'est fait avoir dans un filet, sûrement de braconniers. D'ailleurs, c'était étrange qu'il se trouve aussi prêt de la route, il devait être sacrément bien caché. Et, effectivement, il ne semblait pas vouloir qu'on l'approche. En même temps, il devait être terriblement effrayé. Il devait avoir mal aussi.
Après maintes et maintes tentatives, quelques éraflures aussi, Charlie avait réussi à attraper le petit Pokémon blessé. Il s'était finalement laisse plus facilement attrapé que ce qu'elle avait pensé. Ses collègues étaient retournés au centre, tandis que la jeune femme leur avait dit qu'elle restait. Elle avait bien envie de savoir d'où provenait le piège dans lequel s'était retrouve l'Apitrini, et surtout, si il y en avait d'autres. Elle avait alors commencé à marcher, tout en longeant la route, aux aguets. Elle guettait le moindre petit objet au sol, analysait les moindres petits détails.
Mais, alors qu'elle était terriblement concentrée dans ses recherches, un bruit attira son attention. Et, lorsqu'elle tourna la tête, elle aperçut un Kabuto, qui était clairement en train de lui foncer dessus. "Et mais... -" Elle eut à peine le temps de commencer sa phrase que le Pokémon qui sortait de nul part, lança une attaque Aqua-Jet. Héllébore, sans attendre, poussa Charlie afin qu'elle évite l'attaque, ce qui l'a fit chancelé. Le farfuret évita également, mais dû encaisser la seconde. Visiblement enragé par le fait qu'on ait attaqué sa dresseuse, le farfuret répliqua avec deux attaques Charge simultanées. Le Kabuto chancela à son tour, et paru légèrement déboussolée. C'est là que Charlie vit arriver une jeune femme en courant, qui s'excusa de l'attitude de son Pokémon. La rousse lui adressa un sourire chaleureux. Elle ne connaissait que trop bien les pokémons difficiles à gérer, puisque le sien l'était.
"-Hey, ne t'en fais pas, ce n'est pas grave ! J'ai l'habitude d'encaisser des attaques pokémons, ne t'en fais pas. Et puis, mon farfuret est pareil, il ne tient jamais en place et m'a déjà attiré pas mal d'ennuis, hein Héllé ?" Avait-elle dit en regardant le farfuret qui jetait un regard noir au Kabuto, à sa dresseuse et tous les pokémons qui l'entouraient.
Elle avait dit qu'elle avait l'habitude d'encaisser des attaques de pokémons. Plutôt étrange dis comme ça. Mais en même temps, durant les sauvetages, elle en avait déjà vu de toutes les couleurs.
"-Non, ne t'embête pas, nous allons bien ! Par contre, je ne dis pas non à un café ! On pourra faire connaissance comme ça, et oublier ce petit incident de rien du tout." Avait-elle lancé avec un grand sourire et un petit rire. "Tu connais le coin ? Parce qu'alors moi pas du tout ! Ce doit même être la première fois que je passe par ici !"
Elle doutait désormais hautement du bien fondé de son idée de sortir Hakai du refuge maintenant qu'elle voyait très bien qu'il ne savait pas se tenir. Lys n'était pas réputée pour détenir des pokémons agressifs, bien au contraire. Ceux qui la suivaient partout étaient calmes, taquins peut-être, mais certainement prompts à se battre et détruire ce qui les entouraient. Mais ce n'était pas ce qui allait pousser Lys à abandonner le Kabuto. Non, elle était décidée à le dompter, le calmer et le garder, parce qu'il était magnifique. Et qu'elle adorait tous les pokémons. Fallait dire qu'elle en voyait tout de même de toutes les couleurs au centre et au refuge. Tous les pokémons ne se trouvaient pas à aimer qu'on les soigne, même si tout était fait pour leur bien. Ils n'avaient pas l'habitude du contact humain et elle ne pouvait pas leur reprocher.
Un doux sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle regardait la victime, ou pseudo-victime, puisque c'était le pokémon qui avait pris à sa place. Elle se sentait toujours autant désolée, navrée, parce que ce type de situation, clairement, elle préférait les éviter. Mais la vie ne se passait pas toujours comme on le désirait. Elle se passait très rarement comme on le désirait, à bien y penser. Elle aurait préféré encore une fois tenir la main d'Éloïse, entendre sa voix, s'engueuler avec elle, tout simplement lui parler et pouvoir entendre les battements de son coeur. Elle aurait voulu que tout se passe autrement, ne jamais l'avoir perdu, ne jamais avoir ce trou dans le coeur qui brûlait, déchirait tout en elle. Insupportable manque qui ne s'en allait pas, coeur en maintenance. Elle avait appris à survivre sans.
Elle secoua légèrement la tête. Parce que ce n'était pas rien et qu'avoir l'habitude ne justifiait pas que ce soit "rien". Pour Lys, c'était important. Pour Lys, Hakai n'aurait jamais dû pouvoir avoir le loisir d'attaquer et ça resterait toujours bien gravé dans son esprit peu importe ce que cette nouvelle interlocutrice allait bien pouvoir lui dire. Elle était ainsi, Lys. Toujours à s'autoflageller pour des raisons qu'elle tendait à considérer valables. On ne pouvait pas la changer, n'est-ce pas ? On ne pouvait pas. Et maintenant, elle se sentait assez mal considérant que quelqu'un s'était fait attaquer par un pokémon dont elle avait la charge. Pourquoi devait-elle ainsi toujours se torturer ? Mentalement, jamais se laisser de pause, jamais n'en avoir. Parce que lorsque ce n'était pas elle qui se torturait, c'étaient les voix tournant autour d'elle, les murmures insatiables, cherchant à aspirer toute la vie qui pouvait vibrer dans ce corps détruit.
Pas de pauses. Jamais. Un cerveau qui n'arrêtait pas de réfléchir, de tourner en boucles les événements se déroulant sous ses yeux, constamment revisitant les événements pour trouver une autre fin potentielle alors que revenir dans le passé n'était aucunement quelque chose que la jeune Nova était en mesure de faire. Lys se releva en tendant tout de même les gâteries à la dresseuse. Au moins. C'était visiblement tout ce qu'elle pouvait faire. Regard sombre, sourire incertain, elle essayait de respirer et de ne pas trop paniquer, ne pas trop s'emballer. Ce n'était pas évidemment quand l'esprit ne suivait pas les désirs. Elle hocha tout de même la tête pour confirmer qu'elle était totalement d'accord pour le café. Oh, Lys et le café, une très grande histoire d'amour. Sans doute la seule qui ait pu perdurer pendant des années sans s'essouffler. « Alors c'est parti pour le café ! » Même si c'était elle qui l'avait proposé, il fallait dire que Lys ne dirait jamais non pour du café. Ou du thé. C'était ce qui l'aidait à continuer d'affronter les journées qui lui demandaient de se lever de son lit. Néanmoins, la prochaine question la mit dans un léger embarras et elle laissa un petit rire nerveux s'échapper. « Non, je suis un peu nouvelle ici alors, je ne serais pas trop... » Elle sortit son téléphone de sa poche afin de regarder la map. C'était tout ce qu'elle pouvait faire.
Lorsqu'elle eut le chemin vers le café le plus proche, elle regarda cette interlocutrice qui ne semblait aucunement dérangée par Kabuto. « Suis-moi ! » Elle se mit à marcher rapidement, parce qu'elle marchait toujours rapidement et que l'idée d'un café venait potentiellement lui donner des ailes. « Je m'appelle Lys ! Je suis désolé.e pour Kabuto, vraiment. Il est déjà moins pire qu'avant, mais visiblement toujours agressif.. je travaille sur ça. » Un petit sourire. Elle les aimait, tous, les pokémons. Malgré les caractères parfois difficiles à gérer. « Et toi, tu es ? Ton pokémon aussi t'a donné du fil à retordre ? » Sortir de l'inconfort. Tout du moins tenter. Elle commençait à craindre de paraître lourde et désagréable auprès de cette jeune femme.
"Don't apologize. You did nothing wrong." - Lys & Charlie
Elle était comme ça, Charlie. Elle donnait tout ce qu'elle pouvait, que ce soit aux êtres humains comme aux pokémons. Elle sentait que c'était son destin, que c'était ce qu'elle devait faire - mais elle se cachait à elle-même que c'était surtout un moyen d'exister, de se sentir vivante, utile -. Parce que, sans ça, sans cette dévotion envers les autres, la vie de Charlie serait terne, et sans couleurs. Certains vivaient grâce au sport, d'autres par le travail, ou encore grâce à l'alcool. La jeune femme, elle, avait trouvé sa voie dans l'aide aux plus démunis - mais, était-ce réellement sa voie ? Charlie n'avait jamais essayé de faire autre chose, depuis que sa mère avait refusé son aide ; elle refusait même qu'on l'aide. Elle se disait heureuse, mais l'était-elle réellement avec tout ce poids sur ses épaules ? -. La rousse renfermait de terribles secrets, dont personne n'en avait réellement connaissance. Elle vivait avec toutes ces choses qu'elle avait pu faire par le passé, pour les autres, jusqu'où elle avait pu aller pour redonner le sourire à quelqu'un. Et c'était dur. Son sourire n'était en général qu'un simple masque - mais après tout, tous les êtres humains sur cette planète en portait un, non ? Elle ne faisait pas exception à la règle -.
Elle comprenait parfaitement ce que pouvait ressentir la dresseuse en face d'elle. Charlie en avait vu, des personnes revenir au Refuge en pleurant, parce qu'ils n'arrivaient pas à se faire respecter et à gérer leurs pokémons. Elle même, elle avait encore du mal avec son far furet, alors que cela faisait quelques années qu'ils se connaissaient, qu'elle l'avait sauvé. Et elle savait que lui, jamais il ne pourrait changer. C'était son caractère, c'était ses blessures, c'était son passé. Alors, la jeune femme en face d'elle n'avait pas de réelles inquiétudes à avoir, si cela ne faisait que quelques temps seulement que le Pokémon avait été réveillé, elle pourra aisément arranger les choses.
Charlie attrapa avec un sourire les quelques gâteries que lui tendit la jeune femme en face d'elle, avec un large sourire amical. Elle sentait bien que la dresseuse était toujours gênée de la situation. Mais la rousse avait déjà vu bien pire que ça, et puis, il n'y avait pas eu de réels blessés. Elle avait envie de lui dire d'arrêter de s'inquiéter, que ce n'était vraiment rien, qu'il n'y avait pas eu mort d'homme. Mais la façon dont elle s'enquit de hocher la tête pour le café lui fit tout de suite oublier l'idée. Comme il n'y avait rien de grave, changer de sujet était la meilleure solution. "Alors c'est parti pour le café !" La rousse répondit un "Super !", réellement ravie. Un café ne lui ferait décidément pas de mal - après tout, elle s'était levée aux aurores, elle avait besoin d'un petit coup de pouce pour continuer et terminer sa journée -. "Non, je suis un peu nouvelle ici alors, je ne serais pas trop..." Et bien, comme ça, elles étaient deux. Elles allaient donc pouvoir découvrir un petit café sympathique ensemble - et puis, Charlie adorait les nouvelles rencontres -.
La rousse se mit à la suivre lorsque la jeune femme le lui indiqua, ayant visiblement trouvé une enseigne non loin. "Je m'appelle Lys ! Je suis désolé.e pour Kabuto, vraiment. Il est déjà moins pire qu'avant, mais visiblement toujours agressif.. je travaille sur ça. Et toi, tu es ? Ton pokémon aussi t'a donné du fil à retordre ?" Charlie échappa un petit rire en voyant la tête de Héllébore lorsque la jeune femme prononça ces mots. Il se cacha derrière la rousse, tout en boudant. Vraiment, ce Pokémon n'était pas croyable.
"-Et bien, enchantée Lys ! Moi c'est Charlie !" Commença-t-elle avec un sourire. "Ne t'inquiète pas, vraiment, il n'y a pas eu mot d'homme ! C'est qu'il a un sacré caractère hihi. Je suis sûre que tu vas y arriver, et que vous allez nouer un lien fort !" Dit-elle en regardant le Kabuto. Et puis, elle releva la tête, son attention se portant de nouveau sur Lys. "Ohla oui, et il continue encore à l'heure actuelle ! Une véritable tête de mule, qui ne supporte rien ni personne. Mais bon, il n'a pas vécu que de belles choses aussi, le jour où je l'ai sauvé il n'était pas en grande forme..." Poursuivit-elle, tout en regardant un instant dans le vague, les souvenirs de cette journée refaisant surface. "En tout cas, c'est une sacrée troupe de tu as là ! Ils sont tous trop mignons ! Ca fait longtemps que ce sont tes pokémons ?" Demanda-t-elle, curieuse.
Tandis qu'elles continuaient de marcher tout en papotant, au loin Charlie aperçu l'enseigne du café. "Oh, on dirait bien que nous sommes bientôt arrivées !" Dit-elle tout en pointant du doigt le bâtiment un peu plus loin, avec un large sourire.
Tu avais longtemps tout donné de ta personne, très longtemps tout donné jusqu’à perdre l’essence même de la personne que tu étais, jusqu’à ne même plus savoir ce que ça faisait de savoir qui tu étais. Tu avais tant donné que tu t’étais perdue en chemin, et tu ne savais plus comment faire pour retrouver ta route. i had another scar to my collection Tu te souviens d’Eloïse ? Bien sûr. Comment oublier ? Comment oublier la personne qui a pris tout ton être en partant, en retrouvant les étoiles brillant dans le ciel, comment oublier celle qui provoquait les crises de larmes quand elle s’énervait, mais après coup, quand elle ne pouvait pas te voir pleurer ? Comment oublier celle pour qui tu t’allonges sur le sol froid, devant sa pierre tombale, parce que c’est l’unique moyen de te sentir un minimum près d’elle. Parce que sa présence te manquait. Parce que peu importe à quel point le temps s’était écoulé depuis, tu ne pouvais pas t’empêcher de toujours l’attendre, toujours attendre sa main dans la tienne, ses paroles dans tes oreilles. Mais tu savais que jamais elle ne serait de nouveau à tes côtés. Tu ne pouvais tout simplement pas passer par-dessus.
Tu avais reporté ton attention sur cette jeune femme qui ne semblait absolument pas te reprocher le comportement de ton pokémon fossile. Tu étais rassurée, mais ça ne t’empêchait pas de te sentir mal-à-l’aise parce que Hakai avait attaqué. Au moins, elle avait accepté de prendre les gâteries que tu avais tendu, que tu avais voulu qu’elle prenne. Ça apaisait un peu le désarroi qui avait pris place dans ton cœur, dans ton âme. Tu étais heureuse qu’elle n’ait pas trop insisté pour ne pas les prendre. Tu te sentais mieux d’offrir une forme de dédommagement.
Marchant, tu gardais ton attention dirigée vers cette autre personne dans le cas où elle prendrait le temps de te répondre. Tu ne pus t’empêcher de rire doucement quand elle te répondit, c’était agréable de voir qu’elle ne prenait absolument pas mal la situation qui venait de se produire, agréable de voir qu’elle ne t’en voulait pas, ne te reprochait rien, contrairement à toi-même qui étais en mesure de te reprocher le monde entier. Un sourire tendre flottait sur ton visage alors qu’elle t’assura que vous alliez créer un lien fort entre vous deux, ton Kabuto et toi. Tu ne pouvais que le souhaiter, l’espérer ardemment, ne vouloir que ça pour le moment. Enfin, pas que ça, c’était clairement une façon de parler, mais c’était quelque chose que tu voulais vraiment.
Tu l’écoutais parler alors qu’elle parlait de son propre pokémon. Charlie semblait vraiment l’aimer, dans la façon dont elle en parlait et tu ne pouvais que la comprendre, toi qui donnerais tout pour Pixel, toi qui l’avais sauvé d’une mort presque certaine, jamais tu ne l’abandonnerais. Même si celui-ci avait dû se révéler difficile, tu aurais tout donné pour l’habituer, pour le calmer, pour l’apaiser, pour l’aider à exister dans ce monde cruel que tu affrontais tous les jours. Que tu affrontais toutes les minutes même. Tu essayais. Tu tentais. Tu respirais. C’était déjà ça, tu ne pouvais pas faire vraiment plus, n’est-ce pas ? Enfin. Tu souriais. Tu lui souriais parce que tu la comprenais. Tout du moins, sur ce point. Sur le reste, tu ne pouvais pas savoir. « Il demeure adorable ton petit ! Je comprends… mon Eevee n’était pas dans le meilleur des états non plus quand je l’ai sauvé. Les pauvres. Je n’arrive pas à comprendre que l’on puisse faire ça à des pokémons qui n’ont rien demandé de notre part. C’était vrai, ça te révoltait. Tu donnerais tout pour tes pokémons, comment des personnes pouvaient, au contraire, tout leur retirer ? Ça t’échappait. Ce n’était pas logique, ce n’était pas humain. C’était seulement et uniquement cruel de leur part et ça ne te plaisait pas. Tu étais même capable d’être violente pour les protéger.
Tu secouas la tête. Après tout, il n’y avait que Pixel que tu avais depuis un certain moment, les autres n’étaient que très récents, depuis que tu étais à Sunyra, c’est-à-dire pas plus de deux mois même. « Pixel, l’Eevee, je l’ai depuis environ deux ans, mais les autres, ça ne fait même pas deux mois. Kabuto a été réveillé y’a une semaine ou deux seulement. Et toi ? Ça fait longtemps que tu les as ? » Tu t’intéressais à Charlie. Tu voulais savoir ce qu’elle faisait dans la vie, la relation qu’elle entretenait avec ses pokémons, ce qui composait son monde tout simplement. Elle semblait être intéressante et tu voulais en connaître le plus possible à son sujet. De toute façon, elle était certainement davantage intéressante que ta personne, puisque tu n’avais pas la moindre valeur ni importante. Tu n’étais rien de plus qu’un déchet, pas difficile à battre.
Tu hochas vigoureusement la tête quand elle te pointa le bâtiment. « Oui ! C’est lui ! » Vous étiez arrivés. Tu fis entrer Amagara dans la pokéball. Aisu prendrait bien trop de place dans le café. Sage comme elle était, le pokémon dinosaure se laissa rappeler dans la pokéball, mais elle n’essaya même pas pour Hakai en espérant que Pixel et Nivy parviennent à le tenir en place et ne pas foutre le bordel dans le petit café. Ce serait assez catastrophique. Par la suite, tu entras dans le petit café et attendit qu’on vous assigne une table, commanda une latte lait écrémé et attendit que Charlie commande. Tu étais heureuse qu’elle ait accepté la proposition et tu savais très bien que tu allais mettre sa commande sur ta facture. « Alors ! En quoi travailles-tu ? Tu sembles beaucoup aimer les pokémons. »
"Don't apologize. You did nothing wrong." - Lys & Charlie
La jeune femme avait toujours été sociable, peut-être un peu trop même. De tout temps, elle avait aimé le contact humain, se faire des amis, aider les autres. Charlie n’avait jamais eu peur d’aller à la rencontre d’autres personnes, créer du contact, engager la discussion. C’était, en soit, un plus pour ceux ne sachant que dire dans une discussion – vraiment à l’aise, elle trouvait toujours quelque chose à dire, à raconter, que ce soit une anecdote, une simple question –. Elle avait toujours essayé de mettre à l’aise les gens avec qui elle parlait. Pour elle, cela lui semblait primordial, et le meilleur moyen de nouer un lien. Parce que lier des amitiés, il n’y avait rien de plus précieux pour la rousse. En réalité, c’était un moyen pour elle d’exister, l’impression de se sentir aimer – l’amour maternelle ayant cruellement manqué durant toute son enfance ; en fait, elle n’en a jamais reçu –. Pour elle, c’était comme un moyen de se sentir vivre, d’être épanouie. Mais, cela ne plaisait pas forcément à tout le monde, cette façon dont elle était à l’aise avec tout le monde ; ça dérangeait certains.
Et puis, vouloir faire ami-ami avec tout le monde l’a conduite à ne pas avoir de bonnes fréquentations. Elle en avait payé les conséquences. Avait-elle retenu la leçon ? Ca, ce n’était pas certains. Si elle était venue à Lumiris pour commencer une nouvelle vie, essayer d’effacer ce passé qui pesait sur sa conscience, rien ne disait qu’elle ne recommencerait pas, et qu’elle ne retomberait pas dans les bras du syndrome du sauveur. Parce que oui, c’était un véritable problème psychologique qu’avait Charlie, mais elle n’en était pas consciente ; pour elle, tout donner aux autres était tout à fait normal. Tout faire pour les rendre heureux, les faire sourire, c’était sur ça qu’était construit la vie de la jeune femme. C’était clairement les piliers de son existence – sans ça, elle n’était strictement rien –.
« Je suis tout à fait d’accord avec toi. C’est inadmissible que l’on fasse subir des choses terribles à des pokémons… » Elle ne le savait que trop bien, elle ne voyait que trop bien la misère de certaines de ces petites bêtes lorsqu’elle allait en sauvetage, ou même lorsque certains d’entre eux arrivaient au refuge. Ton cœur avait souvent mal, quand tu voyais l’état de certains. Et ça te donnait l’envie de tous les sauver, tous jusqu’au dernier. Elle savait très clairement que ce n’était pas possible, pourtant, elle continuait de se bercer de se rêve que de sauver à la fois tous les pokémons, mais aussi tous les êtres humains qui en auraient besoin.
« Ils sont tous adorables en tout cas ! » Lança-t-elle, avant de porter la main à sa ceinture où était accrochée une pokéball, passée sous silence jusque-là. Voilà plusieurs jours que Charlie avait capturé un Kungfouine – lorsqu’elle avait rencontrée Kiana –, Cosmos de son nom. Elle avait encore un peu du mal à savoir si elle pouvait lui faire confiance, et le laisser en liberté. Mais bon, si elle n’essayait pas, elle ne verrait jamais ce qu’il se passerait. Et puis, si elle ne le sortait pas, jamais elle ne pourrait créer de lien avec lui. Sans attendre, elle fit sortir le petit pokémon, qui sembla tout intimidé face à tout ce petit monde. La rousse sourie, et lui tapota gentiment la tête. Le farfuret s’approcha de lui, et l’observa avec des yeux perçants, comme pour lui dire « si tu fais la moindre connerie, t’es mort. ».
« Alors, Héllébore est avec moi depuis plusieurs années déjà, quatre ans si mes souvenirs sont bons. Et Cosmos, cela fait à peine quelques jours que je l’ai capturé. Je ne sais pas encore comment il se comporte avec les autres, c’est un peu une première là ! » Avait-elle lancé avec un petit rire.
Puis les deux jeunes femmes atteignirent enfin le café en question. Une fois à l’intérieur de l’enseigne, un serveur les accueilli, et leur indiqua une table, vers laquelle elles se dirigèrent. Charlie commande un café allongé, un peu comme toujours. Tu aimais beaucoup le café, et puis, tu en avais surtout besoin. Aux vues de tes journées mouvementées et surtout ton emploi du temps chargé, tu avais besoin d’énergie, d’un petit coup de boost. Alors, un café n’était jamais de refus.
« Oui, comme tu dis, j’adore les pokémons ! Actuellement, je suis fleuriste la journée, barmaid le soir, et bénévole dans deux associations durant mon temps libre. Pour l’une, c’est un centre d’accueil pour les SDF, et pour l’autre c’est un Refuge pour pokémons, et je participe également aux sauvetages. Autant te dire que je n’ai pas vraiment le temps de m’ennuyer ! » Avait-elle lancé avec un rire. Pourtant c’était faux. Bien que ses journées puissent être mouvementées, elle venait parfois à trouver le temps long. Parce que ce qu’elle voulait, Charlie, c’était de l’action, de nouvelles choses qui viennent bouleverser sa vie – comme cette rencontre par exemple –. « Et toi alors, tu fais quoi, tu travailles dans quoi ? » Demanda-t-elle avec un large sourire, avant de prendre une gorgée de son café – le serveur venait d’apporter leur commande –.
TTu étais tout le contraire de Charlie, toi. Tu n’avais jamais été sociable, bien au contraire, tu t’étais toujours renfermée sur ta personne, l’anxiété montante et t’imposant des situations que tu ne pouvais pas gérer. Tu n’avais jamais été l’amie dont on voulait, celle qu’on appelait pour sortir, pour aller en soirée, pour quoi que ce soit, tu n’avais jamais été l’amie dont la présence était souhaitée, souhaitable. Tu n’as jamais été cette amie dont la présence ou l’absence pouvait changer une soirée, une journée, cette amie qui changeait tout. Tu avais toujours été celle qui était discrète, qui ne souriait pas si souvent, et qu’on aimait quand elle était là, mais sans plus.
Et tu avais besoin. Tu avais besoin de te sentir importante, de sentir que tu avais une importance dans une vie, que ton absence pouvait changer quelque chose, que tu n’étais pas remplaçable. Tu avais besoin de savoir que ça changeait quelque chose si tu n’étais pas là, que tu étais vraiment aimée et même lorsque tu n’étais pas forcément dans le quotidien de la personne qui te le disait, besoin qu’on te dise que tu étais désirée, que ta présence était voulue, et qu’on voulait pouvoir continuer d’en profiter. Que sans toi, cette vie, elle ne serait pas pareille. Non, tu ne voulais pas qu’on fasse de toi une déesse, qu’on te louange, seulement qu’on te rassure par moments, qu’on t’explique qu’il ne fallait pas disparaître. Parce que parfois, tu te demandais si ça valait vraiment la peine de te battre contre toi-même. Parfois, tu te demandais si ça servait à quelque chose cette lutte permanente que tu menais contre tes propres envies, tes désirs les plus sombres, ceux qui revenaient de ton passé, quand tu avais essayé à tant de reprises de changer le cours de ton existence en y mettant fin.
Tu étais venue à Lumiris en espérant que les choses soient différentes, qu’aux côtés d’Ellende et Lilith, la vie prenne une autre saveur que celle amère d’une année de trop à chaque fois. Tu étais venue pour une deuxième chance, pour une nouvelle vie, mais tu ne savais pas trop si ça servait à quelque chose parfois. Et te voilà maintenant sur cette table, devant un café, avec cette personne se prénommant Charlie. À faire connaissance. Te voilà maintenant à te demander si, encore une fois, ce ne serait pas qu’une connaissance de plus à ta liste que tu ne verras pas plus, que tu ne verras pas davantage, une rencontre éphémère.
Ce n’était pas mauvais, les rencontres éphémères. Ça apportait toujours quelque chose à ta vie, mais parfois, tu avais envie de plus. Tu avais envie d’amis, de personnes sur qui te reposer, de rencontres qui duraient dans le temps. D’espoir offert sous la forme d’un sourire, d’une invitation soudaine à faire quelque chose, d’une manifestation quelconque d’affection. Quelque chose. Parfois, tu avais besoin de quelqu’un quand tu rentrais le soir, quelqu’un qui te rappelait de prendre soin de toi, de manger autre chose qu’une pomme, quelqu’un qui te rappelait de prendre tes médicaments, qui t’accueillait en souriant quand tu revenais d’une longue journée. Parfois, tu rêvais de quelqu’un pour te prendre dans ses bras alors que tu souriais et prétendais que tout allait bien pour te dire que ce n’était pas grave, que tout allait bien aller, que tout allait bien se passer. Besoin de quelqu’un.
Mais fallait pas trop en demander à la vie, n’est-ce pas ? Tu vivais et c’était déjà bien. Certains n’avaient pas cette chance. Alors tu fermais ta gueule, tu avançais. Peu importe combien de fois tu pleurais lorsque la lumière s’éteignait dans ta chambre, peu importe combien de fois tu pensais à tout arrêter, tu avançais et tu la fermais. Tu essayais de ne pas trop te plaindre. Parce que y’a pire. Y’a toujours pire, n’est-ce pas ? Et pour le moment, il te fallait sourire et écouter Charlie. Tu avais vaguement hoché la tête quand elle avait confirmé que c’était inadmissible. On pouvait dire qu’au moins, vous aviez des avis qui se rejoignaient sur le traitement des pokémons. « Merci ! » Tu adorais tes pokémons, tu les trouvais tous adorables. Et tu étais contente qu’elle les aime également, qu’elle n’en voulait pas à ton pokémon fossile qui avait décidé de la prendre pour cible. Tu souris au Kungfouine qui était maintenant de sortie en écoutant ce que sa dresseuse te racontait. « Je vois. On pourra voir ce que ça donne ! » Fallait toujours leur donner une première fois, leur donner une chance, pour comprendre comment ils fonctionnaient.
Nivy, ton petit ballon mauve, s’était approchée du pokemon qui était nouvellement sorti pour l’observer. Le Baudrive aimait se faire de nouveaux amis, alors c’était normal de la voir s’intéresser à ce pokémon. Et tu souriais. « Nivy aime se faire de nouveaux amis. » Tu écoutais sa vie en te disant que ce qu’elle faisait était beau. C’était merveilleux même. Elle donnait de sa personne pour les autres, elle était formidable, remarquable. Tu n’étais pas à son niveau, toi. Tu te contentais d’exister. Mais tu pouvais comprendre qu’elle n’ait pas le temps de s’ennuyer. C’était ton cas également. « C’est vraiment remarquable tout ça ! Ça doit demander beaucoup d’énergie.. et de force de caractère, j’imagine que tous les pokémons et personnes ne sont pas sympathiques. » Après tout, le monde d’aujourd’hui assombrissait les esprits, les rendait si ténébreuses. Tu n’avais plus confiance en la société, en l’humanité, qui coulait les gens au lieu de les aider.
« Oh .. rien de très impressionnant. » Parce que dès que c’était toi qui le faisais, ce n’était pas incroyable, c’était tout l’inverse, n’est-ce pas ? Parce que toi, tu rendais le tout bien plus fade, bien moins remarquable. « Je suis vétérinaire dans le centre Pokémon Sunyra et je fais généralement des shifts de nuit alors que le reste de la journée je m’occupe des pokémons sauvages blessés de mon refuge que j’ai ouvert très récemment. » Rêve que tu avais toujours eu et que tu étais si heureuse d’avoir mené à termes, mais au fil des jours, tu avais l’impression que ce n’était pas assez. Que ce n’était pas suffisant. Que ce n’était jamais suffisant, que tu n’étais jamais assez. Tu souris à Charlie. « Moi non plus je n’ai pas le temps de m’ennuyer ! » Bien au contraire. Tu étais crevée. Tu avais un maximum de trois à quatre heures de sommeil, alors oui, tu étais épuisée et lessivée. Mais tu tenais. « Et du coup qu’est-ce qui t’a amené sur cette route ? C’est agréable de faire un peu autre chose le travail ! » Tu essayais d’entretenir la conversation, mais avais si peur de paraître lourde à la fin.
"Don't apologize. You did nothing wrong." - Lys & Charlie
Elle passait sa vie à tout donner pour les autres. Elle passait son temps à faire son possible afin que chacun ait le sourire, afin que chacun puisse retrouver le bonheur. Elle se disait que c’était le seul moyen pour elle d’exister, de se sentir vivante. Elle disait que tout ça, faire de son mieux pour les autres, c’était ce qui lui permettait d’être heureuse, d’être bien dans sa peau. Pourtant, n’était-ce pas qu’un mensonge à elle-même ? Ne se trouvait-elle pas dans un déni permanent ? La jeune femme n’avait jamais accepté que sa mère la rejette de la sorte. Elle avait drôlement souffert le jour-là, elle en avait pleuré toute la nuit. Déception, mélancolie, ça n’avait jamais été facile avec ses parents. Son père étant parti – ayant fui les autorités plutôt suite à de nombreux crimes et délits –, sa mère s’étant retrouvé à la rue, elle n’avait pas grandi dans les meilleures conditions. Pourtant, elle s’était toujours efforcée d’être une petite fille sage, modèle, elle avait toujours tout fait pour essayer de redonner le sourire à sa mère en ayant des bonnes notes, en l’aidant à la maison, en ayant elle-même ce petit sourire sur sa bouille angélique. Mais rien n’y avait jamais fait. Sa propre génitrice avait toujours tout refusé de ce que lui proposait sa fille et avait préféré l’alcool et la drogue à Charlie. Elle avait abandonné son propre enfant afin de faire taire ses démons sans penser à l’impact que cela aurait sur la vie de sa propre fille.
Rejetée, humiliée, malgré son jeune âge, Charlie a réussi à outrepasser ces sentiments qui avaient envahi son âme entière ce jour-là. Elle avait réussi à se convaincre qu’un jour, elle arriverait à apporter l’aide dont sa mère avait besoin. De-là est né son syndrome du sauveur, conséquence psychologique dû à l’abandon de ses parents. Elle n’en est pas réellement consciente, elle est dans le déni aussi. Mais ce qu’elle est devenue aujourd’hui n’est dû qu’à cette pathologie psychologique. Elle ne le sait pas où elle ne veut pas l’accepter. Elle, tout ce qu’elle voit, c’est qu’elle a besoin de ça afin d’exister aux yeux des autres – elle ne cherchait aucune affection ; du moins c’était ce qu’elle disait, elle voulait juste que les autres la voient, reconnaissent qui elle était réellement –.
Etait-elle réellement épanouie dans ce qu’elle faisait ? Ou n’était-ce qu’un prétexte pour ne jamais avoir à se retrouver seule, face à ses démons, face à sa part de ténèbres, face à son passé ? N’était-ce pas juste un moyen afin d’échapper à ce qu’elle était réellement justement, à tout ce qu’elle avait bien pu faire par le passé ? La rousse essayait sans cesse de se dire que c’était une bonne personne, qu’elle faisait toujours ce qu’il y avait de mieux à faire. Mais, en voulant faire le bien, elle avait semé la zizanie dans plus d’une vie ; en voulant rendre certaines personnes heureuses, elle en avait brisé d’autres, sans même s’en rendre compte. La jeune femme n’était clairement pas une bonne personne, bien que ses ambitions puissent être honorables.
Mais là n’était pas vraiment l’heure à ce genre de réflexions. Charlie avait devant elle une jeune femme – peut-être une future amie ? – et il ne fallait pas qu’elle gâche ce joli moment. Le Baudrive de la jeune femme s’était d’ailleurs rapproché du Kungfouine, qui lui était toujours intimidé. Il était même aller se cacher dans les jambes de Charlie – elle avait l’impression que c’était un tout autre pokémon ; il avait drôlement changé par rapport au jour où elle avait fait sa rencontre. Un petit rire lui échappa. Elle était persuadée que son nouveau compère deviendrait un très bon pokémon. Puis son regard se posa sur le ballon qui avait l’air vraiment adorable. « Ohh qu’il est chou ! » Avait-elle dit en adressant un sourire au fameux Nivy. Puis elle écouta Lys évoquer le fait que ce que faisait la rousse devait demander beaucoup d’énergie et que tout le monde – humains et pokémons réunis – ne devait pas être toujours très aimable. « Oh, je ne sais pas si c’est si remarquable que ça... » Lança-t-elle en passant sa main dans ses cheveux. « Mais effectivement, c’est assez difficile psychologiquement parfois. Comme tu dis, tout le monde n’est pas forcément très sympathique et on a parfois affaire à des durs à cuire ! »
Enfin, elle l’écouta ensuite parler d’elle. Contrairement à ce qu’elle avait pu lui dire avant de débuter, Charlie trouvait ça très intéressant et impressionnant ce qu’elle faisait. Et puis, c’était tout à son honneur ! En plus, elles faisaient des choses similaires, cela leur faisait donc un point commun, un sujet de discussion. « Tu veux rire ? C’est carrément impressionnant ce que tu fais ! Et en effet, tu ne dois pas avoir beaucoup de temps pour toi aussi. Mais moi je trouve ça génial en tout cas. » Avait-elle lancé avec un large sourire. « Et bien, en fait, on m’a appelé très tôt pour aller sauver un Apitrini qui s’était bloqué dans un piège. Je suis donc venue ici avec deux collègues du Refuge, mais ils sont repartis avant moi, j’avais un peu envie de prendre l’air. En plus, comme on m’envoie toujours sur les sauvetages les plus dangereux, j’ai estimé que j’avais le droit de prendre une pause ! » Dit-elle suivit d’un rire. « Et donc toi tu as ton propre Refuge ? C’est incroyable ! Pareil, ça doit pas être facile tous les jours, tu ne dois pas voir que des belles choses ? » Demanda-t-elle, intéressée.
Oui, cette jeune femme attisait drôlement sa curiosité.
Quelque part, tu donnais ta vie. Au monde entier, au premier venu, tu donnais ta vie. Pour sauver ceux qui importaient, ceux qui comptaient, ceux qui allaient mal, tu donnais ta vie. Pour tenter de les aider, pour te sentir utile. Tu avais toujours eu, quelque part, ce complexe du héros, n’est-ce pas ? Peut-être parce que pendant toute ton enfance tu n’avais jamais pu rien faire pour les autres. Tu avais besoin de sentir que ta présence servait à quelque chose, que tu aidais à ce qu’une vie se poursuive, là où tu avais misérablement échoué avec Éloise. Tu avais échoué. Lamentablement échoué. Tu n’étais pas parvenue à la sauver, à garder son cœur battant sur cette terre, à tenir sa main jusqu’à la fin. Et tu étais tombée dans la plus grande des solitudes suivant sa disparition. Tu avais échoué et tu ne pouvais que te détester. Tu aurais dû mieux faire , faire davantage. Tu aurais dû. Mais tu ne l’avais pas fait et du coup, tu l’avais perdu. Et tu ne pouvais pas retourner en arrière pour la faire revivre, pour pouvoir de nouveau la tenir dans tes bras, de nouveau profiter de sa présence et entendre encore une fois sa si douce voix qui calmait tes angoisses, qui chassait tes démons si violents.
Tu avais toujours tout fait pour donner le sourire aux gens autour, oubliant que tu mourrais chaque jour un peu plus intérieurement et quand tu tentais de faire en sorte que cette vie se termine, ça ne terminait qu’en minable échec. Tout n’était qu’échec. Tu étais un échec. Mais il ne fallait pas trop s’étendre sur ce sujet, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, les pokémons étaient sous ta responsabilité et tu n’aurais jamais pu les aider si tu avais cessé de respirer. Tu tentais de t’accrocher à cette certitude, t’accrocher aux pokémons que tu possédais, que tu adorais. Qui te donnait une raison de continuer dans ce monde. Pourtant, ce n’était pas toujours aisé et les ténèbres tombaient sur ton être par moment, brusquement, sans prévenir.
Tu les chassais rapidement pour te concentrer sur le rôle que tu t’étais imposée dans cette existence, aider les autres, aider les pokémons, ne jamais tomber et représenter le pilier sur lequel les autres pouvaient se reposer. C’est ce que tu voulais être, ce que tu allais être. Pour Izaiah, pour Ellende, pour tous les autres. Pour Casper, Pixel, pour tous les pokémons. Un pilier dans la tempête. Surtout pour Izaiah. Tu voulais être sa grande sœur, celle sur qui il pouvait se reposer, celle à qui il pouvait poser des questions sans la moindre crainte, la porte sur laquelle cogner en plein milieu de la nuit lorsque les incertitudes l’empêchent de dormir. Jamais tu n’allais faiblir devant lui, tu allais lui offrir le rôle d’une grande sœur sur qui compter.
Nivy tournoyait autour de vous, te faisant sourire. La baudrive était adorable, il fallait le dire. Pleine d’énergie et taquine, tu ne regrettais pas qu’elle ait décidé de te suivre et de faire de toi, quelque part, ta dresseuse. Tu étais ravie . Tu l’aimais, ce petit ballon. Il ajoutait de l’énergie et Charlie semblait bien appréciée aussi ce ballon flottant partout autour de vous. « Ouii ! Je suis contente que Nivy ait décidé de me suivre. » Parce que tu ne forçais pas les pokémons à te suivre, après tout. Tu pris une gorgée de ta boisson en appréciant la chaleur réconfortante. Ça t’arrivait souvent de te sentir au bord des larmes sans qu’une seule larme n’humidifie ton regard. C’était une sensation qui prenait au cœur, qui ne se décrivait pas, un étouffement qui ne se justifiait pas. L’anxiété et tes problèmes, tes démons, s’inscrivaient dans ta vie de tous les jours. Mais le café était toujours doux, apaisant. Agréable dans un océan si sombre. life is trying me
« Mais si c’est remarquable ! Ne sois pas modeste ! » Toujours avoir une haute estime des autres, n’est-ce pas ? Ce que Charlie faisait était remarquable, tu ne serais jamais en mesure de le faire et tu admirais qu’elle en ait la force. Tu admirais la force mentale et physique que la jeune femme dégageait, tu voulais peut-être même lui ressembler. Vraiment, elle était remarquable en tout point même si tu ne la connaissais que très peu encore. Tu étais persuadée que tu ne pourrais trouver que des détails la rendant encore plus remarquables. Tu passas une main dans tes cheveux quand elle répondit sur ce que tu faisais, mal-à-l’aise. Tu n’avais jamais été à l’aise face aux compliments, tu n’étais pas capable de les prendre, de les accepter. Tes « merci » n’étaient jamais sincères parce que tu ne te voyais pas comme on pouvait te voir, bien au contraire. Tu te voyais exactement à l’opposée. Comme quelqu’un qui n’avait pas le moindre talent, entièrement nulle, qui ne valait même pas la peine d’être connue et comprise. « Mais non, n’exagères pas, c’est pas tant impressionnant.. »
Tu écoutas très attentivement le récit de Charlie, essayant de ne pas laisser ton attention dériver sur les allées et venues des serveurs et autres discussions que tu pouvais entendre. Te sentant toujours mal pour l’agressivité du pokémon fossile qui avait dû rendre sa journée un peu moins belle, un peu moins lumineuse. you’re a mess « oh.. pauvre Apitrini ! Il va comment ? Il est pas trop blessé j’espère ? » Toi et ton amour des pokémons. Même les plus méchants, les plus sauvages. Tu ne changerais pas. Tu pourrais manquer de te faire tuer par un pokémon sauvage que tu te demanderais comment il allait, s’il n’était pas blessé quelque part. Peut-être trop naïve sur les bords. Tout le monde ne peut pas être sauvé, tu le sais, mais tu dois apprendre que c’est également le cas pour tes protégés. « Non en effet ! Ce n’est pas toujours beau. J’ai déjà dû recueillir un Pichu qui s’était fait frapper par une voiture et ce n’était vraiment pas beau.. le pauvre. Il n’a pas survécu malheureusement. C’est un peu ça, un refuge dans le genre de celui que j’ai, essayé de déjouer la mort, de se montrer plus fort qu’elle pour sauver quelques vies qui n’ont pas eu de chance, mais on ne réussit pas toujours. Par contre, chaque réussite est une merveilleuse victoire ! J’ai un Sancoki qui adore rester au refuge et parler aux pokémons, il ajoute de la joie dans leur vie. Je crois que ça les aide beaucoup à guérir. » Tu eus un doux sourire. Aly avait trouvé sa place dans la vie, dans le monde, et c’était merveilleux. « J’aimerais bien trouver ma place, comme mon Sancoki. J’imagine que ça doit être vraiment agréable. Le café te plaît ? C’est moi qui invites ! »
don't you dare forget the sun, love Tu l'avais oublié.
"Don't apologize. You did nothing wrong." - Lys & Charlie
Charlie ne peut s’empêcher de sourire, lorsque la jeune femme face à elle lui dit qu’elle est heureuse que son petit pokémon ballon ait accepté de la suivre. Elle ne peut que comprendre ; quelle ne fut pas sa joie lorsque son Farfuret avait enfin décidé de la laisser l’approcher. Cela avait demandé beaucoup de temps et de patience à la rousse, mais elle n’avait été que plus joyeuse le jour où ce premier contact positif s’était établi entre eux – le début d’une belle et nouvelle histoire en somme –. En plus, Charlie était du genre à préférer que le contact se fasse naturellement – il n’était jamais question d’obliger des pokémons à faire ce dont ils n’avaient pas envie –. Le cas d’Héllébore restait particulier : en soit, elle l’avait un peu obligé à accepter sa présence. Mais c’était pour le sauver d’une mort certaine – s’il était retourné à l’état naturel dans son état, il n’aurait jamais survécu. De même au Centre, il se serait épuisé à force, et aurait probablement succombé à ses blessures –.
Un petit rire échappe à la rousse lorsque Lys lui dit que c’est remarque, qu’elle ne doit pas être si modeste. Elle haussa les épaules tout en prenant une gorgée de sa boisson. Elle aimait parler de ce qu’elle faisait, de tout ce qu’elle pouvait voir, entendre, ressentir, évoquer les bonnes comme les plus mauvaises choses auxquelles elle faisait face. Pour autant, elle n’aimait pas se mettre en avant dans tous ses récits. Si elle faisait tout ça, ce n’était pas pour provoquer de l’admiration chez les autres mais plutôt parce que venir en aide était sa vocation. Fleuriste et barmaid n’étaient que des boulots à côté pour avoir un revenu et aire passer le temps aussi – parce que la jeune femme détestait voir l’heure tourner, compter les minutes, les secondes ; elle avait toujours l’impression de perdre trop de temps et elle n’aimait pas ça –. Enfin, quand Lys lui dit que ce n’était pas si impressionnant ce qu’elle faisait, Charlie secoua aussitôt la tête négativement.
« Ne sois pas modeste toi aussi ! » Lança-t-elle avec un large sourire.
Oui, si la rousse ne devait pas être modeste, alors elle non plus. Après son récit concernant le petit Apitrini, elle lui demanda comment il allait, s’il n’était pas trop blessé.
« Je dirai qu’il ne va pas si mal que ça, heureusement ! Je pense qu’il n’aurait pas fallu qu’il passe plus de temps sous ce filet… Il a quelques blessures superficielles. Quelques jours de repos, de soins, et il pourra reprendre son envol ! » Dit-elle, avec enthousiasme.
Puis sa camarade du moment évoqua à son tour ce qu’elle faisait dans son Refuge. Elle évoqua plusieurs pokémons, dont un Pichu qui n’avait malheureusement pas survécu à ses blessures. Un air attristé s’afficha sur le visage de Charlie à l’évocation de ce souvenir difficile. Air qui s’échappe bien vite lorsqu’elle évoque que chaque réussite est une belle victoire. Elle avait raison de penser ainsi, la rousse était totalement de son avis.
« C’est merveilleux ce que tu fais, vraiment. Je trouve ça tellement respectable ! Et comme tu dis, il ne faut pas s’arrêter aux échecs mais plutôt apprécier toutes les victoires, aussi petites soient elles ! C’est ce qui nous permet d’avancer dans ce monde bien sombre… Ce Sancoki à l’air vraiment mignon en tout cas hihi ! » Lança-t-elle tout en se balançant de gauche à droite comme une petite fille. « Ne t’en fais pas, je suis sûre que tu arriveras à trouver ta place. Parfois, ça prend du temps. Mais je suis persuadée que tu y parviendras, n’abandonne pas surtout ! »
Charlie, elle, ne savait toujours pas où était la sienne aussi. Elle se sentait à la fois très intégrée ici, à Lumiris, et à la fois, elle avait l’impression de ne rien être. De faire tout ce qu’elle faisait, de faire tant d’efforts, pour pas grand-chose. A Alola, elle n’avait pas sa place. Était-ce pareil, ici, à Lumiris ? Seul le temps le lui dirait.
« Oui, il est très bon ! » Continua-t-elle pour répondre à la question de Lys. « Oh tu es sûre, vraiment ? Ne te sens pas obligée ! » Finit-elle avec un sourire. C’était sa façon de s’excuser pour le malencontreux incident qui s’était produit sûrement.
Les deux jeunes femmes discutèrent encore un moment, un peu de tout et de rien, de leurs pokémons, de leurs activités, de ce qu’elles pouvaient bien aimer ou non. Lorsque soudain le téléphone de Charlie sonna. S’excusant auprès de Lys, elle décrocha. C’était le Refuge, qui la contactait pour une nouvelle urgence – puisqu’évidemment, c’était toujours elle qu’on appelait –. Soupirant, elle se leva alors de sa chaise.
« Je suis désolée de partir maintenant, mais voilà que nous avons encore une urgence… J’aurai bien aimé rester un peu plus… Enfin, pas le choix malheureusement ! En tout cas, encore merci pour le café, il était vraiment bon ! J’ai passé une très bonne matinée en tout cas ! Au revoir, et bon courage pour la suite ! » Lança-t-elle tout en s’éloignant, la saluant d’un signe de main et d’un large sourire durant tout le temps où la jeune femme se trouvait dans son champ de vision.
Et lorsque ce ne fut plus le cas, elle s’élança en courant, à la recherche d’un bus ou d’un autre moyen de transport afin de se rendre sur les lieux du sauvetage.
En sécurité. C’est ainsi que tu t’étais sentie tout le long, ainsi que tu avais considéré la sensation auprès de cette personne sans pouvoir l’expliquer, alors même que tu ne la connaissais pas vraiment. En sécurité et avec cette envie de la revoir, de lui parler de nouveau, d’encore plus apprendre à la connaître. Tu te demandais si c’était pareil pour elle. Voulait-elle apprendre à te connaître ? Tu n’étais pas sûre. Tu n’étais pas spéciale, tu ne pouvais pas comprendre que l’on puisse désirer apprendre à te connaître, au final. Non, ça ne te semblait absolument pas logique ou envisageable. Doux sourire sur tes lèvres alors que tu l’écoutais te répondre et que tu profitais du café qui avait toujours ce doux goût agréable et rassurant capable d’apaiser tes tourments intérieurs. Le café avait toujours eu une bonne place dans ta vie après tout.
Tu ne pus que sourire en l’entendant rire. Toute ta vie avait été construite autour du bonheur des autres, ceux proches de toi, inconnus parfois et bien entendu les pokémons pour qui tu déployais tellement d’efforts pour leur offrir la meilleure des existences possibles. Tu avais toujours ressenti un bienfait dans le fait d’aider les autres, de les rendre heureux. Tu étais heureuse quand ceux autour de toi l’étaient et peut-être était-ce la raison pour laquelle tu n’hésitais pas à donner ? Que tu adorais offrir des cadeaux. Parce que les cadeaux rendaient toujours les autres heureux, que recevoir était toujours un moyen de poser sur leurs lèvres un si beau sourire qui te ferait également sourire. Toute ta vie, tu avais tenté de trouver des moyens d’obtenir des parcelles de bonheur pour ne pas te noyer dans l’océan de tes démons et tu pensais être venue à trouver un bel équilibre aujourd’hui, avec ton refuge. Tu te demandais si elle avait un équilibre, elle aussi et si elle pensait tout de même à prendre soin d’elle dans tout ça, parce que penser à soi était important. Surtout quand votre existence était vouée à aider celle des autres.
Petit signe léger de la main quand Charlie te dit de ne pas être modeste toi aussi, geste qui sous-entendait que ce n’était pas être modeste, uniquement réaliste. Parce que c’était ça pour toi, n’est-ce pas ? À tes yeux, ce n’était rien de plus qu’un simple réalisme. Tu n’avais pas la meilleure opinion sur ta personne après tout. « C’est super ça ! Je suis contente pour lui ! » Rien dans ton enthousiasme n’était feint. Tu étais véritablement contente pour le pokémon qui allait s’en remettre sans trop de dommages. C’était pour ça que vous existiez, non ? Pour leur permettre de reprendre leurs activités basiques, pour qu’ils retournent dans la nature sans problème. Et tu étais heureuse que ce pokémon puisse le faire sans soucis. Grâce à Charlie. Votre vie était menée par des motifs très similaires, au final, et c’était plaisant, agréable et quelque part apaisant de voir que tu n’étais pas la seule dans ce monde où la vie des pokémons comptait autant.
Ton sourire était rayonnant quand elle prit le temps de dire que ce que tu faisais était merveilleux. Tu n’étais pas vraiment de son avis, mais c’était toujours agréable de se le faire dire. Hochant la tête ensuite. Chaque victoire était une réussite de la vie sur la mort et il fallait toujours s’accrocher aux réussites. Surtout toi qui avais malheureusement tendance à voir le côté négatif davantage que le positif, tu faisais tout pour t’accrocher aux victoires, pour ne pas laisser les échecs prendre le dessus sur ton esprit, pour toujours garder en tête que même si certains succombaient, tellement d’autres survivaient et retrouvaient leur espace de vie sauvage. Ne pas abandonner. Trouver sa place. Tu te demandais vraiment si tu allais la trouver un jour. Tu l’avais déjà trouvé, auparavant, auprès d’Éloise, mais elle était devenue une étoile brillante dans le ciel en laissant le vide sous tes pieds t’absorber si violemment. « J’essaie.. » Ce ne fut rien de plus qu’un murmure. Tu n’étais même pas certaine que Charlie ait pu l’entendre et c’était sans doute mieux ainsi.
« Aly est adorable en effet ! » Le tout premier pokémon que tu avais recueilli, tout premier pokémon qui était venu rejoindre ton équipe, sur le bord de l’eau. Tu ne pourrais définitivement jamais oublié sa venue dans ta vie, le tout début de ton existence à Lumiris. Ça te semblait si loin et pourtant si proche à la fois. « Certaine ! » Tu tenais absolument à lui offrir ce café, une forme de dédommagement, pour t’aider à te sentir mieux.
Les aiguilles sur le cadran continuaient d’avancer alors que vous continuez de parler, de tout et de rien, de sujets variés. Mais le temps vint vous rattraper trop rapidement pour ce que tu aurais aimé : elle devait partir, devait retourner suite à une urgence, un appel téléphonique. Tu aurais aimé pouvoir continuer de lui parler, quelque part ne pas te sentir seule. Mais tu ne pouvais pas lutter contre le temps et tu te contentas de hocher la tête. « J’ai passé une superbe matinée et ça me fait plaisir pour le café ! À la prochaine Charlie ! » Tu lui fis signe au revoir jusqu’à ne plus la voir dans ton champ de vision puis remit tes écouteurs et ta musique, de retour dans ta solitude habituelle, finissant ton café. Toi aussi, tu allais bientôt devoir retourner au travail, après tout.