Vois-tu, Lisa ne savait pas réellement ce qui l’attendait, en allant à cet entretient. On lui avait simplement proposé, par téléphone, une somme correcte pour faire un spectacle en compagnie de Pokémon. Un travail étant un travail, et la jeune femme en ayant cruellement besoin, tu peux te douter qu’elle a sauté sur l’occasion présentée par l’employeur.

Ce dernier avait expliqué être le gérant d’une sorte de cirque ambulant dont le principe consistait à divertir le public grâce à des Pokémon bien connus de celui-ci. Dans ce cas présent, Lisa avait rendez-vous dans une ferme, dont les propriétaires étaient régulièrement sollicités pour leurs services. Il était d’une importance marketing que les Pokémon de cette ferme soient acteurs du spectacle. Jouer sur la corde affective pour convaincre les spectateurs de dépenser leur argent, en somme.

Voilà donc la jeune femme qui s’avance d’un pas peu assuré vers le portail gardé par ton gaillard. Curieuse, une Feuforêve volette à ses côtés, observant les alentours. Il n’est pas difficile de remarquer à quel point elle est mal à l’aise. Et pour cause, elle ne connait rien de cet endroit ou de ses occupants. Elle déglutit, puis t’adresse la parole.

-Bonjour, vous êtes le gérant de la ferme? Je viens pour les Tauros. Vous avez dû être prévenus, pour le spectacle. On m’a dit de vous rencontrer ici. Oh, je m’appelle Lisa. Termine-t-elle en tendant vivement une main, peu confiante.

Ses joues prennent une légère teinte rose lorsqu’elle réalise que son attitude est bien trop révélatrice de sa confusion. En la voyant ainsi, tu aurais bien du mal à penser que son métier soit de se tenir sur une scène, n’est-ce pas?

Malgré la bienveillance de ton personnage, Lisa ne peut s’empêcher d’être un peu surprise lorsqu’il lui serre la main avec force et assurance. Il n’y a nul besoin de mentir, Lisa n’a jamais mis les pieds dans une ferme. Cela n’est pas fait pour la rassurer, en dépit de ces sourires sincères que s’envoient les deux jeunes gens.

-Merci pour votre accueil. Répond-t-elle, en adressant un signe de tête à ton Carbiolaine, après qu’il n’ait été présenté.

Vous êtes soudainement traversés par la petite fantômette venue aux côtés de Lisa. Kesla est désireuse de se faire remarquer. Elle virevolte gracieusement avant de s’arrêter à la hauteur de Lucio, interloquée par la créature.

-Oh, et je vous présente Kesla. J’espère que sa présence ne vous gêne pas! J’ai besoin d’elle pour mes prestations, donc c’est important qu’elle s’entraîne avec moi aujourd’hui.

C’est un terrain inconnu que s’apprête à découvrir la jeune femme. Elle est bien loin de vouloir causer du tors à la ferme, mais elle serait bien incapable de dire comment un Pokémon spectre pourrait impacter le comportement de ses résidents.

En tout cas, la présence de la starter ne semble pas poser de problème, puisque le portail s’ouvre devant la jeune femme. Tu la conduis donc vers le lieu ou reposent les puissants bovins. Sur le trajet, Lisa se surprend à apprécier l’air de la ferme. Cela est bien différent d’Artiesta ou de Méanville, dont elle a l’habitude des rues bondées et bruyantes. Cet endroit tranquillement installé dans sa campagne en est le parfait opposé.

Bien qu’elle soit ici pour le travail, la paix régnant sur ces terres contribue à la détendre, autant que le sourire persistant de ce bon Wallace. Cependant, la jeune femme a bien consciente que cette tranquillité apparente n’est que le fruit du dur labeur des propriétaires de la ferme, qui s’évertuent chaque jour à l’entretenir.

Contemplant les alentours en marchant, la femme aux yeux couleur forêt se permet un léger trait de curiosité:

-Vous avez beaucoup de Pokémon, ici?

Il ne faut pas être embarrassé pour si peu! Lisa écoute patiemment, et avec un intérêt certain, la liste de tous les spécimens présents dans cette ferme. Bien que ton personnage minimise les choses, c’est un nombre qui paraît déjà bien assez conséquent pour notre coordinatrice.

-Oh, il n’y a pas de problème. C’est moi qui ait été curieuse! J’aime beaucoup votre ferme. C’est formidable de pouvoir vivre au contact d’autant de Pokémon!

Quelques minutes plus tard, voilà que les deux jeunes gens arrivent face à un enclos. Celui-ci, plutôt grand, ne renferme qu’un seul Tauros. Lisa comprend ainsi que c’est avec lui qu’elle va devoir travailler.

Malgré les paroles rassurantes de Wallace, l’appréhension se fait de plus en plus grande. La bête est bien plus imposante qu’elle ne l’avait imaginé et, de toute évidence, pas suffisamment gracieuse pour en faire un danseur. Il allait falloir trouver autre chose.

Cependant, tu sembles hésiter à faire entrer ton invitée dans l’enclos. Y aurait-il un problème? L’animal serait-il dangereux?

Patiente, Lisa attend quelques instants que tu ne prennes la paroles ou ne te décides à ouvrir. Ses yeux font la navette entre Wallace et la bête.

-Il y a un soucis avec le Tauros? Finit-elle par formuler.

Ta tentative pour rassurer Lisa échoue lamentablement. Wallace n’est pas très convaincant, mais la jeune femme tente de garder sa contenance. Cela ne suffit cependant pas à la départir de son éternel sourire.

Elle acquiesce, signe qu’elle a bien compris les consignes qu’elle aurait appliquées même si le fermier ne lui avait pas rappellé. A force de travailler avec des Pokémon, savoir les apprivoiser, ou du moins suffisament gagner leur confiance pour monter une représentation, est quelque chose de primordial dans son métier. Mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal.

Lisa traverse la barrière ouverte, et accompagne l’homme jusqu’à l’animal. Le Tauros prête à peine attention à cette inconnue. Lorsque Wallace l’invite à toucher le type normal, Lisa hésite un instant puis fais lentement glisser sa main sur l’encolure du quadrupède.

-Quel est son nom?

Il faut dire que même si la blonde a l’habitude de monter sur scène avec des Pokémon ne lui appartenant pas, elle n’a jamais eu l’occasion de le faire avec des créatures aussi imposantes. Mais le calme du Tauros la soulage quelque peu.

-Bonjour, toi. Je m’appelle Lisa. Je vais avoir besoin de toi pour le travail. Tu veux bien m’aider? Demande-t-elle de sa douce voix.

Tout en continuant d’offrir des caresses à son nouveau partenaire, elle se tourne vers Wallace.

-Avant de commencer, je vais avoir quelques questions, notamment sur ses compétences? Quelles attaques connait-il? Que sait-il faire de particulier?

Il important de connaître son partenaire, de savoir de quoi il est capable, et d’avoir conscience de ses limites. D'autant plus qu'il s'agit ici d'un Pokémon qui n'a pas l'habitude de la scène. Il serait, en effet, bien mal penser de vouloir faire danser un ballet de danse classique à un tel animal. Là où un Gardevoir serait parfait pour l’exercice. Il faut savoir jouer avec les cartes que l’on a en main.

Ne soit pas vexé par l’expression surprise de Lisa. Elle reste silencieuse un instant. Il est vrai que le cadre de la scène et celui de la ferme sont bien différents, et Lisa en a conscience. Elle sait que sa mission du jour ne sera pas facile.

Même si le Pokémon n’a pas de surnom, il doit bien réagir à un son. Ou même à “Tauros”. Ou peut être pas. Peu importe ce n’est pas réellement le plus important.

En revanche, le manque de précisions quand aux compétences de l’animal est un peu plus problématique. Les attaques, talents, et capacités physiques des Pokémon sont quelque chose de très important. Ici, en dehors du fait que le Tauros est une créature avec une bonne puissance physique, Lisa n’a pas d’autres informations.

-Ce n’est pas grave. Si c’est ce qui le caratérise le plus, sa force physique, on devrait composer quelque chose avec ça.

Ce qui s’annonce plus compliqué, c’est de rendre cela harmonieux. Élégant. Ou spectaculaire, peut être? Car non, une représentation n’est pas nécessairement une démonstration de beauté. Le charme d’un Pokémon, ou d’une personne, peut bien prendre d’autres formes.

Quitte à devoir composer avec une bête aussi robuste, autant jouer cette carte à fond. Et pourquoi pas mettre en contraste la petite constitution de Lisa, et la carrure imposante du Tauros? Lisa plante son regard dans celui de Wallace.

-On est pas obligé de faire dans le raffiné, ni dans la précision. Qu’est-ce que vous pensez d’une prestation un peu plus sauvage, plus impressionnante?

Il n’est pas étonnant que ce pauvre Wallace n’ait aucune idée de l’histoire dans laquelle il vient d’être embarqué, puisque celui-ci n’a jamais mis les pieds dans un dôme. Pourtant, c’est bien son expérience du monde rural qui pourrait sauver la mise à notre chère Lisa.

Ses connaissances sur le thème, associées au savoir-faire de la coordinatrice, pourraient être bien utiles pour monter un tel spectacle. Cela facilitera la tâche à la blonde, et lui fera gagner un temps précieux. Puisque sans l’aide du fermier, ce temps aurait dû être employé à prendre connaissance elle-même des capacités du Pokémon avec lequel elle doit travailler.

La jeune femme écoute patiemment la petite histoire de Wallace. Elle ne peut s’empêcher de sourire en imaginant cet enfant jouer avec les Pokémon de la ferme.

-Oh, mais je vous en prie! Présenter les choses sous forme de jeu aux Pokémon, ça fonctionne bien en général.

Curieuse et impatiente, elle ne se fait pas prier lorsque le fermier lui demande de s’éloigner d’un geste de la main. Se hissant jusqu’à poser ses fesses sur la barrière, l’artiste désormais spectatrice, observe son hôte. Armé d’un tapis, celui-ci se place face au Tauros. Que peut-il bien préparer?

Assise sur la barrière, Lisa observe le bovin et son maître. La tension semble monter d’un cran à chaque seconde qui s’écoule. Ils se jaugent, s’analysent, se testent l’un l’autre.

Puis soudainement, le Pokémon se décide à charger. Même depuis son perchoir, la coordinatrice arrive à ressentir les vibrations du sol. Le martèlement des sabots, la puissance phénoménale de la bête, la dangerosité de ses cornes. Un instant hypnotisée par la force dégagée par la créature, elle réalise alors que Wallace se trouve précisément sur la trajectoire de la charge.

D’abord prise de stupeur, elle comprend que c’est justement ce que le fermier attendait. Stupéfiée, elle attend la rencontre entre le puissant animal lancé dans sa course folle, et son dresseur qui attend patiemment qu’il n’arrive à lui.

L’homme attend le dernier moment pour agir. Levant le tapis au dessus de la bête, il pivote sur le côté pour l’éviter. Le passage du Tauros soulève le tissu qui ondule légèrement dans le déplacement d’air.

Impressionné par le risque, Lisa saute de son siège et s’approche du fermier en applaudissant.

-Je me suis retenue de respirer tout le long! Commente t-elle, enjouée.

Son regard se pose sur le Tauros qui revient vers eux, calme. Elle observe le mastodonte un instant. Il va sans dire que la puissance de l’animal, la prestance qu’il dégage en pleine charge, et l’adrénaline ressentie en tant que spectatrice, l’ont inspirée pour sa prestation.

-Vous croyez que je peux essayer? Demande la pléiade.

Il faut qu’elle essaye pour savoir quoi faire. Comment préparer les choses. De quel façon organiser le spectacle. Quelle direction prendre? Quel ton? Quels artifices ajouter?

-Je ferai attention.

Lisa s’avance et récupère le tapis de selle des mains de Walalce.

-Merci!

Pas tranquille, la jeune femme se met en position face au Tauros. A une bonne distance, elle imite le fermier et présente le tissu à la créature. L’animal se tourne vers elle.

La blonde jette un œil à sa partenaire qui semble prête à agir. Alors, la coordinatrice commence à faire onduler le tapis. Légèrement, juste assez pour titiller l’attention du Pokémon. Quelques instants plus tard, ses sabots martèlent le sol une nouvelle fois.

Une fois celui-ci lancé, elle prend une inspiration. Son souffle est tremblant, ses mains moites, mais sa tête reste froide. Elle sait que si elle loupe ses calculs, elle peut compter sur son Pokémon, ou sur son hôte pour la tirer d’affaire. Mais le danger reste important.

L’artiste s’autorise même une petite folie. Les yeux clos, elle tente de se repérer uniquement au son des sabots n’est pas chose aisée. Elle s’autorise un clignement d’œil ou deux pour estimer visuellement la vitesse de la créature, qui se rapproche très rapidement.

-Kesla? Demande la blonde, de moins en moins sereine.

Le Tauros a passé la moitié de la distance qui les séparait initialement. Les secondes avant l’impact se compte sur les doigts des deux mains, voir d’une seule. Mais les paupières de la blonde reste hermétiquement closes.

Chacun de ses muscles se tend. Le son des sabots se rapproche toujours. Le danger semble placer le temps en suspens.

-Kesla? Appelle la coordinatrice dont la peur est à présent bien visible.

Et puis elle la sent. Cette impulsion dans les jambes. La force surnaturelle du Pokémon agissant sur son corps. D’une impulsion des jambes, Lisa se propulse du sol, s’élevant dans les airs plus haut qu’un être humaine sa constitution n’en serait capable.

Son saut, soutenu par la maigre puissance psychique du Feuforêve, lui permet d’éviter le mastodonte. La mouvement n’est agrémenté d’aucune décoration. Ni vrille, ni salto. Un simple saut, visant à passer au dessus de l’animal.

Le courant d’air déplacé par le Pokémon vient caresser les joues de Lisa qui s’autorise à ouvrir les yeux. La réception sur le sol n’est pas des plus gracieuse alors que la femme tombe à quatre pattes.

La fantômette se précipite vers elle, et semble la sermonner du regard.

“Tu en fais trop d’un coup!” Semble-t-elle dire.

Le souffle court, le cœur battant la chamade, c’est pourtant un grand sourire qui fend les lèvres de la coordinatrice.

-Je sais ce qu’on va faire, Kesla!

Cette dose d’adrénaline venait en effet de faire naître l’étincelle de créativité qui sommeillait en elle.

Se tournant vers Wallace, la jeune femme demande:

-Combien de temps peut-il courir? A peu près?

Les réponses du fermier semblent satisfaire la blonde. Les charges du Tauros ne sont pas longues, ce qui ne sera pas un problème, mais il est plutôt du genre endurant. Le faire courir un moment ne sera donc pas un soucis.

La coordinatrice accepte volontiers l’aide du fermier. Ses jambes se plaignent un instant, mais parviennent tout de même à supporter son propre poids. Le compliment du jeune homme empourpre les joues de l’artiste.

Pourtant, s’il savait à quel point ce qu’il vient de voir n’est rien du tout. Simplement un tour de base quand on est accompagné d’un Pokémon avec des pouvoirs psychiques. Une figure basique, disgracieuse, peu assurée, maladroite, sans artifices, avec une prise de risque non mesurée, et un contexte encore inconnu pour la jeune femme. Tellement de défauts qui devront être travaillés, et dont la plupart seront corrigés ou camouflés lors de la représentation finale.

Mais l’hôte du jour a l’air tellement sincère. Tellement enchanté par ce qu’il vient de voir…

Lisa s’éloigne de quelques pas, observant la surface de l’enclos, et tentant de se projeter mentalement dans son futur spectacle.

-J’imagine une prestation où j’aurais les yeux bandés. Je serai équipée d’un grand ruban rouge. Plutôt un long voile, en fait, pour remplacer le tapis. Tauros me chargera à de multiples reprises, mais grâce à Kesla, je pourrais l’éviter tout en effectuant des acrobaties.

Tout en parlant, perdue dans son imagination, elle exécute quelques pas de danse, le bras tendu comme si elle tenait le-dit voile. Légèrement mal à l’aise, elle s‘interromp, se souvenant qu’on l’observe.

-Euh… Est-ce que vous voulez essayer? Demande-t-elle en désignant la Feuforêve, espérant ainsi changer de sujet. Sans la charge du Tauros peut être.

Lisa parvient sans mal à cacher sa légère déception quand sa proposition de faire voltiger Wallace se voit refuser. La Feuforêve semble cependant satisfaite. Parce qu’elle ne souhaite pas user de ses pouvoirs sur un inconnu, ou simplement juge-t-elle cela plus sage.

La jeune femme semble hésiter lorsque le fermier lui propose de la laisser travailler seule. Après tout, il est vrai qu’ayant à présent trouvé son idée de prestation, il ne lui reste qu’à la travailler. Et son hôte a certainement d’autres choses à faire que de la regarder s’entraîner. Elle acquiesce.

-On devrais se débrouiller. Pardon d’avoir pris de votre temps, et merci! Je vous fais signe, si j’ai besoin de vous!

Sur ces mots, la jeune femme se remet au travail. Le plus clair de sa séance d’entraînement est dédiée à se mettre à l’aise avec le Tauros et avec le concept de la corrida à l’aveugle. Le plus dur, à présent que l’idée est trouvée, c’est de mettre en place la chorégraphie. D’imaginer la musique. Les acrobaties.

Le lendemain, la jeune blonde resta enfermée chez elle. Travaillant la théorie de ses mouvements avec plus de précision, et mettant en place un vrai plan quand aux jours suivants. Un spectacle ça ne s’improvise pas en un après midi.

Avec l’accord des MacGregor, la ferme accueillit sa présence régulièrement durant les jours suivants. En parallèle, une fois la chorégraphie écrite, il lui fallait travailler sa tenue. A défaut d’avoir l’argent de se payer des couturiers, la jeune femme devait penser et acheter ou concevoir ses tenues elle même, afin de les obtenir à un coût moindre.



Et enfin, après deux semaines de travail acharné, vint le jour de la représentation, lors d’un spectacle d’environ une heure et quart. Pour l’occasion, des gradins ont été montés tout autour d’un grand cercle de terre sableuse. Une arène improvisée, bien moins impressionnante que les monuments historiques portant ce nom. Mais pour un petit village tel que Kishika, il n’y avait pas besoin de plus.

Les artistes s’enchaînent les uns après les autres, humains comme Pokémon. Combats chorégraphiés, danse, musique, humour… Et alors que le crépuscule naissant s’installe, un bruit de sabots commence à intimer le silence.

Émergeant d’entre les gradins pour entrer dans l’arène, un majestueux Tauros s’avance paisiblement. Qui aurait pu reconnaître un animal de ferme? Les MacGregor prennent soin de leurs protégés. Mais c’est là une créature méconnaissable qui entre en scène. Son poil lavé et brossé semble fait de soie. Sa crinière, à présent arrangée et coiffée, semble plus volumineuse que jamais. Ses sabots sont si bien nettoyés qu’il fait mal au cœur de les voir ainsi fouler la terre. Et enfin ses cornes lustrées, brillantes, se dressent telles une couronne à la fois majestueuse et dangereuse.

Juchée sur le dos de la bête, assise en travers telle une amazone à la chevelure d’or, Lisa est vêtue d’une belle robe bicolore. Plutôt courte et à dominante blanche, elle lui descend jusqu’au dessus des genoux. En haut, le bustier est recouvert d’un léger tissu en dentelle rouge qui redescend le long de son côté, plaqué contre son corps par un nœud blanc faisant office de ceinture.

Le quadrupède entre dans l’arène, en marchant, avec le bruit de ses propres sabots comme seul rythme. Une fois dans l’enceinte sécurisée, l’animal s’élance au trot alors qu’une musique au piano démarre.




Se laissant porter par sa monture et la mélodie, la jeune femme effectue quelques mouvements harmonieux sans poser le pied au sol. Lorsque le Tauros boucle son premier tour de piste, elle se laisse glisser, et se dirige gracieusement vers le centre. Là, ses mains se portent au nœud de sa robe et s’évertuent à le détacher. Alors que la pression sur le tissu se relâche, un voile rouge, léger mais ample, vient recouvrir la robe blanche et l’étendre jusqu’au chevilles de la danseuse.

Un tel changement de couleur lui assurant l’attention du public, elle place la ceinture blanche à présent dénouée au niveau de ses yeux. En quelques adroits mouvements du poignet, le bandeau noué scelle sa vision. Elle se penche en avant, comme pour saluer le public, tandis que ses mains descendent discrètement sur sa robe pour venir en chercher le bas.

Pendant, ce temps, alors que le Tauros termine son troisième tour de piste, des percussions se joignent au piano et aux violons, et sa trajectoire change soudainement. Cornes en avant, la bête charge le dos de la femme qui se redresse à peine. Sereine après avoir répété ces mouvements maintes et maintes fois, Lisa pivote sur elle même en effectuant un pas de côté, sa main se lève, dressant ainsi le pan de sa robe devant la trajectoire du taureau.

Légèrement secouée par le déplacement d’air, la danseuse se reprend bien vite. Ses pas fluides, et sa robe rouge volant tout autour d’elle, l’imprègnent d’une certaine innocence. La bête reviens à la charge, mais à nouveau, la chorégraphie de la blonde l’écarte de justesse, faisant claquer le vêtement.

Le manège se répète quelques fois, coupant le souffle du public à chacune des charges de la bête, plus ou moins régulières selon le rythme de la musique.

Approchant de la fin, la tension suggérée par la mélodie se fait grandissante. Le jeu des deux protagonistes ralentit. Le Tauros se calme un instant. Son sabot raclent le sol. Ses queues fouettent l’air. Ses yeux sont rivés sur la jeune femme.

Face à l’animal, elle laisse retomber le tissu de son vêtement qu’elle tenait depuis le début. Mais celui-ci ne retombe pas au sol. Une légère aura rosâtre l’enveloppe. La robe semble flotter tout autour de la coordinatrice, comme animée par un vent imperceptible.

Le suspens atteignant son maximum, l’animal s’élance à nouveau. Contre toute attente, la jeune femme en fait de même. Le sable et la robe volant derrière les pas de l’un ou de l’autre. La collision semble inévitable, quand, d’une impulsion, la blonde décolle de terre pour atterrir derrière l’animal.

D’un bond, ce dernier fait volte-face, et repars de plus belle, faisant preuve d’un acharnement sans précédent. Mais aucun de ses assaut ne touche sa cible. D’une agilité et d’une grâce en parfait contraste avec le déchaînement de muscle et de rage du Tauros, la voltigeuse semble avoir fait de l’air son domaine. Enfin, recevant l’ultime charge, la blonde se met à tournoyer sur elle même. Lorsque vient le moment de s’élever de terre, c’est une tornade rouge qui accueille le Tauros.

Revenue là où tout à commencé: debout sur le dos de la créature, Lisa salue son public, alors que la musique s’éteint.

Les applaudissements retentissent dans l’arène. Lisa disparaît entre les gradins, suivie de près par une petite créature flottante qui n’était encore jamais apparue jusque là.

Après tout… Qui aurait détaché son regard du spectacle pour regarder vers le ciel, là où une paire d’yeux et un collier de perle observaient la scène, et usaient de pouvoirs mystiques pour que les choses se déroulent à la perfection?