— …j’ai vraiment fait d’mon mieux. Peu importe combien de fois t’es venu avec l’intention de me bouffer, j’me suis toujours défendu tout seul. J’pensais qu’en te faisant face par mes propres moyens, tu finirais par éprouver… quoi… un peu de respect, peut-être ? Qu’une forme d’entente finirait par exister entre nous.

Sur un signe du voyageur, les yeux multiples du Kaorine s’enflammèrent de lueurs écarlates.
Le hurlement déchirant de Trépassable se fit entendre jusqu’à l’extérieur des vestiaires.

— …mais ça peut plus durer, tu saisis ? Il y a un temps pour tout.
Et celui d’ma patience… vient d’expirer.

Le jeune homme se leva en se tenant l’épaule, déjà blessée et bandée après avoir réceptionné le vol-plané de Libégon au cours du premier round.
Ce bandage… était désormais complètement déchiqueté, et la peau en-dessous était marbrée d’une large ecchymose violacée et sanglante. Des débris de rocaille étaient éparpillés à terre. Le banc sur lequel Bunji s’était assis était complètement fracassé.
Il y avait à peine un instant, juste avant le début du combat…
…Trépassable avait tenté de faucher son dresseur d’une Lame Roc. Et il y était presque parvenu.

— Il nous reste cinq minutes avant qu’ça commence.
C’est bien plus qu’assez… pour méticuleusement te briser.

Le champ de vision du Trépasable se brouilla. Il garderait pour dernier souvenir la main de Bunji qui se rapproche de son visage, s’enfonce dans le dôme ensablé, pour d’une poigne impitoyable : éteindre toute lumière dans son regard. Les flammes fantomatiques moururent dans le poing du voyageur.

— Crois bien… que j’suis vraiment désolé.
Kaorine libéra son pouvoir. Les échos de souffrance lugubre en provenance des vestiaires résonnèrent, éclatèrent et persistèrent jusqu’à la dernière seconde.






Son regard était endeuillé. Ses lèvres serrées. Son expression intense, dans la douleur et le regret.
Instinctivement, le public ne fit aucun bruit. Seuls résonnèrent les pas du jeune homme sur le béton.

— …Bunji, êtes-vous en état de livrer combat ? interrogea l’arbitre, après une hésitation. Désirez-vous que notre infirmier jette un œil à vos blessures ?
Le voyageur eut un petit sourire, touché par la sollicitude de l’arbitre, avec lequel il se prenait le nez depuis le début du tournoi. Il s’empressa de le rassurer. Façon de parler.
— Impossible, répondit le voyageur d’un air narquois, profitant de l’occasion pour décocher une œillade malicieuse à son adversaire.

Bunji d’Izabe fit tournoyer la cape ensablée avant de la jeter par-dessus son épaule. Masse formidable, l’étoffe explosa pour libérer un véritable torrent de sable, qui torsada furieusement sur le terrain et dans les airs. Le sable s’écoulait tous-azimuts, en boucles déchaînées. Sur l’aire de combat, il était semblable à une rivière en crue, mais autour du voyageur, il cascadait avec un chuintement caressant.






— Je suis prêt.
Par souci de fair-play, et afin de contrer toute possibilité de tricherie, l’arbitre demanda à d’autres observateurs de le rejoindre pour étudier soigneusement le comportement de Kicklee, de Kaorine… ainsi que celui de Bunji lui-même. Leurs pokémons dotés de Clairvoyance et de Lire-Esprit ne seraient pas de trop.
Après tout, les méthodes de combat de ce concurrent étaient particulièrement difficiles à cerner.



Le salut avait quelque chose de solennel, plus que d’habitude.
Bunji d’Izabe était un esprit libre, insondable par nature, mais l’attitude qu’il adoptait au début de cette petite finale était marquée d’une gravité et d’un maintien qui sortaient de l’ordinaire. Cette atmosphère, cette tension presque palpable dans l’air, un jeune homme de dix-neuf ans – à la tête seulement farcie de connaissances théoriques et de combats pokémon – ne pouvait pas la comprendre.

Yuma Matsukaze vivait en ligne droite, efficace, tirée de manière à atteindre son but.
La vie de Bunji d’Izabe n’était qu’une succession de détours et d’errances incertaines.

La différence d’expérience entre les deux individus était abyssale. Aussi bien d’un côté que de l’autre.
Qui l’emporterait aujourd’hui ?




Manquant de peu d’être abattu, Bunji inflige un sort terrible à Trépassable dans les vestiaires.
Le pokémon semble sous le contrôle de son dresseur, d’une façon bien mystérieuse.
Kaorine et Kicklee sont simplement là en tant que témoins. Ils ne participeront en aucune façon à l'affrontement.
— Trépassable (42) est envoyé au combat. Son corps forme un torrent de sable, ruisselant à la fois sur le béton et dans les airs, mais la forme principale du château émerge face à Florizarre.
La lueur dans ses yeux est presque éteinte.

ps : Bunji d’Izabe & Yuma Matsukaze s’affrontent pour la première fois au cours d’un tournoi indépendant, organisé par l’Académie de Lumiris, à Nemerya.
Bunji, qui n’avait alors aucune espèce d’intérêt pour les arts du dressage, laissera son Kicklee souffrir d’une défaite écrasante contre le Cizayox de Yuma, en dépit du fait que les deux pokémons aient des niveaux très similaires.
Il s’agit d’un point de départ de Bunji d’Izabe en tant que dresseur. C’est après ce combat qu’il commencera à entraîner ses propres pokémons (à savoir : Libégon et Trépassable, Kicklee étant depuis toujours, son propre maître).

A peine un regard. Un geste du revers de la main.
Comme on balaie un insecte.

La décharge d’énergie psychique du Trépassable balaya la Poudre Dodo.
Les spores giclèrent sur le béton, y étalant la trace d’une éclaboussure verdoyante. Qui manqua de peu de toucher Yuma.
Bunji croisa le regard de son adversaire. C’était un avertissement.
S’il l’avait voulu, il aurait pu l’atteindre. Lui renvoyer les spores à la figure. Yuma s’en serait-il défendu à temps ? Et comment les arbitres se seraient-ils comportés en voyant le jeune dresseur s’effondrer, frappé par la capacité de son propre pokémon ?

Les observateurs ne s’y seraient pas trompés… tous scrutaient Bunji. Ils auraient compris sans peine qu’il l’avait fait exprès. Qu’il s’agissait de malveillance.
— Tu me fais bailler, Yuma, grogna le voyageur d’un air désappointé. Je croyais qu’on était v’nu chercher un vrai combat.

Doux Parfum et Poudre Dodo. Cette entrée en matière manquait sérieusement de panache.
Il était temps d’y remédier.

Bunji d’Izabe étendit les deux bras en direction des rivières volantes, dont les boucles ensablées s’écoulaient de part et d’autre de l’arène. Ses mains plongèrent dans le sable et dévièrent son cours.
Dans un chuintement mélodieux, le sable s’empara de Bunji d’Izabe.  
La carcasse de Trépassable parut s’amollir, comme vidée de toute substance.
Et une flamme fantôme s’alluma dans les yeux noirs du voyageur.
— J’ai presque tué mon pokémon pour t’affronter.

Sa voix, ce grondement lugubre, faisait écho aux hurlements qu’on avait entendu provenir des vestiaires, avant le combat. Ces vibrations sépulcrales semblèrent se répercuter sur l’ensemble des rivières qui parcouraient l’arène.
— Si tout ce que tu as à m’opposer, ce sont les calculs minables qui t’ont coûtés la première place, ça n’valait pas la peine de m’entêter.

Seuls les yeux du voyageur brillaient à travers la tourmente. Un voile de sable fluide dissimulait ses mouvements, mais portait ses paroles sur le champ de bataille, au rythme déchaîné du torrent.
— …Trépassable n’reposera jamais en paix.

Le pokémon concerné restait mollement avachi face au Méga-Florizarre. Ses tourelles déjà à demi-effondrées. Le sable de son corps s’écoulait à la manière de douves torrentielles, puis débordait sur ces torrents déchaînées qui sillonnaient le béton.  
— Même s’il n’est plus qu’une arme, il mérite un peu de respect.




Cette mise-en-scène. Cette situation. En agissant ainsi, le voyageur révélait un point faible que Yuma ne pourrait pas ignorer. Voilà ! Le corps principal de Trépassable lui était livré sur un plateau. Offert. Toute l’énergie du pokémon spectre semblait concentrée dans le flot de sable, il n’en restait plus aucune pour assurer la défense du château.
Il suffisait de le frapper.

Impossible pour le jeune topdresseur de distinguer le rictus mauvais de son adversaire, voilé par les sables volants.
Mais à ce moment-là… juste à côté d’Ivy, quelque chose sortit de la rivière.
Méga-Florizarre prit un coup. Trop léger pour faire davantage que lui secouer la tête. Un peu de sable se dispersa contre sa joue. Mais… l’assaillant était invisible.
L’attaque se reproduisit. Trop anodine pour faire davantage que d’agacer le puissant pokémon. Ces petites salves ensablées frappaient tous-azimuts, fauchant ses jambes puissantes, l’arbre dans son dos, son visage et ses yeux.
Sans réellement faire de dégâts, quelque chose tournait autour de Méga-Florizarre, le harcelant de projectiles, comme on jetterait des petits cailloux à quelqu’un. Juste pour le faire sortir de ses gonds.













Sur les côtés de l’arène, les arbitres étaient plongés dans la perplexité.
Il n’était pas recommandé pour un dresseur d’entrer en contact avec son pokémon au cours du combat. Pourtant, l’usage de remèdes ponctuels, comme un Total Soin, était admis afin de débloquer la situation et de proposer des matches disputés.
De plus… ce que touchait le dénommé Bunji d’Izabe… c’était simplement du sable.
Et vu la tempête qui soufflait sur l’arène, qui pouvait l’en blâmer ?

— …c’est quoi ce bordel ? Est-ce qu’il faut interrompre le combat ? demanda un membre du staff à l’observateur, mieux versé dans l’art des capacités pokémons.
— C’est… juste une attaque Psyko. L’énergie psychique rassemble le sable, le modèle, et le fait bouger, mais…
Le staffeux releva un œil blasé en direction des silhouettes ensablées, s’élançant l’une après l’autre pour des frappes furtives et éphémères.
— Juste une attaque Psyko, vous vous foutez de moi ?
— …mais le sable bouge avec les capacités d’un vétéran en arts martiaux.
Silence.
Les arbitres cherchèrent du regard la plus haute-autorité à laquelle ils pouvaient se référer.
Constatant leur émoi, Meira eut un petit sourire amusé, et fit distraitement signe de laisser le combat continuer.




Mise en scène : Bunji déploie le sable de son pokémon à la manière d’un lacis de rivières, s’écoulant sur tout le terrain (et parfois dessinant des boucles paresseuses dans les airs). Au milieu de ces torrents ensablés, le château presqu’effondré de Trépassable repose face à Florizarre. Manifestement vulnérable.


Trépassable est touché par le Doux Parfum.
Trépassable contre la Poudre Dodo avec Abri.
(D’un geste négligent – sinon méprisant – du revers de la main, Bunji commande au Trépassable de repousser les spores d’une attaque Psyko.
Il renvoie presque l’attaque sur Yuma. A dessein.)

Trépassable attaque avec Psyko (Puissance : 90 / Précision : 100)
Faiblesse x2. 10% de chance de réduire la Défense Spéciale de la cible.
(Des projectiles, puis des silhouettes de sable jaillissent des torrents. Emulant le style de combat de Bunji, ils assènent de violentes attaques à Méga-Florizarre, avant de se disperser.
Il s’agit de sable, modelé puis contrôlé par l’énergie psychique de Trépassable. L’impact de ces coups porte donc le Type Psy.)

L’herbe se mit à pousser sur le terrain ensablé. Sa croissance stimulée par la puissance du Méga-Florizarre, elle transperçait le béton pour tisser des boucles élégantes, qui enserrèrent, étranglèrent le torrent de sable s’écoulant sur l’aire de combat.
Les combattants éphémères, eux aussi, furent fauchés par le Nœud Herbe, et disparurent.
Tous… sauf un.

La silhouette du guerrier survivante plongea ses mains dans le torrent, et en extirpa deux lames si denses que leur solidité rivalisait avec celle de la pierre. Lames de Roc.
— Ouais, mais c’est pas Trépassable que t’affrontes…
L’instant d’après, elle voltigeait. Surfant sur la rivière dans une giclée de sable, frappant tous-azimuts de ses lames double pour sectionner le Nœud Herbe qui s’accrochait au corps étendu de Trépassable.




L’ombre se rua sur le Méga-Florizarre, qui libérait au même moment une puissante Eco-Sphère.
Impossible d’éviter. Pas sans que le projectile ne vienne heurter la carcasse de Trépassable, dans son dos.
S’il prenait même un simple coup… c’était terminé. Leur connexion mentale, forcée par Kaorine, reposait sur le principe du Partage-Force. Après avoir affaibli Trépassable autant que possible, après lui avoir broyé l’esprit à coups de Psyko afin que Bunji ait les capacités pour dominer leur échange.
En l’état, le voyageur contrôlait réellement son pokémon. Le manipulait comme une arme. Mais cette situation reposait sur un équilibre précaire, qui ne durerait pas.
Trépassable était déjà à deux doigts de s’effondrer.

La silhouette de sable encaissa l’attaque de plein fouet. Réceptionnant l’orbe entre ses mains ensablées, qui au contact de l’énergie Plante, commencèrent à se désagréger.
Le jeune homme poussa un grognement de douleur. Le contrecoup lui flanquait une migraine atroce.
Dans ce monde, il n’existait qu’un nombre très réduit de personnes ayant des affinités avec le Type Psy. Et Bunji d’Izabe n’était pas de celles-ci.
Manipuler la Capacité Psyko par ses propres moyens lui mettait les nerfs en fusion.

A l’intérieur de la tempête de sable, les doigts de Bunji réorientèrent l’écoulement des torrents, de manière à venir nourrir le corps du guerrier des sables.
L’Eco-Sphère fit reculer la silhouette sur plusieurs pas. Le voyageur serra les dents.
Pas question de laisser le combat se terminer ainsi.
Pas sans faire ravaler son sifflet à ce petit merdeux.

Bunji poussa un cri déchirant ; d’un coup de pied ascendant, le guerrier expulsa l’Eco-Sphère dans les airs.
Pas le temps de penser au contrecoup. A l’onde de douleur qui traversait tout son corps. A cette chaleur qu’il ressentait sur son visage et à cette migraine lancinante.
Non, maintenant, il fallait foncer.

— …et d’la théorie, j’en ai autant à ton service, si tu veux, émit-il d’une voix rauque. La résistance aux impacts de Florizarre, ou de la plupart des quadrupèdes, dépend de la stabilité des appuis.
En un éclair, la silhouette de sable parvint au contact de son adversaire.
Ses bras étaient déchiquetés ? Pas grave, il frappa quand même.

— Avec ses quatre membres fermement plantés dans le sol, mes coups n’ont pas plus d’effet sur lui qu’un jet d’pisse de Flamiaou.
La tête du Méga-Florizarre bascula de gauche à droite sous une succession de crochets foudroyants.

— Comment y remédier… ? interrogea l’ombre avec un sourire cruel. Fastoche. Comme pour buter n’importe quel arbre…




Sans le laisser retomber, la silhouette asséna une série de frappes lourdes et ondoyantes, son corps ensablé dessinait un huit tandis qu’elle partait chercher l’élan et la puissance nécessaire à maintenir Florizarre dans les airs, et chaque coup retentissait à la manière d’un tir de canon.

— Et sans toutes ces règles de pétochard dont vous encadrez l’affrontement, tu s’rais déjà en train d’sucer l’gravier, sale petit merdeux.
La silhouette tourbillonna sur elle-même, et – empruntant une forme de kungfu assimilé au Kumite d’Izabe, mettant à profit toute l’énergie dégagée par les hanches et par le torse – réceptionna la chute du Méga-Florizarre d’une frappe de l’épaule. Presque de dos. Qui percuta le pokémon et l’envoya s’écraser aux pieds de Yuma. Dans un chaos de poussière et de béton broyé. Encore une fois, il avait fait exprès de manquer de toucher le dresseur, à peine. Qu’aurait fait Yuma, si les 100 kilos du Méga-Florizarre lui étaient tombés dessus à cette vitesse ?
— Alors comme ça tu crois que t’as pas d’leçons à prendre de moi, sale morveux ?
Mais ton expérience du combat n’a de valeur que dans un environnement stérile, confiné et maîtrisé.
Pas étonnant que les dresseurs qui savent s’affranchir de ce cadre soient ta bête noire.
Pas étonnant que tu t’retrouves à lutter pour la troisième place contre un minable – même pas un dresseur ! – qu’a ramassé son premier pokémon dans l’désert y’a à peine trois mois.
Ramène-la, ta logique du bon p’tit écolier : que j’y foute un grand coup d’pied !







Mise-en-scène :
— une silhouette de sable, formée à partir du corps de Trépassable (à partir de la capacité Psyko), semble se charger de livrer bataille en lieu et place du pokémon
— des torrents ensablés parcourent furieusement le terrain
— la carcasse de Trépassable (le château) est effondrée au centre de l’arène, vulnérable

Trépassable esquive Nœud-Herbe (Esquive Gratuite).
Dégainant des Lames de Roc à l’intérieur du torrent, le guerrier des sables tranche les liens qui tentent de se former autour du corps massif de Trépassable.

Trépassable est touché par Eco-Sphere.
La silhouette prend le gros de l’attaque, afin de protéger le corps principal, puis expédie la sphère d’énergie en orbite d’un bon coup de pied.

Trépassable lance Psyko (Puissance 90 / Précision 100)
Faiblesse x2 et 10% de chance de baisser la défense spéciale d’un niveau.
(Parvenue au corps à corps, le guerrier des sables se lance dans un enchaînement d’une rare violence, soulevant le corps de Florizarre du sol, avant de l’expédier aux pieds de Yuma d’un coup d’épaule magistral.)

« Je te concède un point, un seul : toi & moi, on ne se bat pas dans la même cour. Alors que tu te tiens sur un champ de bataille, je livre combat sur un terrain pokemon. « Une arène bidon » ? N’abuse pas de ta vision des combats, Bunji d’Izabe, on est pas en pleine guerre. Nombreuses sont les personnes qui travaillent tous les jours, élèvent leurs Pokemons, apprennent à les connaître, développent des liens avec eux. Et tout ça, pour être à ta place, une place dont tu n’as nullement compris la valeur. Laisse moi être clair avec toi : tu n’es qu’un mec paumé, qui a oublié ses pokemons. Un vulgaire tyran qui ne s’est pas donné la peine de penser convenablement à ses partenaires. Contrairement à toi, je penserais toujours à ne pas blesser mes pokemons, à leur intérêt. »



Le vent tomba, la tempête apaisait son courroux.
Le manteau de sable tourbillonnant qui couvrait Bunji d’Izabe s’effondra à ses pieds. Dévoilant l’éclat fantomatique dans son regard, le rictus dévorant sur ses lèvres. Son teint hâve et maladif. Ses bandages souillés – battus par les sables – lui donnaient l’allure sinistre et misérable du Téraclope. Et avec ce sang desséché qui formait des croûtes, du nez jusqu’au menton, le voyageur avait tout du prédateur d’outre-tombe. La mâchoire encore maculée par son dernier festin.
— …heh, c’est probablement la chose la plus sensée que t’auras dite aujourd’hui.

Un ricanement sec lui échappa, qui fit légèrement trembler ses épaules.
De tous ses adversaires du tournoi, le gamin était celui qui l’avait percé à jour.
Les gens voyaient ce qu’ils choisissaient de voir. Pour Kenan et Hazel, il avait été une apparition terrifiante. Pour Yokoss, un adversaire de valeur. Mais aux yeux de Yuma…
« Tu n’es qu’un paumé. ». Le constat était d’une pertinence foudroyante. Difficile pour Bunji de ne pas s’en amuser.
De ne pas lui dévoiler ce sourire, perpétuellement railleur, qui se moquait de tout, de tous… et bien davantage encore de lui-même.
Si Yuma le qualifiait de « tyran », Bunji se voyait simplement comme un « pauvre minable ».

Pour autant, son expression ne perdait rien de sa férocité.
A ce stade, il s’agissait bien davantage d’un mécanisme de survie que d’une réelle émotion.
Cette violence faisait partie de lui.

— Insulte moi s’il te plaît, mais ne t’avise plus de prononcer un mot de travers sur ce-.. non, sur notre terrain, celui des dresseurs pokemons. Ivy, met fin à cette mascarade, utilise Végé-Attaque.
— La mascarade est effectivement terminée, acquiesça le voyageur en levant les yeux.

Les ténèbres se refermaient sur Bunji d’Izabe. Le mur végétal de la Végé-Attaque noyait l’horizon, grimpant jusqu’au ciel pour s’abattre sur l’arène à la manière d’un raz-de-marée.
C’était un spectacle à même de le faire trembler. Lui, plus que n’importe qui d’autre.
Face à cette vague immense, une obscurité froide s’insinuait jusqu’aux tréfonds de son estomac.
Tout au fond, Bunji resterait toujours cet enfant de huit ans qui jouait sur la côte d’Izabe, le jour où la Terre et l’Océan s’affrontèrent en duel pour la suprématie de Hoenn. Le jour où les eaux s’étaient levées, plus hautes que le ciel, comme pour railler son insignifiance.

Railleur, Bunji l’était devenu également.
Et le gamin qu’il était  aujourd’hui ne prenait pas la fuite face aux vagues déferlantes.

— Il était plus que temps d’enterrer la carrière de dresseur de Bunji d’Izabe, déclara le jeune homme, solitaire au-devant du tsunami forestier. Elle aura commencé avec toi, Yuma Matsukaze… et c’est également par ta main qu’elle s’achève.
Trépassable ne résisterait pas à une attaque de cette amplitude. Et peu importait les efforts que déploieraient Bunji pour le protéger. Avec le contrôle ténu qu’il exerçait sur la capacité Psyko et sur ses guerriers des sables : il n’avait aucun moyen de contrer pareille force de frappe. Comme toujours… l’homme était bien peu de choses, face à la nature.

— Mais quand bien même… murmura le voyageur en assumant lentement sa posture de combat traditionnelle. …hors de question qu’on reparte simplement les pieds d’vant.

Dans un vacarme assourdissant, la déferlante verdoyante de la Végé-Attaque creusait le béton. Trombe végétale irrépressible qui sonnerait bientôt la fin du duel.  
— Ni lui, ni moi.






La silhouette bondit sur les réseaux de lianes enchevêtrées, écarta les parois d’écorce qui se refermaient sur elle d’un coup de pied, et prenant appui sur les racines, voltigea d’une salve végétale à l’autre, naviguant la Végé-Attaque avec la grâce d’un danseur.
…mais, même si tu pensais qu’à t’empiffrer, j’peux pas t’en vouloir.
Tu jouais exactement le rôle que la nature t’a donné.

La déferlante végétale dominait Trépassable de toute sa hauteur. Les racines torsadèrent à travers le sol, prêtes à le broyer.
Il ne restait que peu de temps. Et ce temps, cet instant fugace comme l’éclair : Bunji allait le mettre à profit pour riposter.
De l’autre côté de l’arène, la silhouette de sable fit face au Méga-Florizarre.
Le guerrier du désert émula la posture martiale du voyageur.
C’est moi… qui n’ait pas su me montrer à la hauteur.
Ta sauvagerie, si le rôle d’un dresseur était de t’en détourner, de mieux la canaliser, alors…


C’était moins un coup de pied qu’un geyser.
Une onde de choc et de destruction, venue des profondeurs de la terre. La jambe de Bunji d’Izabe ; la jambe du guerrier des sables, tranchèrent ensemble dans l’air avec le sifflement d’une lame. Tout ce qu’il restait de poids et d’énergie au Trépassable, canalisé dans un coup de pied ascendant. L’impact souleva la tête du Méga-Florizarre, qui vidé de ses réserves de forces et de sa lumière par la Végé-Attaque, subissait impuissant cette ultime contre-offensive.
Le pokémon plante décolla lourdement du sol, comme emporté par une véritable éruption.
Alors, j’ai échoué. Lamentablement.
Pourtant… j’ai vraiment, vraiment tenté l’coup.


Dresseur et guerrier bondirent de concert à la suite de leur adversaire. Tourbillon de pieds et de poings. La déferlante martiale roula sur le corps emporté par les sables du Florizarre. Le traquant sans cesse, au gré des flux et des reflux, pour frapper et frapper encore, avec l’énergie et la constance inépuisables de la marée.
Jusqu’à ce que ses cris s’étouffent et se perdent, noyés dans les vagues de cette violence ensablée.
Et j’ai cru qu’ça pouvait marcher.
Que je pouvais changer.


Comme tombe la foudre, le guerrier des sables dévala le ciel.
Son talon frappa précisément le point central, à l’arrière de la nuque du Florizarre. Fragilisé par ces vagues d’assauts successives et interminables, le cou du pokémon massif avait perdu toute flexibilité et toute résistance.
Coup net et tranchant. Comme s’abat la lame d’un sabre.

Bunji aurait sans doute pu s’échiner encore et encore. Se battre nuit et jour sans voir tomber le monstre d’endurance qu’était Méga-Florizarre. Mais s’il s’agissait d’infliger un unique coup critique, à même de lui faire perdre conscience momentanément.
…alors il avait les moyens pour le faire.

Méga-Florizarre tomba K.O. dans les airs.
Ce qu’il restait de sable parut accueillir la chute du pokémon. Presque en douceur.


Simultanément, derrière la silhouette, la Végé-Attaque terrassait Trépassable. Et mettait un terme au combat.
La forteresse décrépie fut soufflée par la vague déferlante. Son corps se dispersa sans offrir de résistance, dans un déluge de sable clair. La petite pelle qui abritait son âme, fracturée par la violence de l’impact, retomba aux pieds du voyageur. C’était terminé.
Les égoïstes dans mon genre sont pas fichus d’se soucier de quelqu’un d’autre.
Pas vraiment. Pas sincèrement.

Le guerrier des sables se déforma et Bunji accusa le coup, vacillant à demi vers l’avant, les narines pleines de sang. Mais avant de s’effondrer, la silhouette se tourna vers Yuma… et lui lança un petit Jet de sable. Juste histoire de lui gâcher son café.
— …j’avoue, c’était petit. Si tu veux, j’te file une autre tasse après.

Pour Trépassable, il n’y aurait pas de seconde chance. Sa volonté anéantie, la masse de sable qui recouvrait le terrain perdait lentement de son énergie. Bientôt, les dunes seraient silencieuses. Et le sable, ordinaire.
Une étincelle spectrale s’alluma aux pieds de Bunji. Flammèche violette au regard glacé.
Modelant une main grossière avec ce qu’il lui restait de force, le pokémon tendit une tourelle vers son dresseur. Bunji ne bougea pas d'un pouce. Avec un sourire entendu, il observa Trépassable plonger ses doigts crénelés dans la plaie à son épaule, dans un geste avide et rageur. Fouaillant dans sa chair et dans son sang, à la recherche de précieux nutriments dont se gorger.  
Si j’avais réellement espéré un revirement de ta part…
…j’aurais jamais pensé à tous ces moyens de t’faire plier, de t’utiliser, de t’instrumentaliser.

— Arrrh… Forcément, t’as toujours la dalle, hein… soupira le jeune homme d’un air las, avant de porter son regard illuminé d’un éclat spectral de l’autre côté du terrain. …mais j’me suis pas foutu d’toi : Méga-Florizarre, on l’aurait pas eu à la régulière.
J’peux pas te laisser l’bouffer, mais vois ça comme un petit cadeau… une offrande, avant l’grand départ.
La main ensablée émit un sifflement haineux. C’était loin d’être suffisant pour le satisfaire.
La lueur verdâtre d’une attaque Méga-Sangsue commença à s’illuminer mais…
Bunji dispersa le sable d’un coup de pied.
— Bye bye, Trépassable…
Au final, j’ai pas été capable de t’faire confiance.
J’suis bel et bien un tyran.

Le laser rouge de la pokéball récupéra ce qu’il restait du pokémon moribond. L’aire de combat demeura lourdement recouverte des 250 kilos du corps du Trépassable. Tout ce sable-là était mort.
Si t’avais rencontré un Yuma ou un Kei, ton existence aurait sûrement pris une autre direction.
Alors, pour avoir croisé ta route…
— …j’suis vraiment désolé.
Sur cet ultime murmure, Bunji d’Izabe s’effondra.
L’arbitre vainquit finalement ses hésitations, et leva les bras afin d’annoncer la fin du ma…

Un trille explosif interrompit le jugement.
Se libérant de sa pokéball par sa propre volonté, Libégon réceptionna le voyageur en enroulant sa longue queue autour de lui, et le soutint le temps qu’il retrouve l’équilibre. Clignant des yeux d’un air vaguement ahuri, Bunji croisa le regard de son pokémon.

Le rugissement de Libégon explosa en plein ciel. Dans une déflagration au bruit de verre brisé : sa férocité fit trembler les Murs Lumières, souleva des échos de peur et d’indignation parmi le public, qu’elle fit taire, une fois encore, d’un grondement furieux.

Le silence revint dans les tribunes. Et le ciel, comme influencé par sa colère et par son chagrin, se couvrit d’un manteau gris. La grêle s’abattit sur l’aire de combat.
Cette pluie de glace s’écrasait douloureusement sur l’échine du Libégon, et gênait le mouvement de ses ailes.
Mais le dragon demeurait droit et fier. En Lévitation.
Les yeux rivés sur lui.

— …ça vaut pas l’coup de t’mettre dans des états pareils, tu sais…

Si, ça en valait la peine.
Et puisqu'il ne ferait pas un geste pour défendre son honneur, alors elle le défendrait pour lui.
Car il était sien : tout à la fois son héros, mais aussi le plus précieux de ses trésors.

Le voyageur prit un grêlon sur le coin de la tronche. Il était fatigué. La hargne de Libégon était touchante, mais… il n’avait même plus l’énergie pour la diriger. Et encore une fois, il se trouvait confronté à un pokémon manipulant la glace. Le tournoi avait prouvé que Bunji et Libégon n’avaient pas l’expérience nécessaire pour faire face à la plus sérieuse faiblesse du dragon. C’était un handicap qu’on ne pouvait pas surmonter sans connaître un large éventail de capacités, fruits d’un entraînement acharné.
Bunji avait ramassé Kraknoix dans le sable, il y avait trois mois à peine.
Son succès jusqu’ici tenait à la fois de la chance et du miracle.
Confronté à Yuma Matsukaze, son absence de préparation tenait d’une vaste blague.

Maintenant que Trépassable était tombé, à quoi bon ?
Il n’avait aucune envie de ramasser Libégon aussi à la petite cuiller.
Autant abando…

— Tu recommences ?
Bunji releva un regard las vers le jeune dresseur.

— Je ne comprends pas ce qu’ils voient en toi; Libegon, Red Riot, Yokoss aussi. Ou est-il, le garçon qui attire leur respect ?
J’sais pas où il est non plus…

— Je ne vois qu’un mec encore sur le point d’abandonner. La dernière fois aussi, tu as failli lâcher avant la fin, alors que Kicklee n’était pas hors combat.
Ce souvenir le brûla d’une honte sincère. Bunji lança un coup d’œil vers l’arrière, où Kicklee, les bras croisés, l’observait intensément. Une fine aura martiale émanait de son corps noueux, et le protégeait de la grêle. Le voyageur, lui, prit un autre grêlon dans la gueule, puis conserva la tête basse.
L’impact fit saigner son front.

— Suis-je aveugle ou bien tout le monde se fourvoie sur toi ? Je veux le savoir ici & maintenant, et ce combat ne prendra fin d’une façon ou d’une autre, que lorsque j’aurais ma réponse.
J’aimerais bien l’savoir, moi aussi…
J’ai rien fait pour mériter tout ça...

La possibilité de la présence d’Ombline et de Wallace, dans les gradins, lui fit serrer les dents.
Verrait-il briller la peur dans le regard de ces gentils p'tits fermiers à compter de demain ?

Rien fait pour mériter leur dévotion.
Rien fait pour mériter leur affection.

Libégon, encore une fois, poussa un trille féroce.
Elle brûlait de se battre à ses côtés.

J’ai juste tracé ma route, en n’pensant qu’à ma pomme.
Comme d’habitude.

Yuma avait plus causé ces cinq dernières minutes qu'au cours de ces cinq derniers mois.
Il aurait déjà pu mettre fin au combat... mais il attendait quelque chose.

Et alors que je m’arrête pour décider du prochain itinéraire…
J’remarque soudain…

— Approche Libegon, vient donc nous le prouver, à Astral & moi. Montre moi que Bunji d’Izabe n’est pas l’incapable qu’il persiste à jouer face à moi.
Le cri de Libégon se joignit à l’appel de Yuma.

— Vous faites chier, avec vos attentes, grogna Bunji en relevant sa garde.
…que je n’suis plus seul.

La douleur à son épaule, où Trépassable avait si joyeusement fouaillé dans sa blessure, lui fit presque tourner de l’œil. Il avait l’impression de plus rien avoir dans le crâne. La faute à son nez, qui pissait le sang. Ses yeux voyaient troubles. Un contrecoup du Partage-Force avec Trépassable, entre autres.
— J’ai rien à vous prouver du tout… c’que je fais là…









Ce Météore était la plus puissante technique de son arsenal, mais même elle serait insuffisante à percer les défenses du Voile Aurore. Peu importe. Bunji et Libégon n’avaient pas d’autre choix que de combattre avec les armes qu’ils possédaient.
Même protégé, Astral ne ressortirait pas indemne de cette attaque. Et une fois Libégon au contact, les arts martiaux de Bunji déploieraient leur plein-potentiel. Un pokémon délicat tel que Feunard n’était pas fait pour le corps-à-corps.
Il suffisait que le dragon survive assez longtemps pour que sa technique martiale fasse la différence.

Aussi ridicule que cela parut, c’était leur seul espoir de victoire.
Ce duel était de toute façon ridicule. Ses chances quasi-nulles.  
Mais même s’il ne s’agissait que d’1%... une fois que Bunji d’Izabe acceptait un combat, il se battait corps-et-âme pour le gagner.




Libégon est touché par le Blizzard.
Sa vie est dans le rouge.

Voile Aurore divise par deux les dégâts reçus par le Feunard d’Alola.
Il grêle.

Libégon lance Lance-Flammes (Puissance 90 / Précision 100)
Faiblesse x2 et 10% de chance de brûler.
(Libégon s’environne de flammes…

Libégon lance Bang Sonique (Puissance 140 / Précision 100)
…et fend le Blizzard à la manière d’une flèche de feu pour percuter Astral.)

Elle ne l’atteindrait pas à temps. La charge de Libégon, contrée par Abri, ne lui permit pas d’enchaîner sur une combinaison fluide. Le recul fit mordre la poussière au dragon, laissant à Astral l’opportunité de reprendre l’offensive.
— Décolle ! tonna Bunji, ranimant une étincelle de courage dans le corps du dragon, déjà meurtri par le Blizzard.
Libégon fendit les cieux à la poursuite du pilier de glace.
Mais l’Attaque Z se préparait. Elle ne l’atteindrait pas à temps.

Bunji visualisait clairement la fin de l’affrontement.
Il n’y avait plus rien à faire. Yuma avait eu raison. Il ne gagnerait pas ce combat.
Non, tout ce qu’il restait d’enjeux… reposait sur ce qui se passerait après sa défaite. Sans quitter des yeux la poursuite désespérée de Libégon, qui s’envolait à la suite d’Astral et de Yuma vers les hauteurs de l’arène, le voyageur termina d’arracher le bandage souillé à son épaule. Il s’étira avec un grognement de douleur.
C’allait être sportif, encore...



Le Laser Cryogénique faucha le dragon en plein vol. Le repoussant en direction du sol, où il se débattit avec fureur contre cette glace qui sapait ses forces et endormait ses sens. La vigueur dans son hurlement s’éteignit.
L’arène se couvrit d’un iceberg massif, puis de poussières de glace en suspension.

— Libégon ne peut plus se battre, annonça l’arbitre. Victoire de Yuma Matsukaze !
Explosion de joie dans les gradins. Les félicitations au vainqueur. Et puis… petit moment de stupeur.






Revenons un petit moment en arrière.
Bunji fit signe à Kicklee et Kaorine de se rapprocher, puis… il se retourna vers l’arbitre avec un sourire canaille.
— …je vous disqualifie ? demanda aussitôt celui-ci, qui en quatre matches, avait pris la mesure du loustic.
— Ouaip, répondit le jeune homme en faisant jouer les muscles de son épaule blessée. J’t’offre un café, après ?
Étonnamment, l’arbitre eut un sourire amusé, et un bref hochement de tête.

Bunji en resta comme deux ronds de flan.
Allons bon... V'là que j’me suis fait un pote.

Son regard monta en direction du pilier de glace, qui allait croissant. Une lueur de détermination brillait dans ses yeux noirs.
— Partage Garde, commanda-t-il à Kaorine.
Le Pokémon Poupée Argile parut s’amoindrir, à mesure qu’il équilibrait la vitalité du voyageur et la sienne. Bunji, lui, sentit ses muscles gonfler. Son corps hurler soudain, débordant d’une énergie telle que rarement possédée par l’être humain. C’était dangereux. Son organisme n’était pas fait pour supporter une telle charge. Le jeune homme eut un rictus purement bravache, puis fit signe à Kicklee.







Okay, ça faisait un mal de Ponchien ! Envoyé dans les airs, et à demi dissimulé par les brumes glacées dégagées par le Laser Cryogénique, Bunji s’éclata à la surface de l’immense iceberg qui recouvrait l’aire de combat. Owwww !?
Okay... j'refais plus jamais ça.
— Sacré sorbet...
Dire que Libégon avait bouffé ça de plein-fouet…

Le jeune homme se redressa sur la glace avec un geste maladroit. Forcément, il n’avait pas pris ses bottes d’escalade à crampons pour le match d’aujourd’hui. Une main posée à plat sur la glace, il se concentra.
Les cris de faiblesse et de frustration de Libégon firent doucement vibrer l’iceberg. La grosse nouille perdait ses forces à vitesse grand V. Il fallait agir vite. Se laissant guider par les gémissements du dragon, Bunji dévala la façade glacée. La surface, relativement uniforme, ne lui posait que peu de difficultés. Au contraire, doué de solides capacités d'adaptation, il gagna rapidement en aisance.
Avec l’agilité d’un Moumouflon, le jeune homme cavalait bientôt avec un grand sourire aux lèvres. C’était du gâteau. Cinq mois plus tôt, il dévalait les falaises du Mont Yukori poursuivi par un duo de Méga Dracaufeu. Comparé à ces péripéties, les acrobaties qu’il exécutait à présent tenaient de la promenade d’agrément. Se réceptionnant d’une pirouette à l’ombre du pilier de glace, Bunji discerna la silhouette sombre du dragon, piégée au cœur de l’iceberg.

— Alors, Libégon ! C’est ça qu’tu voulais lui montrer ? se moqua le jeune homme, d'une voix puissante comme le tonnerre. Ta défaite écrasante, ton passage éclair au congélo ?
Pour quoi je passe, moi ? T’y penses un peu ?
ALLEZ ! Qu’est-ce que tu crois prouver avec ce spectacle minable !?
En réponse, un cri de frustration résonna depuis les profondeurs gelées. La glace prit la coloration flamboyante du Lance-Flammes, tandis que Bunji éclatait d’un grand éclat de rire moqueur, titillant davantage encore les frustrations du pokémon.
Dans une rafale de chaleur sonique, Libégon s’extirpa de son piège gelé, et remonta à tire d’ailes en direction de son adversaire. Malheureusement, l’arbitre ne l’avait pas déclarée hors de combat sans raison. A mi-chemin, ses ailes tétanisées par le froid faiblissaient déjà. Avec un cri de frustration, elle se sentit recommencer à tomber, et puis…

— Partage Force !

…une main puissante la réceptionna dans le dos, avant de la faire tournoyer en plein ciel, puis de la projeter à toute-force en direction du Feunard.
— FONCE ! beugla Bunji en l’expédiant dans les airs.

Après un bond prodigieux exécuté en prenant appui sur le pilier de glace, Bunji se vianda magistralement sur l’iceberg. En dépit du surplus de puissance qu’il avait emprunté à Kaorine, il avait senti les os de ses jambes et de ses bras se fêler à l’impact. Ce n’étaient pas des Capacités à utiliser sur les êtres humains. S’asseyant péniblement en tailleur, le souffle court, et à deux doigts de tourner de l’œil, le jeune homme releva les yeux vers le ciel.
— Vas-y, montre-lui un peu c’que t’as dans l’bide. Qu’on ait pas fait tout ça pour rien.

Créature en furie, Libégon surplomba soudain Astral et Yuma. La lueur pourprée d’une Dracogriffe fit briller son poing, pourtant, ni le dresseur ni le pokémon ne firent mine de se défendre. C’était inutile. Le match était terminé.
Et Libégon était un pokémon bien trop doux de nature pour songer s’en prendre à quelqu’un hors du cadre d’une compétition officielle. Toute cette colère n’avait qu’un seul objectif. Renier avec véhémence ces paroles prononcées à l’encontre de son sauveur. Et comme s’il lui était possible de prouver sa valeur par une démonstration de volonté pure, Libégon frappa.
La Dracogriffe déchiqueta la trame subtile du Voile Aurore, puis percuta le pilier de glace dans un impact qui y imprima tout un réseau de fêlures.
Chose faite, Libégon tourna son regard courroucé vers Yuma, qu'elle soutint l'espace de quelques secondes ; plaidoyer enfiévré et silencieux. ...et puis, elle ferma les yeux.
A bout de force, elle bascula en arrière.

— …tu veux m’buter ou quoi ?! se récria Bunji en voyant les 80 kilos du Libégon lui tomber sur la tronche. gYAAAARRRRg !!
Après ça, il ne restait plus que de la purée de Bunji.

Le corps en compote, il lui fallut bien quelques secondes pour s'en remettre.
— Bon… t’as mal quelque part, grosse nouille… ? murmura-t-il en tapotant la tête du Libégon.
Le dragon répondit d’un petit trille, épuisé mais contenté.
— …tant mieux pour toi, moi, j’me suis mis en miettes…
Kicklee apparut à ses côtés pour l’aider à se relever. Présence sombre, Kaorine lévitait également au-dessus de leurs têtes. Le petit groupe hétéroclite leva les yeux en direction de Yuma.
Même complètement claqué, son Libégon sur l’épaule, Bunji lui souriait d’un air provocateur.

— Ça fait deux fois que tu joues à domicile. Et ça fait deux victoires pour toi.
Mais la prochaine fois qu’on se rencontre... ce sera sur mon terrain.

Chancelant, c’est encadré par Kicklee et Kaorine que le voyageur se glissa vers l’extérieur de l’iceberg. Il faisait presque de la luge sur les fesses. Rejoignant la sortie en titubant à demi, le jeune homme leva une main. Et comme pour saluer une dernière fois son adversaire, il s’exclama.
— Tu attendras d’être devenu Maître Pokémon pour m’donner des leçons, Yuma !

L’écho joueur de sa voix plana quelques instants sur l’arène.
Et ainsi, Bunji d’Izabe s’en fut.