Une larme était tombée sur l’enveloppe que tu venais de sceller, alors que tu déposais sur ton bureau cette lettre dans laquelle tu avais mis tout ton coeur. Ethan, Izaiah et… Caël. C’était à lui, à lui que la dernière lettre avait été écrite, envoyée - à lui. Il te semblait que ton coeur était en pièces, en lambeaux, que respirer n’était même pas possible - il te semblait qu’un poids appuyait sur ta poitrine et t’empêchait presque de respirer.
Que reste-t-il de nous ? La question tournait dans ton esprit alors que tu venais de te lever et de tendre la lettre à Pixel en lui demandant d’aller la poster. Pixel connaissait quand même bien le coin et il pouvait trouver facilement l’endroit où poser ta lettre. Tu ne savais pas pourquoi tu avais posé sur papier tout ce qui t’épuisait. Et pourtant, tu voulais le prendre dans tes bras, le serrer tout contre toi en t’excusant. Encore et encore, lui demander de te pardonner tout ce que tu avais fait de mal. Lui demander de te pardonner de l’avoir aimé.

Tu avais faiblement souri à Cosmog assis sur ton bureau en le prenant dans tes bras et faiblement remercié Wisp qui avait appuyer sur le bouton pour que le café coule dans ton thermos. Clairement, tes pokémons étaient toujours présents pour toi et ils faisaient pour apaiser les tourments qui te prenaient, qui t’étranglaient. Tu avais attrapé ton thermos alors que Pixel revenait. C’était toujours étrange de le voir dans les couleurs roses sur lesquelles tu t’étais réveillée un matin.
Dans un panier dormait Edelweiss, un Leafeon assez particulier et problématique, qui obéissait pas mal uniquement à Hakai - ton Kabutops. Mimosa aussi était présente. Et Ignis aussi.

Tu demandas à Mimosa de garder un oeil sur Ignis qui avait bien grandi depuis qu’Izaiah l’avait fourré dans tes bras. Enfin, ça avait été bien plus délicat que ça. Il était venu te rejoindre au refuge en te posant des questions, Ifrit et Ignis avaient été retrouvés à l’aide de son Duskull. À cette pensée, un sourire un peu plus doux flottait sur ton visage alors que tu te rappelais la relation bien compliquée qu’Izaiah entretenait avec le type spectre.
Léger haussement des épaules alors que tu mettais ton manteau pour sortir. Tu avais besoin de faire un tour. Essuyant rapidement une larme qui venait de nouveau de couler, tu avais monté dans le bus qui t’avait mené dans le Sud de Lumiris. La plage te semblait bien être une idée pour t’aérer l’esprit - mais tu n’avais pas prévu qu’on y aménage une partie spécialement pour une date qui te faisait bien mal.

Tu n’avais jamais voulu souhaiter la St-Valentin et ça n’avait jamais été très important dans ton existence, dans tes relations. Pourtant, là, dans les Contrées de l’amour comme ça s’appelait, ton coeur se serrait douloureusement. Parce que cette journée célébrait l’amour - célébrait tout ce que tu avais perdu et jamais possédé. Tu avais perdu Éloïse et Caël, tu avais vaguement connu Charlie avant qu’elle s’en aille - les quelques moments de douceur et l’amour que tu avais voué à ces deux premières personnes avaient fini dans un gouffre qui t’aspirait. Dans un vide qui te détruisait.

Tu te souvenais.
De la douceur de sa peau, de la violence de ses réactions, quand elle se débattait, quand ta main s’entourait autour de son poignet pour la retenir - pour qu’elle ne s’en aille pas, pour la retenir tout contre toi. Tu te souvenais de l’éclat de sa voix, mais de la douceur et de la tendresse dont elle pouvait faire preuve, de vos étreintes alors que vous vous endormiez, toutes les deux une à côté de l’eau. Et du froid, du vide, qui avait pris place dans tout ton être quand, à ton réveil, la place à tes côtés s’était révélée terriblement dépourvue de sa présence.
Quand tu n’avais plus jamais pu la prendre dans tes bras. Alors les voir tous s’aimer, les voir main dans la main, laissait ton coeur en lambeaux.

Tout contre ton cou se blotissait Cosmog alors que toi, tu t’apprêtais à partir de ce lieu qui te rappelait tout ce que tu avais autrefois perdu. Seulement, une voix t’arrêta dans ton élan et tu te retournas pour faire face à Jesiah, un très bon ami - et vous aviez un peu les mêmes buts quand vous pensiez aux pokémons. Tu connaissais sa famille - tenant un refuge, c’était logique de connaître ceux qui tenaient des refuges également. « Coucou toi. » Tu ne t’attendais pas à le voir ici, mais en même temps, peut-être que tu étais la seule qui s’enfermait dans un passé qui ne cessait de te détruire. De te faire du mal. Un passé épuisant et ombrageux. « Fatiguée. Mais c’est normal, avec le refuge et mon travail, et toi, tu vas bien ? Je suis contente aussi. » Un doux sourire se posait sur tes lèvres alors que tu posais un regard sur Pixel et Edelweiss. Hakai gardait un oeil sur ce dernier. Oui, tu étais toujours aussi bien accompagnée par tes pokémons - après tout, sur ton épaule aussi se trouvaient des pokémons : Cosmog et Peter. Cosmog prenait bien plus de place que le Caterpie chromatique.
La surprise apparut sur les traits de ton visage alors qu’il te tendait les fleurs que tu attrapas. « Je… merci… je m’y attendais pas du tout, c’est vraiment gentil. » Ton regard se posa sur un stand de glace et tu t’en approchas légèrement. « Tu en veux une ? C’est moi qui invite ! Comment ça se passe au refuge ? »

eyes like a car crash
i know i shouldn't look but
i can’t turn away

Sourire - sourire pour chasser les ombres, sourire pour chasser les nuits d’insomnie. Sourire pour effacer la souffrance qui tord le coeur et l’absence de cette personne au quotidien - sourire pour oublier que tu n’aimais pas la St-Valentin, et que Caël n’était pas là. Sourire pour oublier qu’elle n’était pas là non plus et que les deux seules personnes que tu aurais voulu pour fêter une telle fête n’étaient pas présents. L’un tu ne savais où à Lumiris, l’autre éclairant ton ciel le plus sombre d’une lueur parfois si faible que tu ne pouvais pas la discerner. Une étoile noire.

Sourire et se concentrer sur la personne qui venait d’arriver et que tu connaissais. Tu le connaissais davantage au travers de ses parents qui tenaient un refuge avec lequel tu gardais contact régulièrement, se concentrer sur lui et l’hésitation que tu n’avais pu que percevoir dans sa voix. « Tu es sûr ? » Tu n’avais pas pu faire autrement que de lui demander doucement, que de t’assurer de sa réponse. Parce que même si vous ne vous connaissiez pas énormément, tu ne pouvais pas faire autrement : tu t’inquiétais. Hésiter sur la réponse, sur le “je vais bien” laissait entendre que quelque chose se passait et tu voulais lui montrer que ta question n’était pas que pure politesse.
Mais tu n’allais pas forcer s’il ne souhaitait pas en parler. Non, tu savais garder ta place et ne pas t’imposer; tu savais attendre que l’on vienne à toi, que l’on te parle volontairement. Parfois, prendre trop de place, c’était bien trop néfaste.

Tu lui demandas la sorte qu’il voulait en s’approchant du stand de glace et tu en commandas une, lui tendant ensuite. Les effluves de la nourriture te faisaient tourner la tête - parfois, t’avais l’impression que tes pieds allaient glisser sur le sol, que la gravité allait appeler ton corps tout entier et pourtant, tu ne cédais pas à l’appel. Tu étais forte - (ce n’était pas de la force, tu le savais tout au fond de toi) mais tu ne pouvais pas céder
Tu avais souris en prenant une gorgée de ton café. Ça te faisait plaisir de l’inviter, de lui acheter une glace. Tu aimais offrir, tu aimais donner aux autres - surtout à ceux que tu connaissais et ceux en qui tu avais confiance. Et si ce n’était pas une confiance absolue, tu avais quand même confiance en Jesiah.

« C’est vrai que tu passes beaucoup de temps au travail, mais qui suis-je pour juger ? » Tu avais doucement ri. En effet, et Jesiah le savait sans aucun doute, ton propre horaire était chargé. Depuis que tu étais revenue au refuge, que tu avais repris les choses en main, tu alternais tes journées entre le refuge et le centre Pokémon - ne te laissant souvent que trois ou quatre heures pour dormir, avec le déplacement en plus de Mirawen à Sunyra. Mais c’était le rythme de vie qui te convenait pour empêcher le flot de pensées qui t’étouffait dès que tu ne faisais rien de t’empêcher de respirer.

Mais tu pouvais comprendre la mère de Jesiah. Ta propre mère essayait souvent de te faire prendre des pauses quand elle remarquait que tu étais en train de te tuer à la tâche - de crouler sous les travaux et de toujours vouloir tout faire en même temps jusqu’aux crises d’angoisse violentes qui t’empêchaient de bouger. « Mais c’est apaisant le travail. » Presque thérapeutique, même si clairement, ça venait mener ton corps à ses retranchements les plus extrêmes. Vertiges et étourdissements qui s’entremêlaient avec des maux de tête et tes articulations capricieuses - ton ventre qui se tordait, comme s’il tendait de s’auto-digérer. Peut-être était-ce le cas ? Tu n’en savais rien.

« Tu as une idée de ce que tu voudrais peindre ? Tu me montreras le résultat ? » Tu avais toujours aimé l’art. Sous toutes ses formes. Et si tu n’étais douée que dans l’écriture, tu appréciais toutes les autres formes sans le moindre problème - l’Art était un moyen d’expression magique que tu ne pouvais absolument pas négliger.
Tu secouas très légèrement la tête, portant encore ton thermos à tes lèvres pour prendre quelques gorgées de café, sursautant quand Kabutops fit un son vraiment désagréable quelques secondes seulement, le temps de déstabiliser ton Leafeon et qu’il puisse l’éloigner de force d’un stand d’où il s’approchait à voler (encore) de la nourriture. Soupir sur tes lèvres. « Il est dur à éduquer. »
Certains pokémons donnaient toujours plus de fil à retordre que d’autres. « Ça ne fait vraiment pas longtemps que je suis là, alors si tu veux, on peut faire le tour ensemble ? Et toi, ça fait un moment ? »

Tu avais souri, encore une fois, à son adresse - toujours dans la plus grande des douceurs. « Tu penseras à passer au refuge, un de ces jours, Aily a bien envie de te revoir. »

don’t try to fight the storm
you’ll tumble overboard