Manifestement, nous sommes toutes les deux arrivées au bout de notre patience. On est stupide ou quoi ? Pourtant on parle la même langue et on ne se comprend pas. Bon, je m’en fous parce que finalement, elle arrête de me casser les pieds avec tout son charabia sur les trucs d’apprendre les déplacements de la discussion de je ne sais pas quoi. Être Ranger ça ne doit être si difficile. C’est une bande de clampin qui se balade. Ou qui reste à l’intérieur parce que des ranger, j’en n’ai pas vu des masses. Ou en tout cas, ils ne bossaient pas. Qu’importe. Elle se lève et moi aussi.

Y a un centre de Ranger à Windoria ?

C’est un peu nul de pas savoir ça, mais je ne me suis pas intéressée à ce qu’il y avait en ville et depuis que je vis à Voltapolis, c’est encore moins intéressant. Je sais qu’il y a une mairie, un monument, et un supermarché. Le reste, je m’en fous.

Qu’est-ce qui pouvais mal se passait de toute manière. Elle n’était pas chef de quelque chose ? On devrait s’en sortir.

Bon bah allons-y.

J’ai l’impression d’être la plus intelligente de la paire. Un narrateur vicieux pourrait sous-entendre que ça n’augure rien de bon. Mais s’il était là, je lui casserai les genoux.

J’emmène Amarelys à travers les bois, coupant sans prendre la route. Le trajet est beaucoup plus court ainsi. On pourrait le faire en chevauchant Pouiky mais il faut que je refasse du sport. Donc cette exercice est le bienvenu.

Le froid est mordant et rafraichit mon visage. C’est agréable. Nous arrivons à Windoria et je me tourne vers l’autre fille.

C’est où?

Mais elle va me parler sur un autre ton la demi-portion. C'est elle la ranger pas moi. Qu'est-ce que j'en sais où elle est la base Ranger du coin. Je ne savais pas même qu'il y en avait une. Je ne sais même pas à quoi ça ressemble.

J'élève la voix en réponse à Amarelys.

Comment veux-tu que je le sache? C'est toi la Ranger. Vous avez pas un genre de cartes des bases dans votre groupe d'incompétents! Quand je te dis que vous servez à rien. Je suis championne, pas guide touristique bordel.

Elle me casse les pieds à être débile.

Il y a pas de quoi. On fait comme ça alors. Et si y a besoin je peux te mettre mon poing dans le figure!

C'est super bizarre comme discussion. Entre l'agression et la gentillesse. Elle veut vraiment me payer à manger? On va vraiment boire un coup?

Okay. Bah par-là alors. Attention y a du ver... Amarelys bascule, oscille, tangue. glas.

Je reste coite un bref instant et fixe Amarelys. Elle me rend son regard en souriant.

T'excuse pas auprès de moi. Je sais patiner et marcher sur la glace sans me casser la gueule. Si tu te pêtes le cul, c'est pas moi qui vais avoir mal.

Je pousse un soupir. Il est vrai que j'aime la neige. J'aime la difficulté que représente la marche sur la glace, le risque de chute. Même si maintenant, marcher sur terrain glissant ou instable est devenu une habitude, c'est une façon de marcher qui me plait bien.

Si tu veux pas mourir en te vautrant sur la glace, marche avec des pas plus petits, en posant tout le pied d'un coup, à plat. Et quand tu déplaces l'autre mais ton poids en priorité sur l'avant du pied. Tu glisseras moins.

Nous traversons la ruelle pour déboucher sur une avenue. Dans d'autres villes, ce genre de ruelle serait un véritable coupe-gorge. Mais pas à Windoria. Peut-être parce que la ville est relativement jeune, peut-être parce que je suis là et que je casse la gueule des criminels. En tout cas, les seuls dangers de la région sont dans ma forêt.

Par-là.

Je décide qu'on va à droite, sans savoir ce que je cherche. Nous errons quelques temps sans trouver ce qu'on cherche. Finalement, devant la mairie, on trouve un plan de la ville. Je laisse Amarelys chercher. Je n'arriverai pas à le trouver s'il y en a un, alors pour pas être ridicule, je la laisse se débrouiller. Bon, manifestement, il y en a pas.

Reste plus qu'à aller manger. Pas longtemps, je dois aller retrouver ma fille très vite. Mais je compte bien me faire payer à manger. Tu as donné ta parole. On va là.

C'est un bar restaurant que je connais. J'y ai travaillé deux semaines avant de me faire virer. Le patron était sympa, il m'avait donné un vrai salaire. J'ai dû y retrourner... deux fois depuis que je suis championne. Non. C'était pas là, c'était à Fort des Songes. Bon bah j'y suis pas retournée depuis qu'il m'a viré. Il ne se souviendra pas de moi de toute façon.

Alors que nous entrons et patientons quelques instants, une voix se fait entendre et un petit gros à barbe se dirige avec vélocité vers nous.

Serait-ce Capucine Alamabre? LA Capucine Alambra? C'est un plaisir de te revoir! On dirait bien que tu as trouvé un métier plus en accord avec tes compétences. C'est plus facile de botter des fesses que de retenir des menus ou des commandes. Haha. Installe-toi avec ton amie. Je m'occupe de vous tout de suite.

Il repart en riant pour servir. Je hausse les épaules et m'assois à une table. Je ne savais pas lire quand je travaillais, ni écrire. Et compter n'était vraiment pas mon fort. Alors je devais tout faire de tête. Et comme je n'aimais pas ce que je faisais, bah je faisais pas beaucoup d'effort. Lepire étant que je n'étais pas très aimable.

Aujourd'hui, je sais vaguement écrire, je comprends la plus part des phrases écrites. Mais je ne suis pas plus aimable pour autant.

Le menu n’a pas changé de forme, il ne doit pas avoir changé de contenu. Quatre ans est toujours les mêmes choses à manger. C’est pathétique. J’ai travaillé dans un restaurant qui changeait sa carte toutes les saisons. Et parfois d’une semaine sur l’autre. Ça c’était l’enfer pour retenir un menu. Et les commande aussi.

Oui je le connais. Il a été mon ancien patron. L’un des rares qui ne m’a pas foutu à la porte, mais qui m’a gentiment demandé de partir. Mais je le comprends. Je n’étais vraiment pas une bonne serveuse. Mais je ne savais pas faire grand-chose d’autre pour gagner ma vie. Alors il peut bien se moquer. Au moins maintenant, je fais quelque chose d’utile.

Pour ce que je vais manger, je n’en sais rien. Je ne mange plus vraiment au restaurant. J’ai fait ça pendant trop longtemps, grâce à mes postes. Bien que parfois, ce ne soit pas le cas, on mettait toujours un repas à la fin du service. C’était pas parfois mon seul repas.

Je réfléchis à ce que je vais manger. Ma mémoire remonte doucement ce qu’il y a dans le menu. Il n’y a qu’une seule chose qui remonte. C’est les trucs de poulet. Les nuggets. Et bah ce sera ça, avec une limonade.

Ouai je sais ce que je prends.

Je regarde les alentours et pousse un soupir agacé. Je voudrais déjà être rentrée. Je suis là parce qu’elle a dit qu’elle me payait à manger alors que je peux me nourrir maintenant. Il est loin le temps où j’avais des difficultés à me nourrir et qu’il fallait parfois choisir entre dormir au sec et manger. Maintenant, j’ai une maison et une entrée d’argent régulière. Je mets toujours de côté, énormément aux cas où un malheur arrive pour qu’Ange ne soit jamais dans le besoin.

[color=#9900ff]Ouai… le Burger… L’odeur de la friture me fait encore fait des cauchemars. Va passer une semaine en cuisine à en préparer. L’odeur te suit partout, même dans des vêtements propres et après ta douche. Et puis tu as l’impression d’être couverte de graisse tout le temps. Pas de frite pour moi, je peux te l’assurer. [ /color]

Ce sera une salade. De toute manière, les frites c’est trop grand et pas bon.

J’en ai marre d’être ici. Et avec cette fille en plus. Bon sang, je me suis faite piéger comme une débutante. On devait d’abord aller à la base ranger. Je savais bien qu’il n’y avait pas de base à Windoria. Je n’en étais pas sûre à cent pourcents et elle m’a fait douter. D’un autre côté, elle est ranger, pas moi. Elle devait bien savoir où était ses bureaux. Mais manifestement pas. Et voilà que je me retrouve dans un restaurant alors que je devrais m’occuper de ma fille. Heureusement que j’ai envoyé un message à Leonard pour qu’il ne s’inquiète pas.

Mais en attendant je suis là, coincée dans mon passé à un endroit que je n’aime pas spécialement avec une personne que je viens de rencontrer et que je ne suis pas sûre d’apprécier encore. Elle est sympathique et on a des choses en commun mais on ne surpasse des années de vie solitaire et de méfiance juste en une après-midi de souvenir partager et un repas dans un vieux pub.

Il ne vaut mieux pas traîner dans une forêt sauvage en rôdant de manière louche. Sinon en effet, on se fait accueillir dans le meilleur des cas par des coups de genoux.

J’ai l’impression qu’elle veut que je m’excuse pour l’attaque. Mais je n’en ferais rien. Je ne regrette pas mon geste. Aujourd’hui c’est elle mais demain, ça pourrait être un braconnier. Je préfère maîtriser quelqu’un d’innocent et le laisser repartir que de laisser échapper un criminel. Mieux vaut un innocent puni qu’un criminal en liberté.

Finalement, on commande. Et elle ne prend pas de frite. Elle est juste stupide ou quoi ? Elle a dit qu’elle voulait des frites et elle prend une salade. Nan, je ne ferai pas de remarque. Si elle est débile, c’est son problème, pas le mien.

Je vais prendre pareil.

Y a quoi dans une salade césar déjà ? C’est le truc avec… nan j’en sais rien. Je m’ne fous, je n’ai jamais été difficile en nourriture. Sauf chez Yokoss. Elle fait des choses tellement bizarres aussi. Bizarre et pas bon. C’est incroyable comment elle peut transformer de bonnes choses en repas improbable et mauvais.

Le silence s’installe un moment, de plus en plus pesant. Je pose un coude sur la table et pose ma tête sur ma main. Je regarde par la fenêtre. Je ne suis pas douée pour faire la conversation. Sa vie ne m’intéresse pas vraiment, j’ai appris ce que je voulais et je n’ai pas envie d’en savoir plus. Et je ne veux pas étaler ma vie. J’attends juste que le repas soit servi pour partir le plus vite possible.