((it’s gonna be alright
I know you don’t need me))

On respire - on expire.
Le temps s’épuise; le temps se perd.
Tu ne sais jamais réellement pourquoi tu es là, ni pourquoi tu continues - de poser tes pieds sur une terre trop souvent regrettée, pourquoi tu continues, quelque part, toujours de respirer et pourtant. Tes poumons s’abaissent, se soulèvent. Et aujourd’hui, tu te promènes. Tu te promènes pour que ton corps s’épuise et que ton esprit te laisse te reposer; tu te promènes avec Edelweiss à tes côtés simplement pour essayer de respirer - tu te promènes sans trop de but.
Tu t’égares.

Tu n’as jamais vraiment chercher à te retrouver; jamais vraiment tenté de te comprendre - simplement de te repousser; simplement de te condamner. Toujours en chasse, pourchassée, pourchassant toutes les pensées qui continuent aujourd’hui de te tourmenter; sans jamais penser un seul instant te poser pour les accepter.
De tous les torts causés, de toutes les maladresses causées - la culpabilité gonflante, grandissante, qui ne s’épuise jamais, pour te tenir la main et tes regrets enfermés au fond de ton coeur, présents pour te faire blesser, couteau acéré continuant de poser les entailles internes que personne d’autre ne peut voir - et les envies de fermer les yeux; les envies de ne jamais se réveiller - jamais prononcées, jamais témoignées.
C’est connu : ceux qui en parlent sont ceux qui ne le feront jamais - ceux qui en parlent sont ceux qui quémandent l’attention. Tu ne veux pas être associée à cette image.

Edelweiss tourne autour de toi, cherche à comprendre pourquoi tu as fait halte - toi-même ne le sait pas, soupir. Cosmog se blottit tout contre ton cou et le froid de la montagne transperce tes os. Tu n’as pas conscience de là où tu te rends; pas conscience de ce que tu cherches - Ancolie est porté disparu depuis un moment; depuis plusieurs mois - toujours pas retrouvé, tu commences à désespérer.
Tu n’aurais jamais dû partir - tu n’aurais jamais dû revenir. Mais tu étais présente aujourd’hui et selon Caël, c’était tout ce qui comptait - repartir de zéro sans tenter de reconstruire ce qui avait été brisé, parce que c’était peine perdu. Simplement repartir de zéro pour espérer que tout puisse exister à nouveau.

((it's gonna be alright
you could always just leave me))

Un, deux, trois pas qui s'enchaînaient; dans le froid qui prenait toute la place - et ton souffle qui mourrait sur tes lèvres asséchées, coeur se serrant dans la certitude d'une inutilité; la certitude que ton colocataire ne voudrait plus rien savoir de ta personne bien rapidement - au moindre froid, l'impression d'être bannie de son coeur sans aucun moyen d'y revenir. Et tu enchaînais les maladresses, comme pour te condamner davantage, laissant flotter autour de vous cette atmosphère épuisante de larmes qui ne coulaient jamais; jamais devant lui - toujours quand la lumière s'éteignait dans sa chambre et la tienne.
Esprit perdu, esprit épuisé - corps lessivé, corps maltraité. Des traits qui s'ajoutaient et des chiffres qui descendaient; de la faiblesse qui prenait, de l'apport nutritif négligé - tu n'étais pas la meilleure des amies, ni même la meilleure des colocataires. Tu essayais; tentais; travaillais sur l'obscurité de tes pensées - souvent, avec l'impression que ce n'était qu'en vain.

Le froid se propageait dans tes os, poussant Cosmog à faire apparaître des feux follets pour vous offrir une chance de vous réchauffer; et le sourire qui se dessinait légèrement sur tes lèvres pour le remercier. Tu ne savais pas où tu allais; tu ne savais pas pourquoi tu t'y rendais. Tu marchais en perdant de vue le but de cette expédition, tu marchais en oubliant où tu pensais aller dès le départ; allais-tu simplement quelque part dès le départ ?
L'errance de ton esprit était également physique, cette soirée-là et le soupir qui se transformait en buée n'était pas là pour le contredire. Tu avais choisi la solitude du Volcan Eneka et sa tempête hivernale éternelle qui t'avait rendu curieuse et incertaine - tu savais d'où ça venait, te trouvais à Lumiris à ce moment-là. Tu étais arrivée à tes dix-neufs, tu en avais aujourd'hui bientôt vingt cinq. C'était perturbant, quand tu venais à y penser un peu plus en profondeur.

take me high and i’ll sing

Le monde s’était tourné, divisé - il s’était effondré tant de fois sous tes pieds, sous tes pas; incertaine, hésitante - tu avançais. Lentement, doucement, tu avançais. Tu ne savais pas pourquoi, tu ne savais pas comment; dans le froid qui t’entourait présentement, désormais, tu avançais en te disant que peut-être qu’un jour, tu trouverais la raison. Tu trouvais l’explication.
Laquelle ? C’était une très bonne question. Tu te perdais. Dans tes pensées, dans ton quotidien, dans ce que tu faisais présentement, tu t’égarais. Mais tu n’essayais pas, en ce moment, de retrouver le chemin; le bon. Tu te contentais de poursuivre ton chemin malgré les tremblements - malgré la température glaciale; malgré les pensées éprouvantes qui continuaient d’hanter ton esprit.
Tout semblait vain.

Pourtant, ce fut sur Ancolie, frigoriffié, immobile, tout contre la neige de l’endroit, que tu tombas. Il avait imité la forme d’un Vulpix d’Alola, mais les couleurs roses et rayures mauves, métalliques, ne laissaient pas la place au doute : c’était Ancolie qui se retrouvait devant toi. Tu t’avanças, doucement, le pris dans tes bras, silencieusement. Pour le réchauffer, pour lui montrer que tu étais là. Tu étais partie. Longtemps. Mais tu étais revenue. Pour l’éternité. Il ne fallait pas qu’il en doute. “Ça va aller Ancolie, on va rentrer au refuge, on va te réchauffer, tout va bien aller, d’accord ? Je suis là.” Tu étais là.