Les catacombes des lieux sont humides. Silencieuses, inquiétantes. Poussiéreuses et habitées d’âmes dormantes. Un pas après l’autre, tu foules de tes chaussures ce lieu chargés d’histoire, perturbant le repos de ses occupants. Éclairée à la lumière artificielle, tu t’enfonces dans ce dédale obscur. Tes pas résonnent.

Fais-tu bien de venir seule ici ?

Tes Pokémon pour seule escorte, tu entends l’écho de ta marche, t’accompagnant tel des voix lointaines. Un murmure constant entre ces murs. Une présence incertaine dont le poids alourdit tes épaules et éprouve ton esprit.

Que crois-tu trouver en ces lieux ?

Tes pieds continuent d’avancer, de fouler la poussière malgré tout. Tu t’enfonces dans ces couloirs sombres, sans savoir où ton voyage au milieu des anciens vivants te mènera. Tes Pokémon, inquiets, te suivent aveuglément.

Peut-être est-ce là leur erreur ?

Tu t’arrêtes. Le chemin se divise. L’écho continu de tes pas se stoppe au bout d’une poignée de seconde. Le silence se fait, comment avant ton arrivée : total. Pas un son, ni même un souffle. Puis un frisson dans ton dos. L’effroi.

Crois-tu que les morts te pardonneront ?

Tu prend conscience de ta situation comme on émergerait d’un rêve. Comme si ces trois dernières minutes n’avaient été que le fruit de ton imagination. Comme si elles avaient duré des heures. Tes sens sont confus. Orientation, notion du temps, esprit logique. Tes pensées ne sont qu’une épaisse brume poisseuse.

Connais-tu la véritable peur ?

Tu ne sais pas où tu es. Tu ne sais pas où se trouve la sortie. Tu ignores où sont passés tes Pokémon. Il n’y a plus rien d’autre que ce labyrinthe macabre. Il n’y a plus que toi, et ta peur.

Peux-tu sentir sa présence ?

Couloir de droite, ou de gauche. En avant ou vers l’arrière. Proche ou lointain. Immonde ou éthéré, peut être les deux. Fuyant la lumière ou attiré par elle, celle que tu tiens. Incarné par le plus oppressant des silences, tu sais, tu sens. Tu dois partir. Vite.

Trouveras-tu la sortie, ou seras-tu trouvée la première ?

La bravoure est le courage des braves, la témérité celui des imbéciles. Tu sais bien que tu n’aurais pas dû revenir et pourtant, tu le fais. Et maintenant, ton Pokémon est disparu.

Pendant ce temps, toi, tu es dans le noir, a essayé de reprendre ton souffle, être calme. Ta respiration te semble bruyante assourdissante même. Comme si deux souffles sortaient de ta bouche au lieu d’un seul. Comme si un souffle sortait de ton oreille.

Il y a quelque chose à côté de ta tête. Et tu ne le vois pas. Tu ne reverras plus jamais la lumière du jour. La témérité, le courage des imbéciles. Les imbéciles ne vivent pas vieux.

Toi, tu viens de mourir.

On retrouvera ton corps dans quelques mois, après des recherches infructueuses. On t’identifiera avec peine mais quand ce sera fait, on te pleura un peu et on se moquera beaucoup de toi sur internet. Triste fin pour une idole. Mais elle est méritée.

Un vif éclat de lumière vient t’éblouir le visage et tu entends un bruit de griffure et de fuite précipitée juste à côté de ton oreille. Tu ne sais pas ce qui vient de fuir, mais c’était vraiment près. Tu ne vois plus rien, aveugler par la puissante lampe.

Qu’est-ce que vous faîtes ici ? dis une voix pâteuse, grave, comme si la mâchoire de ton interlocuteur était partiellement paralysée.

Tu es tellement surprise, qu’au début, tu ne comprends pas ce qu’on vient de te dire. La lumière approche et tu distingue une ombre en contrejour.

J’ai dit… qu’est-ce que vous faites ici ?

Tu ne voudrais pas jugé la personne devant toi, mais sa voix te fait penser à quelqu’un avec un retard mental important, en plus de son problème de mâchoire.

La lampe se baisse et tu peux distinguer l’homme devant toi. Etrangement, il a la tête de sa voix. La mâchoire un peu proéminente, des lunettes en cul de bouteille, une casquette crasseuse sur des cheveux gras. Ses vêtements sont couverts de terre : une salopette et une chemise à carreau. Il porte une pelle sur l’épaule.

Tu n’as pas vraiment eu le temps de répondre, l’homme continue.

Faut pas être. Z’avez pas le droit d’être là. C’est dangereux. Faut sortir. Allez. Suivez-moi.

Il se retourne lentement. Tu t’attends presque à le voir bossu, mais il n’en est rien. Y a un drôle de Mimiqui qui court partout dehors. Il a pas le droit d’être là non plus. Vous devez pas être là.

Il te ramène dehors, jusqu’à la grille qui ceint la ruine. Tu retrouves Macha qui bondit dans tes bras. Elle tient quelque chose mais l’homme vous presse de sortir. Il vous pousse de l’autre côté du portail et le referme après ton passage.

C’est pas un endroit pour les gens ici. Il ne faut pas revenir. Te dit-il en faisant un signe pour vous chasser.

Pendant tout le trajet, une sensation de peur ne t’a pas quittée. Une peur mystique, une peur sauvage et primale. Tu te retournes une dernière fois vers l’église mais l’homme a déjà disparu sans laisser de trace. Qui était-il ?

C’était il y a quelques semaines déjà où tu as été éconduit hors des ruines de ce lieu de culte abandonné par un étrange personnage. L’individu t’a semblé si impérieux, que malgré tes protestations, tu t’es sentie obligé de le suivre, sans qu’il ne réponde à aucune de tes questions. Il a fait preuve d’une autorité passive surprenante et tu t’es retrouvée à t’éloigner de l’endroit, quelque peu surprise de t’être fait mener ainsi.

Te revoilà donc, car si la bravoure est le courage de lâche, la témérité est celui des imbéciles, et tu n’es pas dépourvue de témérité. Frôler la mort, ça n’arrive qu’aux autres. Les gens qui savent s’y prendre ne la frôle pas, ils se font faucher et on ne retrouve leur corps que bien plus tard, si on les retrouve. C’est comme ça qu’on fait la une des journaux, c’est un petit secret bien gardé.

Devant toi, la grille qui fait le tour du terrain et le portail de fer forgé. Verrouillé. Tu peux forcer tout ce que tu veux, c’est verrouillé. Ça n’était pas le cas avant, ça l’est maintenant. Le fossoyeur ne l’a pas rouverte depuis le temps, ou alors prends bien garde de la refermer. Qu’à cela ne tienne, tu peux tout à fait escalader la grille. Prend garde cependant, car les pointe du sommet n’aide qu’une chose, une jambe à empaler.

A l’intérieur, l’église est toujours aussi sombre. Tu peux te diriger vers une porte au fond et découvrir un couloir. Trois portes sont visibles. Tu en choisi une et tombe sur un nouveau couloir, tu marches jusqu’au bout, à une nouvelle porte. Une vaste pièce vide et une porte entrebâillée, avec de la lumière qui filtre. Tu t’approches et ouvre la porte pour être éblouie violement.

Quand la vue te revient, tu es debout, dehors, dans la même position qu’à l’ouverture de la porte, juste devant le bâtiment. Tu peux retourner à l’intérieur et recommencer, changer de pièce, de porte, tu finis toujours par te retrouver dehors, sans savoir comment. Après plusieurs tentatives, ce n’est plus devant devant le bâtiment que tu réapparais, mais dans la rue. Quelque chose ne veut pas de toi à l’intérieur.

L’erreur est humaine, comme dit le proverbe. Il enchaîne aussi avec parfois, le pardon est de Dieu, mais bien souvent, avec la persévérance est diabolique. Cela veut dire que l’homme peut faire des erreurs, c’est dans sa nature, comme il est dans la nature de Dieu, d’être miséricordieux. En revanche, continuer à répéter les mêmes erreurs, encore et encore, ce n’est pas une bonne chose, bien au contraire, ce serait la tentation du diable. Plutôt que s’améliorer, on persiste dans sa médiocrité ou sa stupidité.

Pour toi Maya, on n’a pas besoin de réfléchir longtemps. La curiosité a tué le Miaouss comme on dit. Trois tentatives, trois rejets. Un par la peur, un par un gardien et le dernier par les lieux eux-mêmes. Tu ne crains pas que ce qui est caché ici décide qu’il est temps de se libérer définitivement de ta présence et de l’ennui que tu représentes ? Tu reviens toujours seule en plus. Peut-être parce que tu n’as pas d’amis. Sait-on seulement que tu es là ? Dans le coin, personne ne t’entendra crier.

Le portail est toujours verrouillé. Etrange, puisqu’en y regardant de plus près, il n’y a ni serrure ni cadenas. La dernière fois, il t’a fallu escalader la grille, est-ce que tu veux refaire l’expérience ?

Dans le terrain, avant d’atteindre le bâtiment tout est calme. Jusqu’à ce qu’un grincement se fasse entendre. Plus qu’un grincement, c’est un grognement souterrain, comme si même le sol ne voulait pas de toi. D’ailleurs, il réagit étrangement à tes pas. Il semble plus souple plus mou plus.

CRAK !

Il cède sous ton poids et te finit au fond du trou. Dommage que seule Macha t’ait accompagnée. Elle tombe avec toi et en regardant vers le haut, il n’y a aucun moyen pour vous de sortir. Mais tu n’es pas entièrement coincée. Tu es dans un tunnel. Il est bouché dans la direction de l’église, mais il te reste l’opposé à explorer. C’est sale, sombre mais fait par l’homme.

Tu peux donc t’avancer dans ce tunnel noir, lampe allumée. Tu marches pendant quelquels minutes avant de glisser. Tu perds l’équilibre, et tombes sur les fesses. Toutefois ta chute ne s’arrête pas là et tu glisses dans un boyau que tu n’avais pas imaginé aussi pentu. Finalement, tu perds ta lampe et finis jeté dans une espèce de rivière souterraine dans un plouf assourdissant et dans le noir. Tu découvre alors que tu as pied et tu reconnais l’endroit. Ce n’est pas compliqué. A l’odeur, ce sont les égouts. Une de tes lampes a disparu et impossible pour toi de la retrouver ou de retrouver comment tu es arrivé là. Quelques pas plus loin, il y a une échelle de sortie.

Tu sors donc des égouts, dans une rue sans l’église en vue. Tu sens mauvais, tu es sale et tu n’as pas la moindre idée d’où tu te trouves. Et quand tu regardes ton téléphone, il refuse de s’allumer. Serait-il cassé lui aussi ?

Et certains diront que la persévérance est une qualité, mais la limite est fine entre persévérance et entêtement. Et l’entêtement n’est pas une bonne chose. Surtout quand il va te mener à la mort. Peut-être. Si on ne veut pas que tu entres dans cet endroit, c’est pour une bonne raison. On veut peut-être te protéger d’une chose.

Si seulement tu prenais le temps de te renseigner sur cet étrange bâtiment, peut-être des informations te parviendraient. Hélas, tu n’en fais rien, et tu continues à venir buter contre une force que tu ne comprends pas et qui ne veut pas de toi.

Et puis, si seulement tu essayais de faire des recoupements, des questions te viendraient à l’esprit. Mais tu ne te poses pas de questions de toute manière. Si on t’interdit quelque chose, tu vas juste le faire parce que c’est interdit.

Et te revoilà, le soir tombant de nouveau face à la ruine d’église brûlée. Et si la réponse était autour du bâtiment ? Tu explores les alentours, mais tout n’est qu’une ville fantôme. Il n’y a plus rien avec un toit qui tient, les murs sont en ruine. Un incendie a ravagé ce petit hameau il y a un certain temps. Impossible de savoir quand, mais c’était il y a longtemps et personne n’a voulu revenir pour reconstruire.

Il n’y a pas âme qui vivent dans les lieux, rien. Il n’y a même pas signe de modernité. Alors tu fouilles les décombres pour trouver un indice.