Le voyage pouvait commencer, Mae était prête. Son passage à Nemerya avait été quelque peu tumultueux, la demoiselle ne s’était pas attendue à devoir se confronter à la frénésie d’une si grande ville. Elle était heureuse d’avoir pu s’en extirper, et de se retrouver à présent sur un petit sentier paisible. Grany dans ses bras, elle avançait d’un pas tranquille, un grand sourire aux lèvres. Elle avait laissé ses inquiétudes derrière elle, bien décidé à profiter pleinement du voyage. Elle n’avait pas vraiment de destination en tête, mais avait cru comprendre que cette route menait au Sud de la région, et donc à des villes paisibles et ensoleillées. La jeune fille avait plutôt hâte de voir tout cela, mais ne comptait pas se presser. Elle voulait utiliser ce voyage pour en apprendre le plus possible sur son environnement, sur les Pokémons, et sur elle-même. Être confronté à la difficulté et à l’aventure lui permettrait de devenir une bonne éleveuse, lorsqu’elle serait prête. Quelle serait la première étape ? Capturer un Pokémon ? Ou entraîner la Croquine ? Mae ne comptait pas se mettre au dressage, mais elle devait pouvoir se défendre si jamais on l’agressait. Enfin, elle espérait tout de même que cela n’arrive pas, elle n’était pas encore préparé pour ce genre de situation.

La soigneuse, perdue dans ses pensées, sentit alors un étrange vent froid lui effleurer les bras, et frissonna. Rapidement, la demoiselle comprit que ce souffle n’avait rien de météorologique et en chercha la cause, songeant bien sûr à un Pokémon. Il lui semblait étrange qu’un spécimen maîtrisant des capacités de type Glace soit dans les parages, mais il pouvait très bien appartenir à un dresseur. Son regard tomba finalement sur la source du froid soudain, et un sourire apparu sur son visage. Il s’agissait d’un petit Sabelette d’Alola, un Pokémon que l’on trouvait tout particulièrement chez elle, perché sur un arbre. Un jeune homme était assis au pied, visiblement très mécontent. Mae s’approcha, ne pouvant retenir sa curiosité, quelque peu amusée par la situation. Oubliant sa timidité, elle lança avec un petit sourire :

- Vous avez besoin d’aide ? Je crois que le parfum de ma Croquine pourrait convaincre votre Sabelette de descendre.

La demoiselle fit un pas en avant, et laissa Grany faire ce qu’elle savait de mieux : envelopper l’air de son effluve délicieuse. Aussitôt, le Pokémon dans l’arbre sembla intrigué. Mae tendit le type Plante à bout de bras pour que son odeur atteigne la branche où était perché le petit fauteur de trouble, ce qui eu un effet immédiat. Le Sabelette descendit de l’arbre et s’approcha des jambes de la soigneuse, reniflant bruyamment. La jeune fille ria doucement et se tourna vers le garçon.

- Vous voyez ? L’appel du ventre, ça marche toujours !

Elle regarda son interlocuteur de près, ce qu’elle faisait pour la première fois, et sentit qu’elle venait de commettre une erreur. Il était drôlement charmant… Voilà que ses joues prenaient une teinte un peu trop écarlate, et que son rire se coinçait dans sa gorge. Prudente, la jeune fille détourna le regard, pour se concentrer sur les Pokémon, qui l’intimidaient beaucoup moins.

Le jeune homme sembla tout d’abord complètement éberlué devant la réussite de Mae à faire descendre son Pokémon. Le mérite revenait entièrement à Grany, c’était elle qui fabriquait ce parfum délicieux et sucré qui attirait irrémédiablement tout être possédant un nez. Même le garçon avait paru intrigué par cette effluve. Après l’effarement, Mae vit la gratitude se dessina sur les traits du dresseur, et fut un peu gênée. Elle ne voulait pas tant de reconnaissance, elle n’avait pas fait grand chose après tout.

- Woah.. Je suis.. sacrément impressionné ! Vous savez vous y prendre, mademoiselle. J'ai bien dû attendre pendant trois heures sous cet arbre, mais Galahad est têtue comme un Tiboudet. Elle passe son temps à préparer des farces ou à faire des bêtises.. Difficile de savoir ce à quoi elle pense dans ces conditions.

La demoiselle coula un regard vers le Pokémon en question et ne pu s’empêcher de sourire, amusée. C’est vrai qu’elle avait l’air d’une petite friponne, avec ses grands yeux malicieux. La soigneuse ria doucement, s’imaginant sans mal la Sabelette faire tourner en bourrique le jeune homme. Il n’avait pas l’air d’apprécier être désemparé, comme l’indiquait son air un peu gêné. Il finit par esquisser un grand sourire plein de reconnaissance, et ajouta avec une voix pleine d’emphase, ce qui étonna Mae. Elle n’était pas attendu à ce ton si cérémonieux !

- Quoi qu'il en soit, je me dois de vous remercier. Aussi amusant que cela puisse paraître, vous m'avez sauvé aujourd'hui. Loin de moi l'idée de remettre en cause votre bonté, mais disons que j'ai plutôt l'habitude d'être celui qui aide les gens, et pas le contraire. De ce fait, pour votre geste, veuillez accepter toute ma gratitude.

La jeune fille voulu répondre, ses joues retrouvant leur teintes de feu, extrêmement gênée d’être ainsi mise en avant. Elle n’avait rien fait de spécial, la simple présence de la Croquine avait suffit à faire descendre la Sabelette de son perchoir. Elle ne méritait pas cet élan de gentillesse, et encore moins “toute la gratitude” du garçon. Elle bredouilla quelque chose, mais s’empourprant dans ce qu’elle disait, elle préféra se taire et le laisser poursuivre. Bon sang, elle devait vraiment passer pour une idiote ! Ce n’était tout de même pas bien difficile de parler ? Les mots, les phrases, tout ça, elle connaissait avec les Pokémons. C’était une toute autre pair de manche avec les humains, surtout les jeunes hommes au charmant sourire.

- Mais j'en oublie mes manières. Je m'appelle Louis. Peut-être pourrais-je repayer ma dette d'une quelconque façon ?

Il avait vraiment une drôle de manière de s’exprimer, comme s’il sortait tout droit d’un autre monde. Allait-il poser un genou à terre et prêter serment ? Mae s’en voulu pour cette pensée un peu taquine, elle ne voulait pas se moquer de son interlocuteur, qui était d’une politesse impressionnante. Il était plutôt appréciable de rencontrer quelqu’un d’aussi aimable, elle ne pouvait le nier. Elle était juste un peu surprise, son attitude était déboussolante. Elle se dépêcha de répondre, essayant de mettre de côté sa timidité naturelle. C’était elle qui s’était mise dans ce pétrin, après tout !

- Enchantée Louis, je m’appelle Mae. Et ne vous inquiétez pas, vous n’avez pas de dette envers moi, c’était un simple petit coup de main. Et puis, c’est Grany qui a fait tout le travail, c’est elle qu’il faut remercier !

Voilà, mettre son Pokémon en avant, ça elle savait faire. C’était bien plus facile que de jouer les protagonistes de cette curieuse histoire. Elle déposa la Croquine au sol pour la laisser jouer avec la Sabelette, qui ne cachait pas sa curiosité à son égard. La jeune fille se tourna vers son interlocuteur, se sentant comme nue sans sa partenaire dans ses bras. Elle entortilla ses doigts entre eux pour s’occuper les mains, et ajouta :

- Juste euh… Si vous savez où mène cette route par hasard, ça me serait très utile. Je viens tout juste d’arriver à Lumiris, et je crains de ne pas avoir un sens de l’orientation hors pair.

Elle esquissa un sourire un peu gêné, et se trémoussa d’une jambe sur l’autre, espérant ne pas passer pour une idiote. C’était vraiment sa spécialité, elle allait devoir apprendre à se tenir ou la honte deviendrait son mot préféré…

Le regard de Louis n’exprimait aucun mépris ou moquerie, juste une sincère sympathie, ce qui apaisa un peu les craintes de la demoiselle. Il semblait être quelqu’un de confiance et de bienveillant, malgré son attitude un peu étrange. Mae décida qu’elle pouvait se fier à lui. Il était plutôt amusant qui plus est, et semblait avoir un certain goût pour la mise en scène quelque peu théâtral de ses propres répliques.

- Oh, je vois ! Mae et Grany, donc ? Merci, dans ce cas. Vous avez été très impressionnantes, toi et ta dresseuse. La route ? Elle mène au village Kishiki. Selon les rumeurs, c'est un petit bourg assez joli où les habitants produisent du thé. Je songeais y proposer mon aide, les villes reculées comme celles-ci sont souvent sujettes à plus de torts qu'on ne pourrait le croire.

Cette déclaration inquiéta quelque peu la soigneuse. Elle avait cru que les petits villages du Sud étaient des endroits paisibles pour commencer son aventure, mais avait-elle eu tord ? Et s’il s’agissait en vérité de véritables berceaux du crime organisé ? Cela lui semblait dur à croire, mais elle était facilement impressionnable et en cet instant, plus rien en lui paraissait absurde. Enfin, si elle se fiait simplement aux rumeurs énoncés par son interlocuteur, il s’agissait juste d’un endroit tranquille, pas de quoi s’affoler. Mae était cependant bien moins sûre d’elle à présent, en particulier alors que l’après midi touchait à sa fin.

- Quoi qu'il en soit, la nuit commence à tomber. Je soupçonne que nous soyons plongés dans le noir d'ici une bonne trentaine de minutes, or les pokémons sauvages ont souvent tendance à rôder dans l'obscurité. Peut-être pourrais-je vous accompagner jusqu'au village ? Non pas que je souhaite vous imposer ma présence, mais j'aimerais m'assurer que vous arriviez sans encombres. Cela dit, je comprendrais totalement si vous ne souhaitiez point voyager aux côtés d'un individu tel que moi. La confiance est une denrée rares, ces temps-ci, et..

Surprise par la proposition et par l’étrange argumentation de Louis, la soigneuse pencha la tête sur le côté. Voilà qui était surprenant, mais elle aurait du s’y attendre, venant d’un aussi excentrique personnage que Louis. Il lui proposait donc de l’accompagner, tout en essayant de faire preuve d’une politesse sans doute bien trop exacerbée. Sa gentillesse était en tous cas touchante, et fit sourire la jeune fille.

- Pardonnez-moi. Simplement, je pourrais vous rendre la pareille en vous escortant. Et je ne suis pas louche, c'est promis.

La soigneuse ria à cette déclaration, éprouvant une sincère et soudaine sympathie pour ce garçon. Bizarre, à ne point douter, mais si drôle ! Il était si étonnant qu’il parvenait à lui faire oublier sa timidité, ce qui était un exploit. Voulant le rassurer, Mae posa une main légère sur son bras et déclara, en essayant de prendre un ton aussi sérieux que lui malgré l’amusement qu’elle ressentait :

- J’accepte votre proposition avec plaisir. C’est la première fois que je voyage seule, je suis plutôt rassurée de vous avoir avec moi. Merci beaucoup.

La jeune fille se pencha pour reprendre Grany dans ses bras et attendit que le garçon ait rassemblés ses affaires. Ils purent ensuite se mettre en marche, ce qui rappela à la demoiselle qu’il fallait désormais faire la conversation. Elle n’était pas encore très à l’aise, mais Louis avait gagné sa confiance, elle se sentait donc davantage capable de parler avec lui. Curieuse, elle décida rapidement de le questionner avant que le silence ne s’installe entre eux :

- Vous avez dit songer à proposer votre aide au village de Kishiki. Vous êtes un ranger ?

Les bras de son interlocuteur étaient musclés, et Mae devinait aisément que le reste de son corps l’étaient tout autant. Elle évita de le reluquer trop longtemps, mais ce physique plutôt entretenu lui laissait penser qu’il s’entraînait. Peut-être pour son métier ? Ou peut-être faisait-elle complètement fausse route.

Le garçon sembla d'abord surpris par la question de Mae, qui eu peur d'avoir dit une bêtise. Ce jeune homme était un peu étrange, peut-être que l'idée d'être pris pour un ranger le dérangeait ? Pour la demoiselle, il s'agissait plutôt d'un compliment, elle ne pouvait qu'admirer et respecter ces courageux gardiens de la paix. Qui plus est, leur mission tournait généralement autour des Pokémons et de leur sécurité, ce qui amenait Mae à les respecter encore davantage. Louis prit la parole rapidement, apparemment pas offensé.

- Pas vraiment, même si j'admire leur travail. Je suis un chevalier. Mais ça ne doit pas vous évoquer grand-chose, n'est-ce pas ? Pour être plus précis, c'est.. une sorte d'ordre ancestral de Kalos. Ils sillonnaient autrefois les cités séculaires en quête de gloire et de hauts-faits, bravant les plus terribles pokémons et les plus dangereuses tempêtes. Mais surtout, ils avaient pour devoir d'aider le peuple dans ses maux.

La jeune fille avait ouvert de grands yeux, à son tour étonnée par les paroles de son interlocuteur. Décidément, plus elle parlait avec lui plus elle découvrait des choses surprenantes. Elle ignorait que les chevaliers, un ordre ancien dont elle avait rapidement entendu parler à l'école, existait encore. Elle savait que la région de Kalos était connu pour son grand respect des traditions et de certaines valeurs considérés comme désuètes dans d'autres lieux, mais elle était tout de même surprise. Louis semblait en tous cas prendre sa mission très à cœur et c'était des plus louables. Ses objectifs étaient très nobles, et même s'il était un peu étrange, il semblait prêt à aider les autres envers et contre tout. Ce genre de comportement était si rare que Mae ne pouvait qu'en être impressionnée.

- Je me contente de perpétuer leur héritage. Je suis une sorte de règlement, le code de la chevalerie, et j'aide ceux qui sont dans le besoin. Humains et pokémons. Pas parce que le code me l'impose, mais parce que j'aime ça. En ces termes, c'est vrai que je ressemble un peu à un ranger. Sauf que moi, je préfère le maniement de l'épée à celui du Capstick.

La soigneuse se demanda s'il plaisantait avec cette histoire d'épée, mais elle avait l'impression qu'il n'était pas très porté sur les blagues. Il possédait donc sérieusement une arme ? Il n'avait pas l'air de vouloir la dégainer à toutes les sauces, c'était plus rassurant. Mae voulait, si possible, éviter de se prendre un coup de lame dans la figure. Ce genre de chose ne lui était jamais arrivé, mais elle pouvait aisément s'imaginer cela comme douloureux et désagréable.

- Et vous, demoiselle ? Si j'ai bien compris, vous ne venez pas d'ici ? Si je puis me permettre, ça se voit. J'étais moi-même assez surpris en arrivant il y a deux semaines, mais le climat change drastiquement d'une zone à l'autre. Par exemple, il y a un désert tout au sud, et pour ce qui est de cette route, j'ai entendu dire que les nuits y étaient assez fraîches. Mais n'ayez crainte ! Je sais faire un feu.

Elle ne s'offusqua pas qu'il lui fasse remarquer que son manque de sens de l'orientation se fasse sentir. Peu susceptible, elle savait bien qu'elle risquait de passer pour une ignorante les premiers jours de son voyage, et peut-être même encore après. Elle était ici pour apprendre après tout, et cette première journée de marche avait été riche en enseignement. Elle était néanmoins soulagée d'être accompagné, surtout si son camarade savait allumer un feu. Elle espérait ne pas passer la nuit dehors, mais si cela devait arriver, elle ne mourrait pas de froid. Mae se tourna vers lui et déclara chaleureusement :

- Je me sens d'autant plus en sécurité en votre compagnie ! J'espère que nous arriverons au village avant la nuit, mais si nous devons camper, je saurais que je peux compter sur vous. Je pense que je pourrai rendre service en cueillant des baies, je sais reconnaître celles qui sont comestibles. Enfin, Grany m'aidera !

La Croquine poussa un petit cri d'affirmation. Les plantes, c'était son élément après tout. La demoiselle regarda autour d'elle, et constata que le soleil avait décliné plus vite qu'elle ne l'avait supposé. Les couleurs avaient déjà viré à l'orangé et le ciel s'assombrissait déjà.

- Pour vous répondre, oui, je suis arrivée à Lumiris hier, et je viens de la région d'Alola. J'ai décidé de partir voyager pour en apprendre plus sur les Pokémons, et ouvrir ma propre pension un jour. Vous allez sans doute trouver ça un peu naïf, mais j'espère créer un vrai paradis pour Pokémon un jour.

Rêveuse, elle laissa son regard se perdre dans le lointain. Il était un peu étrange de raconter ses ambitions à un inconnu, comme ça, sans trop de raison, mais elle avait la sensation que Louis pouvait comprendre.

Modération:

Amusant toujours la demoiselle, la réaction de Louis ne se fit guère attendre. Il paraissait ravi de la façon dont Mae lui répondait, et arborait à présent un vaste sourire plein d’enthousiasme. La jeune fille, plus mesurée, devait admettre qu’elle passait un agréable moment. Son compagnon de route paraissait loquace et plein de bonne volonté, c’était plutôt appréciable. Il avait beau avoir l’air de sortir d’une autre époque, Mae songeait pouvoir s’y habituer. Elle ignorait combien de kilomètre les séparaient du village, mais il valait mieux bien s’entendre, au moins pour rendre le trajet plaisant.

- Alola ? J'ai toujours voulu m'y rendre. On dit que c'est un archipel paradisiaque où les habitants travaillent main dans la main avec les pokémons. Ceci dit, je pense que la réalité est sensiblement différente. Même si de ce que j'en sais, ça semble demeurer un bien bel endroit.

En vérité, Alola restait une région paisible. Elle avait été secoué par quelques mésaventures, peu de temps auparavant, avec ce groupe de criminels, la Team Skull, et la Fondation Æther, ainsi que les Ultra-Chimère, dont Mae ne savait pas grand chose à part leur nom, mais la situation s’était un peu calmée. La jeune fille n’avait pas vraiment sentie le danger, tranquillement installée dans la pension familiale, mais elle avait entendu parler de tumultueux combats qui avaient opposés des jeunes gens et les malfrats. Que s’était-il réellement passé ? Elle ne le saurait probablement jamais, étant donner qu’elle ne comptait pas retourner à Alola de si tôt. Louis enchaîna, avec une certaine assurance :

- Quoi qu'il en soit, nous nous ressemblons un peu. Nous sommes tous les deux partis de notre région d'origine pour découvrir le monde et compléter notre formation : moi-même, pour trouver une quête et devenir un chevalier exemplaire, et vous, pour créer votre pension et rendre heureux les pokémons. Pour ce qui est de votre rêve, j'ai de bons espoirs quant à sa réalisation. J'ai bien vu la façon dont vous vous entendiez avec Grany, et je suis sûr que vous parviendrez à faire ce à quoi vous aspirez. Vous avez ce qu'il faut. Enfin.. Ce n'est que mon avis !

Le compliment fit rougir la demoiselle, un peu gênée d’être ainsi mise en avant. Elle rentra sa tête entre ses épaules, et remarqua que son interlocuteur paraissait un peu mal à l’aise, lui aussi. Ce constat l’apaisa un peu, remplaçant sa gêne par de l’amusement. Peut-être n’était-il pas aussi sûr de lui qu’il le laissait entendre ? Elle ne répondit pas, mais lui lança un regard chaleureux plein de reconnaissance, qui se passait de mot. Elle n’était pas habituée à se faire complimenter de la sorte, elle passait généralement plutôt inaperçu. Mae regarda la nuit tomber autour d’eux, essayant de mettre de côté ses premières inquiétudes. Elle ne craignait rien, elle devait se rassurer. Si jamais quelque chose les attaquait, elle pouvait compter sur Louis pour intervenir. Celui-ci reprit par ailleurs la parole, en contemplant les alentours d’un air rêveur :

- Ça me rappelle le jour où j'ai voyagé vers Romant-sous-Bois. C'était il y a un an. La route traversait une grande zone forestière et marécageuse. Il faisait noir, j'entendais des bruits un peu partout et la route se rétrécissait. Je me souviens m'être perdu parmi les arbres et les racines, j'avais l'impression qu'ils bougeaient. Finalement, je me suis retrouvé face à une horde de Desséliande qui ont essayé de me dévorer. C'était terrifiant. Mais bon. Ça devrait aller.

Plongée dans l’histoire de son camarade, Mae se rendit compte qu’elle frissonnait. Elle était bien trop impressionnable, et ce récit l’avait glacé jusqu’au sang. Elle regardait à présent autour d’elle, les yeux écarquillés, le coeur battant la chamade. Pourquoi avait-il fallu qu’il lui raconte sa mésaventure ? La jeune fille garda le silence, serrant Grany contre elle pour se rassurer. Cette dernière paraissait aussi un peu inquiète, son regard furetait les alentours frénétiquement. Lorsque la demoiselle sentit quelque chose tomber sur sa tête, elle poussa un cri de terreur en fit un bond, incapable de contenir ses émotions.

- Qu’est-ce que c’est ?!

Elle porta sa main à son bonnet, et sentit le corps un peu rugueux d’un Pokémon qu’elle connaissait : un Pomdepik. Il y avait un certain nombre dans les arbres qui bordaient la pension, et ils tombaient régulièrement sur leur tête. Il ne s’agissait  pas de spécimen agressif, ils étaient même plutôt paisible. Mae poussa un long soupir de soulagement, et laissa la créature sur son crâne, peu désireuse de le déranger. Elle ria, se sentant idiote d’avoir eu peur pour si peu. Elle se tourna vers Louis, pour le rassurer, et remarqua que lui aussi s’était fait un nouvel ami : un Granivol s’accrochait à son bras.

- Plus de que de mal, ce n’est qu’un Pomdepik. Je vois que quelqu’un s’est prit d’affection pour votre bras !

Elle ria, et s’approcha pour décrocher le concerné. Celui-ci flotta face à eux, un vaste sourire sur son adorable visage. Sous le charme, Mae se rappela qu’elle était partie sur les routes dans l’espoir de capturer des Pokémons. Pourquoi ne pas tenter sa chance avec le Granivol ? Elle n’avait rien à perdre après tout ! Elle savait qu’il fallait normalement affaiblir la cible avant de tenter de l’attraper, mais sa Croquine ne connaissait pas vraiment de capacité offensives. Alors, elle se contenta de prendre une Pokeball, et de la lancer sur le Granivol en espérant que cela fonctionnerait.

Modération:

Lorsque la jeune fille se fut muni de sa Pokeball, elle remarqua que Louis l'observait, une expression vaguement étonnée sur le visage. Il avait une drôle de manière de la regarder, comme si elle faisait quelque chose d'extraordinaire. Mae peinait à comprendre, elle ne faisait rien de spécial. Peut-être était-ce la douceur naturel de ses gestes qui interpellaient le garçon, sans doute habitué à des comportements plus brutaux. Il n'avait cependant pas l'air d'un gros bourrin, ce qui était plutôt rassurant. En la voyant se préparer à lancer la sphère d'acier, il s'écria :

- Sacrebleu, vous ne perdez pas de temps ! Il n'a pas l'air bien hostile, vous devriez vous débrouiller sans encombres. Permettez-moi d'avancer un peu, je vais vérifier si les environs sont s-..

Il s’éloigna, mais fut interrompu par son Sabelette, qui semblait toujours aussi farceur. Il se lança dans un long monologue durant lequel il menaçait le Pokémon de devenir plus sévère, mais la soigneuse décida de se concentrer sur le Granivol. Elle lança la Pokeball, essayant de faire preuve d’assurance alors que ses jambes tremblaient. La sphère alla percuter la créature, qui fut aspiré à l’intérieur. Après quelques secondes durant lesquels la boule s’agita, elle s’immobilisa, signifiant que la capture était une réussite. Mae, qui s’était figée, poussa un long soupir de soulagement et se dépêcha d’aller ramasser son nouveau partenaire. Elle avait réussi ! Elle venait de capturer un Pokémon pour la première fois. C’était peut-être quelque chose de courant et de normal pour beaucoup, mais pour la demoiselle c’était une grande victoire. Sans attendre, elle fit sortir le Pokémon, pour le contempler. Il s’agissait d’une femelle, particulièrement enjouée. Mae ria en la voyant tourner autour de sa tête avec enthousiasme.

- Bienvenue dans l’équipe ! J’espère que tu te plairas avec nous. On va réfléchir à un petit surnom pour toi, tu en dis quoi ? Oh, et je te présente Grany ! Et voici Louis, le jeune homme là bas ! Il est très gentil, ne t’en fais pas.

Elle se rappela qu’elle avait toujours un Pomdepik sur la tête, et décida de le remettre en liberté. Elle l’attrapa avec soin, évitant de le bousculer, et le déposer délicatement sur une branche, avant de s’éloigner à pas feutré. Ce genre de spécimen pouvait facilement devenir dangereux s’ils étaient agressés, et Mae voulait à tout prix éviter ce genre de situation. Elle ramassa sa Croquine, et s’approcha de Louis pour voir où il en était. Il s’était retrouvé face à un Doduo, qui le regardait avec beaucoup de curiosité. Un très beau Pokémon !

Modération:

Face au Doduo, Louis ne sembla perdre contenance. Il expliqua posément au Pokémon la situation et lui demanda de partir, ce qu’il finit par faire, après quelques instants d’hésitations. Mae était assez amusée par la façon presque théâtrale et burlesque que son ami avait de régler les problèmes. Elle admirait également son sang froid. Comment faisait-il pour rester maître de lui en chaque circonstance ? Sans doute avait-il grandement confiance lui, pour arriver à un tel sang froid. Le garçon se tourna finalement vers la soigneuse, sans cacher sa satisfaction.

- Et voilà le travail. Allons, demoiselle, la voie est libre. Nous arriverons à Kishika sous peu, parole de chevalier.

La jeune fille, soulagée, hocha la tête lui emboîta le pas, tenant toujours Grany dans ses bras et suivit par leur nouvelle amie. Comment allait-elle pouvoir l’appeler ? Son nom actuel faisait trop penser au surnom de la Croquine, il allait falloir lui trouver autre chose. Elle songea qu’avec son air enjouée et sa mine réjouit, il allait lui falloir quelque chose de léger, et de facile à prononcer. Quelque chose qui évoquerait son corps flottant… Pourquoi pas Hop ? Ce n’était pas très recherché, mais cela lui irait bien. Mae sourit en regardant la Granivol, plutôt contente de lui avoir trouvé un petit nom. Louis regardait aussi la nouvelle membre de l’équipe, apparemment intrigué.

-  Que vous êtes adorable, sire.. ? Est-ce qu'il ou elle a un nom, déjà ? Je ne voudrais point décider arbitrairement de son genre. Quoi qu'il en soit.. Je me demandais ! J'espère ne pas paraître trop indiscret, mais où est-ce que vous vivez ? A Lumiris, j'entend. Je suis venu sans trop m'attarder sur la question du logement, et même si les centres pokémons ont la gentillesse d'accueillir les voyageurs, le confort y reste assez limité. Peut-être existe t-il d'autres alternatives ?

La soigneuse s’amusa à nouveau de l’évidente délicatesse de son compagnon de route. Elle regarda une fois encore la Granivol, s’assurant qu’elle ne s’était pas trompée sur son genre. Elle n’avait visiblement pas fait d’erreur, ce qui la rassurait. A son école, elle avait aussi appris ce genre de chose. Comme avec les humains, les Pokémons mâles et femelles se différenciaient par de nombreux paramètres, qu’il fallait observer et prendre en compte. Savoir le genre d’un Pokémon était plutôt utile pour anticiper sa reproduction et l’accompagner de la meilleur façon possible. Mae répondit donc avec douceur, et un soupçon d’enthousiasme qu’elle ne pouvait nier :

- C’est une femelle il me semble. Je pense que je vais la surnommer Hop ! Ça lui va bien non ?

La concernée entendit qu’on parlait d’elle, et s’approcha, ses grands yeux ouverts plein de curiosité. La jeune fille gloussa en voyant son énergie, puis reporta son attention sur la seconde question de son ami. Elle se permit quelques secondes de réflexion, puis répondit :

- Je vis dans les Centre Pokémon pour le moment. Quand j’aurai accumulé assez de connaissance, j’aimerai ouvrir ma propre pension, et à ce moment là je m’établierai. Mais il n’y a pas que les Centre Pokémon pour se loger, il y a des hôtels aussi ! Il faut avoir un peu d’argent, mais c’est bien plus luxueux. Après il reste toujours la possibilité du camping sauvage, pour ceux qui aiment l’aventure !

Louis avait l’air d’avoir quelques standards pour ce qui était du confort, il n’apprécierait probablement pas cette dernière possibilité. Un détail vint alors titiller l’esprit de la demoiselle. Elle s’empressa de reprendre la parole, d’une voix un peu plus timide :

- Puisque nous voyageons ensemble, pour une durée indéterminée, je propose que nous nous tutoyons ! Enfin, si cela ne vous dérange pas !

Elle esquissa un petit sourire, espérant ne pas l’avoir froissé. Il semblait si à cheval sur les formes ! Il n’allait tout de même pas la vouvoyer comme ça pendant tous le voyage ?

Louis paru quelque peu perplexe devant le surnom que Mae avait choisi, ce qui n’étonna pas cette dernière. Il avait des goûts sans doute bien différent dans ce domaine. Lorsqu’il parla d’eau pétillante, la soigneuse ria, puis se demanda s’il avait volontairement fait une plaisanterie. Son camarade était un peu difficile à cerner, mais elle l’aimait bien malgré tout. Il approuva ensuite le tutoiement, au grand soulagement de la soigneuse. Elle pouvait être à cheval sur les formes elle aussi, mais elle n’avait pas envie de rester tendue avec son partenaire de voyage. Sans doute se sépareraient-ils une fois arrivés au village, mais l’instant de la jeune fille la poussait à penser que leurs aventures ne s’arrêteraient pas là.

-  Toi et moi entretenons donc la même existence nomade. Je vois. Beaucoup voyager a son utilité, surtout lorsqu'on est en quête d'aider d'autres gens, mais rien ne vaut le confort du foyer. Je l'avoue, ma maison me manque parfois. Les cheminées, les bons repas.. J'ai beau arpenter les routes, je ne lui trouve pas son pareil.

La demoiselle pensa à la pension familiale, au sourire bienveillant de ses parents, à l’ambiance générale qui régnait là bas, si douce, si paisible. Elle espérait pouvoir créer la même chose ici, à Lumiris, en fondant son propre établissement et en y mettant tout son coeur. Évidemment, son foyer lui manquait aussi, tout comme sa famille, mais elle devait voler de ses propres ailes, et ne pas se laisser aller dans la mélancolie. Elle était étonnée que Louis ressente ce genre de chose, lui qui semblait si sûr de lui. Ainsi, lui aussi regrettait parfois sa vie familiale ? C’était assez touchant de l’imaginer avec le mal du pays. Mae aurait voulu lui montrer qu’elle comprenait ce qu’il ressentait, en lui touchant le bras mais elle n’osa pas. Ils n’étaient pas encore assez proche pour qu’elle se permette ce genre de chose, et avec sa fichue timidité, cela prendrait du temps.

- Mais s'il y a bien une règle immuable en ce monde, c'est qu'on peut rarement gagner une chose sans en perdre une autre. Tout est une question de choix. Tant pis, si je dois me loger dans hôtels, campings et centres pokémons, si j'ai la joie de cultiver les sourires. Tu n'es pas d'accord ?

Contente de le voir aborder les choses ainsi, la soigneuse lui fit un grand sourire et hocha la tête. Son ami semblait animé par des intentions si nobles et si pures… Cela faisait plaisir à voir ! Elle songea que ses propres ambitions étaient bien pauvre à côtés des siennes. Mae secoua la tête. Non, elle ne devait pas se dénigrer de la sorte. Leurs objectifs étaient différents, mais le sien était tout aussi important. Elle voulait créer un paradis pour les Pokémons, un endroit où ils pourraient se sentir bien, et heureux. Un endroit où les dresseurs n’hésiteraient pas à passer du temps pour le bien-être de leur partenaire. Cela méritait d’être fait.

- Et, d'ailleurs, il semblerait que le village soit à portée de vue. Nous arrivons au terme de notre voyage. Ce n'était pas si long, finalement.

La jeune fille suivit le doigt du garçon, et constata qu’il avait raison. Elle soupira, soulagée de ne pas avoir à passer la nuit dehors, et devait admettre qu’elle était quelque part un peu déçue. Elle s’était habituée à la présence de Louis, et commençait à l’apprécier sincèrement. Leur arrivée signifiait sans doute la fin de leur aventure ensemble, et elle le regrettait. Cela signifiait également qu’elle allait devoir poursuivre son voyage seule. Elle tâcha de ne pas trop y penser, et suivit le garçon d’un pas énergique :

- Oui, nous avons bien avancé ! Je te remercie encore d’avoir fait la route avec toi, je suis sûre que je me serai perdue seule !

Elle sourit, et songea qu’elle disait sans doute vrai. Ils entrèrent dans le village, et se dirigèrent machinalement vers le Centre Pokémon, où ils pourraient tous deux passer la nuit. Mae s’approcha du comptoir, et alors qu’elle s’apprêter à demander une chambre, elle remarqua la mine inquiète de l’infirmière. Celle-ci lui indiqua d’attendre un instant, et désigna la radio posé juste à côté. Celle-ci grésilla, puis une voix pressante se fit entendre.

- … Alerte à tous les dresseurs de Lumiris ! Ici le quartier général des Rangers ! Nous avons besoin de toute l’aide et le renfort possible à Windoria ! Une sinistre organisation criminelle est à l’oeuvre, nous avons besoin de soutien possible pour secourir les habitants du village.

Sous le choc, la soigneuse resta sans voix. Elle se tourna ensuite lentement vers Louis, cherchant dans ses yeux une réponse à sa question muette. Pour une raison inconnue, elle sentait qu’elle devait se rendre là bas pour prêter main forte, son instinct lui poussait à le faire. Restait à savoir si le garçon serait de la partie, et une fois encore, Mae sentait qu’elle n’avait pas à se questionner longtemps.

La mine sérieuse de Louis en disait long, et cela n’étonna pas la demoiselle. Elle s’était doutée, commençant à le connaître, qu’il ne dirait pas non à ce défi de taille, ni à l’idée de venir en aide aux gens. Elle ne fut donc pas surprise de le voir légèrement hocher la tête avant de prendre la parole, d’un ton bien plus grave qu’auparavant, alors qu’ils se dirigeaient innocemment vers la ville.

- Bien. Ce séjour à Kinshika sera de courte durée, il semblerait. Je ne puis m'empêcher d'y aller, et je suppose que c'est ton cas également. Prenons un peu de repos, et mettons-nous en route. Les prochains événements risquent d'être mouvementés. Surtout que Windoria est à une bonne trotte d'ici. Je vais me renseigner sur le transport : il y aura bien une âme aimable pour nous déposer. Ça sera déjà une bonne chose de faite.

Mae hocha la tête, une expression inquiète sur son visage. Il faisait nuit, et sans doute allaient-ils se mettre en route sans trop tarder après un court repos. Mais au vue de la situation, ils n’avaient pas le choix. Windoria et ses habitants avaient besoin d’aide, ils ne pouvaient pas se permettre de dormir trop longtemps. Elle laissa son camarade se renseigner, et continua d’écouter la radio en espérant en apprendre plus. Le chroniqueur expliquait qu’une vague de froid se déferlait sur la région, touchant tout particulièrement le village de montagne et mettant humains et Pokémons en danger. Pour l’heure, ils avaient peu d’information, mais la fameuse organisation criminelle répondait au nom de la Team Mistral, et avait visiblement pour but de geler la région toute entière. Mais dans quel but ? Mae secoua la tête, et regarda par la fenêtre du Centre Pokémon, essayant de mettre de côté sa fatigue et ses craintes. Ce n’était pas le moment de douter, mais plutôt d’agir !

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