Nikolaï m’informe que, selon lui, l’arbre est bel est bien le cœur du territoire de la chose que nous cherchons. Il fait les cent pas, tendis que je ne bouge pas, réfléchissant. Je lui expose ma propre théorie. Le danger ne serait pas une entité surnaturelle, mais l’arbre lui-même. Je me serais presque attendu à ce qu’il me prenne pour une folle, mais l’idée semblait lui plaire. Je l’observe sortir ses livres. Il me présente une lignée de Pokémon spectres. Brocélôme et Desseliande, je les reconnais immédiatement en voyant les images.

Ainsi qu’il le dit, les Desseliande sont connu pour leur lien étroit avec les arbres. Ils peuvent se déplacer dans une forêt aussi rapidement qu’une information dans un cerveau humain, en passant par les racines. Cependant, ils ne s’en prennent en général qu’aux mauvaises personnes. Celui-ci, si toute fois il y en a un, aurait été blessé au point de s’en prendre à tout le monde ? Nikolaï me montre en suite un dessin fait main de ce qui est décrit comme étant un esprit de la nature. J’écoute ce qu’il me dit et je rejoins son avis sur un point. Cette hypothèse n’est pas fiable. Aucune preuve de leur existence n’a jamais été apportée, nous ne pouvons donc rien en dire. Il est, de plus, courant que les gens associent ce qu’ils ne comprennent pas à quelque chose de surnaturel. C’est de la que viennent la plupart des religions et histoires fantastiques. Une peur incurable, un phénomène inexpliqué, une information manquante… Peu importe, si l’on considère que c’est quelque chose de surnaturel, toutes les questions trouvent un semblant de réponse, empêchant ainsi l’homme de vivre dans le pire des sentiments : le doute.

Le dessin de l’esprit de la nature, me fait d’ailleurs fortement penser à une attaque tempête verte. Cela me suffit à me convaincre que cela n’est qu’un mythe et le restera. Je préfère tenter ma chance du côté du Pokémon spectre. Je me retourne et me dirige à nouveau vers le grand arbre creux. Posant ma main gantée à plat sur l’écorce, j’attends de voir si le même phénomène que précédemment se reproduit. Aucune réaction ne survient les deux premières minutes, puis un léger picotement survient le long de mes doigts.

-Qui que tu sois, nous ne te voulons pas de mal. Montre-toi s’il te plaît. Nous avons à te parler.

Je m’efforce de garder un ton ferme. Ce n’est pas encore un ordre, mais l’impératif reste fortement suggéré. Les Pokémons spectres profitent de la moindre faiblesse de leurs victimes pour atteindre leur but. Si nous faisions réellement face à un Pokémon de ce type, s’attaquant aux humains qui plus est, montrer de la faiblesse pourrait être dangereux. Je guettais les alentours, attendant d’observer une réaction, peu importe sa nature.

Nikolaï s’approche de moi. Lui aussi semble avoir sentit quelque chose. Il me met en garde, m’intimant de faire attention à ne pas contrarier cette entité, car il pourrait réellement avoir de la rancœur envers les humains en particulier. Mais j’avais déjà ce détail en tête. Mon partenaire dans cette aventure semble tout aussi alerte que moi. Observant les environs avec attention. Ice semble apeurée, elle voudrait partir. Mais cette affaire m’intéresse, et elle n’est pas finie. J’imaginais qu’il était de toute façon trop tard pour partir.

Soudainement, et je constate que Nikolaï les a vus aussi, nous pouvons observer des mouvements dans les bois. Des arbres qui semblent bouger. D’ici j’ai du mal à me rendre compte de la réalité. Cela pourrait être un effet d’optique à cause d’un jeu de lumières et d’ombres. Ou bien un mouvement dût au vent, ou a un Pokémon qui passait par là. L’obscurité et notre état d’esprit actuel peuvent nous jouer des tours. Nous nous attendons à une réaction, il est probable que notre esprit nous donne l’impression d’en voir une. C’est le même processus lorsque l’on imagine que l’on baille, cela provoque la plupart du temps, une réaction qui… me fait bailler, à l’instant.

Cela me fait à nouveau réagir. Ayant manqué, de peu, de m’endormir sur place, je me retourne vers l’arbre creux et recule. J’ai tout juste le temps de voir une ombre passer sur l’écorce. Il n’essaie pas de nous vaincre d’un seul coup, il ponctionne notre énergie petit à petit. Jetant un œil à Nikolaï et nos Pokémons, je demande :

-Tu as senti, toi aussi ?

Ce qui me pose soucis, c’est que cette fois, je n’étais pas en contact avec l’arbre. Ce qui signifie qu’il n’essaie plus de rester cacher dans la végétation. Même si sa stratégie reste subtile et discrète, il se fait néanmoins de plus en plus agressif. Au moins la présence d’une de ces créatures, quelle qu’elle soit, nous est confirmée. Reste à prouver leur nombre et leur intention.

D’après ses dires, Nikolaï semble lui aussi atteint par la présence des créatures qui nous entoure. Il dit avoir des frissons, ce qui est inhabituel chez lui. C’est pareil dans mon cas, je ne suis quasiment pas sensible au froid ou à la fatigue dans ce genre de situations. La situation devenait de plus en plus dangereuse, il allait falloir trouver une solution pour régler le problème, ou au moins pour nous sortir de là. Ils semblaient puissants et en surnombre, les affronter directement serait perdu d’avance. Et ils refusaient de nous écouter parler, nous, simple humains.

Nikolaï suggère que nous nous rendions à Fort-des-Songes pour tenter d’y trouver quelques informations. JE ne suis pas sûr que nous y obtenions grand-chose en pleine nuit. D’autant plus que nous ne savons pas où chercher, à moins qu’il n’ait une piste mais j’imagine qu’il l’aurait exploitée avant de venir, avec un peu de jugeote. Aussi bien ici qu’ailleurs, je ne nous considérais au point mort. Je posais néanmoins la question :

-Comment comptes-tu t’y prendre pour trouver des informations ? Tu as une piste exploitable en pleine nuit ?

De plus, ses deux propositions de fuite ne me plaisaient pas vraiment non plus. L’affrontement direct était à éviter, ainsi qu’il le mentionnait. Mais la fuite n’était probablement pas une bonne solution non plus. Les spectres ont tendance à se nourrir des émotions négatives des vivants, la peur en fait partie. Fuir ne les rendrait que plus forts et plus dangereux.

-De mon côté, je suggère de rester calme. Il y a peut-être d’autres indices dans les parages. Tu as dit qu’un homme avait été retrouvé évanouit ici, et que les villageois viennent régulièrement cueillir des plantes médicinales dans les parages. Si l’on en croit nos dernières déductions, il y a de fortes chances pour que nos assaillants soient des Desséliande. On sait qu’ils se montrent agressifs envers ceux qui abîment la forêt. Le lien doit être là. Pensais-je à haute voix.

Si c’était bien là le problème, je ne voyais que deux solutions : Faire comprendre aux Desséliande que les intentions des humains ne sont pas mauvaises, mais je n’avais pas d’idées pour y parvenir. Ou alors, convaincre les villageois de ne plus s’aventurer par ici. Mais là encore, rien ne peut nous garantir une réussite.

-Peut être que nous pourrions mettre en place un accord entre ces Pokémons et les habitants. Une sorte d’échange. Les habitants pourraient offrir quelque chose aux Pokémons, et ceux-ci leur autoriserait de prendre quelques plantes. Empêcher l’un ou l’autre des partis d’agir me semble difficile à réaliser.

J’avais émis ma vision des choses. Il était pour moi imprudent de montrer au spectre que nous souhaitions fuir. Cependant, les arguments de Nikolaï faisaient sens, et je devais admettre qu’ils étaient plus pertinents que les miens. Il savait de quoi il parlait. D’après lui, il devrait y avoir autant d’activité à Fort-des-Songes qu’en journée. A vrai dire, je n’y avais mis les pieds qu’en de rares occasions. Selon lui, ses clients oubliaient parfois des détails important dans leurs récits. Il venait donc ici dans le but de s’en rendre compte par lui-même avant de pousser l’enquête plus loin.

J’imaginais que c’était la meilleure chose à faire. D’autant plus que je m’y connaissais quelque peu sur le sujet des spectres, mais qu’il était un professionnel dans ce domaine. Il avait, en conséquence, plus d’expérience que moi et savais ce qu’il faisait.

-Très bien. Je te prie de m’excuser pour avoir remis ton plan d’action en doute.

En revanche, il était d’accord avec moi lorsqu’il s’agissait de créer un accord entre les Pokémons et les habitants de la ville. Cependant, pour rebondir sur ce qu’il venait de dire, il allait être difficile de formuler les choses correctement si nous ignorons le fondement de ce conflit. Selon lui, le fait de récolter des plantes n’était pas un motif suffisant. Pour moi il l’était, un Pokémon décrétant que cette forêt est son territoire pourrait subitement devenir agressif pour ce genre de choses. Ne serait-ce que pour se faire respecter de ses congénères ou se faire craindre des intrus.

-Pour nous permettre de partir en sécurité, je propose d’utiliser encore une fois le reflet de Ice. Les Pokémons sauvages sauraient où nous nous situons sans pour autant pouvoir nous approcher sans être repérés.

Je voyais cependant un inconvénient à cette stratégie, je lui en fis part, à voix basse cette fois. Les spectres pourraient certainement nous entendre, et peut être nous comprendre, quoi que nous fassions, mais je préférais rester prudente.

-Elle est encore jeune, elle n’est pas taillée pour le combat en cas de conflit. De plus j’ignore si elle serait capable de maintenir son attaque tout le temps du retour.

Je remarquai également que les choses s’étaient calmées. J’avais cependant du mal à croire que nos adversaires n’aient abandonné. Ils attendaient peut être de connaitre notre prochain mouvement pour pouvoir agir en fonction de nous.

Nikolaï m’assure qu’il n’est pas en colère, qu’il ne m’en veut pas d’avoir contesté ses idées. C’est une bonne chose, mais je ne me suis pas excusée dans ce sens là. Peu importe. Il m’affiche également un sourire, que je ne lui rends pas. Encore une fois, ce n’est pas de la colère. Je ne suis juste pas très expressive. Dans tous les cas, il semble approuver mon idée. Quand à mes inquiétudes, il a tôt fait de me rassurer. La capacité reflet de mon amie ne sera que temporaire, ses Pokémons à lui pourraient prendre le relais au bout d’un moment. C’est une bonne idée, se relayer permettra à nos Pokémons de moins se fatiguer. J’observe Nikolaï fouiller dans son sac et en sortir un encens plante. Il voudrait l’utiliser pour attirer les spectres ailleurs, nous laissant du répit pour partir. J’acquiesce.

Je le laisse confier l’objet à son Pokémon spectre et commence à m’avancer hors de la clairière au grand arbre. Je fais signe à Ice de lancer son attaque. Ses illusions se créent tout autour de nous. Et se mettent à marcher, en même temps que notre groupe. Il est amusant de constater la synchronisation des reflets, qui sont animés d’un même mouvement, telle une image de ma Stalgamin qui aurait été copiée-collée partout.

Je reste alerte à ce qui nous entoure, mais les bois sont calmes pour l’instant. J’ai cru apercevoir quelques ombres nous rôder autour lors de notre départ mais à présent tout semble tranquille. Au bout de plusieurs minutes, je jette un œil à Nikolaï et ses Pokémons.

-Vous pouvez prendre la relève ?

Pou l’instant, aucun danger ne semble présent, mais ils attendent peut être le moment opportun pour passer à l’attaque. Lorsque les reflets de ma Stalgamin disparaissent, j’observe autour de moi, en espérant qu’ils soient partis. A l’heure actuelle, seuls les bruits et cris habituels du bois hurlant ne nous parviennent. Une ambiance lugubre qui ne me dérange pas, et il semblerait que mon acolyte n’y prête pas plus attention. Je dois admettre que cette nuit aura été particulière et très enrichissante. Et ça ne faisait que commencer, la suite promettait certainement d’être plutôt interessante.

Au bout d’un moment à marcher, je demandai à Nikolaï de prendre la suite. Ma Stalgamin laisse disparaitre ses reflets, au moment où le Spectrum de mon partenaire prend la relève, emmenant l’encens loin de nous. Cela sembla faire s’agiter les Pokémon plantes qui se mirent à le suivre. Mais ainsi que le souligna Nikolaï, certains pouvaient avoir résisté à l’attraction de l’odeur qui s’éloignait en sens inverse. Rien ne se passa dans les minutes qui suivirent, cependant. Quelques lueurs finirent par percer à travers les arbres. Aux premiers abords, je n’aurais su dire s’il s’agissait de Fort-des-Songes ou de lumières fantômes, voir même de capacités des Pokémons. Cependant, il s’avéra que nous étions arrivés.

Nikolaï me demandai si c’était ma première fois dans cette ville. Non, ça ne l’était pas, bien que mes visites n’aient été rares. J’aimais l’ambiance qui y régnait, elle qui semblait hors du temps et aussi perdue que ces bois. Cela avait quelque chose d’envoutant, d’apaisant.

-Quelques fois. Mais jamais très longtemps.

Et cette fois, il semblerait que cela ne change pas. Après avoir parlé à son client, nous reviendrons probablement ici directement. Je garde le silence, veillant à ne pas nous laisser surprendre par un adversaire spectral, jusqu’à avoir atteint les remparts qui encerclaient la ville. A partir de là, j’ignorais où nous rendre, je laissais donc mon acolyte me guider à travers les rues anciennes. A présent hors de danger, je fis revenir Ice dans sa Pokéball. Elle n’aurait pas à s’inquiéter pour moi et pourrait se reposer un peu par la même occasion. Nous aurons peut être besoin de ses forces pour la suite.

-Qui est votre client ?

Je préférais savoir à qui j’avais affaire. Cela me paraissait important pour jauger la personne et permettait parfois de tirer certaines conclusions. Par exemple, dans mon métier d’informaticienne, je savais que la phrase « internet ne fonctionne pas » n’a pas la même connotation selon par qui elle était employée. Une personne âge ayant peu de connaissances dans le domaine pourrait simplement avoir oublié de régler un paramètre. Tandis qu’une personne plus habituée à cette technologie aurait sans doute un problème plus compliqué.

Je me demandai par ailleurs s’il était sujet au secret professionnel. Si c’était le cas, je n’avais probablement pas le droit de l’accompagner. Mais je supposai donc que s’il me laissait venir, ce n’était probablement pas le cas. Mais il était impossible pour moi de prévoir si son client accepterait ma présence. Nous verrons bien.

En arrivant à l’entrée de la ville, Nikolaï m’indique qu’il souhaite attendre son Pokémon. J’acquiesce. Je m’adosse contre le rempart en croisant les bras. J’écoute le chasseur de fantômes siffler une mélodie qui ne semble pas choisie au hasard. J’ignore cependant sa signification ou son origine. Son Pokémon apparaît quelques minutes plus tard, ayant visiblement accompli sa tâche avec brio. Je laisse les deux amis se retrouver sans m’en mêler. Puis, en entrant dans la ville, je questionne l’homme sur son client.

Il s’agirait de l’infirmière Joëlle. Cependant, d’après ce que je comprends, ce n’est pas son commanditaire original, la doctoresse n’étant qu’une intermédiaire. Je me demande pourquoi la personne ayant signalé le problème ne l’a pas fait directement à un professionnel. Peut être n’était-ce pas son intention, depuis le début, ou peut être qu’il n’en connaissait pas. Toujours est-il que la réponse à la question du dresseur me paraît évidente.

-Si c’est la meilleure piste que vous ayez, je suppose qu’il est préférable d’aller voir l’infirmière directement.

Dans l’hypothèse où celle-ci serait incapable de nous donner plus d’informations sur le problème en lui-même, elle devrait pouvoir nous rediriger vers une personne apte à le faire. De plus, nous pourrons profiter d’un passage au centre pour laisser nos Pokémons se reposer quelques minutes. Après quelques minutes de marche, le bâtiment au toit rouge se dresse face à nous. Nous entrons à l’intérieur. Il y a peu de monde, ce qui n’est pas étonnant à l’heure qu’il est.

-Bonsoir. Dis-je à l’adresse de la femme derrière le comptoir.

La première chose que je fais est de confier mes deux Pokéballs habitées à l’infirmière. Ca ne coûte rien, et ça ne fera pas de mal. Concernant l’affaire des spectres, je préfère attendre que Nikolaï aborde le sujet. Il a plus d’expérience que moi dans le domaine, j’imagine qu’il sait mieux que moi quelles questions poser.