Elle vérifia une dernière fois son sac, mais tout semblait y être. Alors elle le mit sur son dos et jeta un regard à sa chambre d'enfant, où elle avait tant rêvé ce jour. Elle y était enfin. Elle avait mené ses études au bout, avait eu son bac avec son mention et avait même attendu d'avoir dix-huit ans. Il était temps de vivre la vie qu'elle avait imaginée. Un sourire sur les lèvres, elle sorti de la pièce pour aller saluer sa mère. Celle-ci l'attendait, angoissée. Elle lui fit encore une fois des dernières recommandations, mais Adélaïde fini par la couper.
- « Maman, je sais tout ça. Tu me l'as déjà dit je ne sais plus combien de fois. Ne t'inquiète pas, tout ira bien. Et puis, Dracou est avec moi. »
La jeune fille tapota la pokéball accrochée à sa ceinture.
- « Je sais mais je ne peux pas m'empêcher de m’inquiéter. Tu as grandi si vite, pour moi tu seras toujours mon petit bébé. »
Elles se prirent dans les bras, puis Adélaïde fini par s'éloigner.
- « Profites-en pour prendre soin de toi, d'accord maman ? » - « D'accord. J'essaierais. » - « Et oui, je t'appellerais. Je t'aime maman. » - « Je t'aime ma chérie. »
Rose regarda tristement la silhouette de sa fille s'éloigner, et la porte se refermer sur elle. Le jour était venu ou elle devait la laisser voler de ses propres ailes, mais elle n'avait pas pensé que ce serait si dur. Elle poussa un soupir en pensant à ce qu'elle pourrait bien faire maintenant qu'elle était seule dans cette maison bien vide. Peut-être qu'elle devrait suivre les conseils de sa propre fille et prendre soin d'elle-même.
Adélaïde quant à elle, jetait un regard nouveau sur les maisons et rues qu'elle connaissait depuis toute petite. C'était sa ville natale, et elle y avait habité toute sa vie. Pour la première fois, elle la quittait pour visiter d'autres lieux. Ça lui faisait tout de même un pincement au cœur. Mais l'exaltation de la nouveauté était bien plus forte. Elle entreprit tout de même de faire un dernier tour avant de partir.
Elle déambulait sur le port, observant la vie, les pêcheurs, les passants. Elle en saluait même parfois, reconnaissant les habitués. Et puis elle vit quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, occupé à dessiner. Adélaïde s'approcha alors. C'était un jeune homme qui semblait avoir sensiblement le même âge qu'elle-même, mais pourtant il portait une cravate. Intriguée, la naïade s'approcha pour regarder ce qu'il dessinait. Peut-être était-il étudiant en arts. Ou bien un passionné de croquis. Ou encore aimait-il tout simplement cet endroit et y avait des souvenirs attachés.
Adélaïde aimait laisser son esprit vagabonder de la sorte, s'imaginer la vie que chacun vivait à l'instant où elle les croisait. Elle s'arrêta alors non loin de l'inconnu pour regarder son travail quelques instants. Tout de même assez loin pour ne pas le déranger, on ne savait jamais. Certains n'aimaient pas beaucoup cela. Alors, des pêcheurs ? L'océan ? Des pokémons ? Ou bien quelque chose de son imagination ?
Je ne suis pas venu ici depuis l’épisode passablement gênant de ma prestation pendant le concours Estival, et je ne serais absolument pas contre effacer cet épisode de ma mémoire.
C’est pourquoi, plutôt que de me diriger vers la plage, je me dirige vers le port, une couverture protégeant un précieux paquet dans les bras.
L’automne est maintenant bien entamé et, même s’il fait beau depuis quelques jours, un vent frais a fait baisser la température. Sans parler de la proximité de la mer et son humidité qui n’aident pas. Tout ça pour dire qu’avec ma chemise à manches longues, ben j’ai pas bien chaud !
Heureusement, la couverture et son contenu me tiennent les mains bien au chaud ! Sans parler de mon crane, qui est également protégé par les ailes duveteuses de Chunchun. Honnêtement, le jour où il évoluera, ça me manquera de ne plus l’avoir sur la tête !
Enfin, on y est pas encore.
Je déambule un moment sur les quais, me laissant porter par l’envie de marcher. Mais je sais que je ne continuerais pas longtemps : mes doigts me démangent, j’ai envie de dessiner. Je ne sais juste pas encore quoi. J’ai toujours dessiné des Pokémons, dans de nombreuses situations, avec pleins d’expressions différentes. Mais aujourd’hui, ma liste de modèles est réduite. Peu de personnes parcourent les quais, hormis les pécheurs du coin, et l’on voit encore moins de Pokémons. D’ailleurs, est-ce qu’on peut vraiment pécher quelque chose dans un port ? Il faudrait que j’essaye, un de ces jours.
Mais je m’égare dans mes pensées, comme souvent.
Revenons-en au manque de modèle. Je pourrais bien sur dessiner Chunchun. C’est pas comme si je ne l’avais jamais fait, après tout. Mais je ne sais pas… j’ai envie de changer un peu. Mon regard se promène sur la jetée, passant de ponton en ponton, de bateau en bateau. Une idée commence à germer dans mon esprit : c’est vrai que je ne me suis quasiment jamais essayé aux paysages… Oh, après tout… pourquoi pas ?
Je fini par m’installer en tailleur, sur un banc face au port et à ses bateaux. Je pose la couverture et son précieux contenu à côté de moi, puis pose Chunchun dessus pour qu’ils se tiennent chaud mutuellement.
Après avoir sorti mon matériel de dessin, j’observe un moment mon modèle avant de commencer. Mais je me rends vite compte que je vais avoir un problème que je n’avais pas avec les Pokémons : les perspectives. Rien que pour dessiner les pontons et le quai de manière juste, j’y passe vingt bonnes minutes et pas mal de patience. J’en suis à me demander par quoi continuer lorsque je sens une présence derrière moi.
Je me retourne, un peu curieux, pour voir une jeune fille d’à peu près mon âge en train de m’observer, à quelques mètres de là. Surprit, je passe un petit moment à l’observer. A en juger par la taille de son sac, je jurerais qu’elle est du genre à voyager. Peut-être qu’elle vient de débarquer sur l’ile ? Elle est perdue ? Bon, je vais pas rester là à la dévisager :
L'adolescent, se sentant certainement observé, se retourna vers elle. Elle lui adressa un sourire gêné. Mais il ne parut pas fâché et entama la conversation.
- « Ho, bonjour. Je suis désolée, je ne voulais pas te déranger. Je regardais juste ce que tu dessinais. Continue, je t'en prie. Sauf si je te dérange. Je peux partir si tu veux. »
Adélaïde passa nerveusement la main dans ses cheveux, derrière la tête. Au moins il n'avait pas l'air méchant, même si elle ne voulait pas l'embêter. Elle posa ensuite de nouveau les yeux sur son travail.
- « Tu as un bon coup de crayon, je serais bien incapable d'en faire autant. »
Son ton était admiratif, la jeune fille était visiblement sincère. Nouveau sourire gêné. Puis elle parut se rendre compte qu'elle avait oublié quelque chose. Elle lui tendit la main.
- « Je suis Adélaïde McGarden, future soigneuse spécialisée en pokémons sauvages. Bienvenue, je ne crois pas t'avoir déjà croisé ici, mais la ville est grande. »
S'il était nouveau ici, elle pourrait peut-être se rendre serviable et lui montrer les jolis lieux à dessiner de la région. Après tout, elle avait vécu toute sa vie ici et connaissait certains endroits moins touristiques qui étaient pourtant tout aussi beaux. Elle prit ensuite sa pokéball accrochée à sa ceinture et en fit sortir son amie :
Le minidraco tenta vainement de cacher son grand corps derrière sa petite dresseuse, mais visiblement sans succès. Il fallait avouer que la scène avait quelque chose de comique.
- « Elle est timide. »
Elle caressa tendrement sa tête écailleuse et le pokémon s’avança doucement pour renifler le jeune homme - de loin -. Mais elle préféra rester aux côtés de son amie, jetant un coup d’œil interrogateur vers la couverture. Qu'elle tenta également de renifler, allongeant son cou de tout son possible. Elle avait dû sentir quelque chose, ou bien saluait à sa façon le pokémon installé dessus. Adélaïde elle, s'interrogea sur le fait d'avoir une couverture par terre au lieu de la mettre sur ses épaules, il ne faisait pas si chaud. Pour sa part, elle avait enfilé un gilet par dessus une robe longue. Et puis, elle était habituée au vent du port. Au moins, le pokémon était-il bien installé. C'était une gentille intention. Dracou cessa de renifler et attendit sagement aux côtés de sa dresseuse.
« Ho, bonjour. Je suis désolée, je ne voulais pas te déranger. Je regardais juste ce que tu dessinais. Continue, je t'en prie. Sauf si je te dérange. Je peux partir si tu veux. »
Oh ! J’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Faut dire que j’essaye d’éviter d’attirer l’attention avec mes dessins. Non pas que j’en ai honte, juste que je ne veux pas avoir l’air de faire mon intéressant. Pour moi c’est un loisir, je n’ai pas envie de l’imposer aux autres. A l’inverse, si ça l’intéresse, je n’ai aucune raison de l’en empêcher.
« Non, c’est bon, ça ne me dérange pas ! »
Regardant mon travail par-dessus mon épaule, elle me complimente :
« Tu as un bon coup de crayon, je serais bien incapable d'en faire autant. »
« Merci ! Cependant, ce n’est que la partie facile du travail. Les choses sérieuses commencent maintenant ! »
Je sers la main qu’elle me tends alors qu’elle se présente :
« Je suis Adélaïde McGarden, future soigneuse spécialisée en Pokémons sauvages. Bienvenue, je ne crois pas t'avoir déjà croisé ici, mais la ville est grande. Et voici Dracou, mon amie. Dis bonjour, Dracou. »
Tout en parlant, elle a fait sortir son Pokémon de sa pokéball, libérant ce que je pense être un Draco. Ou alors est-ce un Minidraco ? Je ne suis pas très familier avec les Pokémons qu’on ne trouve pas à Hoenn. Quoi qu’il en soit, la créature serpentine se réfugie immédiatement derrière sa dresseuse.
« Elle est timide. »
La Pokémon semble malgré tout prendre sur elle pour avancer prudemment et me renifler, puis renifler Chunchun. Je lui fais un petit coucou de la main, pas de geste brusque pour ne pas l’effrayer. Bien, on dirait que c’est à mon tour de faire les présentations :
« Moi c’est Sanzo Kobayashi ! Mais appelle moi juste Sanzo ! Je suis… »
Euh oui tiens… qu’est-ce que je suis ? Boaf, on va faire au plus simple.
« Disons que je suis un jeune itinérant. Je parcours l’île à la recherche de rencontres, d’inspiration et de panoramas. Je suis déjà venu quelques fois ici, mais je n’y suis jamais resté bien longtemps. Quant à la petite boule de coton sur la couverture, c’est mon compagnon de toujours : Chunchunmaru. »
Entendant qu’on mentionne son nom, celui-ci ouvre d’abord un œil curieux, puis un deuxième pour porter un regard circonspect sur Dracou.
« Ne te fie pas à son air méfiant, en vrai, il est très sociable ! »
Comme pour appuyer mon affirmation, il se met à pépier gaiment, ayant écarté la possibilité d’une menace provenant d’une créature qui avait visiblement plus peur de lui que l’inverse.
« Mais je t’en prie, ne reste pas debout, viens t’assoir ! Fais juste attention à la couverture s’il te plait. »
Avisant à nouveau son paquetage, je me rends compte que c’est peut-être pas le meilleur moment pour elle.
« A moins que tu n’aies quelque chose de prévu ? Je m’en voudrai de te retenir ! »
Le jeune homme était plutôt aimable et se présentait à son tour, ainsi que son pokémon. Dracou semblait avoir surmonté son appréhension. Ces deux-là ne leurs voulaient visiblement aucun mal. Ils ne faisaient que se ballader au gré de leurs envies afin de croquer les jolis paysages qu'ils voyaient. Adélaïde se baissa vers le Tylton et lui adressa un sourire :
- « Bonjour Chunchunmaru ! »
Celui-ci avait l'air heureux de faire une nouvelle rencontre et faisait de jolis sons. La jeune fille eut envie de toucher ses ailes pour voir si elles étaient aussi moelleuses qu'elles en avaient l'air mais se retint. Ce n'était pas très poli, elle n'était pas sa dresseuse. Mais elles ressemblaient vraiment à deux petits nuages... Sanzo poursuivit et l'invita même à venir s'asseoir. Lui indiquant juste de faire attention à la couverture. Faire attention à la couverture ?
- « C'est gentil mais je ne voudrais pas t'embêter trop longtemps. »
S'installer à côté était autre chose que de le regarder de loin. Même si c'était lui qui l'invitait à le faire. Elle ne le connaissait pas. Malgré le fait qu'il soit gentil et qu'il lui proposait, c'était peut-être déplacé. Il lui posa ensuite une question, certainement au vu de son sac.
- « Ça ? En fait j'habite dans cette ville et aujourd'hui est le premier jour de mon voyage pokémon. Je viens tout juste de partir de chez moi. Je sais, c'est un peu tard, la plupart commence à seize ans mais ma mère a insisté pour que je passe d'abord mon bac, alors... Au moins j'ai pu étudier un peu les pokémons avant d'aller les soigner pour de vrai. Et j'ai pu m'entraîner à leur préparer des plats. Hein, Dracou ? »
Elle gratifia le minidraco d'une caresse sur la tête, tandis qu'elle se frottait à elle. Ce n'avait pas toujours été réussi mais dans l'ensemble c'était pas trop mal. Elle avait eu le temps de lire beaucoup de livres à la bibliothèque et apprendre ce qu'elle devait savoir avant de partir seule sur les routes avec son pokémon.
- « Et puis je voudrais être soigneuse. Pas simplement dresseuse. M'occuper de tous les pokémons. Même ceux qui n'ont pas de dresseurs. Alors j'imagine que ça demande un peu plus de préparation et de connaissances. Donc, pour répondre à ta question, je n'ai pas spécialement d'endroit précis où aller. Je me laisse porter par les rencontres. »
Elle leur adressa un sourire chaleureux. Exactement ce genre de rencontre. Discuter avec des inconnus, sans arrières pensées. Apprendre à les connaître, un peu. Échanger quelques mots gentils. Repartir le sourire aux lèvres. Et apporter la joie où elle se rendrait. Son voyage commençait plutôt bien.
- « Ho et puis zut. »
Adélaïde vint finalement s'asseoir où il lui avait indiqué. C'était vrai, elle n'était pas pressée et n'avait rien de spécial à faire. Son aventure commençait ici. Dracou ne la lâchait pas. Le minidraco s'installa autour de ses jambes. La jeune fille parut réfléchir, puis se permit de lui poser une question :
- « Elle est fragile, cette couverture ? »
Elle la regarda. Il semblait y avoir une forme à l'intérieur, mais ça pouvait tout aussi bien être la couverture qui était repliée sur elle-même.
Comme je le pensais, elle a sans doute autre chose à faire.
C’est son premier jour de voyage hein ? Les souvenirs que ça me fait remonter. J’ai l’impression que ça fait si longtemps déjà que j’ai commencé à voyager. Enfin, moi j’ai toujours un pied à terre chez mes parents remarque… j’imagine que ce n’est pas tout à fait la même chose ?
Elle m’explique ensuite qu’elle tente de devenir soigneuse. Un but noble à mes yeux. J’ai moi-même essayé d’aider quelques Pokémons sur mon chemin, mais soyons honnête, mais connaissances sont rudimentaires. Cette jeune fille doit probablement en savoir plus que moi. C’est son domaine après tout. Il faudrait d’ailleurs que je trouve mon propre domaine, un jour…
Mais je m’égare dans mes pensées, comme souvent. Heureusement, un « Oh et puis zut ! » me ramène sur mon banc. Banc qui est maintenant utilisé par deux personnes au lieu d’une. Je lui souris, heureux qu’elle ait finalement décidé de se joindre à moi pour quelques instants.
J’allais essayer d’en savoir plus sur elle lorsqu’une question me coupe dans mon élan – oui enfin, mon début d’élan.
« Elle est fragile, cette couverture ? »
Aaah, je vois que ma demande a éveillé sa curiosité. Tout en prenant soin de ranger ma feuille ma feuille afin qu’elle ne s’abime pas, je lui réponds, d’un air Sibyllin, un éclat de malice dans les yeux :
« C’est n’est pas tant la couverture qui est fragile, que ce qu’elle renferme ! »
J’essaye de garder mon sérieux quelques instants, mais je fini par éclater d'un rire franc :
« Hahaha ! Je suis désolé, j’ai pas pu résister ! »
Je me laisse aller. Il y a quelques temps, je n’aurais jamais osé ce genre de blagues, aussi innocente soit-elle. Je soupçonne une tête poil de carotte d’être responsable de ce changement. Mais ça ne me gêne pas plus que ça. Ça fait du bien de rire, de temps en temps.
Plutôt que de me laisser emporter à nouveau dans mes pensées, je prends délicatement la couverture par en dessous, surprenant au passage Chunchun qui ne s’y attendais pas, et la pose sur le banc.
« Regarde… »
Avec un air confident, je soulève Chunchunmaru qui, trouvant qu’on le dérangeait beaucoup dans sa sacro-sainte sieste, décide de se poser comme à son habitude sur ma tête – non sans me gratifier au passage d’un petit coup de bec boudeur.
« Héhé, désolé, je te rends ta place dans pas longtemps. »
Un vague sifflet ronchon me répond. Maintenant que le Tylton n’est plus dessus, on voit parfaitement le dessus de l’œuf qu’il couvrait.
« On me l’a confié il y a quelques temps. C’est mon trésor depuis ; j’y fait attention comme à la prunelle de mes yeux. »
C’est que c’est particulièrement intimidant de tenir une vie entre ses mains, une vie à venir. Elle qui souhaite devenir soigneuse doit probablement comprendre ce genre de sentiment.
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