Azul battait des ailes joyeusement, malgré sa palme enflée et la douleur que celle-ci devait lui causer. Porté dans les bras de sa dresseuse, il regardait la place marchande et ses innombrables clients, les yeux aussi exorbités et fascinés que lorsqu’il avait rencontré Tanya pour la première fois. Le moral du petit couaneton semblait aussi imperméable que son beau plumage bleu, rien ni personne ne semblait lui enlever sa joie de vivre et son cœur vaillant.
Tanya, quant à elle, n’avait pas cette même vision de la place marchande. Son pokémon blessé dans les bras, la rousse avança avec le cou perdu entre ses épaules, un regard inquiet dans ses yeux marron. Malgré la gravité de la situation, la jeune peinait à rester loin des vitrines. Non parce qu’elle était intéressée par ce les belles boutiques vendaient, mais bien par le fait que son reflet l’obsédait plus, d’une fenêtre à l’autre. Comme narcisse, c’était son grand amour pour elle-même qui les avait mis dans cette situation difficile.
À peine quelques minutes plus tôt, lors d’une de ses maintes contemplations égoïstes, la jeune adolescente avait laissé son canard sans surveillance. Sautant joyeusement d’une flaque d’eau à l’autre, le pokémon aussi inattentif que sa dresseuse avait réussi à se faire écraser une de ses pauvres pattes, sous la roue d’un cycliste pressé. Depuis, la rousse tenait son pokémon handicapé dans ses bras, espérant que ses pansements improvisés et le désinfectant à mains fassent effet sur sa blessure, jusqu’à tant qu’elle trouve une meilleure solution.
N’osant pas encore se déclarer perdue, la jeune demoiselle arrêta un jeune homme plus âgé qu’elle, une moue penaude et essoufflée au visage. Il était très grand et corpulent, sa banane extravagante et son air assuré semblait la rassuré plus que les autres inconnus sur la rue.
« Pardon, monsieur? Est-ce vous pourriez me guider va la rue principale la plus proche? J’ai un pokémon blessé et j’aimerais bien lui trouver du secours le plus rapidement possible. »
Encore une journée qui allait être riche en activité pour Mark, au programme une sieste dans le parc, visite de sa boutique geek préférée, ramassage de pièces dans la fontaine et peut-être même embêter les attroupements de poichigeons. Tandis qu'il se baladait dans la rue, une musique attira son attention, aux sonorités funk couplant des percussions endiablées et des platines à des bruits d'instruments quasiment futuristes, le tout recouvert par des paroles dans un langage qui lui était inconnu. Produit par le casque d'un passant, au volume visiblement bien trop élevé, la chanson inciter irrémédiablement Mark à danser. Sur un coup de tête, il décida de suivre l'inconnu pour profiter jusqu'au bout de sa playlist. Trémoussant son derrière au milieu de la foule, gigotant au fil du rythme, il avançait d'un pas insouciant au milieu des regards jugeurs. Ses mouvements alternant entre des poses ridicules, des contorsions franchement impressionnantes et un jeu de jambe dangereux pour ceux qui l'entourait.
Trois ou quatre bon kilomètres furent parcourut avant que l'homme au mp3 ne se volatilisa brutalement au détour d'une ruelle sombre, sans doute paniqué par son stalker. Maintenant Mark devait retrouver le chemin du parc pour revenir à son plan original, Quelle galère ! soupira-t-il tout en revenant sur ses pas. Mais voilà qu'une autre surprise se dessinait à l'horizon. C'était un petit attroupement auquel il n'avait pas prêter attention la première fois, mais maintenant il apercevait clairement le panneau "Dégustation gratuite" devant la boucherie. C'était noël avant l'heure pour Mark. Le dresseur se faufila comme un Miaouss pour se retrouver face au vendeur :
-Bonjour, vous voulez gouter nos nouveaux saucissons ? Tenez servez-vous. -'Faut pas me le dire deux fois, merci bien !
Avec assurance, il attrapa plusieurs bouts de saucissons dans chacune des corbeilles présentées devant ses yeux ébahis. Le pauvre vendeur se démena pour restreindre l'impatience de Mark, qui s'imposait beaucoup trop.
-Euh monsieur, vous ne voudriez pas essayer d'en gouter un seul avant d'en prendre plusieurs différents ?... Ici on à le Roitiflam avec des noisettes, ici le Groret avec des fines herbes, là le... -Ah, désolé pas le temps de discuter, on m'attend pour un rendez-vous ! Hurla le voyou alors qu'il s'éloignait déjà du stand en courant, les mains pleines de tranches de saucissons en tous genres. Encore merci !
Il dégusta chaque morceau avec la plus grande délicatesse tout en continuant sa route. C'était un vrai repas de riche aujourd'hui ! Quand il eut enfin finit, sa langue semblait endolorie et douloureuse. Peut-être que cela faisait un peu trop de graisses, même pour lui. L'homme pensait être à cours de bonne surprise pour la journée, mais voilà qu'une nouvelle surgit de nulle part. Jamais deux sans le troisième après tout, se réjouit Mark. Une rousse au visage d'ange l'aborda subitement sans la moindre raison, le genre avec un regard qui vous fait virevolter les hormones d'un battement de cils et des lèvres pulpeuses, si pulpeuses qu'on vendrait son Gouroutan pour pouvoir ne serait-ce que les effleurer ! Elle arborait un air triste qui forçait instantanément la compassion chez notre bourreau des cœurs, et lui parla de son pokémon blessé. Mark se força à aborder un air grave malgré la joie qu'une jolie fille soit venue l'aborder, et en jetant un coup d’œil sur le canard en question, il ne lui semblait pas si mal en point.
-N'ai crainte mademoiselle, Mark est sur le coup ! Déclara l'homme d'une voix solennelle mais amusée. Alors voyons voir... Le centre pokémon le plus proche risque d'être blindé de monde en ce moment, au moins une demi-heure d'attente. On peux y amener ton Couaneton, où alors je connais quelqu'un qui s'y connait bien en soin pokémon, à toi de voir.
Bien qu'il lui laissait prendre la décision, son ton avait subtilement insisté sur la deuxième solution. Le seul bémol étant peut-être que l'entrepôt se trouvait à quelques kilomètres.
Un peu déconcertée par le personnage planté devant elle, la rousse se mordilla les lèvres sous l’effet de son anxiété. Bien entendu, elle savait bien que son petit Azul n’avait rien de grave, sinon il ne serait pas aussi heureux, mais encore fallait-il prendre en considération que l’instinct sauvagement maternel de Tanya avait de quoi lui faire piquer des crises à des infirmières au pokécentre. Que ce soit pour des éraflures ou une simple coupure, Tanya paniquait comme si c’était un membre cassé, la modération du stress n’existait pas chez elle. La rousse regarda le dénommé Mark avec des yeux qui le jugeait sévèrement, bien malgré elle. Comment est-ce qu’un homme aussi étrange que lui connaîtrait quelqu’un de mieux qualifié qu’une infirmière d’un centre spécialisé en soins pour pokémon? « Coua –couaaa! »
Toujours aussi jovial de rencontrer de nouveaux pokémons exotiques, ce fut sans aucune gêne que le futur Lakmécygne s’extirpa des bras frêles, mais forts de sa future coordinatrice, s’envolant gracieusement autour de la tête de son aîné, avant de s’y poser sans aucun regret. Il avait même eu l’énergie et la force de se tenir sur une seule patte, déployant ses petites ailes en une pose d’atterrissage digne d’une statuette de capot d’automobile luxueuse. Paniqué par son manque de contrôle sur un pokémon qu’elle venait à peine de capturer, l’adolescente grimaçât de peur, laissant quelques cris de peur s’échapper d’entre ses dents. « Nononnonon, Azul! Ne marche pas sur ta patte! Azul! Attends que je t’attrape…voilà. Pardon, pour votre coiffure, monsieur Mark. Je préfèrerais vraiment aller à un pokécentre, monsieur Mark! Mais si la file est aussi longue que vous l’anticiper…»
L’artiste respira profondément, se demandant si sa décision de suivre cet homme allait la faire regretter de demander conseil aux inconnus pour le restant de ses jours. Son canard de nouveau coincé contre sa poitrine, elle expira toute sa frustration et son inquiétude en un seul coup, forçant presque ses mots dans un ton encouragé, mais sceptique à la fois.
« Alors, je n’aurais pas le choix de vous suivre et voir votre ami ou je ne sais qui pour s’occuper mon pauvre Azul! Vous avez toute ma gratitude, monsieur Mark! Mais ne me décevez pas… »
La sensation d'être un nid fut quelque peu désagréable, quoique amusante par l'innocence du canard. La dresseuse paniquée devant ses yeux ajoutait de l'humour à cette situation, cette nana avait décidément bien besoin de décompresser un coup. La blessure de ce pokémon parut tout à coup bien illusoire pour Mark, qui s'abstint toutefois du moindre commentaire. Une fois le poids mort sur sa tête retiré, il dégaina son peigne en vitesse pour redonner un semblant de volume à sa pauvre banane toute décoiffée. "Sacrement joueuse ta bestiole" fit remarquer Mark sur le ton de la plaisanterie.
Néanmoins l'attitude si sérieuse de son interlocutrice le rendait un peu perplexe, elle était décidément bien trop sérieuse pour cette affaire. Et de ce discours larmoyant était née une nouvelle pression pour ce pauvre Mark, qui semblait l'agripper aux tripes, comme si la vie de ce couaneton dépendait de lui. Fidèle à son côté gentleman, il ne pouvait laisser cette belle jeune femme sans soutien.
-Je serais prêt à placer ma propre vie entre les doigts de cette personne ! Par contre, la route risque d'être un peu longue à un rythme normal. Essaye de suivre mon allure, au pas de course on peut y être en presque une demi-heure.
Prêt à courir avant même d'avoir entendu la réponse, il se ravisa subitement en entrevoyant une possibilité que d'ordinaire il n'envisage pas. Un moyen de transport qu'il avait fuit pendant un bon moment, à cause d'un souvenir de dispute houleuse avec des contrôleurs. Son bras se leva pour désigner un arrêt de bus à proximité.
-C'est la ligne 03, elle nous ferais économiser au moins quinze bonne minutes et des efforts inutiles si le bus arrive sous peu. Il y a juste un bémol...
Sans vouloir expliquer à haute voix son problème, il le rendit explicite en retournant ses poches de blouson et de jean. Mark n'avait pas le moindre sous pour payer le ticket. Son visage prit une mine un peu perplexe face à la situation, priant instinctivement son interlocutrice de l'éclairer sur la chose à faire.
Fronçant les sourcils avec une moue déterminée, c’est avec quelques hochements de tête rapides et prononcés que l’inquiète accepta la proposition de Mark. Décidément corrompue par la zèle et la franchise de son guide, la rousse marcha à une vitesse égalant la sienne, n’osant pas le lâcher d’une semelle de peur de le perdre dans la foule de Voltapolis.
« Ne vous en faites pas, monsieur Mark! Je fais de la danse et beaucoup d’exercice! Avec mes jambes, c’est vous qui devriez avoir de me perdre! Ne me sous-estime pas si vite! »
Joggant derrière l’hurluberlu avec plus de sérieux qu’un coureur olympique, ce fut avec un étrange dédain qu’elle se refusa un peu de repos, en entendant la proposition de l’autobus public. Toujours bondé et remplis de germes, il en était pas question de couper sa session d’activité physique santé, pour la chance de sauver un peu de temps en se rendant encore plus malade. Devançant son camarade pauvre qui se fouillait les poches d’une part et d’autre, Tanya roula les yeux en exaspération, agrippant le grand noir par le poignet et l’entrainant avec elle aussi rapidement qu’auparavant.
« Pas de bus! Je déteste le bus! Allez, à la course! Je veux courir, faire de l’exercice! On est dans une situation stressante, monsieur Mark! Il faut faire vite, pas le temps de se reposer avec des vieillards qui bloque la sortie et qui toussent sur tout le monde! L’air libre, la rue, la course, toi, moi, Azul, go! »
Reprenant leur course de plus belle, ce ne fut qu’après une bonne minute que l’adolescente remarque que quelque chose clochait dans leur dynamique d’équipe. Son Couaneton sous l’épaule, l’artiste freina brusquement, à deux doigts de perdre l’équilibre et de tomber à plein visage sur le trottoir. « Woah, attends! C’est toi qui connais le chemin, ce n’est pas à moi de te traîner. Pardon. Continue ton poste de guide, monsieur Mark. Je te suis. »
Joggant sur place, son canard toujours bien compressé contre le corps, la rousse regarda son aîné avec des yeux en feu. Elle ne s’était pas aussi physiquement poussée depuis un bon moment déjà. Pas question de laisser passer une chance en or de refaire son cardio en neuf.
Elle avait beau être mignonne, la diva possédait une personnalité un poil exubérante. Sans parler du fait qu'elle ne semblait pas être capable de prendre un sujet à la légère. Il protesta par un vague soupir quand celle-ci l'attrapa par le bras et se laissa entrainer par la belle sans résister. Ayant soudain l'impression dégradante d'être un chien étranglé par sa laisse. Elle le trainait dans la mauvaise direction, avec toute la grâce d'un missile. "Calme-toi !" lança Mark avec visiblement trop peu de voix pour qu'elle capte son message, toute pressée qu'elle était.
Quand finalement la rousse réalisa qu'elle n'était peut-être pas la meilleure des deux pour les guider, sa course se stoppa avec la même brutalité avec laquelle elle avait démarré. Mon dieu, c'est une pile ou quoi cette nana ? Se demandait-il avec une certaine exaspération devant sa course sur place. Il se frotta le crane un instant, prit la parole sur un ton calme.
-D'accord d’accord on y va, me perds pas de vue.
Si c'est ce qu'elle souhaitait. Il reprit un départ en flèche et commença sa longue traversée de la ville. Ensembles il suivirent les rues marchandes pendant un bon kilomètres en passant par absolument tous les raccourcis imaginables. Bousculant involontairement un nombre conséquent d'autres passant. Et c'est sur son dernier raccourcit qu'il dut troubler le plus sa partenaire de course, en sautant par dessus la haie du jardin d'un riverain. Une habitude pour lui, avec toujours ce même Granbull prêt à sauter au coup du moindre intrus.
-Bouboule, par ici attrape-moi si tu peux ! Et toi fonce de l'autre côté derrière la maison en attendant !
Il se mit à courir en cercle en agitant les bras pour capter toute son attention - ses mollets faillirent bien y laisser des plumes à plusieurs reprises - tentant de permettre à Tanya de gagner le temps nécessaire à la traversé. De peu il s'échappa lui aussi, et plongea tête la première sur le bitume froid et sale. Ce passage secret faisait gagner au moins deux bonnes minutes pour aller à l'entrepôt, en se relevant, un peu étourdit et la vision brièvement trouble, il aperçut le bâtiment à l'horizon. En revanche son regard ne trouvait pas le femme au canard. A-t-elle seulement traversé le jardin ? se questionna l'homme, qui sur le moment avait concentré toute son attention sur un détail légèrement plus important et dangereux. Le genre avec une gueule immense.
Ses cheveux cuivrés dans le vent et son pokémon lové dans ses bras tel un enfant en bas âge, Tanya suivit Mark à travers les petites ruelles et les coins sombres de la place marchande, s’imaginant être pourchassée par des bandits ou des policiers comme dans un film d’action épique. Des fantaisies plein la tête, elle déploya ses longues jambes à chaque pas, se propulsant toujours plus loin et plus vite que jamais. Elle se sentit tout au plus dans son élément, lorsque vint le temps de sauter par-dessus une haie de jardin d’un bon mètre de largeur. La tête haute et un brin d’orgueil et d’amour propre en jeu, l’ex-ballerine termina sa course sur un pied, se propulsant gracieusement dans les airs, disparaissant derrière l’obstacle sans le moindre d’effort. De doux souvenirs de son ancienne compagnie de danse en tête, ce n’était pas avant la note grave et enragée du Granbull que l’adolescente se rendit compte de la gravité de la situation.
Le regard viré sur Mark et sa danse endiablée autour du pauvre pokémon qui ne faisait probablement que son travail, Tanya ne put qu’en rire un peu, allégeant son emprise sur son canard bleuté. Craignant le pire pour son guide et sa propre sécurité, la rousse empoigna son honor ball préférée, interpellant sa magnifique Galopa à leur secours. Ou plutôt à SON secours. « Prada, au galop! »
S’accrochant à l’encolure de sa jument, Tanya déposa son canard combattif sur sa croupe enflammée avant de se propulser avec l’habitude d’une cavalière bien entrainée. Cela n’avait fait que quelques semaines depuis que sa petite Ponyta avait évolué en plein désert d’Herisis, pendant une merveilleuse séance photo avec la grande coordinatrice Lise Gray, mais la rousse semblait déjà assez bien accoutumée à la différence de taille et la possibilité alléchante de galoper d’un endroit à l’autre. Avançant au trot sur le pavé, la jeune tâcha toujours de regarder le spectacle derrière elle, intriguée de voir le jeune homme tombé d’un cran pour se retrouver dans une petite ruelle encore plus basse que celle sur laquelle elle chevauchait. Perplexe, mais toutefois amusée par son saut et sa chute hideuse, la cavalière arrêta sa monture, battant les bras et criant pour attirer son attention. « Hey, ici! Je te donne un 6/10! Ta technique de plongeon est trop moche ahaha! Tu connais une façon de se rendre où tu es sans se tuer? »
Attiré par les sons, son regard croisa celui plus moqueur de l'autre femme. Son cerveau embrumé par la douleur s'embrouilla en se questionnant sur l'apparition de cette monture enflammée. Mais comme la majorité des mystères de son existence, Mark le laissa simplement filer pour disparaitre à jamais dans le néant. Sur le moment, sa seule interrogation portait sur le comportement largement agaçant de cette cavalière, bien plus à son gout quand elle semblait toute gênée de lui demander de l'aide. Son inquiétude avait progressivement laissé place à un comportement plus cynique et moqueur, que l'homme se forçait de ne pas pointer du doigt. Il prit une courte pause pour éviter de s'emporter.
-Et bien, il faut dire que d'habitude je n'ai pas vraiment de m'occuper de la sécurité de quelqu'un d'autre que moi dans ce passage. Une moue désaprobatrice se dessinait lentement sur son visage, laissant entrevoir son irritation face aux remarques "comiques" de la jeune femme. D'ailleurs on est quasiment arrivé.
Bien que tenté, le dresseur ne fit aucune remarque sur la présence du cheval, qui aurait notamment pu éviter de courir autant et surtout gagner du temps. Il trottina sans se retourner une seule fois, jusqu'à atteindre l'entrepôt en bas de la rue, bordé par un terrain vague. Les habitations devenant de plus en plus rare le long du chemin, et la zone devenant de plus en plus inhospitalière. Il s'arrêta face à la porte.
-Bon, attend-moi ici un instant je vais le chercher, j'en ai pas pour longtemps. Et oui, la zone est pas très rassurante j'aurais du te prévenir.
Il pénétra dans le bâtiment et disparut dans l'obscurité ambiante, à la recherche de cette fameuse personne capable de soigner le canard.
Ce n’est que lorsque Tanya se retrouva seule dans cette double ruelle sombre, que la jeune réalisa à quel point elle s’était fait entrainer dans un coin pourri de la ville. Désillusionnée, elle se rendit compte qu’elle était probablement encore plus perdue que sur la place marchande, qu’elle fût dans un lieu bien assez propice à un viol ou un meurtre, qu’elle ne connaissait aucune autre issue que celle du Granbull enragé et que son Couaneton allait recevoir l’aide des mains d’une personne bizarre qui vit dans le fond d’un garage pouilleux. Avant que la rousse ne décide de se sauver la peau et fuir au grand galop, Azul et sa confiance immuable envers les hommes décida de voltiger agréablement vers la porte de l’entrepôt laissée entrouverte, disparaissant à son tour dans l’obscurité qui avait avalé l’homme banane. « Coua-coua! Couuuuaaaa-neton!»
« Oooh, non! Oh non, non, non! Azul, reviens ici! AZUL! Espèce de cerveau d’oiseau…Tu ne sais pas ce qu’il cache là-dedans! Azul? AZUL!? »
Aussi découragée que terrifiée, la jeune artiste descendit de son Galopa, le souffle court et la tête remplie de questions. Qui pouvait bien vivre dans un coin aussi louche et perdu qu’ici? Est-ce que l’ami de Mark avait vraiment de l’expérience en soins pokémon? Avait-il l’expertise d’un professionnel, les instruments nécessaires? Est-ce que c’était un endroit sanitaire? Ses interrogations la rendaient plus nerveuse que sécure. Secouant vivement sa tête de gauche à droite, Tanya s’empressa de garder son sang-froid et un minimum d’espoir, s’empressant d’afficher un énorme faux sourire sous le nez. Une main tremblante sur le museau de sa jument, le regard perplexe du cheval la rendit encore plus incertaine face à sa décision de rapatrier son pokémon un peu idiot. « Prada, reste ici, s’il te plait. Qui sait ce qui s’est-ce qu’on a affaire là-dedans… Reste sur tes gardes, surtout. Je reviens dans quelques minutes, ma belle...»
Un baiser bref entre ses narines flairées et la cavalière repartir aussitôt. Un pied après l’autre, l’adolescente escalada le mur de pierre qui séparait les deux ruelles. Sautant à pieds joints sur le bitume encore tapi de feuilles mortes et de déchets divers, la rousse cacha son dégout derrière son sourire anxieux et s’approcha à grands pas du garage sombre. Lorsque deux ombres étranges se détachèrent de l’obscurité, la grande en perdit tout son sourire, tombant sur la chair de ses paumes et relâchant un petit cri de surprise et de douleur.
Enfin tranquille, soupira Mark en traversant l'habituel couloir de l'entrée. Il évita comme à chaque fois l’ampoule qui pendait en plein milieu, mais plongea le pied dans une flaque d'huile. Malheureusement pour lui, l'immense tache recouvrant sa chaussure ne voulait pas partir avec les torchons de la cuisine. À force de servir sans être nettoyer, c'est même eux qui salissaient plus que l'inverse. Il en avait presque oublié son but premier en rentrant chez lui, quand celui-ci ouvrit l'autre porte de la cuisine et s'assit par terre à côté de lui.
-Gouuuurouuuu...
Un simple mouvement de la paume de la main accompagna son cri, c'était pour le pokémon une forme de salutation. Mark lui renvoya son salut et commença à expliquer la situation, toujours en signant pour se faire comprendre de son primate favoris. Ses poings se serrèrent et se frottèrent l'un à l'autre pour traduire la douleur, du pouce il pointa la vitre qui signifiait simplement l'extérieur, enfin il tapota à deux reprises son pouce et son index, signe symbolisant "oiseau". Le gouroutan semblait avoir capté l'essentiel du message. Avant de repartir, Mark alla prendre une bière dans le frigo et en proposa une à Manson, qui occasionnellement appréciait l'arôme amère de la boisson.
Sur le court chemin pour sortir, les deux compères avec leurs bières à la main tombèrent justement en face du fameux canard. Gouroutan l'attrapa quand il passait à porté et le souleva très doucement en l'air pour essayer d'observer au mieux la blessure, juste éclairé par la raie de lumière qui s'échappa de la porte non-fermée du bâtiment. Soit il ne voyait pas la moindre trace de dégâts, soit il ne voyait juste pas assez. Il reposa avec douceur le Couaneton sur la terre ferme, et les deux se mirent à suivre le dresseur qui sortait du squat.
-C'est bon, j'ai ramené Manson. C'est un expert en soin... Qu'est ce que tu fous par terre ?
L'homme et le Gouroutan faisaient face de toute leur hauteur à la femme au sol, Mark lui tendit galamment la main pour se relever. De son côté, Gouroutan s'éloigna avec le pokémon dont il était question et analysa avec minutie son aile endommagée. Il commença par simplement l'observer, puis se mit à la toucher délicatement, avec à priori peu de douleurs du côté du canard. Ensuite vient des petits exercices pour faire bouger l'articulation, l'étirant et la repliant de diverses façons. Visiblement le couaneton avait quand même l'air de ne pas apprécier l'effort. Tandis que les deux humains communiquaient entre-eux, Manson réfléchit à la situation et se tourna vers eux. Mark fit la traduction pour Tanya des signes du primate, indiquant qu'il conseillait de bander l'aile par sécurité et si la douleur ne disparaissait pas vite de l'emmener en urgence dans ces étranges appareils de soins humains.
-C'est toi qui voit, ajouta simplement Mark d'un air un peu sérieux.
Relevant la tête pour voir Mark et son pokémon gorille, Tanya ne se refusa pas un peu de galanterie. Si c’était l’étrange élégance que le jeune homme démontrait ou l’effet de l’adrénaline qui lui clama enfin le pompon, Tanya ne le savait guère. Comme si de rien n’était, son comportement amical et sans souci lui revint d’une seconde à l’autre, incluant son narcisse et son orgueil. Prenant sa large main dans la sienne, la danseuse se remit sur pieds sans effort, brossant ses cheveux entre ses doigts avec un gros air innocent et orgueilleux.
« Moi? Je n’étais pas par terre sans raison, voyons! J’inspectais… la qualité du pavé, c’est tout! Mais, merci tout de même, monsieur Mark!»
Munie d’un énorme sourire déconcertant, la rousse se dandina rapidement vers son pokémon en cours d’inspection. C’était tout de même un spectacle touchant à regarder, un large gorille en train de malaxer les muscles tendus d’un petit canard sans défense. Avoir eu son appareil photo avec elle, elle en aurait pris une bonne dizaine de photos hilarantes. Tout détendu et relaxé, pas surprenant qu’il peine à lever les ailes et à bouger sans assistance de la part du primate. Les yeux semi-clos et un sourire mou au coin du bec, il ne manquait que la salive qui dégouline et les petits gargouillis de satisfaction pour rendre la scène parfaite. À la vue des signes du grouroutan, Tanya en conclut que l’aile de son couaneton semblait être un problème, pas que c’était une grande surprise pour elle.
« Ah, mais… C’est sa patte qu’il s’est fait écraser, pas l’aile! Regarde, elle est encore un peu rouge sur les rebords, je peux voir les traces de pneu du sale con qui lui a passé dessus avec son vélo. Faut pas s’en faire avec les ailes d’Azul, je remarqué qu’il vole un peu faux d’une aile. J’espère que ça s’arrangera quand il évoluera… Il est comme ça depuis que je l’ai capturé. Ne me dites pas qu’il était blessé, depuis tout ce temps? Il vole quand même très bien, malgré son petit défaut de fabrication! Des pirouettes aériennes et tout le tralala…Un danseur dans l’âme! »
Attrapant son canard par les joues, elle retira son pokémon malaxé des mains fragiles et délicates du primate, lui caressant lentement sa tête en le remerciant pour son aide. Son petit bleu entre ses bras, elle montra à l’animal soigneur les traces presque invisibles qui rougissaient une des palmes jaunes du canard.
« Le problème, c’est ça. Est-ce qu’un peu de glace ferait l’affaire? T’en penses quoi, Manson?»
Manson remarqua alors la fameuse patte et se pencha un instant dessus pour réfléchir. Il ne comprenait pas vraiment ce que la femme racontait, mais heureusement pour lui son dresseur faisait une traduction approximative du discours en leur langue des signes. Un message simple signifiant simplement "aile comme ça depuis qu'il est petit". Puis quand elle reprit son canard entre ses bras fins et lui proposa son idée, Mark transcrit tant bien que mal la glace en mimant de lécher un esquimau. D'abord interloqué et dans l'incompréhension la plus totale, le primate fit un effort de réflexion pour comprendre le sens de ce signe. Il s'immobilisa un instant pour réfléchir, dans une pose très proche de celle de la sculpture du penseur, avant de finalement prendre une décision en bon connaisseur de médecine naturelle qu'il était. Un hochement de tête approbatif fut sa réponse, toujours avec cette expression immuable de lassitude figé sur son visage. Mark ajouta en observant les signes que lui faisait son pokémon, Si son aile ne lui pose pas de problème au quotidien c'est qu'il n'y a rien à réparé selon Manson.
Sur ce, il expliqua qu'il partait chercher de la glace et qu'il revenait dans un instant. Laissant la femme et son pokémon seul-à-seul. Il trottina en direction de l'usine désaffectée et gagna la cuisine, heureusement un sac de glaçons par encore entièrement fondue subsistaient encore dans ce frigo cassé. Il s'en empara et fit le chemin en arrière. De retour dans le groupe, il tendit le sac à la dresseuse puis alla s'assoir à côté de son Gouroutan qui avait enfin ouvert sa canette de bière et buvait calmement sur un muret. Maintenant que la situation devait être plus apaisée, l'homme prit un ton doucereux mais assuré.
-Alors maintenant que ce problème est réglé, ça te dirait une petite balade dans des quartiers plus roman... accueillants. Je connais les endroits les plus charmants de la ville !
Le dragueur appuya encore un peu plus sur un clin d’œil plus lourdaud que charmeur. Après tout cette femme était mignonne, autant tenter sa chance tout de suite que de patienter inutilement selon lui.
Après un spectacle de signes et de symboles, qui la rendait plus perplexe et déconcertée que jamais, Tanya reçut un faible sac de glace tiède qu’elle s’empressa de coller sur la patte de son pokémon presque endormi. Regardant l’homme à la banane et son gorille, côte à côte, il était clair que les deux faisaient la paire idéale. Deux brutes plutôt calmes et flémardes, parfois gentils parfois colériques, Tanya peinait à comprendre si c’était le gorille qui imitait le comportement de son maître ou si c’était le contraire…Peu importe la réponse, la demoiselle n’en était pas impressionnée. De plus qu’il commençait à la draguer sans oser le cacher, la petite se disait qu’elle lui devait autant de sincérité et d’honnêteté dans sa réponse qu’il lui en avait donnée dans sa question. « Hum, non, je ne crois pas! Haha! Je préfère les hommes qui sont de ma hauteur, niveau physique et mental. Je doute que tu puisses supporter mon caractère bien longtemps…et moi de même.»
Espérant ne pas trop l’insulter, bien qu’elle n’avait aucune dette ou sentiment envers lui, Tanya tacha de lui faire un sourire plutôt snob et froid, en lui tirant la langue. Les actions valent plus que les mots, après tout. Frottant le front du grouroutan une dernière fois et laissant l’homme étrange à sa bière, la rousse escalada le mur de pierre qui menait à la ruelle du dessus. Du haut de sa galopa, elle regarda les deux primates assis devant leur porte de garage rouillée et cabossée, se demandant bien comment elle avait réussi à accepter l’aider d’un homme aussi troublant.
« Merci pour la glace et la course, monsieur Mark! Maintenant, tu connais un chemin pour sortir d’ici? Préférablement un chemin sécuritaire et LÉGAL? »
L’artiste devait se l’avouer, elle avait eu beaucoup de plaisir à courir les rues avec cet homme bizarre. Ne pas toujours obéir à la loi avait son petit charme bien particulier. Haussant ses sourcils à son dernier mot, elle donna un vrai sourire. Un sourire d’enfant. Le sourire de quelqu’un qui est reconnaissant et sympathique envers vous. Qu’est-ce qu’elle avait hâte de sortir de ce trou!
La réponse lui parvenant aux oreilles le fit involontairement sourire, l'habitude de se faire rembarrer plus salement sans doutes. Son discours entraina plus de ricanements sympathiques que de soupirs de déceptions, après tout elle marquait un bon point au niveau des caractères. De toute façon elle ne sait pas ce qu'elle rate la pauvre, pensa orgueilleusement Mark en continuant de siroter sa canette. Quand l'heure du départ sonna pour Tanya, elle remercia une dernière fois Gouroutan par une caresse. Elle pensa néanmoins à demander le chemin retour pour éviter de ce perdre dans le labyrinthe d'acier qu'était cette métropole. C'est avec son sourire le plus innocent et amicale, accompagné d'un autre clin d’œil qu'il répondit.
-À ton service ! Pour regagner le centre de Voltapolis, tu peux longer la route dans cette direction et au bout d'environ 5 minutes tourner à droite. Tu continues tout droit et tu débouleras forcement dans les grandes rues de la ville. Allez, adieu p'tite princesse !
Sa dernière réplique fut une pique gratuite et amicale de sa part, qui trouva un certain charme au sourire de la dresseuse. Lui rendant un tout qui fut tout autant enfantin, alors celle-ci commençait déjà à repartir. Son pokémon et lui restèrent ici un bon moment, une fois qu'elle disparut de leurs champs de vision, ils portèrent leurs attentions sur un groupe de cornèbres s'entassant sur le toit du bâtiment. Ainsi se déroula la fin de la journée pour-eux, avec cette jeune femme qui était apparut aussi vite qu'elle avait disparu. Un bon résumé de la vie actuelle de Mark en somme.
C'est une fois dans son lit improvisé, bien au chaud entre quatre couvertures sales que Mark réalisa un fait surprenant qu'il l’empêcha de trouver le sommeil pendant une bonne heure. Je lui ai même pas demandé son nom, répétait-il intérieurement en sentant un peu plus stupide à chaque répétitions.
Une dernière grimace amicale et l’adolescente fit ruer son galopa comme dans les films. Une main sur la bouche elle souffla à l’étranger un baiser des plus insupportables, envoya la main aux amis camarades puis disparut à pleine vitesse dans les ruelles mal éclairées de Voltapolis. Une sortie pleine de style, c’est le moins qu’on puisse dire! À l’écoute des directions de Mark et des réverbères qui redevenaient de plus en plus luxueux au fur et à mesure de joindre les rues plus centrales de la ville, Tanya et ses pokémons parvinrent enfin à retrouver le centre de la ville électrique.
Son couaneton relaxé entre ses cuisses, la danseuse commença à se demander si toute cette histoire n’avait été qu’une vraie farce, une exagération de son imagination et de son instinct protecteur. Sous la glace et le plastique, la patte jaune du canard avait-elle vraiment des égratignures ou une même une enflure? Est-ce qu’Azul avait vraiment été happé par un cycliste ou avait-il simplement eu peur de lui et parti en panique? Avait-elle tout imaginé depuis le début? La tête dans les nuages, la rousse quitta la grande ville sans même se rappeler pourquoi elle y avait mis les pieds…Des cadeaux de Noël? Du maquillage? Des vêtements chics? Elle ne le saura jamais.
Assis sur son cheval, la princesse se remémora toutes les péripéties étranges qui lui étaient arrivées en si peu de temps. Ce « Monsieur Mark »… il était tout un personnage, à la fin! Et qui sait? Peut-être qu’elle reviendra lui demander de l’aide, un autre beau jour…
Rejoins la famille !
Accueil
Dernières images
Rechercher
S'enregistrer
Connexion
