Pâtins malins : choc certain !

Partir dans une région froide quand on était fauchée, ce n'était peut-être pas la meilleure idée qui soit. Le faire malgré tout, pour l'amour de la poésie ou de la bêtise, c'était tout de même courageux. Panacée était de ceux qui avaient du courage, oui, mais aussi de la ressource. Depuis son temps passé à Kishika pour apprendre tout ce qu'elle désirait sur l'artisanat de la région, elle s'était décidé à prendre quelques jours "à la neige" comme disent certains. Alors, échangeant ses services avec ses hôtes de Kishika, elle avait reçu les conseils nécessaires pour arriver à Ferranium rapidement et profiter d'une ou deux journées blanches.

Il y avait là-bas des parents de ses hôtes de Kishika, Monsieur et Madame Kezuki, le mari (et frère de Monsieur Kezuki) était au courant de son arrivée. Il tenait un bar et connaissait tout le monde. A son arrivée, elle avait fait savoir son désir de savoir comment on vivait dans la région, son désir de vivre au milieu des habitants, parmi leurs coutumes, pour mieux créer ce qui leur conviendrait. Avec de la chance, il trouverait quelqu'un qui l'hébergerait. Au pire, elle serait la bienvenue chez lui.

M. Barman, donc, l'avait accueillie avec un grand sourire. Pour l'instant il "ne savait pas trop" qui pourrait l'héberger, mais ne baissait pas les bras et donc... en attendant, il fallait à tout prix qu'elle aille découvrir leur ville : la plus belle de toutes, surtout en cette saison. Elle n'eut même pas le temps d'enlever ses gants qu'elle se retrouvait déjà dehors, un plan à la main, une paire de patins de sa pointure dans l'autre et ses bagages sous clefs à l'intérieur de l'établissement, clefs dans sa poche.
Rapide. Efficace.

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Quelques pas dans la neige plus tard, elle s'était dit qu'après son voyage en car jusqu'ici, cela ne ferait pas de mal à Cernunnos de se dégourdir les jambes : elle avait jugé particulièrement imprudent de le chevaucher dans une région inconnue, pleine de neige, en plein hiver, avec les risques d'éboulement que cela comportait. Un jour, cependant, elle aimerait bien faire le trajet... En attendant, il était certain que son Cerfrousse préféré en avait plein les pattes et qu'il ne désirait qu'une chose : gambader dans ce manteau blanc !
La lumière de la pokebal fit une vrille, qui sauta en devenant fauve, puis bondit encore et encore. Elle avait deviné juste, il était impatient de retrouver le plaisir d'évoluer dans la neige. Il se montrait cependant prudent, comme toujours, sans jamais trop s'éloigner d'elle pour ne pas la perdre de vue mais toujours bondissant comme pour montrer sa joie et l'inviter à le rejoindre. Sa dresseuse le suivit des yeux. Il lui donnait des fourmis dans les jambes, tiens !

Finalement... tant pis. Elle le siffla, et ce dernier rappliqua aussitôt. D'un bond, elle se hissa derrière son encolure, et ils repartirent en sauts endiablés.

Il n'y avait rien de plus enivrant que de ne faire qu'un avec son pokemon ! Il fallait l'accompagner pour éviter les chutes, et quand on atteignait l'osmose, on filait à vive allure.

Leur respiration faisait des nuages devant leur bouche à mesure qu'ils contournaient la ville par les pans de collines. Le paysage défilait et l'air fouettait leur visage. Crénom qu'il faisait froid ! Un froid piquant et vif de montagne, avec un grand soleil au-dessus qui ne réchauffait rien. Un temps d'hiver saisissant. Panacée ne put s'empêcher de sourire, elle aimait bien la rigueur du froid, et puis, il faisait beau, ce n'était pas comme s'il y avait tempête. Et là, maintenant, tout tourbillonnait autour d'eux et ils ne faisaient qu'un avec ce qui les entourait.

Des cris d'allégresse et des rires dans l'environnement blanc attirèrent finalement leur attention. Cernunnos ralentit l'allure comme en réponse à un ordre muet et ils s'approchèrent.

C'était la patinoire qu'on lui avait montré sur la carte. Elle était à trois quart d'heure de marche du bar de son contact, mais, même si leur chevauchée leur parut durer depuis des heures, il était certain que cela ne leur avait pris qu'un quart d'heure pour venir jusqu'ici. Le souffle rauque, Cernunnos s'ébroua et renifla de ses énormes poumons avant de se rapprocher au pas.

Sans crier gare, une ombre passa presque sous le sabot de Cerfrousse et... ... le réflexe voulant cela, ce dernier rua pour l'éviter en battant l'air devant lui.
Panacée, qui était à mille lieues d'imaginer une telle embardée glissa, hurla, tenta de se rattraper, s'arrêta, eut un petit espoir, et... tomba à la renverse dans la neige.

"Contente du voyage"

C'était très certainement une de ces journées où on pouvait dire qu'on était "content du voyage" avec toute l'ironie que pouvait contenir cette formule.

Devant son incapacité à rester sur la croupe de Cernunnos et sa chute spectaculaire, elle ne sut exactement si elle devait rire de son incompétence alors qu'elle se croyait reine de l'hiver l'instant plus tôt ou bien fulminer en silence.
Ramenant à elle son sabre, Panacée de redressa en position assise. Elle n'aurait sans doute ni bleu, ni contusion car la neige avait parfaitement amorti sa chute : une belle trace à l'image de sa silhouette, bras écartés était creusée dans la neige, son Cerfrousse en faisait le tour en y jetant un regard intéressé... ou amusé ? Maintenant qu'il savait que sa dresseuse allait bien, il était possible qu'il rit de la situation.

Un jeune homme se rapprocha, mains autour d'un oeuf, l'air penaud, stressé, balbutiant excuses et remords. Voyant cela, entre rire et fulminer, la jeune femme choisit une troisième option.

Avant que son attention soit à nouveau détournée par une tierce personne... puis par un pokemon rose, puis par une coulée de boue qu'elle reçut pleinement en face. Superbe attaque, parfaitement maîtrisée.

Cernunnos réagit aussitôt et bondit sans être gêné par la neige, se plaçant devant la limace, près à charger, tête baissée et remuant ses bois impressionnants, il soufflait fort par ses naseaux, faisant virevolter les flocons de la poudreuse sous lui. Le pokemon n'avait peut-être pas intimidation, mais il avait vu les autres Cerfrousse faire et avait les mêmes bois hypnotiques. Pour autant, ce n'était pas une attaque et le pokemon était remarquablement calme : ceci était un avertissement.

"Je ne suis pas une criminelle de cette team machin-chose..."

Une team sévissait ici aussi ? Pour avoir vécu à Jotho, elle avait connu les méfaits d'une toute autre bande de malfrats, mais ce n'était pas le genre de sujet qu'elle abordait avec les locaux. Grave erreur, sans doute, puisqu'elle se rendait à présent compte qu'elle n'y connaissait rien.
L'herboriste se relava, d'une geste expert pour avoir mainte fini tête dans la boue en apprenant à chevaucher des cerfrousses, elle ratissa son visage, cracha ce qu'elle avait dans la bouche, retira son manteau qui était à l'origine noir et se retrouva en pull sous le ciel d'hiver sans montrer aucun signe de gêne. D'un mouvement ample du bras, elle fit éclabousser sur le côté, loins des deux autres, le surplus de boue de son vêtement. Puis elle le jeta dans la neige, loin de la trainée marron qu'avait laissé le... euuuh... Sancoki, ainsi que son écharpe, ses gants qui étaient également condamnés à lui faire attraper froid maintenant qu'ils étaient trempés.
De toute façon, sa course l'avait réchauffée.

"Maintenant, vous allez m'écouter, tous les deux. Je suis une étrangère, je suis fille de sa-mou-raï et je ne sors ja-mais sans mon sabre... Je suis herboriste, je suis apothicaire, et la dernière chose que je ferai, c'est d'utiliser mes compétences pour faire du mal ou d'une manière irréfléchie"

Pas comme certains.

"Ensuite..."

Elle se tourna vers la petite hystérique... hmmm... non, c'était un peu fort, sa réaction à la vue d'un sabre pouvait être compréhensible, après tout, disons plutôt : "celle qui allait vite en conclusion".

"Vous savez qu'un oeuf peut ressentir les émotions ? Votre stress, monsieur, et votre manque de calme, mademoiselle, sont déjà en train d'être transmis au petit pokemon. C'est comme un enfant dans le ventre d'une mère. Vous ne l'aidez pas à bien se développer. Pourquoi croyez-vous qu'ils ont besoin de chaleur ? C'est parce que les conditions extérieurs ont un impact direct sur leur développement. Alors, avec l'épisode de la luge et de l'hystérie incontrôlée, c'est sûr qu'il part mal..."

Elle n'avait pas ne serait-ce qu'élever la voix, mais on n'en avait pas besoin pour se faire entendre quand un erreur avait été fait. Elle souhaitait avant tout être claire parce qu'elle désirait mettre fin à l'incident au plus vite justement pour éviter à l'oeuf plus de stress. La jeune femme brune prit volontairement une voix incroyablement douce et mélodieuse pour la suite et se tourna vers le jeune homme, apparemment, elle n'était toujours pas incommodée par le froid.

"Mais rien n'est irréversible."

Il fallait être rassurant envers le dresseur pour ce dernier puisse l'être envers son oeuf.
L'herboriste inspecta l'oeuf en portant un main à ses lunettes, coups d'oeil éfficaces à droite, à gauche, dessous, dessus. Apparemment, aucune fêlure. De la chance.

"Cela a l'air d'aller mais, si je puis me permettre, vous n'êtes pas à l'aise, monsieur. Vous devez être plus rassurant. Tenez, les articulations des êtres humains ne sont pas faites pour tenir un objet inerte droit devant eux sinon pour le broyer. Ce n'est pas ce que vous voulez faire, n'est-ce pas ? Bien sûr que non.Vous devez le tenir comme un nourisson, couché. Oui oui, couché. Vous croyez que dans la nature les mamans s'amusent à maintenir les oeufs bien droits ? Que nenni, il faut les tenir surtout cachés et sous elles, c'est cela le plus important. Voilà, maintenez-le dans l'articulation de votre coude, et avec l'autre bras vous assurez votre prise. C'est mieux non ? Vous voyez, vous le couvez presque entièrement alors qu'avant vos bras étaient un véritable abris avec des courants d'air. Vous allez prendre le coup de main très vite car c'est ainsi que nous portons les enfants."

On pouvait se demander comment une herboriste pouvait en savoir autant, mais sa famille avait commencé par l'élevage de Cerfrousse et surveillait toujours les naissances qui avaient lieu dans leur montagne, alors, cela faisait partie de son éducation de base.

"Ensuite..."

L'apothicaire fit glisser une besace fixée à l'arrière de sa ceinture et en sortit une bourse parmi tant d'autres, de couleur verte.

"Vous allez me faire le plaisir de brûler trois pincées de ces herbes séchées dans un petit bol, àcôté de l'oeuf. Pas plus, vu qu'elles sont séchées, il y en a beaucoup en une seule pincée. Ce sont des herbes de rappel, peu aimées des pokemons, elles dégagent cependant une odeur épicée agréable même pour les humains. Elles perdent leur faculté de ranimer un pokemon, mais l'odeur est révigorante et rassurante. Restez près de l'oeuf quand la fumée se dégage : elle vous rassérénera tous les deux. Comme vous serez calmé par les plantes, je vous conseille de vous habituer à manipuler l'oeuf à ce moment-là. Cela créera un lien de calme entre vous deux. Un bon moyen de mieux commencer votre histoire."

Elle donna la bourse au Nosferalto qui suivait le jeune homme et semblait sans aucun doute être son pokemon.

"Tu en prends soin pour lui, d'accord ?"

C'était plus sûr.

Et donc, finalement, entre rire de la stuation et fulminer, elle avait décidé de conseiller. Maintenant, elle devait faire face à la réalité à savoir : ses vêtements chauds condamnés, dans la neige. Temps froid. La samouraï soupira, se baissa pour ramasser ses affaires personnelles et constater les dégats : la neige avait absorbé une grande partie de la boue, le reste partirait au lavage sans aucun problème. Par contre, elle ne pouvait plus les mettre sous peine d'attraper la mort. La jeune femme prit une ficelle dans sa besace (on a TOUJOURS besoin d'une ficelle) en fit donc ballot qu'elle tint au bout son bras. Maintenant, il fallait chercher un endroit chauf faire sécher tout ça. rentrer au bar qui était à 45 minutes de marche ou dix minutes de grand galop était impensable. Elle allait devoir trouver un atre établissement.

Résignée à ne pas tenter le patinage, l'aventureuse récupéra la paire de pâtins, résolue à partir, sa bonne action faite.
Il n'y avait aucune raison qu'elle reste ici, dans le froid maintenant que tout était réglé avec eux et qu'il lui fallait se mettre à l'abri, au chaud. On pouvait dire que les samouraï ne craignait rien, elle pouvait effectivement avoir une sacrée résistance, un samouraï ne laisse rien au hasard non plus.

Vraiment, il y avait de quoi être contente du voyage.