Les lumières vacillantes des lampadaires rendaient la nuit instable et plus dangereuse encore que pouvait l'être le glauque du vide abyssale. Les ténèbres, et la lumière c'est le débat éternel qui lie le cœur des hommes. Le bien, le mal, l'amour, la haine... La liberté et les chaines qui l'entrave... Tout ceci lutte en chacun d'entre nous, tous ceci nous plonge tout un chacun dans une lutte qui nous oppose tous. L'apocalypse viendra, l'apocalypse approche, votre Apocalyspe est inévitable ! Pourtant le jeune home qui brisa le silence de cette rue anormalement obscure, problème de courant l'oblige, a déjà le regard de l'homme qui a comprit... Celui de l'homme qui sait qu'une ère a pris fin, celui qui sait que plus rien ne serait comme avant. Et dieu sait qu'il ne voulait pas revenir en arrière maintenant qu'il avait prit sa décision ! Si sa famille lui avait apprit un truc c'était bien ça : Toujours se tenir à la promesse qu'on c'est fait quoi qu'il arrive !
Il ne reculerait pas, mais avant de partir il voulait vérifier une chose, une rumeur qui circulait sur ces maudits forums qui avaient absorbé toutes son attention pendant des jours et des jours. Chacun de ses pas résonnaient, sur le béton, comme les notes harmonieuse et régulière d'un glas funeste. Les rues étaient désertes à un tel point que seul ses mouvements étaient audible jusqu'au moment où un léger bruissement se fit ressentir dans l'air, se transformant à mesure des pas en brouhaha, avant de devenir un capharnaüm sans nom lorsque le jeune homme s'arrêta devant l'enseigne qu'il cherchait en cette nuit noire. La bâtisse contrastait complètement avec la modernité des bâtiments alentours. Ce n'était pas vétuste, mais son architecture et sa conception étaient clairement d'un autre temps.
Soulevant légèrement le nénuphar du nénupiot qui lui servait de chapeau, Alaric fixa un instant l'enseigne en bois qui vacillait légèrement emportait par un courant d'air. À même le bois était taillé un pokemon, superbement sculpté et peint avec une vivacité rare.
-Le... Le... Le Spin... Pin... Pin.. Da Dddddort
Cette taverne avait beau ne pas payer de mine, et afficher un jeu de mot aussi médiocre que le Spinda Dort, elle n'en était pas moins l'enseigne la plus réputée dans la confection de bière, et aussi la plus animée comme pouvait l'attester ce boucan qui émanait de la bâtisse. Le bègue prit une bonne inspiration avant de se décider à entrer. À l'intérieur c'était blindé de partout. Et la bière était visible dans toutes les choppes, laissant s'échapper son doux parfum partout. Une serveuse vint alors à la rencontre du brun, qui s'étonnait de voir une serveuse jeune et jolie. À vrai dire en voyant la façade il s'attendait à voir un vieil homme et sa femme tenir le bar avec deux ou trois pochetrons ivre mort sur une table. Mais l'entreprise était fleurissante, et le mouvement incessant. Aujourd'hui tout était rempli, mis à part une table où était assis un vieil homme.
La jeune femme jeta aussi un regard au alentour pour pouvoir rediriger Alaric mais avant qu'elle n'ait dis quoi que ce soit il mît sa main sur son épaule en relevant mon chapeau nénupiot de l'index de l'autre main avant de déclarer :
-Deux pppppintes s'ils vous pplait !
Dit-il, sans prêter gare aux regards tournés vers son chapeau qui réveillé prenait vie en hurlant de mignon petit : "Nenu" d'agacement et de colère. Chapo, cette jalouse possessive, à peine réveillée était déjà prête à sauter sur cette pauvre serveuse, mais Alaric l'attrapa à temps pour la serrer contre lui en un calin de grès ou de force, puis il s'éloigna avec un sourire gênée de la femme dont il espérait s'être fait comprendre. Le bègue se dirigea alors vers la table du vieux solitaire et y posa délicatement sa nénupiot en s'adressant à l'ancêtre :
-J'ai co... Co... Commandé deux pppppintes... Je tttttt t'en offre une. Je peux m'assoir ici ?
Espérons que le papi ne soit pas aussi chiant et aigri qu'Alaric, ni aussi fou...
Vendredi soir, dans un bar dont j'ai oublié le nom. Je m'en fous, en fait. Autour de moi, ça parle fort, ça s'enfile bière sur bière en éclatant de rire, tout le monde profite joyeusement du début de week-end. Les gens normaux, en tout cas. Dont je ne fais plus partie. Je savais que ça allait être comme ça. C'est logique, en même temps. Qui croirait un vieillard qui annonce la fin du monde ? Même dans les films pour gamins, c'est démodé. Un cliché usé jusqu'à la corde, une facilité scénaristique pour nanar de série D. Pas étonnant que les policiers m'aient cru timbré ! Et pourtant... Qu'est ce que je peux faire de plus ? J'ai gueulé pendant des heures pour tenté de les prévenir. Je leur ai expliqué que si on ne fait rien, ce monde court droit à sa perte. Vindiou, même si on mettait toutes nos forces dans la préparation au Cataclysme, les pertes seraient considérables ! Mais si même les forces de l'ordre ne m'écoutent pas... Comment faire ? Comment faire pour sauver le plus grand nombre ?
...
A vrai dire, je ne leur en veut pas vraiment. Aux gens, je veux dire. Oui, ils se détournent de moi en chuchotant, me regardent durement, me jugent. Il est fou. Ne t'approche pas du Monsieur, Yves, c'est mal. Mais j'étais comme eux avant que... Avant. Comme pour noyer le sujet, j'avale sans conviction quelques gorgées de ma bière, mais elle n'a qu'un vague goût amer dans ma gorge. Enfin bon, ça colle bien avec mon humeur...
-J'ai co... Co... Commandé deux pppppintes... Je tttttt t'en offre une. Je peux m'assoir ici ?
Il me faut un moment pour réaliser que la question s'adresse en fait à moi, de la part d'un type avec un Nénupiot. De nouveau, plusieurs secondes s'écoulent paresseusement avant que je ne grommelle une réponse :
- "Va voir ailleurs si j'y suis, fiston... Et garde ta bière pour un autre soudard."
L'affaire étant entendue, je tente de replonger dans mes réflexions, mais l'intervention m'a fait perdre le fil, et je n'arrive plus à faire abstraction du bruit environnant. Tapant du poing sur la table, je finis par me lever et commencer à crier :
"OH ! C'EST PAS BIENTÔT FINI CE VACARME ? VOUS POUVEZ PAS BOIRE EN SILENCE ?!"
Tout le monde se retourne vers moi, et le volume sonore chute enfin à une valeur acceptable. Bon, le gérant me jette un regard noir, mais je m'en tapote l'oreille avec une babouche de son opinion. J'ai obtenu gain de cause, c'est l'essentiel. Par contre, le type au Nénupiot est encore là, lui. Après un regard en coin, je finis par hausser les épaules et me rassoir en soupirant :
"En fait, fais comme tu veux fiston, je m'en fiche. Assied-toi, repars méditer sur ta vie ou sauter d'un pont, au fond ça m'est complètement égal. On n'en a plus pour longtemps de toute façon, alors profite."
Un silence.
"Ouais, profite de ta vie, de ta jeunesse, et tout le blabla de bonne femme. Joue ton rôle comme un brave petit soldat."
Plus bas, presque inaudible avec le bruit du bar :
"Laisse-moi le rôle du vieux fou grincheux... C'est à moi que revient ce fardeau."
Le bruit était irritant, bien plus que la voix de ce vieillard aigri. Heureusement qu'il est intervenu d'ailleurs car je n'en pouvais plus des flashs lumineux et des faux sourires que les blogueurs, en plein live, affichaient, en hurlant des inepties, pour assouvir la soif de voyeurisme de leurs abonnés. Le cliquetis des appareils photo, le boucan des portables, la voix criarde de cette génération noyée par le réseau Dusk, tout cela me devenait de plus en plus insupportable ! Vous comprenez maintenant pourquoi je m'étais dirigé vers cette table, vers cet homme, vers cet Eden démuni de technologie. Le vieux visiblement fatigué, las de ce monde bruyant et sans âme avait fini par se résigner à accepter ma présence. Je le laissais parler, m'installant sur une chaise en bois.
C'est quand le silence s'instaure entre nous deux et que ses lèvres se nouent, que la serveuse vient nous servirent déposant une pinte de bière devant chacun de nous. Chapo se retourne soudainement, pour regarder de travers la jeune femme avant de lui sauter dessus emportée par sa jalousie extrême. Mais ce n'est qu'un nénupiot, de part sa condition elle est petite et presque impuissante, alors son intimidation n'est que poudre au yeux. Au contraire, la serveuse l'attrape et lui fait des papouilles avant de la reposer et partir en souriant. La scène était amusante c'est vrai, m'arrachant un sourire sincère. Voilà c'était ce genre d'émotion que le monde à perdu à cause de Dusk, ce genre de sentiment que j'ai perdu, c'est ça que je veux faire retrouver au monde en m'occupant de l'apocalypse numérique.
-Un gentil ppppetit soldat ? Je... Je.. Je ne veux plus en être un... C'est vrai ce mon... mon.. monde est pppperdu ! Il suffit de regarder autttttour de nous. Re... Re... Regarde les, la tête ppppenché, asservi par leur influence vi... Vir...virtuelle, asservi à ce réseau qui ppppompe leur énergie et leur tttttemps... L'apo... Po... Po...calypse est déjà la mon... Mon... Mon... vieux !
Terminant se discours en soupirant, je me mis à caresser mon pokemon en prenant une gorgée de cette boisson blonde. Je plongeais alors mon regard dans les grands yeux vivaces de ce prêtre de l'apocalypse, avant de souffler :
-C'est pas si exceptionnel... Encore une fois Dusk m'a déçut !
C'est alors qu'un groupe encore plus bruyant armé de téléphones entra dans le bar. Ils parlaient fort et bousculaient des gens sans regarder où ils marchent.
-Nous voilà dans le "Spinda dort", LES AMIIIIIS alors je prends quoi ? VITE VITE VITE VOTEZ POUR UN DÉFI EN COMENTAIRE !
Le type décide bien évidemment de s'assoir, mais il a au moins le bon goût de rester silencieux un moment. Bon, son pokémon fait un peu de bruit quand la serveuse passe, mais ça ne dure pas, donc je ne fais pas de commentaire. Vu sa tronche, par contre, le Nenupiot ne cherchait certainement pas des câlins, mais ce ne sont pas mes oignons. Sentant venir une séquence émotion à rallonge, je décide néanmoins de me racler la gorge, ce qui met fin à l'échange de papouilles.
Alors que le type bredouille, je suis au abonné absent, tentant de me replonger dans mes réflexions moroses. Mais brusquement, ce qu'il vient de dire me remonte au cerveau. Manquant de m'étouffer, j'ai juste le temps de tourner la tête pour cracher la bière que j'étais en train de boire sur l'ado chevelu de la table juste à côté. Au passage, je lui tousse à moitié dessus, mais il est trop surpris pour réagir. Ou alors trop coincé, car il se tourne vers moi mais n'ose visiblement pas demander réparation. C'est une fille blonde en face de lui qui me regarde d'un air courroucé et finit par lâcher :
- "Hé, vous pourriez avoir la politesse de vous excusez quand même ! Il est trempé !"
Cependant, je n'ai pas de temps à perdre avec ça, et réplique donc du tac au tac :
- "Et toi, tu pourrais avoir la délicatesse d'aller acheter une paire de noix à ton copain, il paraît que c'est les soldes chez Leclerc !"
Sans lui accorder plus d'attention, je me tourne vers le bègue pour le faire répéter :
"Une minute, fiston... J'ai pas eu la berlue, hein ? Tu as bien dit... Apocalypse ? Parbleu, j'en suis même sûr, aussi sûr que le Doyen est cocu ! "
D'un air fébrile, je me rapproche de lui en me penchant complètement sur la table :
"Est ce que... Oui, si tu en parles, c'est que tu y crois, hein ? Tu sais que ça va arriver vite, tu es un type intelligent, je l'ai su tout de suite. Un petit malin, hein ? Tout comme moi fiston. Tu as parfaitement raison, que dis-je, Nous avons parfaitement raison ! L'apocalypse fond sur ce monde, et bien peu en réchapperont !"
A cause de mon mal de dos, je finis par me rassoir avec une grimace, sans pour autant lâcher mon compagnon inattendu du regard, comme par peur qu'il ne s'envole je ne sais où. Cependant, des bribes de son discours me reviennent en tête, et je fronce les sourcils, incertain.
"Par contre... Qu'est ce que le réseau Dusk vient fiche dans cette histoire, vindiou ?! Peu importe si trois abrutis ont le nez rivé sur leur téléphone, tu sais. On a d'autres Miaouss à fouetter que ça, les accrocs aux écrans passeront à la casserole de toute..."
A mon grand agacement, un concert de voix braillardes vient m'interrompre. Un groupe d'ados entre en trombe dans le bar, relançant de plus belle la cacophonie ambiante. Ah, et parlant dans le vide, aussi. Et après c'est moi qui suis timbré...
"Hum... Cela dit, je t'accorde que certains sont plus atteints que d'autres, fiston, et qu'on a la une belle brochette d'abrutis..."
Et bien évidemment, les quatre intéressés se dirigent vers la seule table où il reste de la place, à savoir la nôtre.
- "Salut salut ! C'est vraiment blindé par ici, on peut se taper l'incruste avec vous ? Allez oui, ça va le faire, faut juste que vous vous poussiez un peu. Ah, et dites bonjour à mes abonnés ! D'ailleurs, les amis, vous avez vu la barbe de ce type ? On dirait Panoramix ! LOL !"
Gardant un visage de marbre, je regarde le groupe d'ahuris faire tout un ramdam pour trouver des chaises, tout en prenant des photos. Puis commence à faire du pied à Nénupiot-man, pour obtenir son attention. La question dans mon regard est simple : on dégage les abrutis de manière civilisée ou pas ?
Le bègue n'avait pas eu besoin de subir l'insistance des coups du vieux ou de croiser son regard vicieux pour avoir une folle envie de faire taire ces victimes consentantes de la société. Et vous voulez savoir ce qui l'énervait plus que leurs moqueries, leur nonchalance, et les décibels qu'ils faisaient exploser ? Eh bien tout simplement la réalité du passé ! Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il fut ce genre d'énergumène il n'y a pas si longtemps encore. Pas étonnant que sa famille se soit disloqué et qu'il fut laisser à l'abandon. Son sang bouillonnait à mesure que le son montait. Son cœur s'accélérait à mesure que sa rage se déployait suivant le rythme des coups de son nouvel ami.
Les dents de la racaille au bandana rouge se serrèrent et crissèrent sous l'effet de sa colère et son anxiété grandissante. Tentant de se contenir, il arracha son bandana pourpre de ses cheveux pour se recoiffer nerveusement alors que ses oreilles viraient à l'écarlate. Alaric n'avait pas quitté le chef du groupe des yeux. Ce type ne cessait de parler, seul, vouant à son téléphone plus d'importance et d'attention qu'à tout autre chose autour de cette table, jusqu'à ce que son regard croise le sien et qu'il lance le pic de trop !
-Eh bah alors la tomate faut pas stresser comme ça ! Fait pas ton timide ! Fait coucou à la caméra !
C'est sur ses belles paroles que l'adolescent vint s'affaler sur le bègue tendant son téléphone devant lui, bien trop à porté pour que les choses se passe bien. Et se qui devait arriver arriva ! Le brun au nénupiot exhaussa son souhait de violence en mettant fin à la vie de ce malheureux portable. Attrapant l'outil technologique, avec vivacité, des mains de son propriétaire, Alaric jeta le téléphone dans sa bière, perdant ainsi la possibilité de continuer la dégustation de se breuvage du démon, qui s'écoulait hors de son réceptacle, éjecté par la force de l'action. Le visage du vlogeur se décomposa alors qu'il terminait, avec maladresse, de vider la bière sur la table, en hurlant :
-Non mais ça va pas bien ? Heureusement mon téléphone n'a rien ! Tada... Grâce à la coque Rino...
Trop c'était trop ! Tout le live put alors apercevoir, l'espace d'un instant un poing fuser. Alaric dans un excès de colère et de violence avait frapper cet enfant du démon au visage, lui faisant lâcher son téléphone chéri ! Le live ne fut alors spectateur plus que quelques seconde, assistant, impuissant à la rage de cette semelle qui frappait l'écran encore et encore jusqu'à la déconnection :
-Ah-ah-ah ! V-v-v-voilà ! Je-je-je me sens mieux. À qui le tour main-ma-maintenant ? Je te-te laisse choisir Cha-cha-Chapo !
Déclara le bègue en tournant son regard vers celui de son adorable pokemon qui sur la table semblait bondir de joie, tout en se tournant vers l'un des intrus encore assis à la table.
Bah, on dirait que je n'avais pas besoin d'insister, mon futur disciple est déjà suffisamment remonté pour s'occuper du groupe de boulets. D'ailleurs, il intervient déjà, noyant le portable du blond dans la boisson. C'est pas mal, y'a un petit effet sympa pour poser l'ambiance. Par contre, c'est dommage pour la bière, quand même... Allez, ça mérite un petit 7/10 d'encouragement.
...
Quoi "futur disciple" ? Évidemment parbleu ! Il a parlé de l'Apocalypse ! Il sait ! Lui pourra m'aider à convaincre le plus grand nombre ! Bon, il faudra quand même qu'on fasse sur le point sur cette histoire de réseau, ça à l'air de le turlupiner plus que de raison... Mais c'est un détail, vindiou ! On verra plus tard pour les détails, ce n'est pas vraiment le moment.
*Sbaff !*
- "Oh oh ! Bravo, bravo fiston ! Tu as une jolie droite ! "
Ah, vous voyez quand je vous dis qu'il est prometteur ce garçon ! Il a de la niaque, la flamme de la jeunesse ! Après, j'avoue que le bégaiement casse un peu tout. mais qu'à cela ne tienne ! Je me chargerais de la prêche, ça c'est mon rayon. J'ai de la voix pour tout un régiment, sapristouille ! Et ensemble, nous... Ah mince, tout le monde me fixe. En même temps, je ricane tout seul en applaudissant le coup de poing, c'est pas spécialement discret alors que le boucan avait déjà attiré l'attention sur nous. Mais pas de problème : j'ai la solution parfaite. Bouche légèrement ouverte, yeux soudain un peu vitreux, je me métamorphose en parfait petit vieux, gâteux mais pas méchant, juste un peu à l'ouest. Du coup, l'attention générale se détourne de moi, surtout avec l'arrivée du serveur qui débarque en catastrophe :
- "Messieurs, du calme ! Pas de bagarres dans le bar ! Qu'est ce que..."
- "Mais c'est lui ! Ce malade nous a attaqué d'un coup ! Et il a bousillé mon..."
- "VINDIOU ! "
Ah, pas mal celui-là, il a bien débouché les tympans. J'ai changé d'avis, en fait. Comment ça, c'était rapide ?! Mais je t'en pose des questions moi Môssieur ? J'ai décidé qu'il valait mieux prêter main forte à mon futur disciple, c'est tout. Et si t'es pas content, c'est la même, nah ! Alors qu'une fois de plus, tout le monde se tourne vers moi avec des yeux de Magicarpe frits, je continue d'une voix geignarde mais sonore :
"Ma bière ! Par la barbe du Doyen, ces petits voyous ont renversé ma bière ! Regardez, ça dégouline de partout ! Et ça les amuse de se filmer en train de maltraiter un vieillard !" dis-je en pointant du doigt les trois ados hébétés. Oh, il y en a bien un qui tente de réagir à ce mensonge éhonté, mais c'est à celui qui parlera le plus fort, et il n'est pas prêt de gagner à ce petit jeu :
"C'est une honte ! UN SCANDALE ! Vous m'entendez ?! Non pas attendez, vous n'allez quand même pas écouter les justifications de ces jeunes malotrus tout de même ! Un peu de tenue ! Je refuse de..."
Et alors que je m'approche du trio d'un index accusateur, je fais mine de glisser à cause de la bière et m'affale de tout mon long sur celui qui était le plus proche de moi. Bien évidemment, je lui ai en fait mis une bonne châtaigne au passage, cadeau de la maison. Ah, et je reste bien vautré sur lui en appuyant sur son plexus solaire avec le coude. Bon, la performance était loin de la Comédie française, mais quand même. Sur un malentendu, ça peut toujours passer... Et puis si ça passe pas, bah...
Du calme ? Que le bègue se clame ? Quel drôle de proposition ! Sans l'intervention du vieux, le serveur aussi en aurait prit une. Il fallait voir son regard pour le comprendre, voir sa jambe tremblante d'excitation pour comprendre à quel point Alaric était près de passer à tabac le groupe et le serveur à coup de pieds dans leurs bouches. Mais, son nouvel ami avait calmé, le jeune anti-dusk, préférant humilier le groupe de manière pacifique. L'homme au bandana souffla d'exaspération devant la mise en scène pathétique du vieillard, qui pourtant semblait faire son effet. D'un geste, l'immigré d'Hoenn attrapa son pokemon qui hurlait d'un air menaçant sur la table et le déposa délicatement sur sa tête, à l'endroit exact où le tissu rouge, aux imprimés de flammes, recouvrait ses cheveux.
-NENU ! NENU... NENENU... PIOOOOOOOOOT !
Chapo était très remonté elle aussi. Habituellement calme sur la cime du crâne de son maitre, elle aboit presque à ce moment là contres ces jeunes qui ne cherchent que le conflit. Alaric applaudit, avec une hypocrisie non dissimulé, en s'approchant de Jericho au sol, affalé sur l'un des gars du groupe. Le bègue attrapa le vieux par l'épaule, enroulant son bras autour de son cou, et l'aide à se lever comme s'il avait affaire à une loque, ou une personne trop blessé pour marcher.
-V-v-vous avez ga-gagnez, on s'en va ! Je l'amè-mè-mè-ne à l'hôp-pital, j'espère que vous êtes c-co-ccontents les mou-mo-moutons... Votre moment de-de-de gloire va p-p-prendre fin b-bande d'ordure et vous... Faut pas-pas vous attendre à une bonne p-p-p-pub !
Immobile, le bègue jugea du regard, le groupe mais aussi le serveur et tous les gens dont il croise le regard en balayant des yeux l'assemblée. Il les sent tous ces regards oppressant posé sur lui, tous ses regard qui le brûle. Mais pour une fois le jeune resta modéré, suivant l'exemple de son ainé. Alors seulement il commença à marcher vers la sortie, traînant Jericho à côté de lui comme un fardeau alourdissant son épaule. L'air frais fouetta de nouveau son visage, comme la récompense tant attendu. Quelque pas plus tard, dissimulé dans l'obscurité d'une ruelle, le loubard lâche le vieillard sans aucune once de pitié, sans détachant pour aller s'adosser contre un mur.
-C'est bon p-pa-papy... Arrête ta co-comédie. Allez lève t-t-t-t-toi, on sera mieux ici pour d-d-d-di-discuter... C'est dans la rue que-que les ré-ré-révolutions se fo-fomentent. D'ailleurs tu-tu d-dois avoir des p-po-pokemon, non ? J'aimerais bien voir avec quels pa-partenaire se déplace un fou comme t-toi-toi !
De sa position Alaric regardait son interlocuteur se relever espérant pouvoir approfondir cette discutions fort intéressante malgré les débuts tumultueux et les embrouilles extérieures.
Alors que je traîne un peu histoire d'achever le pauvre type en dessous, mon disciple me saisis pour me relever, et je me laisse traîner, jouant encore un peu la comédie. Après tout, si ça peut m'éviter de payer ma bière... C'est pas que je manque d'argent, mais un sou est un sou comme on dit.
...
Oui, c'est un proverbe débile, mais c'est pas le sujet. D'ailleurs, comme pour me donner raison, Nénupiot-man me lâche sans ménagement sur le sol de la ruelle, mais je suis de trop bonne humeur pour m'en soucier plus que ça :
- "Aïe ! Ha ha, ça a marché fiston ! Ils n'y ont vu que du feu ! Ma chère maman m'a toujours dit que j'étais doué pour la scène et elle avait fichtrement raison, paix à son âme."
Je me relève en grommelant à peine et me rapproche de l'autre type avec une certaine fièvre dans les yeux :
"Dommage pour les deux autres glandus, quand même. Avec tout ça, on n'aura pas pris le temps de leur secouer la calebasse pour tenter de reconnecter leurs trois neurones et demie. Bah, pas grave, on s'est bien amusé quand même. Moi, c'est Jericho au fait. Quand un gars vient de te traîner sur 200 mètres comme le dernier des pochtrons, tu lui dois au moins ton nom. Ça rime en plus. J'aurais pu être poète aussi, tiens. Et toi, fiston ? Parle-moi de toi, je veux tout savoir. Comment tu as su, pour l'Apocalypse ? Non parce que que ça fait de toi mon disciple, tu le sais ça ? "
Dans mon excitation, il me faut un moment pour réaliser que j'ai zappé le fait qu'il avait commencé à parler en premier. Et quand l'information me monte au cerveau, le changement d'attitude est net, presque brutal. Envolée la fiévreuse excitation, la bonne humeur pétillante. Comme si j'avais reçu un coup, je titube de quelques pas en arrière, le visage soudain un peu pâle. Sans un mot, je ne peux que regarder dans les yeux mon vis-à-vis, les yeux emplis de surprise. Surprise qui fait place à la peine d'un égo blessé trop de fois récemment.
"Ne dit pas ça s'il te plaît. Ne dit pas que je suis fou. Pas toi."
Contrairement à d'habitude, il n'y a qu'un mince filet de voix qui me sort laborieusement de la gorge, comme si j'avais le souffle court après le choc. D'ailleurs, mon dos finit par heurter le mur à force de reculer, et je me laisse glisser sur le pavé.
Les yeux dans le vague, il me faut un moment pour me remettre à bouger. Avec la lenteur d'un geste mécanique, je sors mon unique pokéball de la poche et en fais sortir Dante, qui se déploie lentement au dessus de ma tête. Nos regards se croisent. A cet instant, j'ignore complètement le reste du monde. Seul compte cet œil unique qui me scanne de la tête aux pieds, comme pour s'assurer que toutes les pièces sont là. Nulle malveillance ou jugement dans son éclat, juste une constatation. Tout y est. Il est encore en vie. La mission peut continuer.
Alors, après avoir détourné le regard un instant, je lâche :
"Je sais, je sais..."
Dans mes yeux, la morosité s'est durcie en se drapant d'une couche de résignation. Comme aux prises avec une lourde armure, je rajuste mon kimono avec une grimace, et me relève, reprenant peu à peu vie. Enfin, je me tourne vers l'étranger au Nénupiot avant d'articuler :
"Voilà Dante"
Deux mots. Et pourtant, dans ces deux mots, dans le ton et mon langage corporel, quelque chose a changé dans mon attitude envers lui.
Alaric regarda le vieillard, très bavard qui n'attendit même pas qu'il ai finit de parler pour l'ouvrir. Pourtant le moment vint où il se tut brutalement comme heurté par un coup que nos yeux ne saurait voir. Et pourtant s'il est bien une chose plus brutale que les poings et la violence, c'est les mots. Des mots pourtant insignifiant dans la bouche du bègue firent tituber Jericho de détresse. Comme une marionnette désarticulée, l'interlocuteur de l'homme au nenupiot, s'effondra au sol, la mine basse, la voix brisée par le poids des années et le tranchant des mots. Pourtant il lui reste assez d'énergie pour délivrer Dante et se relever une fois de plus pour repousser sa propre fin dans l'espoir de combattre l'apocalypse ! Devant moi, debout, à peine éclairé par la lueur des lampadaires et les néons des échoppes se tenait deux symboles d'un ancien temps.
-Q-Quel étrange Pokémon... Je n'en avais ja-ja-jamais vu avant... Il-il-il ressemble t-t-t-t-tellement... À une ancre.
Même ce gamin d'Alaric sentait que l'ambiance avait changer, devenant plus pesante à mesure que les minutes passaient. Pourtant il ne pouvait l'expliquer mais il voyait en cet homme quelque chose de different qu'en tous les autres. Il savait qu'il en avait besoin... Le bègue n'avait aucun ami, aucun repère, aucune direction... Juste un but un peu trop ambitieux et destructeur pour un seul homme. Alors comme pour apaiser la tension dans son cœur et celle de son interlocuteur, nenupiot-man tendit la main à Jericho en lui adressant quelques mots:
-M-moi c'est Alaric et elle c'est Cha-Chapo ! Je... V-v-vois que tu es une p-p-personne plus libre et lu-lucide que la plupart des gens de cet vi-vi-ville et ça m'intrigue. Vas-y je t-t-t'écoute, raconte moi t-t-tout et si tu ne t-t'effondre pas de sommeil je te pa-parlerais de moi... Dé-Désolé je suis un peu t-t-timide...
Ça lui faisait un peu mal d'admettre un tel défaut à un inconnu, mais ce vieux était si spontané avec lui, que ça rendait le bègue mal à l'aise d'être hypocrite avec lui. Il espérait tellement que cette ambiance morose s'efface au profit de cette main tendu mais seul l'avenir nous le dira. Pourtant avant que les deux homme concilie leur voie ou se sépare un vacarme assourdissant se fit entendre une nouvelle fois.
-Ehhh ! Par ici bordel ! J'ai retrouver ces chiens galeux ! Ah ! On fait moins les malins maintenant ! Tête de nenupiot et le sénile... Hein !
Derrière le casse couille de service humilié au bar une ombre apparu précédent un immense et terrifiant bouldeneu. Le jeune privilégié souriait bêtement en lançant un regard au pokemon nous toisant du regard, se délectant d'un futur hypothétique. Puis avec véhémence n'attendant pas la venue de ses camarades il hurla :
-Heureusement que mon père m'a prêté son pokemon pour me défendre d'enflure dans votre genre ! Allez gros tas ! Fait leur regretter ce qu'il m'ont fait !
Dit-il en massant sa joue avant d'ajouter avec ironie en voyant le bègue bouger pour se mettre devant Jericho et son pokemon :
Dommage j'ai rien pour filmer le spectacle mais attendez un peu le publique arrive. Désolé de vous faire attendre mais je suis comme ça je partage mon art !
De nouveau mutique, je laisse le jeune parler et se présenter, me contentant de le regarder. Même pour moi, il est évident qu'il cherche à changer de sujet pour détricoter la tension qui s'est installé entre nous. Mais est ce que j'ai vraiment envie de lui parler sérieusement, après tout ? Si ça se trouve, c'est juste un type paumé qui a une dent contre les nouvelles technos et les écrans. Après tout, qu'est ce que je sais de lui, hein ? Pas grande chose. Mais en même temps... C'est ma faute. Je me suis emballé trop vite, trop avide de trouver quelqu'un qui pourrait me comprendre un tant soit peu. J'aurais du...
Un soupir.
Inutile d'avoir des regrets comme ceux là. Je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut pas changer le passé... Alors allons de l'avant. Il te tends maladroitement la main là, mon vieux. A défaut d'excuse, c'est une offre de paix. Et même s'il n'est peut être pas mon disciple fantasmé, je peux au moins le prévenir de ce qui va arriver.
- "Te fatigue pas, c'est pas très grave. Tu sais, j'étais plutôt timide aussi quand j'étais gamin. Alors certes, ça remonte, mais c'est la vérité vraie."
Une pause, alors que je me replonge dans ma mémoire.
"De nous deux, c'était clairement Diane la plus extravertie. Elle l'était même pour deux comparé à moi ! D'ailleurs, c'était toujours elle qui..."
Je suis interrompu par le retour d'un des abrutis du bar, qui gueule à qui mieux mieux avec un sourire de requin. Il se ramène avec un Bouldeneu, son égo blessé de tout à l'heure et une sacrée tête à claque. Quelque part, je ne suis presque pas surpris, juste... Déçu. Déçu alors que je ne devrais plus rien attendre d'attardés dans son genre. Écartant le bègue du bras et d'un sourire calme, je commence à marcher tranquillement vers notre agresseur.
"Ah, la bêtise humaine... Vraiment, elle ne cessera jamais de m'étonner. Et pourtant, j'en ai vu passer des idiots, crois-moi. Mais laissons ça de côté pour l'instant. Tu veux attendre ton ami pour filmer toute la scène ? Ça ne me dérange pas. A vrai dire, je suis même plutôt curieux. Qu'est ce que tu comptes filmer exactement ? Ton pokémon qui attaque un vieillard de 66 ans à coup de Giga-sangsue ? Oh, ou alors tu es plus du genre coups physiques ? Méga-fouet peut être, histoire de me briser les os ? Oui, c'est sans doute mieux, ce sera plus sanglant, donc tu auras plus de vues sur le web. Du pain et des jeux, hein ?"
"Ferme-la, le timbré ! Vous m'avez humilié, je ne peux pas laisser passer ça. J'en ai rien à foutre que t'ai 60 balais, tu vas bouffer du sable !"
Paumes ouvertes vers le ciel et bras écartés, je marche dans la ruelle jusqu'à m'arrêter juste devant le gros pokémon Plante. A côté du hargneux, un autre type est arrivé, et se fait invectiver :
- "Allez, bouge-toi Victor, je veux que tout le chat puisse voir les images en direct ! C'est bon ? Allez tas de tentacules, fais-lui bouffer ses dents !"
Le hic, c'est que le type en question oublie deux détails. Des broutilles, vraiment, pas de quoi fouetter un Miaouss. La première chose, c'est que comme il l'a dit ce pokémon ne lui appartient pas. Du coup, entre l'ordre peu précis et le fait d'attaquer un humain, le Bouldeneu hésite sur la marche à suivre, et fais quelques pas en arrière pour demander confirmation à son dresseur. Il se fait d'ailleurs copieusement insulter au passage, ce qui ne l'aide pas à y voir plus clair.
Le second détail est une ancre spectrale de près de 4 mètres appelée Dante. Enfin, on est plus à 4 mètres 50 mètres maintenant, après une Croissance. Une ancre de plus de 210 kg qui n'a jamais fait de combat pokémon, mais qui a décidé de me protéger coûte que coûte depuis ce jour là. Une ancre qui s'est mis à léviter silencieusement à 5 mètres du sol pendant mon discours, et qui maintenant se laisse tomber de tout son poids sur nos agresseurs...
Tout c'est passé si vite... Le pardon du vieux, l'arrivée des esclaves numérique, leurs incisives logorrhées, le discours de Jericho et cette collision impressionnante. L'impact entre Dante, ses adversaires et le sol fut assourdissante bien que brève et violente. Son souffle dévastateur balayant le sol, soulevant le sable et la poussière,repoussant les caisses et les poubelles. Même moi, surpris par l'attaque je fus emporté par ses vents surnaturels et repousser plus en profondeur dans l'allée, parmi les déchets et les objets en vrac. Le silence s'imposa alors, seulement entaché par de multiple bruit de chute. Avant que je ne comprenne ma position mon horizon s'obscurcit soudainement, tandis que sur mon visage une étrange sensation de fourmillement se fit sentir, comme si plus odieuses petites pattes, bougeaient vainement sur ma face. Un peu secoué, je bougeais mollement mon bras en comprenant que la cécité ne m'avait pas prise et levant légèrement ma tête je pus percevoir à nouveau la pâle lumière de la lune.
Je posais alors Chapo devant moi pour observer son visage. Elle titubait, et ses yeux oscillaient dans tous les sens, faisant chacun leur vie indépendamment. J'observais un instant le strabisme de mon nenupiot avec un amusement mêlé d'inquiétude avant de me rappeler pourquoi elle était dans cette état, et pourquoi je restais au sol comme une larve. La vérité c'est que Dante avait écrasé la concurrence, il l'avait aplatit même. Pourtant on dit que l'on vit avec une épée de Dimocles au dessus de la tête un DIMOCLES... Pas un Sinistrail ! Je finis par me redresser avec tous les effort du monde, attrapant mon unique pokeball dans la poche intérieur de ma veste avant de la diriger sur mon pokemon pour que Chapo jouisse d'un repos mérité et ce en toute sécurité. Puis je me relève finalement en titubant alors que le nuage de poussière se dissipe.
-Je-Je-Jericho ? D-D-Dante ?
Bafouillais-je en me tenant la tête, plissant les yeux pour voir si des silhouettes se dessinait dans ce brouillard incapacitant ma vue. Aucune réponse, néanmoins c'était logique ma voix n'avait pas porté, elle c'était bloqué dans ma gorge sortant qu'en un mince débit inaudible entre deux quintes de toux. Alors je titubais, m'aventurant dans ce brouillard, vers cette inconnu qu'était le futur, la vie, l'apocalypse. Soudainement un nombre incalculable de voix s'élevèrent. Oh personne ne parlait fort, bien au contraire c'était des murmures, mais ils était nombreux très nombreux, attiré par les cris et ces lumières bleus et rouges qui illuminaient la rue plongée dans les ténèbres nocturnes. Sans voix, privé de ma vue et mon équilibre je finis par tomber dans la grande allée où m'attendait un nouveau spectacle.
Alors qu'une gigantesque ombre me survole, j'ai à peine le temps de lever les yeux pour voir l'immense ancre spectrale atteindre son zénith, prête à frapper. C'est un réflexe venu de je ne sais où qui me fait faire un bond en arrière, et Dante abat son couperet à la seconde où je m'écarte suffisamment. Puis le noir.
Le choc m'a déséquilibré alors que je reculais en catastrophe, me projetant durement contre les pavés. A en croire les filets rouges qui maculent le bas de mon kimono, je ne suis pas indemne, mais je suis encore trop sonné pour réaliser l'étendue des dégâts. Mes oreilles sifflent toujours du choc alors que je cherche à me relever péniblement, peinant à voir les alentours à cause du nuage de poussière qui tarde à disparaître. Pas très loin, une maigre voix retentit, ce qui me fait dire que l'homme au Nénupiot s'en est tiré. C'était quoi son nom déjà ? Vindiou, je suis vraiment sonné, je crois que j'ai pris un gros éclat de pavé sur le crâne. Mais je dois voir le résultat du coup de folie de Dante. Alors je grommelle quelque chose en réponse, et titube vers le début de la ruelle.
Nénupiot-man est déjà là en fait, visiblement mal en point lui aussi. Et ce n'est pas le macabre spectacle qui va nous aider à récupérer ses esprits... Même la poussière encore en suspension ne peut masquer l'horreur de ce que nous avons sous les yeux. Dante s'est fracassé contre le sol avec une sacrée violence, et les pavés ont littéralement volé en éclats sous l'impact. Les pavés et le Bouldeneu en dessous. Ce qui reste de la chaussée est maculée d'une sève verte et luisante. Sur la droite, l'émeraude se mêle au carmin en provenance de la jambe du type qui avait amené le téléphone pour filmer la scène. Un éclat lui a perforé la jambe gauche, et deux personnes tentent de lui faire un garrot d'urgence alors qu'il est inconscient contre le mur.
Ironie de l'histoire, seul notre brave agresseur semble à peu près indemne. On dirait que son pokémon a eu le temps de le projeter en arrière à la dernière seconde, ce qui lui a probablement sauvé la vie. Oh, il a bien quelques bleus et bosses, mais rien de bien méchant de ce que je peux voir d'ici. Enfin, physiquement en tout cas. Car mentalement, le type a morflé. Blanc comme un linge, il fixe la plante agonisante de son papounet en bégayant des propos incompréhensibles. Et bien évidemment, de braves âmes volent au secours du brave type et tentent de le calmer, apparemment sans succès.
Moi ? Je suis plutôt calme, et je n'ai pas la moindre idée de si c'est un bon signe ou pas. Mais ce n'est pas la première fois que je vois une scène comme celle-là. Et la dernière étais d'une toute autre ampleur que ça... Si j'ai des regrets sur l'attaque de Dante ? Non, pas vraiment. Ah vrai dire, je le comprends. Oh oui, je peux comprendre sa rage, sa volonté d'écraser les problèmes dans un vain espoir que cela changera quelque chose. Mais le passé est toujours immuable...
Est ce qu'on peut s'habituer à l'horreur ? Sans doute jamais complètement, je suppose. L'esprit humain ne peut pas tout encaisser. Alors il trouve des failles. La déformation des souvenirs. Puis l'oubli. Et en dernier recours... La folie.
Avec une grimace de douleur, je reprends ma marche claudicante vers le Bouldeneu sous le poids des regards de la foule. Plusieurs personnes ont voulu venir m'aider en voyant mon état, mais la croix spectrale qui s'est élevée pour flotter au dessus de ma tête a coupé court à leur élan. Ne sachant comment réagir, les gens se content de regarder en attendant de voir ce que les autres vont faire. Typique du brave mouton... Même la police qui commence à débarquer a du mal à faire bouger les gens pour sécuriser la zone et évacuer les blessés. Mais mon attention est ailleurs. Alors que j'arrive au niveau de la plante, je ne peux que constater l'inévitable : sa tête est en partie écrasée, et il vit ses derniers instants. Trop tard pour le sauver.
- "Dante... S'il te plaît."
Avec lenteur, l'ancre redescend à sa hauteur puis se fige. Quelques secondes s'écoulent. Puis le Sinistrail s'exécute et se penche sur le corps meurtri comme pour un baiser d'adieu. La Méga-sangsue mettra fin à ses souffrances.
Et alors que les gens murmurent leur incompréhension, je finis par prendre la parole.
"Le pire châtiment est parfois d'être celui qui reste en vie ..."
Et dans les yeux hanté du gars blafard en face de moi, je peux voir une lueur. La lueur de celui qui sait. La lueur de celui qui commence à comprendre ce que j'ai moi-même vécu.
Alors, au milieu du chaos ambiant et de l'explosion des sirènes, je rebrousse chemin à pas lents. Au dessus de ma tête, Dante flotte en silence tel un étendard damné.
Un forte odeur de fer avait envahit mes narines alors je me relevais avec efforts. Mon visage et mes mains était couvert d'un mélange de fluides poisseux carmin et vert. C'est, agenouillé dans la poussière et les débris que le rideau se leva pour me jouer une scène des plus dramatique. Bien sûr, c'était inévitable, vu mon état il était impossible que cela soit autrement. Pourtant, il y a un monde entre le fait de l'imaginer et de devoir s'y résigner... Il y a un monde entre l'imaginaire et la réalité... Car la réalité est cru et sans retour possible. Ce sang sur le sol, peignant de sa douce couleur les pavés éclatés, il était d'un vert irradiant, surnaturel ! Je savais ce que ça voulait dire, et je n'ai eu qu'à lever les yeux vers Jericho pour comprendre cette triste réalité. Mes yeux suivirent un instant le vieux avant de se poser sur le drame en lui même.
C'est les dents serrées et les yeux écarquillés, la rage me prenant aux tripes, que je constatais avec horreur les tentacules gisant au sol baignant dans une mer saphire. J'hoquetais un instant alors que mon regard se fit plus grand encore et plus... Fou. Dante se penchait au dessus du pokemon pour terminer le travail, lui octroyant le plus terrible des baisers, celui des adieux éternels. Trouvant la force de me relever complètement, je me hissais pour regarder le pokemon mutiler, avant de me terrer dans un silence presque religieux. Mon regard était froid, et mon visage si contracté par la colère et la folie que personne n'alla se ruer sur moi pour me porter assistance malgré mes blessures. De mon bras coulait une gerbe pourpre, et tandis que Jericho énonçait la rude et fatal vérité je tendais mon bras vers la créature pour faire s'écouler sur lui mon sang encore chaud, comme une dernière offrande à son âme.
-J'espère que tu n'es pas mort pour rien...
C'était réellement mon seul souhait sur le moment, alors que je quittais son visage ensanglanté pour enfin relever mon regard vers la cause de ce sacrifice. Mon regard à son égard était sévère, irrésistiblement froid, presque mauvais, c'est en tournant les talons pour suivre Jericho que j'ajoute :
-S'il te plait... Ne-ne filme pas son enterrement... Ais au moins la décence de respecter ceux qui t'aime et te protège. Honore le, il était bien meilleur que toi !
Avec cette phrase presque parfaite on pourrait croire que je simule mon bégaiement, mais je ne saurais expliquer ce changement d'élocution... La force des sentiments est surement la voie vers ma guérison ? Peut-être ou alors c'était un coup de chance. M'engouffrant dans les ténèbres de la ruelle tachée de sang, j'essuyais de mes manche les larmes perlant au coin de mes yeux, avant de dépasser Jericho sans un mot. Je ne voulais pas lui parler, je ne voulais parler à personne, alors j'ai précipité mes pas, fuyant ce drame, fuyant la mort, fuyant ce monde trop sombre pour l'enfant que j'étais au fond de moi.
Oh, je les entends murmurer, pointer du doigt, se perdre en conjecture. Les gens et la police se demandent s'ils doivent intervenir, mais personne ne sait ici ne sait ce qui s'est vraiment passé ici. Enfin, personne... Disons qu'aucun des deux n'est en état de le leur expliquer. De plus, nos blessures et attitudes incompréhensibles à leur yeux les ont plongé dans la plus grande confusion, aussi personne ne cherche vraiment à nous arrêter alors que nous partons dans la ruelle.
Quand je dis "nous", je voulais dire Dante et moi, mais Nénupiot-man pourrait être compté aussi. Il a l'air secoué, mais il serre les dents et tient le coup. Il a de bons instincts et les épaules solides. Je l'ai bien vu verser son sang pour le Bouldeneu, tout à l'heure. Du fluide vital pour les derniers rites d'un mourant... Un peu classique, mais ça reste bien. Ah, et il n'a presque pas bégayé lors de sa tirade ! Oui, vraiment, ce gars-là a du potentiel. Alors qu'il me rattrape, je lui fais un petit signe de tête appréciateur, mais... Mais il me dépasse en silence sans me regarder. Peut être que ça lui fait trop à porter, en fin de compte... A la réflexion, ce n'est pas très grave. Comme je le disais, il a de bons instincts, ce petit, il saura rebondir. Si tous les jeunes pouvaient être lui plutôt que comme l'autre loque... Bien des choses seraient différentes, et il y aurait une lueur d'espoir vis à vis du Cataclysme à venir. Mais rêver d'une telle chose est une perte de temps... Et le temps est justement un facteur crucial puisqu'il jour contre nous.
Je laisse donc l'homme au Nénupiot s'éloigner sans l'arrêter... Pour cette fois. Il a besoin d'être seul pour encaisser, mais cette leçon lui sera utile. Il apprendra. Non, attends fiston, il a déjà commencé à apprendre. Il faut juste qu'il digère un peu le tout. Et quand ce sera fait, je suis sûr que nous nous reverrons. Et à ce moment là, je ferais de lui mon disciple. En attendant... il reste beaucoup à faire. Alors nous reprenons la route, une fois de plus, la croix spectrale et son vieillard fatigué. Pour convaincre les gens d'agir. Pour faire bouger les choses. Pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être.