Exaspéré, je décrochai finalement mon regard de ses maudites feuilles de notes éparpillées aux quatre coins de mon bureau. L’horloge au mur affichait vingt heures moins le quart. L’idée d’avoir passé la journée entière attablé ici, sans pour autant trouver une seule réponse me frustra un tantinet. Sur mon ordinateur, des dizaines de pages ouvertes sur PubMed (un moteur de recherche donnant accès à d’énormes bases de données concernant la Biologie) me narguaient ; je décidai de le mettre momentanément en veille.
Ces recherches ne peuvent pas être résolues en seulement deux mois, imbécile. Prend une pause pour te détendre, ensuite tu reprendras ton travail. J’acquiesçais à cette pensée, un café ne serait pas de trop pour m’aider à tenir la nuit.
Je sortis Koko de sa pokéball et la fis s’assoir sur ma chaise.
« Reste ici ma belle, surveille ces documents pour moi et ne laisse personne rentrer. C’est clair ? »
Son hochement de tête approbateur me répondit que oui. J’aurais simplement pu verrouiller la porte derrière-moi, mais j’avais une confiance totale en mon Férosinge – qui plus est, je me méfiais des concierges ou autres professeurs pouvant pénétrer dans mon laboratoire. En descendant les escaliers déserts, seul le bruit de mes pas résonnait dans ce bâtiment fantôme.
« Au revoir, docteur Lucretius, me dit une voix familière. -Oh, je ne vous avais pas vu. Rentrez bien, Professeur Hendel. »
Je sortis brièvement de ma lecture (Par-delà le bien et le mal), pour observer la silhouette bedonnante de mon confrère disparaitre derrière les portes automatiques. Nos échanges, similaires à tous ceux que j’avais avec les scientifiques du bâtiment, demeuraient purement cordiaux et professionnels. Installé à une table haute, je pris une nouvelle gorgé d’expresso et me replongeai dans ces écrits fascinants.
« Du calme Koko, ce n’est que moi. » Calmai-je mon pokémon en rentrant dans la pièce, après une pause bien méritée de trente minutes. « Je vois que tu as parfaitement accomplit ta tâche, félicitation. »
Je la récompensai d’une caresse sur le crane, puis la lassait déambuler innocemment dans mon laboratoire. Tant qu’elle ne cassait rien ni ne montait nulle part, je ne m’en souciai pas. Sur le moment, j’avais complètement omis de refermer à clé la porte derrière-moi.
Je m’accoudai sur mon bureau en désordre et fixai le triste parking sur lequel mon laboratoire donnait vu. Le travail m’appelait, mais la fatigue me donnait envie de songer. Que ce soit à mes objectifs à priori impossibles, ce policier qui me hantait ou ma présence ici. J’avais accepté à contrecœur cet emploi de chercheur à Lumiris pour pouvoir jouir de matériels bien plus avancés que ce que mes moyens me permettaient à la maison. Ce même travail qui m’obligeait à parfois me détourner de mes recherches privées et d’être constamment sur mes gardes.
Ce qui est fait est fait. Pensai-je pour me rappeler à l’ordre.
Je repris mon analyse des séquences nucléotidiques communes à tous les pokémons – ou presque, la vie à toujours des exceptions malheureusement. Il fallait distinguer des spécificités dans leur ADN propre uniquement aux Pokémons et pas aux autres êtres vivants. Quand j’aurais accompli ceci, le pire commencera : trouver des éléments, que sais-je des traces d’évolutions, propres à ceux de Kanto.
« Si je trouve ce qui distingue génétiquement les pokémons de ma région de celles des autres, je disposerais peut-être enfin du moyen d’exterminer ces six cent cinquante six créatures… »
Me le répéter à haute voix n’avait guère d’intérêt, autre que de m’encourager. Le travail demandé était démentiel, l’ADN de chaque pokémon est énorme. Les ordinateurs ont du mal à gérer autant d’informations, même les plus performants. Sans compter le fait que certaines espèces de pokémons n’ont toujours pas été séquencées. Décidément, mon rêve risquait d’attendre encore plusieurs années à ce rythme.
Vingt heures et des patates. Ou à peu près en tout cas. Bon tu sais quoi fiston, on s'en fiche de tout façon de l'heure exacte, c'est pas ça l'important. Non, l'important, c'est que ce soir, j'ai eu une idée de génie. Vindiou, une vraie lumière, du genre du gars qui a sorti Eurêka en prenant son bain ! Moi c'était une douche, mais après tout c'est valable aussi je suppose. Enfin j'espère. Et si ça compte pas, bah tant pis, ça m'empêchera pas de dormir ce soir.
...
J'en étais où déjà ? Ah oui, l'idée. Prends des notes fiston, celle là va marcher, j'en suis sûr. Juste là, j'ai été trop dispersé, trop désorganisé. Or, pour avoir une chance de se préparer à temps pour l'Apocalypse qui arrive, il faut au contraire avoir une organisation rigoureuse, c'est la base. Finie les prêches au pif dans des villes au hasard pour tenter de convaincre au petit bonheur la chance. Non, il faut que je sois plus ciblé, plus audacieux. Il faut aller voir les gens qui comptent, qui ont eux-mêmes de l'influence pour faire bouger à leur tour la populace de Wattouats endormis. Convaincre le peuple pour remonter jusqu'aux élites ne fonctionne pas ? Qu'à cela ne tienne : je vais convaincre les élites pour atteindre le plus grand nombre à la place. Elle est pas belle mon idée ? Vraiment, heureusement que j'en ai dans la caboche. C'est l'effet jus de pommes ça, j'en suis sûr. Un verre tous les matins, et tu carbures du ciboulot pendant des heures, aussi vrai que le Doyen est cocu ! Je suis sûr que tous les meilleurs scientifiques en boivent secrètement à longueur de temps pour avoir des idées et inventer leurs trucs, là. Et ça tombe bien, c'est eux que je vais voir ce soir.
Pourquoi les types en blouse blanche ? Car ils devraient être plus faciles à convaincre, pardi ! Ce sont des types intelligents et carrés, les matheux-ingénio-médicologistes. Avec eux, un bon discours argumenté pourrait faire en quelques minutes ce que je peine à accomplir en plusieurs heures avec mes longues litanies que personne n'écoute vraiment. Et ça tombe bien, des scientifiques, il devrait y en avoir des tas dans le coin vu que je suis dans un labo. Je dis bien devrais, car là pour l'instant ça se bouscule pas au portillon. Vindiou, mais où ces fainéants sont tous passés, ils se sont quand même pas barrés à cette heure-ci ? Remarque, le gros type chauve qui m'a tenu la porte tout à l'heure avait l'air pressé de s'en aller, j'ai même pas osé l'aborder sérieusement.
Me voilà donc à errer dans les couloirs déserts en marmonnant dans ma barbe. Parbleu, mais si même les grosses têtes arrêtent de bosser sérieusement, on n'est pas sorti de l'auberge ! Franchement, je vous jure que... Attends, c'est pas une lumière ça ? Attiré par la luminosité qui sort d'une porte entrouverte, je me faufile dans le couloir de droite et m'avance jusqu'à un bureau visiblement ouvert. Ah ah, j'en tiens un, il y a un gars encore à l'intérieur ! Le cœur battant, j'inspecte le bureau du regard au travers de la vitre un moment pour m'assurer que ce n'est pas un sous-fifre ou un truc du genre. Cela dit, on dirait qu'il a pas mal de matériel bizarre, et entre ça et la taille de la pièce je n'ai sans doute pas affaire à un secrétaire lambda. Parfait, ne reste plus qu'à le convaincre grâce à mon discours argumenté.
Attends, c'était quoi mon introduction déjà ? Mince, j'ai un trou ! J'ai pas l'habitude d'apprendre mes diatribes, fiston, faut me comprendre aussi ! Nerveusement , je me mets en retrait de la fenêtre pour farfouiller dans mes poches à la recherche de mon antisèche, mais ce que dit alors le scientifique blond me fait interrompre mon geste :
« Si je trouve ce qui distingue génétiquement les pokémons de ma région de celles des autres, je disposerais peut-être enfin du moyen d’exterminer ces six cent cinquante six créatures… »
Attends... Exterminer 650 pokémons ? Par ma sainte barbe, mais qu'est ce que qu'il raconte, celui-là ? Il est au courant de l'Apocalypse à venir ?! Mais il a dit qu'il voulait lui les exterminer, je suis pas fou, hein fiston ? Oui, j'en suis sûr. Il y a un truc qui cloche avec ce type ! La Vision avait parlé de la folie des Hommes et des Bêtes... Est ce que ce serait lié à lui ? Vindiou, je dois en avoir le cœur net. Tant pis pour le joli discours tout préparé, je dois savoir ! D'un brusque coup de pied, je fais irruption dans le bureau en gueulant :
- "Mains en l'air ! Tu es qui pour parler d'exterminer tout un tas de pokémons comme ça ? Et comment tu comptes t'y prendre ? Si tu es lié d'une façon ou d'une autre à l'Apocalypse qui approche, je dois tout savoir ! "
Dans ma main, je brandis la pokéball de Dante de façon menaçante pour faire parler le type louche. Il va vider son sac bien gentiment celui-là, foi de Jéricho !
Un bruit sourd retentit tout à coup. Je fus tellement surpris que je faillis en tomber de ma chaise – voire possiblement avoir une attaque. Je me retournai en sursaut pour voir l’origine de ce raffut, un vieillard qui venait d’enfoncer ma porte à l’aide de son pied.
« Mains en l'air ! Tu es qui pour parler d'exterminer tout un tas de pokémons comme ça ? Et comment tu comptes t'y prendre ? Si tu es lié d'une façon ou d'une autre à l'Apocalypse qui approche, je dois tout savoir ! »
Je restai interdit face à ce spectacle surnaturel, cet homme venait d’entrer dans mon laboratoire après m’avoir entendu, en beuglant comme le dernier des ahuris. Heureusement que Koko n’eut pas prit exemple sur moi, au contraire elle se jeta immédiatement sur l’intrus. Elle attrapa le bras tendu de l’inconnu et le renversa sans douceur en avant, avant de l’immobiliser avec une clé de bras digne d’une ceinture noire de judo. Maligne comme elle est, elle eut même la présence d’esprit de refermer la porte derrière-elle à l’aide de sa queue.
« Qui êtes-vous et… Qu’est ce que vous venez faire dans mon laboratoire personnel ? » Demandai-je lentement en articulant chaque mot, toujours incapable de croire que tout cela était bien réel. « Extermination, Apocalypse, de quoi me parlez-vous donc ? »
Tout en l’interrogeant, je passai à côté de lui et refermai à clé cette maudite porte. Clé que je rangeai ensuite dans ma poche. En revenant pour m’assoir à une chaise, j’aperçus la pokéball qu’il avait manifestement lâché en tombant. Préférant éviter que ce fou ne fasse n’importe quoi, je décidai de la ramasser et la garder en main, pour le moment.
Crétin, triple idiot, sombre clown ! Te trahir de façon aussi pathétique, c’est encore plus risible que l’incident du feu de forêt. En effet, c’était dur d’argumenter ici. Je venais de laisser s’échapper des indices cruciaux, de la façon la plus grossière possible. C’était un sketch, une mauvaise blague, j’allais me réveiller en sueur dans mon lit d’ici quelques secondes. Tu aimerais bien, mais non tu es coincé ici.
La situation ne pouvait pas rester ainsi, imaginer que quelqu’un passe à ce moment dans le couloir !
« Je crois que c’est un terrible malentendu, mon cher monsieur. Koko, relâche doucement le pauvre homme. »
En dépit de cette voix atroce qui me répétait « Tue-le, fais disparaitre son corps ni vu ni connu », le choix de le libérer était incontestablement le plus raisonné. Déjà le bâtiment disposait de caméras, ensuite je ne voulais même pas considérer le meurtre comme une option et surtout, cet homme était visiblement dément. Dans le pire des cas, il m’assaillirait et me donnerait des preuves de sa folie.
J’avais horreur d’être dans ce genre de situation, où je sentais que le contrôle de la situation pouvait me glisser des mains à la moindre inattention.
Sapristouille ! Je suis tellement parti au quart de tour que j'ai comme qui dirait oublié un détail : le pokémon ! J'étais tellement concentré sur le blond que j'ai zappé sa présence, et me voilà par terre alors que le Férosinge m'immobilise sans trop d'effort. Vindiou, c'est que la sale bête a de la poigne ! Et un nom moche qui plus est ! Franchement, qui appelle un pokémon Koko ? Seulement un timbré, à tout les coups. Mon intuition était la bonne ! Le problème, c'est que j'ai nettement moins l'avantage que ce que j'avais initialement prévu. Le blond a même récupéré la pokéball de Dante ! Vite, il faut que je gagne du temps afin de réfléchir à un plan alors que le pokémon Combat relâche doucement son emprise. Je me contente de m'assoir en massant mon bras meurtri :
- "Un malentendu ? Cher monsieur ? Et mon postérieur, c'est du Poussifeu braisé peut être ? Et ça va pas de s'en prendre à un petit vieux avec un pokémon ? Ah elle est belle la mentalité des chercheurs de la région ! Tu crois que j'ai pas entendu d'ailleurs ? Tu crois que j'ai les esgourdes aussi bouchées que Mamie Nova ? Paix à son âme au fait, je ne veux pas mal parler d'elle, ça parle malheur. Mais arrête d'essayer de changer de sujet !"
Mince, si je continue de m'énerver, ça ne va pas le faire, il faut que j'ai l'air inoffensif. Faute de mieux, je dégaine mon sourire Gentil Grand-père N°2 histoire de dérouter mon opposant, avant de reprendre la conversation dans une autre direction :
"Remarque, si tu es déjà au courant du Cataclysme à venir, ça pourrait me faire gagner un temps fou" dis-je à moitié en pensant tout haut, l'air songeur.
Je me relève lentement pour remettre en ordre mon kimono malmené. Le plan ? bah tant pis, je vais improviser. La priorité, c'est de récupérer Dante.
"Bon, voilà le topo fiston. Je cherche à recruter un scientifique pour m'aider à boucler les préparatifs contre l'Apocalypse et à convaincre tous ces glandus que le temps nous est compté. Ah, et moi c'est Jéricho, et la pokéball que tu viens de me piquer, c'est Dante. Enfin, à l'intérieur c'est Dante, hein, parce que c'est pas un Voltorbe. M'enfin, t'es une grosse tête, donc tu m'as compris, non ? Voilà, tu sais tout, alors maintenant à toi de causer. C'est quoi cette histoire d'extermination de masse ? Tu comptes précipiter le Second Signe de l'Apocalypse ou quoi ?"
Alors que je parle, je croise les bras tout en me grattant la barbe pour me donner un air plus sérieux. L'apparence, c'est important quand on veut convaincre quelqu'un.
"Ah, au fait, le malentendu, c'est que tu as oublié de me rendre Dante, fiston. Tu seras gentil de me le refiler, hein. Oui voilà faisons comme ça."
Pour l’instant tout allait bien, l’homme en face de moi ne se risqua pas à tenter de mouvement brusque. Il se posa simplement sur une chaise à quelques mètres de moi. Koko ne le lâchait pas du regard. Je fis alors une découverte des plus… Agaçante. Ce rustre était une vraie pipelette, ma parole. Je dus m’accrocher pour suivre ses propos, à la fois trop rapides et embrouillés. En comptant en plus qu’il avait visiblement du mal à rester concentré sur son sujet.
Je ne comprenais rien à ces histoires de Poussifeu, de grand-mère et de cataclysme – bien que je supposais que certaines n’étaient que des expressions familières. Et ce n’était pas cet étrange sourire niais qui me rassurerait. Il ne me laissait pas en placer une en plus.
« L’Apocalypse, je vois… » Répliquai-je avec incrédulité, laissant clairement transparaitre mes doutes.
La question qu’il faut se poser est la suivante : se joue-t-il de moi, ou bien est-il réellement fou ? À cette pensée, je n’avais pas la moindre réponse. Son apparence jouait plus en faveur du papy fou, avec cette longue barbe et ce regard étrange. Quand à son irruption aussi spontanée qu’idiote dans la pièce, cela témoignait soit de son problème psychologique, soit de sa stupide (ou les deux).
Seigneur, il me laissait enfin parler. L’important était maintenant de ne pas faire d’erreur. Je disposais clairement de l’avantage en gardant sa pokéball, toutefois cet avantage était relatif. Qu’est ce qui me disait réellement qu’il ne disposait que d’un seul pokémon ? Cherchait-il à le récupérer pour s’en servir contre moi, ou simplement car il y tenait ? Je craignis soudain de m’embrouiller et de surestimer mon interlocuteur.
« Évitez de m’appelez fiston je vous prie, je suis le docteur Lucretius. Je peux vous garantir que vous vous méprenez de long en large, je n’ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez. C’est un grossier abus de langage, je ne parlais pas d’extermination au sens où vous l’entendez. De plus, je ne me référais pas à des organismes vivants. »
Mes propos me semblaient peu crédibles, mais de toute façon il avait parfaitement entendu ce que j’avais dis. Seul le sens de ces paroles pouvait être remis en question. Je pris une feuille sur mon bureau sur laquelle était imprimée la séquence ADN du chromosome 17 du Ratentif.
« Tenez (je lui tendis le papier), je m’intéresse simplement à des morceaux d’ADN de pokémons ; c’est mon métier. J’essaye simplement de les comprendre, et parfois je modifie des cellules. Je peux y ajouter, modifier ou "exterminer", comme j’aime le dire, des portions de génome. »
J’analysais sa réaction en direct, voir si les termes le faisaient réagir ou non. Je doutais même que ce vieux fou comprenne réellement ce qu’il avait devant les yeux, ce qui en théorie tournerait plus à mon avantage. Finalement, je pris la peine de répondre à sa dernière question.
« Je n’ai pas envie de vous séparer plus longtemps l’un de l’autre, vous et votre Dante. Néanmoins, la dernière fois que vous avez eu cette pokéball en main, vous étiez prêt à la lancer il me semble. C’est un laboratoire privé ici, je ne souhaite pas que des pokémons abime cette endroit. Puis-je vous faire confiance ? »
Ouais, bah il est pas le seul à être sceptique. Le langage hautain et ampoulé, le jargon et l'attitude en général me font dire que le type cherche à noyer le Magicarpe. Vindiou, j'ai pas été courtier en assurance pendant 40 ans pour des prunes ! Des clients qui essayent de te la faire à l'envers pour toucher l'argent de leur contrat, j'en ai vu passer à la pelle ! Et mon petit doigt gauche me dit que là, c'est louche. Et puis je suis pas fou, j'ai bien entendu qu'il voulait exterminer tout un tas de pokémons ! Du coup, puisque Môssieur ne veut pas jouer franc jeu, je vais te me le faire poireauter un peu. Quand il me tend son papelard, je le lui arrache des mains et en commence la lecture en prenant mon temps :
- "Hum, voyons ça... Certes... Certes... Bof, ce passage est mal écrit, c'est pas terrible... Hum... M'ouais, c'est bateau ça hein, y'a rien de bien folichon..."
Je fais durer mon examen encore une grosse minute en marmonnant dans ma barbe des propos plus ou moins désobligeants, avant de brusquement lever le nez vers Lucrétinus et d'enchaîner :
"Breeeef... Tu me prends vraiment pour une bille, fiston ? Et après, c'est toi qui demande de la confiance ? Ben voyons...
Sous ses yeux, je déchire la feuille en deux, avant de le la lui rendre. Enfin, quand je dis rendre, je la balance vers son bureau, hein. Faudra pas non plus que je sois trop poli, ça me donne de l'urticaire avec les types comme lui.
"Bon, on reprend, et oublie les mondanités et faux-semblants. Tu peux me raconter autant de salades que tu veux, mes oreilles me disent que tu parlais d'exterminer des pokémons. Alors je dis pas hein, tu fais ce que tu veux de ta vie, c'est pas mes oignons. Mais 600 et des brouettes ? Parsembleu, c'est pas une chasse à courre, c'est un massacre à grande échelle ! Ils t'ont fait quoi pour que tu leur en veuille autant ? "
Bizarrement, même si mon cœur tambourine dans ma poitrine, je suis plutôt calme. Comme si on parlait juste d'une vague inondation dans un pays voisin. C'est pas jouasse, mais on se sent pas spécialement mal non plus. Faut dire aussi que j'ai l'avantage de savoir que ça va arriver de toute façon. Quelque part, parler de ça me soulage un peu en fait. C'est pas souvent que j'ai l'occasion de discuter sérieusement avec quelqu'un sur ce genre de sujet. Bon, par contre pas de pitié avec un type louche comme celui-là. S'il est vraiment un des rouages de l'Apocalypse, je me dois de l'arrêter par tous les moyens possibles.
"Je te l'ai dis, fiston, je suis là pour lutter contre l'Apocalypse qui approche, et toi tu me parles de génocide pokémon. Avoue que c'est louche quand même. Donc tu as le choix. Si tu m'expliques pas le pourquoi du comment sans entourloupe dans la minute, je me mets à gueuler, ce qui va attirer David par ici. C'est un petit gars bien, le David, gentil et compétent. On forme un bon duo, tu sais ? Par contre, son Léviator c'est pas un rigolo, fiston. Toujours de mauvais poil, et sacrément balèze. Et si tu veux pas de dégâts dans ton joli labo, ça va pas le faire avec lui..."
Avec un petit ricanement, je lisse ma barbe en fixant du regard le blondinet. Quand je vous dis que le jus de pomme, ça fait carburer le ciboulot ! Elle est pas belle mon idée ? Évidemment que j'ai pas de complice, mais il est pas au courant lui...
Le drôle de personnage n’avait à l’évidence aucune idée de ce qu’il pouvait bien être en train de contempler, avec ses petits yeux de fouinette. Je l’écoutai patiemment déblatérer ses commentaires stupides sans y porter réellement d’attention, absorbé que j’étais dans l’analyse de son physique. Si celle-ci ne m’apporta pas de réponse concluante, elle me rassura dans l’hypothèse que j’avais simplement affaire à un home malade.
Après son petit numéro, voilà qu’il se met à déchirer la feuille. Le grand-père se la jouait « agressive » à ce que je vois. Je faillis verser une larme face à cette photocopie ruinée, voltigeant un instant avant de se reposer sur mon bureau ; c’était approximativement l’affaire de quatre clicks de souris pour en reproduire une.
« Vous faites erreur… » Soupirai-je de nouveau, lassé par ce petit jeu sans queue ni tête. Mon commentaire n’eut strictement aucun effet.
Mes doigts tapotaient nerveusement contre ma joue. C’était une sensation bien étrange que d’avoir involontairement révélé son plan secret depuis des mois à une personne aussi étrange et… Finalement bien moins inquiétante que quelqu’un de normal. Mon cerveau n’arrivait pas à bien traiter l’information. J’avais le sentiment d’avoir enduré tant d’épreuves pour rien – non pire, pour être jugé par cette chose barbue !
Pourtant, un sourire sincère ne put s’empêcher de se dessiner sur mon visage. Avoir le cœur plus léger, discuter avec quelqu’un d’aussi particulier que moi-même (sans l’intelligence et le bon sens), garder la situation qui venait de déraper sous contrôle ; je ne sus exactement pourquoi, mais une partie de moi était joyeuse.
Ma main s’immobilisa sur les dernières paroles du vieillard. Un complice ? Comment et pourquoi ce débris aurait un acolyte ? Le doute germa subitement dans mon esprit.
Il bluff, réfléchit crétin, tu n’as absolument aucune raison logique de croire ces âneries. Ce n’était pas faux en effet. Pourquoi ne crier que maintenant ? C’était aussi la première fois qu’il évoquait un allié. Même si c’était vrai, où est le problème ?
« Vous essayez maintenant de me faire du chantage, répondis-je poliment avec le sourire. Je ne suis pas le seul à prendre l’autre pour une bille visiblement, cher Monsieur Jericho. Que vous m’accusez de dire des inepties passe encore, mais vous menacez de détruire un bien privé ? Allons, ne dites pas de sottises. » Je levai doucement ma main pour l’inviter cependant à ne pas hurler.
Un Léviator dans un espace aussi clos serait du suicide, impossible de le contrôler précisément. La porte était verrouillée, ce qui retarderait l’incident si jamais il devait vraiment se produire. Mais en réalité, je me contre-fichais bien que cet endroit soit détruit ; mon génie est une chance pour ce Laboratoire, il me trouverait un nouvel espace de travail en un éclair.
« Si ce David est aussi terrifiant que vous l’affirmer, j’ai du soucis à me faire, enchainai-je sur un ton mielleux. Je voudrais bien tout vous expliquer, mais j’ai besoin d’avoir plus d’informations sur l’Apocalypse d’abord. »
Ventre Saint Gris ! Le blondinet n'est pas dupe, et mon bluff tombe à l'eau comme un soufflé qui se dégonfle complètement à peine sorti du four. C'est vraiment dur à réussir les soufflés fiston, j'y suis jamais arrivé. Et c'est pas faute d'avoir essayé plein de recettes ! Une fois, j'ai même tenté d'y faire un trou et de lui redonner de l'air avec une pompe à vélo, mais ça n'a pas franchement changé grand chose. Dommage, il était au roquefort celui-là. Le roquefort du Mont Couronné en plus, une petite merveille ! Avec éclats de noix, moisissures de luxe et intérieur cuir... Ce fromage, c'est de l'or en barre ! Pas étonnant qu'ils aient été braqués une année à la fromagerie, il y a de quoi tuer pour ce clacos. Dommage que j'ai pas eu le temps de vider toute la cave ce jour là car la police allait débarquer...
...
"Je voudrais bien tout vous expliquer, mais j’ai besoin d’avoir plus d’informations sur l’Apocalypse d’abord."
L'avant-dernier mot me fait tiquer, et je reviens au présent avec un peu de bave aux lèvres. Vindiou, il est encore là lui ? Ah oui c'est vrai, on piétine toujours en s'envoyant des politesses et autres coups-tordus. Un vrai concours de rhétorique !
- "Rhétorique..." dis-je en faisant rouler avec plaisir le mot sous ma langue. "En voilà un joli mot ! Tu sais, j'étais fortiche pour convaincre les gens ou les rouler dans la farine ! Je connaissais tous les trucs vicieux pour rendre un contrat caduc tout en expliquant avec un air navré au client que c'est de sa faute. C'était la belle vie cette époque... Celle du grand Edgar, le classieux homme d'affaires ! Enfin bon... On dirait que j'ai perdu la main, t'as pas l'air effrayé par mon histoire de Dracolosse. Attends, Dracolosse ou Léviator ? Je sais plus."
Mais c'est aussi de sa faute, il est fortiche en face. Pas étonnant en même temps de la part d'une tête pensante. Au final, notre confrontation verbale me fait à la fois plaisir à cause du challenge intellectuel et peur. Peur car si ce type est bel et bien l'un des fous furieux qui cherchent à accélérer l'entropie de ce monde, l'arrêter à temps ne va pas être de la tarte au flan. Tiens, ça rime. Me lissant machinalement la barbe en pointe, je pèse donc avec soin mes prochains mots :
"Hum... Faut voir, fiston, ça sera du donnant donnant. Tu t'imagines pas que je vais te filer mes tuyaux alors qu'on est probablement pas dans le même camp ? Ce sera du donnant donnant. Comment ça, je l'ai déjà dit ? Passons, je te donne une première réponse, et tu me rends Dante. De toute façon, je ne vais pas t'attaquer avec, il se ferait mettre KO par ton singe à la noix. Deal ?"
S'il accepte, je finis par enchaîner :
"L'Apocalypse, avec un grand A, c'est tout simplement la fin du monde tel qu'on le connaît. Une série de catastrophes imbriquées les unes dans les autres qui dévasteront les villes et les campagnes, humains comme pokémons. La destruction de Windoria n'était que le prélude, le Premier Signe d'une longue série de désastres... Enfin, longue, façon de parler..."
Et s'il refuse mon offre, je croise les bras pour bouder en attendant qu'il propose autre chose...
J’avais l’intime conviction que ce vieux dément se perdait aléatoirement dans ses pensées à partir du moment où il n’avait plus de stimuli. Non pas que la conversation avait besoin de cela pour paraitre ridicule ceci dit. Voilà maintenant qu’elle dérivait sur son passé, à supposer qu’il disait vrai. Avec ce vieux serpent à la langue fourchue, difficile de démêler le vrai du faux – surtout que ces notions ne veulent pas dire grand-chose pour un malade d’esprit.
« Léviator, répondis-je poliment. »
Il se met à analyser sérieusement ma proposition. Amusant, il s’attend donc lui aussi à un échange équitable d’information ? L’idée qu’aucunes des paroles prononcées ici ne seraient vrai m’effleura l’esprit. Finalement cela dépendait de lui, pas de moi. Je ne comptai en aucun dévoilé mes véritables plans en détails, il me suffirait de baratiner à peu près n’importe quoi de vaguement similaire. À l’évidence, ce n’était pas comme si mes plans originaux apparaitraient comme cohérents au premier venu de toute manière.
J’aurai immédiatement acquiescé, s’il n’avait pas de nouveau évoqué son pokémon. Cette demande là méritait qu’on s’y attarde un peu plus sérieusement ; certes Koko ne manquait de force, mais j’ignorais tout de ce Dante. L’hypothèse qu’il se révèle être un pokémon bien plus puissant était à prendre en compte. À en juger par sa moue boudeuse, il ne céderait pas facilement sur ce point, très bien.
« C’est d’accord vieillard. » J’acceptai l’offre, mais sous conditions. D’abord d’une simple pression sur la poche intérieure de mon smoking, je libérai Schrödinger de sa pokéball. Le Miaouss tacheté s’assit sur le bureau sans un bruit, le regard perçant fixé sur le vieillard. « Ne faites pas attention, c’est une simple prévention pour m’assurer que vous ne ferez rien d’inconsidéré. »
L’accord lui alla, visiblement. Sous la surveillance du chat sanguinaire et du singe intelligent, il débuta sa petite explication. Elle fut très rapide, vide en détail et assez creuse. Il devait certainement attendre que je le questionne, ou bien désirait-il simplement entendre au plus vite ce que j’avais à dire.
« Sans vouloir vous offenser, c’est flou votre histoire. Vous suggérez que cette bande de crétins que sont les Mistrals fait partit d’un ensemble bien plus grand qui les dépasse ? Et c’est parce que vous considérez cette attaque comme le Premier Signe de l’Apocalypse, que vous pensez que mon œuvre serait le second – du moins, si j’ai bien compris. » Je fis une brève pause pour sortir mon téléphone portable, et reprit tout en lançant une recherche bien précise sur Safari : "ALPHAGO : Jericho AND Lazarus". « Tout cela amènera à l’extinction totale de la vie, selon vous ? »
En un sens, même si cela était totalement tiré par les cheveux, j’avouai moi-même comprendre qu’il puisse dès lors me soupçonner d’être un gros problème. Sa pensée était grossière, mais elle avait le mérite d’être clair ; jusqu’où irait-il pour elle ?
- "Nan fiston, les Mistrals en eux-mêmes ne sont rien. Juste un symptôme, un avant-goût de ce qui va suivre. C'est pas eux le problème, bien qu'ils ont effectivement un pet au casque et de la cruauté à revendre."
On dirait bien que nous sommes d'accord sur ce point, Blondinet et moi. Après tout, c'est pas si étonnant : un type qui sait aligner deux et deux comme lui voit bien que leurs guéguerres et revendications ne mèneront de toute façon à rien. Après, il bluff peut être le sagouin, mais ça ne m'étonnerait pas qu'il les méprise plus qu'autre chose. Et puis leurs objectifs vont pas ensemble : s'il n'y a plus de pokémons, pas moyen pour les Mistrals d'assoir leur domination sur les gens, si ? Je veux dire, ils sont pas de taille face à l'armée et tout le tintouin. Ou alors, ça fait justement partie du plan ? Exterminer presque tous les pokémons existants pour n'en garder que quelques uns pour eux à transformer en géants inarrêtables ? Parbleu, ça se tiendrait presque s'il bluffait, mais... Bah je sais pas, difficile de trancher pour l'instant. je reprends donc prudemment la parole :
"Je ne connais pas les détails, mais la série de catastrophes à venir ne va pas sortir de derrière les fagots. Je pense que ce sera comme un jeu de quilles : chaque étape nous fragilisera davantage jusqu'au point de rupture. Et là, ce sera le Chaos le plus complet : pillages, guérillas, loi de la jungle et autres festivités, je vais pas te faire un dessin. Et alors que la Folie des Hommes et des Bêtes éclatera au grand jour sous les impératifs de la survie, la dernière vague se dressera et le jugement dernier rendra son verdict..."
Une pause alors que Blondinet pianote sur son téléphone. Est-ce qu'il prend des notes ou envoie un message ? Peu importe. Maintenant que j'ai ouvert les vannes, je n'arrive plus à m'arrêter. Un flot continu de paroles me brûle les lèvres, comme pour vider un abcès trop longtemps infecté :
"Bien sûr fiston, ce sont que des théories personnelles. Que du vent... Mais je fais au mieux avec ce que je sais. Après tout, je ne peux pas rester les bras croisés comme les autres à attendre que ça arrive. Mais ça vient vraiment, tu peux en être sûr. Et si on ne fait rien, les conséquences seront terribles..."
- "Tout cela amènera à l’extinction totale de la vie, selon vous ?"
Question difficile s'il en est. Pas parce que j'ai du mal à estimer les conséquences de l'Apocalypse hein, je sais pertinemment ce qui risque de se passer. Et c'est justement ça qui me fait peur. Cette vérité gravée au fer rouge dans mon crâne, le ver qui me ronge depuis ce jour là. Même si Blondinet ne lève les yeux de son portable qu'un court instant après avoir posé sa question, il faudrait être aveugle pour rater les effets de son interrogation. Inconsciemment, mes épaules se sont affaissées, mon dos voûté, et je reste un instant les yeux dans le vague à fixer des images que je suis le seul à percevoir.
...
Je finis par glisser dans un souffle, la voix vacillante comme la flamme d'une bougie exposée au vent :
"Non, ce ne sera pas une extermination totale. Au milieu du carnage, il y aura un survivant."
Et alors que mes mains se mettent à trembler, je me tourne vers le scientifique pour le fixer du regard sans pouvoir en dire plus. Seuls mes yeux parlent pour moi et hurlent à quel point cette certitude me terrifie plus que tout.
Les Mistrals, effectivement une belle bande de déchets si je puis dire. Des criminelles sans vergogne comme les autres, ni plus ni moins. Je devais bien avouer que malgré-tout leur présence m’était des plus bénéfique ; un groupe aussi important représentant une telle menace, la distraction parfaite des forces de l’ordre et autres gêneurs pour mes plans. Ce danger qu’ils représentaient permettait en réalité d’en dissimuler une autre peut-être pire.
Quel est leur but exactement ? Question intéressante, sur laquelle mon esprit n’avait aucun mal à réfléchir étant donné la simplicité des propos – dont je ne dénie toutefois pas l’intérêt étrange – de mon interlocuteur. Je m’étais renseigné sur ce sujet, et si l’on exceptait la team Rocket, la plupart des autres étaient souvent menés par une ambition balançant entre le visionnaire et la folie pure. Galaxy voulait un monde sans émotion, Plasma souhaitait conquérir le monde sous couvert de la libération des pokémons (objectif noble, mais irrationnel car il créerait beaucoup plus de danger) quand aux Flare, Aqua, Magma, c’étaient simplement des organisations dirigées par des demeurés.
Mais je m’égarai, le vieillard me précisa sa vision. Schrödinger avait les yeux remplis d’étoiles à chaque fois qu’il parlait de chaos, violences ou autres. Son terme d’Apocalypse restait toujours vague, rien de bien concret à mes yeux.
Soudain, alors que je rangeai mon portable – Alphago pouvant mettre jusqu’à plusieurs heures pour explorer le Web – j’entrevis un nouvel homme face à moi. Toujours aussi fou à l’évidence, mais dénué de sa joie de vivre, de sa fougue et de l’insouciance dont il avait jusqu’ici fait preuve. Ce fut comme si son âge venait de le rattraper. Un survivant ? Voilà qui m’intriguait, qui donc ? Si l’on m’avait dit qu’écouter les élucubrations d’un fou serait aussi intéressant, je ne l’aurais pas cru.
« Qui sera ce survivant ? » Malgré le peu de respect qu’il m’inspirait, j’eus l’amabilité d’effacer ce sourire amical pour avoir une expression neutre. Sa tristesse ne m’affectait pas particulièrement, j’envisageai même l’espace d’un instant que cela soit juste une mise en scène très exagérée. Je repoussai cette idée, dans tous les cas ses émotions n'auraient aucun impact sur moi. Ses chaudes larmes gouttant sur son kimono n’attristaient personne (pokémons ou humain) ici, même cette idée ne m'inspira pas de la peine.
Je me penchais en avant sur mon siège pour pouvoir entendre clairement la réponse.
Seul le silence répond à cette question. Alors que je contemple l'homme en face de moi à la recherche d'une main tendue, d'un signe, n'importe quoi, je ne trouve qu'une froide expression neutre et une question m'incitant à poursuivre. Pas d'encouragement, de sourire vaguement compatissant ou gêné, rien qu'un visage lisse comme une pierre. Tout ce qui l'intéresse, c'est le savoir, la connaissance. Après tout, est ce que c'est vraiment étonnant ? Il se fout bien de mon passé, ou de ce que je deviendrais une fois sorti de cette pièce. Pour lui, je suis sans doute un vieux fou échappé d'une maison de retraite sécurisée. Comme les autres, en fait. Seule compte sa pomme, sa petite personne, et ce qui le touche directement. Merde, un peu de chaleur humaine, c'était trop demandé ?
...
Évidemment, fiston. Sérieusement, tu t'attendais à quoi ? Tu sais comme les choses se passent en ce bas-monde. Et puis, de toute façon, même si tu lui expliquais tout, ce type n'en croirait pas un mot et te rirait au nez. Parbleu, pourquoi est-ce que je me suis mis en tête que ce serait facile de convaincre un scientifique ? Ces types sont froids et calculateurs, et Blondinet en est le parfait exemple. Ce n'est pas avec mon récit larmoyant et mes arguments à deux centimes que je vais les faire bouger. Et clairement pas celui-là en particulier ! Regarde-moi cet Arbok se pencher avidement vers moi pour ne pas rater une miette du spectacle... Même son ***** de Miaouss me fixe à en coller des cauchemars à un gamin de dix piges.
Au fond de moi, la détresse s'acidifie en un mélange de dégoût et de colère. Contre ce type bien sûr, mais aussi contre moi-même. Je déteste le fait d'avoir baissé ma garde, de m'être montré aussi vulnérable face à ce Sharpedo de malheur. Mais c'est fini. D'un geste du bras, je m'essuie le visage avec la manche de mon kimono pour en enlever les larmes, avant de fixer Lucrétinus dans les yeux avec un sourire féroce malgré mes yeux humides :
- "Ta mère, fiston. Les Lippoutous, c'est vraiment increvable."
Et sur cette dernière blague, je me lève de mon siège pour me préparer à partir. Je n'ai plus rien à faire ici, à part récupérer Dante. Je tends donc le bras vers Blondinet :
"Allez, ça suffit les conneries. Je suppose que de tout façon, tu ne me raconteras qu'un tissu de mensonges en échange de ma vérité. Tu me donnes la gerbe fiston, c'est officiel. File-moi Dante que je puisse sortir d'ici avant que je te salope ton joli labo. Ou plutôt non, fais durer le schmilblick, comme ça j'aurais une excuse pour vomir sur tes pompes, tiens..."
De mauvaise grâce, le scientifique finit par me laisser récupérer Date de mauvaise grâce après encore quelques sous-entendus menaçants, et je file sans demander mon reste.
Contenu sponsorisé
Identité du dresseur
Trophéespassez la souris sur les icones
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum