lost in the echo

Rien n'allait. Là, maintenant, dans la salle de bain, rien n'allait. Le monde tournait. Le sol bougeait. Les ombres prenaient toute la place. Elle ne respirait plus correctement, elle respirait par saccades, son coeur battait à ses tempes et elle n'entendait plus que lui. Elle était passée par une semaine où elle se sentait à l'abri de tout, où les pulsions s'étaient montrées si puissantes et le sommeil non-nécessaire pour brusquement retomber et se retrouver envahie par la terreur et les ombres qui tournaient autour d'elle, se plaquaient contre les murs. Et les voix, les voix qui l'étourdissaient, si fortes et pourtant impossible de les comprendre. Son regard parcourait la pièce frénétiquement alors que son bras faisait vraiment mal. Des aiguilles y étaient plantés depuis quelques jours et une infection avait prise. Sans compter qu'en une seule semaine, elle avait perdu 4kg à force de ne pas manger plus de cent calories par jour. Et miser sur les calories liquides. Et maintenant, rien n'allait. L'envie de crever était bien plus que présente. Elle voulait rejoindre son étoile, s'envoler, que son coeur ne fournisse plus le reste de son corps. Elle ne voyait aucun intérêt à continuer d'essayer, à se battre, à tenter de garder la tête hors de l'eau quand on la lui foutait continuellement sous. Elle se noyait. Elle s'étouffait. Elle étouffait à vivre en étant elle. Qu'on lui donne un nouveau corps pour vivre. Qu'on efface sa vie et lui permette de recommencer de zéro. Parce qu'elle, elle n'y arrivait pas. Elle n'y arrivait plus.

Et il lui semblait avoir été à ce moment précis tellement de fois auparavant, alors pourquoi était-elle toujours vivante ? Pourquoi n'avait-elle pas vu son corps lâcher prise à chaque fois ? Son téléphone était posé contre le carrelage, et l'eau de la douche coulait toujours alors qu'elle se trouvait en short de pyjama et un débardeur léger et blanc. Son regard était brouillé par les larmes et elle ne parvenait pas à se calmer. Tout se répétait dans sa tête et elle ne méritait pas de vivre, elle ne méritait rien. Un peu plus loin, des médicaments gisaient sur le sol. Sa tête menaçait d'exploser et les idées se fracassaient les unes contre les autres. Elle n'arrivait pas à faire la part des choses. Elle n'arrivait pas à penser clairement. Elle avait pris des médicaments pour faire taire les voix, mais ça avait été vain. Trop de médicaments peut-être et pourtant, le monde semblait exploser encore plus qu'avant leur prise. Elle était désespérée et la détresse prenait place dans tout son être. Elle n'y arrivait pas. Elle n'y arrivait plus. Avait-elle seulement été en mesure de surmonter quoi que ce soit toutes ces années ? Elle n'avait jamais été forte et elle ne l'était toujours pas.

Des griffes grattaient la porte de la salle de bain close tandis qu'on pouvait entendre des glapissements désespérés d'un Eevee trop inquiet pour sa maîtresse. Il savait que quelque chose n'allait pas, que rien n'allait pour être précis. Il savait. Il essayait d'entrer ou d'alerter quelqu'un, mais rien n'y faisait. Lys était rentrée du travail plus tôt, une migraine ayant été présente, et la maison était donc bien vide. Il n'y avait qu'eux. Mais ce fut ce bruit qui perça le mur formé par les voix et qui lui donna l'énergie nécessaire pour attraper son téléphone. À partir de là, le monde était devenu rien de plus qu'une brume et elle avait le sentiment d'être une spectatrice qui n'avait aucunement son mot à dire. Elle ne tenait plus debout et les mots prenaient parfois du temps à être sorti. Il semblerait qu'elle ait donné son adresse parce qu'une dizaine de minutes plus tard, des sirènes furent entendues et elle se retrouva rapidement dans une ambulance où elle s'endormit en route vers l'hôpital. Elle passa alors au triage en tenant miraculeusement debout, mais se sentant terriblement faible. On lui avait fourni une veste puisqu'elle frissonnait tellement. Lorsqu'elle fut appelée pour aller consulter un médecin, elle se dirigea lentement, se tenant contre les murs, vers la pièce désignée. Elle finit par y arriver et se posa, en attendant, sur le siège disponible. Les murs tanguaient. Le sol respirait. Rien n'allait. Elle voulait disparaître. Mais Pixel l'attendait à la maison. Elle devait rentrer. Pour lui.