- Pourquoi vous m'avez traîné ici, làààà ? fit un Wallace inquiet, tout bas, en attrapant le bras de son ami le plus proche. V'voyez bien qu'c'est pas ma place ! Pourquoi on a pas été dans un bar comme d'habitude ?? C'est qu'il frisait la panique, notre pauvre fermier ! Et il fallait le comprendre : il avait été plongé malgré lui dans un univers qui lui était complètement inconnu. Certes, Artiesta, ce n'était pas la première fois qu'il y allait. Il connaissait ses bars, ses casinos, ses boîtes de nuit. On l'y avait déjà traîné, et Wallace ne pouvait pas nier qu'il y avait passé d'excellentes soirées. Mais là... C'était un autre niveau ! C'était une boîte de nuit, mais pas comme les autres - celle-ci semblait plus classe, plus raffinée... plus riche ? La clientèle n'était pas la même non plus : les fêtards y étaient mieux habillés, et les alcools servis étaient bien plus travaillés que la chope lambda que Wallace affectionnait tant. - Parce que c'est une soirée super classe et que Francis nous a trouvé des entrées ! répliqua son ami en l'attirant davantage vers l'intérieur de la salle. Je sais pas comment il a fait, mais il l'a fait ! Alors on est reconnaissant. Hein, qu'on est reconnaissant, Wallace ? Ledit Francis s'était tourné à l'entente de son nom, et fixait son ami paysan. - Ouaiiiiis... maugréa l'intéressé. Bien sûr qu'il était reconnaissant ! Mais là n'était pas la question ! - On t'a même rhabillé pour l'occas' alors gâche pas tout ! continua le premier, comme s'il n'en avait pas déjà assez dit. Et à ces mots, Wallace fut bien obligé de déclarer forfait. C'est vrai qu'ils l'avaient rhabillé - aujourd'hui, Wallace était même carrément classe, grâce à eux ! Une chemise blanche, une veste de costume noire, une étoffe rouge savamment nouée à son cou (une cravate aurait fait trop coincé et ils n'avaient pas eu le temps de lui trouver autre chose) dans un style avant-gardiste et recherché - c'était du moins l'effet escompté, mais si Wallace avait l'air d'un guignol aux yeux d'autrui, eh bien... qu'il en soit ainsi ! Parce que malgré tous leurs efforts pour le faire rentrer dans le moule, il y avait quelque chose chez Wallace qui continuait à le faire se démarquer des autres. Était-ce son dos solide et ses larges épaules de campagnard ? Son teint tanné par le travail au soleil, contrastant nettement avec le teint blafard des gens de la nuit ? Sa démarche assurée, telle celle d'un Bourrinos s'imposant sur ses terres - et ce, malgré son malaise évident ?
Difficile à dire. Mais oui; même ici, l'enfant du pays restait lui-même. Bien vite (après quelques verres, en fait), son air gêné se mua en son éternel sourire chaleureux. Il se détendait, il commençait à se sentir un peu mieux. Il commençait même à oublier que ses amis lui avaient dit d'éviter de parler aux fêtards présents - c'était une soirée huppée, après tout, et nombre de ces jeunes gens se révélaient particulièrement connus. Mais pas de lui, évidemment.
work until you no longer have to introduce yourself
» Fais péter le champagne, Bridget ! C’est ma tournée. Vai’ata fit un clin d’œil à la dénommée qui lui envoya un immense sourire avant de s’exécuter derrière son comptoir. Elle en rajouta une couche et autour d’elle, tout le monde s’excita de plus belle. Vai’ata savait faire la fête, tout comme elle savait animer les soirées. Elle aimait particulièrement être au centre de l’attention et susciter l’exaltation ; c’était un peu comme une drogue, à la différence près qu’elle saurait s’en passer. C’était juste si vivifiant, la dopamine explosait et son corps brûlait ; elle se sentait vivre et adorait ça. Elle aimait faire la fête. Elle aimait les basses qui vibraient et, plus que tout, aimait les platines sous ses doigts et la musique dans ses veines. C’était cette place-là, sa préférée ; elle aimait la foule, mais son boulot lui plaisait plus encore. L’insulaire aimait faire son show, aussi ; elle aimait, enfin, se laisser aller à la musique, à la passion qui l’enflammait, à son monde qu’elle faisait résonner dans les salles des boîtes de nuit, dans les casques, dans les âmes. Elle aimait qu’on se sente vibrer au rythme de ses sons. Danser, elle savait très bien faire ; et après une gorgée du précieux liquide, elle pose sa coupe et invectiva à aller sur la piste où elle se rendit promptement elle-même ; elle était là pour ça après tout. Danser. Se vider la tête. Mais surtout danser. En se vidant la tête. La boîte était du genre branchée, de celles où les riches se pointent pour noyer leur insipide vie de riche ; avec une sécurité impressionnante et des moyens qui l’étaient tout autant concernant les lieux ou les services. Le DJ de la soirée était un ami de Vai’ata qui l’avait invitée et elle avait reconnu déjà plusieurs visages. Si elle avait profité, dans un premier temps, de discuter un peu -les connaissances étaient importantes dans ce milieu- elle avait fini par se lasser. Maintenant, elle contentait tout le monde d’éthanol et danser à s’en écrouler de fatigue. C’est en retournant vers le bar qu’elle croisa pour la première fois une tête qui ne semblait pas à l’aise ici ; mais elle n’y prêta guère attention. Elle n’était pas là pour ça. La soirée était excellente, les sons d’Albian étaient enivrants et méritaient très largement le déplacement. Elle fit un signe positif au dénommé qui lui rendit un signe enjoué ; puis elle s’éclipsa, de retour vers Bridget, la barmaid qui s’exclama, à peine l’insulaire arrivée.
» On remet ça ?
Vai’ata était de bonne humeur.
» On remet ça ! CHAAAMPAGNE !
Et tout le monde autour d’elle fut servi, même ceux qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam et—tiens. Il faisait tâche, lui -elle l’avait pas déjà vu quelque part ? (Si, ici, une heure avant) Elle lui fit un signe en buvant son verre, signifiant qu’elle buvait à sa santé et- et là. Elle rencontra le regard vide d’un magicarpe. Elle connaissait ce regard, bien sûr ; c’était celui de quelqu’un qui ne savait absolument pas qui se tenait en face de lui. Or, si elle ne se vexait d’ordinaire pas quand on ne la reconnaissait pas (après tout, on a le droit de vivre dans une grotte…), c’était stupéfiant que quelqu’un venant dans un tel endroit ne sache pas qui elle était. Pour le coup, elle ne se sentit pas blessée ; plutôt perplexe. Elle fixa le jeune homme et sentit plusieurs personnes retenir son souffle -pas tant de l’intensité de son regard à elle, sans doute plus de par sa seule présence. Elle s’accouda un peu plus confortablement, leva un sourcil tandis qu’un léger sourire venait flotter sur ses lèvres. Non, décidément, c’était fascinant.
» Je me trompe ou venir ici n’était absolument pas de votre volonté ?
Il était rare de croiser des énergumènes aussi ouvertement paumées à ce genre de soirées ; on se cachait derrière des faux-semblants, ici. Lui faisait tâche dans le décor, assurément. Elle lui offrit un sourire éclatant avant de tendre la main en guise de salutation. Elle ne savait pas vraiment si son intérêt pour l’inconnu durerait plus de cinq minutes, mais elle lui offrirait sa présence tant qu’il durerait.
» Vai’ata Ehu-kai. A votre tête, vous ne me situez absolument pas, n’est-ce pas ?
Son sourire était moqueur, amusé ; elle allait s’intéressait à ce drôle d’ovni puis se lasser et retourner danser, certainement.
» Champagne ou autre chose ?
Elle lui fit un signe du menton ; c’était sa tournée après tout !
- On remet ça ! CHAAAMPAGNE ! La fête battait son plein - en témoignaient les éclats de rire, les appels enjoués et les tournées générales. Wallace fut à peine étonné d'y être inclus tant l'ambiance globale de la soirée invitait aux plaisirs et aux réjouissances, que ce soit avec un ami de toujours ou avec un parfait inconnu. Et en parlant d'amis de toujours, les siens s'étaient barrés sur la piste de danse, le laissant seul au bar. Quant aux parfaits inconnus, il y en avait justement une qui fit mine de boire à sa santé - une jeune femme au teint hâlé et aux cheveux pâles. Très content de tant de considérations, Wallace lui offrit son sourire le plus chaleureux (quoiqu'un peu gêné de se faire ainsi interpeller par quelqu'un qu'il ne connaissait pas, avouons-le) et leva à son tour son verre vers elle. Ça lui semblait la chose la plus appropriée à faire, et il ne voulait pas se montrer impoli - surtout que le verre de champagne qu'on lui avait servi venait d'elle.
Mais, étonnamment, il se rendit compte à la façon dont elle le regardait qu'il n'avait pas eu la réaction espérée. Ah, peut-être les coutumes étaient-elles différentes ici ? Qu'était-il censé faire, exactement ? Il lui semblait avoir marché tout droit dans un autre pays, et rencontré un peuple aux mœurs étrangères. Décidément, Wallace ne réussissait pas à entrer dans le moule. Mais heureusement pour lui, elle ne sembla pas lui en tenir rigueur - mieux encore ! Elle l'apostropha : - Je me trompe ou venir ici n’était absolument pas de votre volonté ? C'était donc si voyant que ça ? Plus amusé à cette idée qu'embarrassé, notre paysan se fendit d'un large sourire et laissa échapper un léger rire. Il n'allait pas faire semblant d'être quelqu'un d'important. - On m'a traîné ici, avoua-t-il avec un haussement d'épaules. Il fit un signe de tête en direction du dancefloor, essayant vaguement de désigner ses amis. En vain, sans doute - car les deux énergumènes étaient perdus au milieu de la foule de danseurs. Mais j'me plains pas, haha ! Et, benêt heureux, il avala goulûment une gorgée du champagne offert.
Son comportement un peu rustre ne sembla pas rebuter la demoiselle, qui lui tendit la main pour se présenter. Au moins au fait de cette convention sociale-là, Wallace s'empressa de lui serrer la main, de sa poigne solide de fermier au grand cœur. - Vai’ata Ehu-kai. A votre tête, vous ne me situez absolument pas, n’est-ce pas ? Ah, parce qu'il était censé la reconnaître, en fait ? Vaguement, Wallace se souvint des paroles de ses amis qui le prévenaient que nombre des invités étaient très connus dans le milieu. Mais ce n'était qu'un lointain écho de souvenir - et Wallace vivait bien trop dans la réalité de la vraie vie pour accorder une quelconque importance aux faux titres de noblesse dans lesquels se complaisaient les fêtards "élites". Il avait tendance à ne les voir que comme des êtres superficiels et cupides se vautrant dans le luxe et la luxure, et ignorant tout du dur labeur et de la réalité de la vie. Mais il ne s'en rendait pas compte lui-même. S'il nourrissait cette vision au fin fond de son cœur, il n'en avait pas conscience - son âme pure et bienveillante cachait si bien les quelconques coins de noirceur qui pouvaient sévir en lui. Alors, il souriait, sincèrement heureux de rencontrer plus important que lui. - Wallace MacGregor ! répondit-il sur le même ton qu'elle, comme s'ils étaient au même pied d'égalité dans l'échelle sociale. Nul doute que certains l'auraient lapidé pour un tel affront.
- Champagne ou autre chose ? Mais au lieu de pierres, c'était de l'alcool qu'elle lui offrait ! Les gens d'Artiesta étaient si généreux ! - Oh ben si c'est pas moi qui paie, j'vais pas faire mon difficile ! Et il sourit encore, comme un enfant à qui on aurait offert une sucette. Il fallait dire que c'était la première fois qu'il goûtait du champagne - faux ! Il en avait eu droit au mariage de son cousin. C'était donc la deuxième fois. Pas très glorieux comme bilan, mais tout le monde n'avait pas toujours de quoi s'en offrir.
- Vous êtes importante, hein ? fit-il finalement, presque timidement. Heiiin ? Il n'était même pas capable de se fendre d'un n'est-ce pas. Le sale paysan que voilà ! Mais heureusement pour lui, il avait de son côté toute sa bienveillance et sa bonté; s'il possédait des manières un peu rudes, il n'avait rien d'un beauf pour autant. C'était juste... un brave gars de sa brave petite campagne ! Certains s'en rendaient compte, d'autres s'arrêtaient à leur première impression de fermier illettré et imbécile. Ne restait plus qu'à savoir jusqu'où Vai'ata était capable de voir...
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