be strong and be brave in any circumstances and you will be a hero
Heim fronça les sourcils, l'air aussi à l'aise qu'une nonne dans une discothèque. Il portait pour l'occasion l'uniforme de sa maison - pantalon et chemise bouffants, un sur-veston en cuir, avec de la fourrure, le tout coloré de bleu et de noir à carreaux, blason des Fehimd. Mais ici, à Lumiris, personne ne connaissait cette famille anciennement noble de Frimapic, et cela tiraillait Heimdall entre fierté égratignée et soulagement intense. Il choisit soigneusement d'ignorer cette tourmente interne, et s'avança dans le bâtiment ; il était tombé par hasard sur ce festival avec cette foire antique et les concours de combats. Il avait cru à des combats de pokémon, mais il avait été agréablement surpris de découvrir des combats entre humains, également. Que ce soit de la lutte ou de l'épée. La main sur son sabre, il avait accouru pour se battre dans ce qui était les luttes libres. Il aurait tout loisir de faire étalage de la fierté soldatesque des Fehimd. Il ne se laisserait pas vaincre par la plèbe présente.
Il n'était pas là depuis très longtemps, deux jours tout au plus. Lumiris avait encore bien des mystères à lui révéler, mais au moins avait-il prit contact avec ses collègues de l'institut de recherches sur les fossiles. On lui avait aimablement présenté le laboratoire, et le lieu où il allait vivre. Un espace réduit, qui n'avait rien à voir avec le manoir Fehimd, mais c'était à lui. Il avait jalousement déposé ses affaires là-bas, comme un miaouss s'occupant de sa fortune.
« il va être temps, royal. » Le murmure vola jusqu'aux oreilles du Lokhlass derrière lui, qui fendait la foule de son gigantesque corps. Royal était un beau spécimen de plus de deux mètres, et les passants grommelaient sur son passage, pestant contre le crétin qui amenait un pokémon aussi gros à un festival dans un bâtiment. Heimdall feignît de ne rien entendre, s'avançant avec arrogance jusqu'à l'endroit du concours. On avait placé des barrières, délimitant un terrain ensablé où quelques personnes s'étiraient en vue du tournoi. Heimdall délaissa Royal pour sauter au-dessus d'une barrière, agilement, crânement. Il rejoignit rapidement les autres participants, remarquant que beaucoup étaient mains nues. Pas tous. Il attendit le son de cloche pour se mettre à bouger ; la foule criait, encourageait certains participants ; il jeta un regard vers Royal : le lokhlass l'observait avec toute la tendresse d'une météorite fonçant droit vers la terre. Il frissonna - il ne voulait pas décevoir son mentor, et se dirigea vers le premier participant, une jeune femme. Il avait rapidement appris que, dans les vrais combats, il n'y avait pas de distinction de genre. Elle semblait absolument innofensive, à ses yeux, malgré la vivacité de sa jeunesse et la souplesse de son corps. Elle aurait pu être jolie, si elle avait été moins ... ou plus ... bah, il ne savait pas trop, il n'avait pas l'habitude de jauger les autres sur leur physique. « navré d'être votre adversaire mademois-. » Il avait cherché à sortir son sabre, sûr de lui, déjà convaincu de sa prestation, de sa performance parfaite.
C'était sans compter sur le coupde poing fulgurant qui venait de lui percuter la machoire, l'envoyant au tapis dans un bruit de défaite assourdissant - et d'os, de chair et d'égo meurtris, aussi.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
Charlie avait besoin d’un peu plus d’action dans sa vie.
Avec son emploi du temps surchargé, elle n’avait plus réellement le temps d’aller se balader dans Lumiris, découvrir la région, partir en quête de nouveaux pokémons. Son côté casse-cou en prenait un coup. Ses journées, qui, somme toute, étaient presque semblables en tout point, l’ennuyaient réellement. Ce que la jeune femme aimait, c’était pouvoir découvrir de nouvelles choses, de nouvelles personnes. Mais voilà qu’elle était obligée de rester cloîtrée dans sa boutique. Ah, elle l’adorait son magasin, elle le chérissait même. Pourtant, à ses yeux, il n’y avait rien de mieux que la vie en extérieur, ainsi que la découverte.
Un jour de pluie, alors qu’elle trainait sur son téléphone – et plus précisément sur le Réseau Dusk – attendant patiemment des clients qui ne viendraient sûrement jamais – parce que les gens détestaient sortir les jours de mauvais temps –, elle tomba sur une annonce, qui refit clairement sa journée. Ce fut comme si les nuages qui noircissaient le ciel avaient été chassé d’un seul coup de balai puissant, et avaient été remplacé par un soleil radieux. Dans ses mains, sur son portable, étaient écrit les mots suivants : « Festival d’Artiesta : foire antique et combats. » Et puis, en dessous, en plus petit, était stipulé qu’il y aurait des combats entre pokémons, mais également entre être humain. Son sang ne fit qu’un tour et elle s’empressa de s’inscrire. Enfin elle allait avoir l’occasion de mettre en pratique ses cours d’arts martiaux.
Durant les deux longues semaines qui avaient précédées ce moment qu’elle avait tant attendu, la jeune femme s’était longuement entraînée avec son Kungfouine. Cosmos était tout aussi passionné qu’elle dans les sports de combat, et il avait pris un malin plaisir à l’aider à s’endurcir. Ah ça, Charlie en a pris des coups durant ces quatorze jours. Mais c’était pour la bonne cause, c’était ce qu’elle n’arrêtait pas de se répéter. Et puis, après tout, c’était une véritable dur à cuir, ça n’allait pas être quelques coups de la sorte qui allaient la mettre au tapis si facilement – il en fallait bien plus, beaucoup plus, c’était un fait –. Quant à Héllébore, lui s’était occupé de lui panser ses quelques bobos, et de s’occuper d’elle. Il n’aimait pas trop qu’elle se mette dans cet état juste pour un pauvre tournoi, mais, il aurait beau eu exprimer son mécontentement à la jeune femme, rien n’aurait pu l’arrêter. Elle voulait y aller, elle voulait se battre, elle voulait en découdre et rien ne l’en empêcherait. Elle était plus motivée que jamais.
L’évènement tant attendu arriva enfin. Charlie n’en avait pas dormi de la nuit, bien trop excitée et impatiente quant à l’idée de fouler l’arène de combat. Elle était même partie en avance – un peu trop même – de chez elle, alors que la rousse n’habitait pas très loin. Mais, à quoi bon attendre alors qu’elle était déjà prête depuis la veille ? Le sourire aux lèvres, confiante, elle s’engagea dans la rue, en quête du prochain bus, ses deux pokémons à ses côtés. Le voyage fut assez rapide, et ils arrivèrent quelques temps après qu’ils furent montés. Les yeux de la jeune femme se mirent à pétiller lorsqu’elle vit le monde qu’il y avait, les différents stands et surtout le terrain sur lequel elle allait combattre. Sans attendre, elle passa à l’accueil, qui lui indiqua qu’elle pouvait aller commencer à s’échauffer, que le combat à la Hunger Games – non, il ne fallait pas qu’ils s’entretuent, mais disons qu’ils étaient tous lâchés sur ce terrain, et qu’il n’en resterait qu’un – allait bientôt commencer.
Elle laissa donc ses affaires à ses pokémons à l’extérieur de l’arène, attacha ses cheveux afin que ceux-ci ne la gêne pas, et elle commença à échauffer ses muscles. Il allait falloir qu’elle fasse attention, car les armes du type épée par exemple étaient autorisées. Elle allait se battre à main nue – ne sachant pas manier l’épée ni quoi que ce soit d’autre – et elle devrait donc être vigilante. Comme elle s’y attendait, les hommes étaient majoritaires et il n’y avait que très peu de femmes. Une occasion donc pour elle de se faire remarquer. Cosmos lui faisait des signes depuis l’extérieur, lui indiquant les mouvements d’échauffement qui lui restait à faire. Et puis, une voix résonna. Le combat allait commencer.
Le public était tout aussi déchainé que les participants. Lorsque la petite cloche sonna, ses adversaires se ruèrent les uns sur les autres. Quant à Charlie, elle adopta une position de défense, et se mit alors à scruter son futur adversaire qui était en train de se diriger vers elle. Il commença à parler. Mais Charlie ne l’écouta pas réellement. Elle analysa surtout la situation. Il était armé. Il s’apprêtait à dégainer son arme. S’il le faisait, la rousse aurait donc du mal à attaquer. Elle devait frapper la première si elle voulait avoir une chance de prendre l’avantage. Et puis, là n’était pas l’heure des grands discours. Un sourire s’esquissa sur son visage tandis qu’elle serra son poing, et l’envoya dans la mâchoire de l’individu face à elle. Ce dernier tomba à la renverse, allant percuter le sol. La jeune femme eut un moment d’incompréhension. Oulaaaa, j’y suis allée un peu trop fort peut-être…
« Excuse-moi, je ne t’ai pas fait trop mal j’espère ? » Lança-t-elle.
Oui, la rousse était comme ça. Elle envoyait au tapis ses adversaires et leur demandait après s’ils allaient bien. Plutôt naïf comme réaction. Elle n’eut pas le temps de rajouter autre chose que des pas lourds retentirent derrière elle. Du coin de l’œil, un homme se dirigeait vers elle, voulant visiblement profiter de ce moment d’inattention – qui n’en était pas un, Charlie était totalement consciente que tous les coups étaient permis et qu’elle devait faire attention –. Le guettant, ce ne fut qu’au dernier moment qu’elle esquiva le poing de l’individu en se baissant, puis elle en profita pour mettre un bon coup de coude dans les omoplates de celui-ci, suivit d’un coup de pieds d’en le genou afin de le faire tomber à la renverse – ce qui fonctionna –. Ses sens en alerte, elle se retourna tout de même à nouveau vers l’homme à l’épée.
« Je disais donc, ça va aller ? »
Elle avait tout de même laissé une certaine distance entre eux, histoire de pouvoir réagir si celui-ci venait à se relever d’un coup d’un seul. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de continuer à sourire.
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Heimdall avait apprit depuis tout petit à manier épées et sabres. Globalement, il avait eu une éducation assez militaire malgré la noblesse de son sang. Il avait adoré tirer à l'arc, à dos de ponyta, et apprendre à manier les armes diverses que son maître maniait. Il avait donc grandi avec l'assurance quasi intrinsèque qu'il était un homme fort, puissant et surtout invaincu. Le peu d'adversaires qu'il avait eu, jusqu'ici, s'était soldé par une victoire écrasante du noble fanfaron. Aussi, alors que la demoiselle rousse souriait devant lui, prenant une pose martiale, il n'avait eu aucun doute quant à sa victoire. Il n'allait, bien entendu, pas la frapper du côté coupant de sa lame. Un bon coup du plat, au niveau des genoux, suffirait à la faire tomber. Suffirait à le faire gagner. Mais il avait sous-estimé la vitesse de son adversaire - il avait vu le coup arriver, en une demi-seconde, puis l'explosion de douleur, le dos qui heurte le sol, la vue qui se trouble. L'humiliation qui enserre la gorge.
Il toussa, grimaça, une saveur de sang s'épanouissant dans sa bouche, et cracha par réflexe, laissant une trace sanguinolente sur le sable. Il aurait dû faire attention, Heimdall, et mettre sa fierté de côté. Malgré lui, il secoua la tête pour rafermir sa vue trouble, observant la jeune femme près de lui. Elle l'avait mise à bas, et s'inquiétait ? Heimdall haussa les sourcils, puis cessa tout mouvement du visage quand sa machoire, étirée dans le geste de ses traits, lui fit mal. Elle ne l'avait pas manqué, en tout cas, c'était le moins qu'on pouvait dire ! Et sa surprise s'accrût quand il la vit mettre au tapis l'énorme montagne de muscles qui avait tenté de la prendre par surprise. Elle lui posa de nouveau une question, qu'il entendit et comprit, cette fois - et à présent qu'il y faisait plus attention, il nota la souplesse et la garde bien tenue, les mouvements souples, l'adresse, la posture martiale - il avait cru à un mimétisme guerrier, pas à une réalité. Bien fait pour toi, songea t-il, en évitant de regarder vers la foule. Heim savait que deux yeux sombres l'observaient avec un dédain certain. Et qu'il allait sûrement être moqué par son cher mentor glacé, une fois le combat terminé. Même s'il l'était déjà pour lui, à dire vrai.
« oui, ça va » réussit-il à marmonner, avant de se taire, tâtant du bout de la langue ses dents. Aucune ne semblait déchaussée ou fêlée, ce qui était déjà bien. Il allait avoir mal à la machoire un bout de temps, voire avoir un bleu, mais c'était toujours mieux qu'un nez cassé. Déjà, la cloche retentissait pour dire à certains de s'en aller, vaincus et humiliés ; on fit signe à Heimdall, qui se releva enfin sur ses pieds, encore engourdi et troublé. Il aurait dû haïr la jeune femme pour sa victoire facile, mais il se contenta de lui lancer un long regard. Puis il la laissa face au dernier adversaire encore debout, non pas une masse de muscles, mais un quarantenaire agile, qui était plus proche du jeu martial de l'inconnue que de la force pure. Heimdall était curieux de savoir ce qui allait se passer, l'aiguillon de l'intérêt porté au point le plus chaud. Il se glissa près de son lokhlass, massant sa machoire qui chauffait douloureusement ; il ignora le ricannement du pokémon marin, qui lui donna un coup de nageoire d'un air moqueur, avant de revenir au combat. Sans nul doute que son mentor songeait à l'humiliation pour la famille. Heimdall était énervé, nerveux, fébrile, et sa jolie fierté était en morceaux, comme son égo. Il avait été si certain de gagner ! Et la rouquine l'avait mit à terre en un battement de coeur. Où avait-elle apprit à se battre comme une tigresse ?
S'il respectait quelque chose, c'était bien les personnes qui réussissaient à le battre. Ou les gens qui se montraient sous un jour différent de celui qu'il pensait. Les gens surprenant n'étaient pas pléthore. Qu'elle gagne ou qu'elle perdre, il était bien décidé à aller lui parler, après le combat. Pour lui dire quoi ? Oh, ça c'était un autre problème - il n'avait jamais été le meilleur pour discuter, surtout avec les humains du sexe opposé. Le cliché voulait qu'elles ne sachent parler que de vêtements et de maquillage, mais le cliché voulait aussi qu'elles se battent avec les ongles, voire ne sachent pas se battre. Il allait sûrement trouver quelque chose à dire, de plus intéressant que le beau temps, ou de moin humiliant que la récente combinaison de ses fesses et du sol, ou de sa bouche et du poing de l'inconnue. Et s'il se montrait aussi indélicat et étrange que d'habitude, il pouvait toujours fuir. La fuite, c'était parfois un bon plan, quand on se montrait aussi mal léché qu'un polagriffe sortant de son hibernation.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
Charlie aimait se battre. Elle adorait aller à ses cours d’arts martiaux. Pourtant, ce qu’elle préférait par-dessus tout, c’était s’entraîner avec son propre pokémon. Elle faisait attention à lui, c’était certain, en revanche lui ne se privait pas, et c’était ce qu’elle aimait. Et puis, aussi, cela leur permettait de nouer des liens encore plus forts. Son farfuret n’était pas réellement pour tous ces entraînements intensifs pour la jeune femme à dire vrai. Ce n’était pas forcément facile non plus d’encaisser des coups tels que ceux donnés par un pokémon après tout. En plus, il n’appréciait visiblement pas non plus que ce soit de la part du Kungfouine qu’elle reçoive tous ces coups. Elle en venait même à se demander parfois si Héllébore avait réellement accepté Cosmos. Il avait toujours été très possessif avec la rousse. Que ce soit des êtres humains comme des pokémons, il ne supportait pas l’idée que quelqu’un d’autre que lui s’approche d’elle. Plutôt étrange comme réaction n‘est-ce pas ?
Pourtant, il n’avait pas à s’en faire. Il avait été le premier pokémon de Charlie, elle l’avait sauvé d’une mort certaine, et elle l’aimait plus que tout au monde. Après tout, il l’avait bien aidé lorsque la jeune femme s’était retrouvée en difficulté à Alola. Il l’avait suivi sans mot dire dans tous ses mauvais plans. Il avait été un soutien moral aussi. Loin de là l’idée qu’elle l’aimait plus que le Kungfouine qui était à leurs côtés depuis quelques mois désormais, mais le lien qui unissait le farfuret et sa dresseuse était spécial, fort. Indestructible, inébranlable. Peut-être qu’au fond, Héllé avait peur que quelqu’un vienne rompre l’équilibre qui avait fini par s’instaurer entre eux deux ? – oui, parce que leurs débuts ne furent pas faciles ; il avait fallu un certain temps pour que le farfuret accepte Charlie ; et c’était d’ailleurs la seule qu’il avait accepté et ce, encore à ce jour –. Peut-être avait-il peur qu’elle l’abandonne, ou que son affection ne soit plus la même si d’autres êtres se mettaient en travers de leur chemin ?
Enfin, là n’était pas réellement le moment de penser à ce genre de choses. Le combat continuait tout autour, et il ne fallait pas qu’elle baisse sa garde – alors oui, elle était consciente que jamais au grand jamais elle ne devait être inattentive à ce qui se déroulait autour d’elle, histoire de pouvoir réagir en cas de besoin, mais ses pensées divagantes l’empêchaient de se concentrer réellement –. Elle secoua doucement la tête, de sorte à revenir sur la Terre ferme. La jeune femme porta la main à sa bouche en voyant la trace de sang dans le sable. Oui, effectivement, elle y avait été vraiment trop fort, et elle s’en voulait un peu. Mais, en même temps, si elle n’avait pas agi de la sorte, quelle aurait été l’issue du combat pour elle ? Si elle ne l’avait pas pris par surprise, il aurait eu le temps de dégainer son épée, et les choses auraient été beaucoup plus compliqué. Elle aurait perdu sûrement. Pourtant, elle continuait de s’en vouloir. Après tout, ce n’était qu’un tournoi, elle n’avait pas été réellement en situation de danger. Elle aurait pu se contenir – à croire que l’idée de se battre avait vraiment trop décuplé ses forces –.
La rousse fut rassurée lorsque l’individu lui marmonna qu’il allait bien, et, pour répondre, elle lui adressa un large sourire. Bien qu’elle sût, au fond, que ce ne devait pas être sans douleur. La cloche retentit à plusieurs reprises, indiquant aux individus ayant été vaincus de quitter le terrain – histoire de ne pas en prendre plus dans la figure –. La jeune femme, suite à ça, mit à terre une femme. Au final, il ne resta plus qu’un quarantenaire et elle sur le terrain. C’était donc la finale. Essoufflée, Charlie inspira et expira lentement, tentant tant bien que mal de calmer son cœur qui faisait des bonds dans sa poitrine. Le moment qu’elle attendait était enfin arrivé. Un sourire satisfait s’afficha sur son faciès tandis qu’elle s’étira, tout en craquant ses doigts. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas eu à bouger aussi rapidement, elle aurait sûrement quelques courbatures le lendemain.
Plus déterminée que jamais à vaincre cet homme, elle s’avança vers lui avec précaution. Il semblait lui aussi maîtriser les arts martiaux. Cela allait donc être un combat intéressant. Elle jeta un coup d’œil à ses deux pokémons. Cosmos faisait tout un tas de gestes, essayant visiblement de lui indiquer la stratégie à suivre. Un petit sourire lui échappa. Il était adorable. Héllé, lui, gardait toujours cet air neutre sur son faciès. Il n’est pas croyable. Finalement, l’homme s’approcha à son tour. Les deux se jaugèrent quelques secondes, avant de foncer l’un vers l’autre. Les deux enchaînèrent tout un tas de techniques – il était même difficile de suivre correctement leurs mouvements –. Ils semblaient tout deux vouloir la victoire, coûte que coûte, et aucun ne lâchait l’affaire.
Cela dura plusieurs minutes – probablement presque une dizaine –. Le public était captivé, et plus personne ne disait rien. Tout le monde était focalisé, se demandant qui allait l’emporter. Et puis finalement, les deux tombèrent au sol, au même temps, épuisés. Le tournoi s’acheva donc par un exæquo. Les deux finalistes s’aidèrent mutuellement à se relever, se serrèrent la main, et firent un signe de salutation propre aux arts martiaux, avant de se séparer. Charlie se dirigea vers ses pokémons. Le Kungfouine lui sauta dessus, visiblement content de l’issu du combat. Héllébore, quant à lui, se contenta de lui tendre son gilet, ainsi qu’une bouteille d’eau et un paquet de gâteaux – qu’elle s’empressa de dévorer, son ventre criant famine –. Et puis son regard se porta sur son premier adversaire qui se trouvait non loin. D’un signe de la main, elle indiqua à ses deux compères de la suivre, tandis qu’elle se dirigeait vers celui-ci. Une fois à son niveau, elle s’arrêta, et pencha légèrement la tête sur le côté.
« Hey, encore désolé pour le coup de tout à l’heure, je me suis légèrement emportée je crois… » Commença-t-elle par dire tout en arrangeant ses cheveux. « Je m’excuse aussi de pas t’avoir laissé le temps de finir ta phrase. Mais tu vois, comme tu étais armé, je voulais avoir toutes chances de pouvoir continuer ! En revanche, je ne doute pas une seule seconde que si tu avais dégainé ton épée, c’est moi qui aurais finis au tapis ! » Lança-t-elle, une légère pointe de gêne dans la voix avant d’échapper un petit rire. « Anyway, moi c’est Charlie ! Et toi ? » Demanda-t-elle avec un large sourire amical.
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Pourquoi souriait-elle ainsi ? Avait-elle un problème aux muscles faciaux ? Heimdall grommelait dans son coin, tout bas, et pas trop, à cause de la douleur. Et même alors qu'elle faisait face à son dernier adversaire, face à ce qui serait un échec ou une victoire, elle continuait d'avoir l'air sûre d'elle. Heimdall observait les deux concurrents avec acuité, pour mieux oublier un instant la cuisante défaite qu'il venait de subir, en deux temps trois mouvements. La foule proche de lui continuait d'encourager, tantôt la jeune femme rousse, tantôt le quarantenaire. Royal continuait de se moquer, silencieusement, de cette façon désagréable et hautaine qui était la sienne. Heimdall devinait sans peine les pensées qui traversaient l'esprit du pokémon marin, et il préférait mille fois se concentrer sur le combat pour ne pas y songer. Que diraient ses grands-parents, patriarches et tyrans des Fehimd, s'ils apprenaient qu'il s'était fait battre par une fille ? S'il n'y avait pas de discrimination dans les combats, il y en avait dans la victoire, apparemment. Il rougit en imaginant le regard acéré des deux vieux, puis arrêta de penser, fasciné par le talent que démontraient les deux guerriers. Ils maîtrisaient de toute évidence les arts martiaux, et leur rapidité était telle, leur agilité pareillement, qu'il pouvait difficilement suivre chaque mouvement, ne comprenait pas les enchaînements qui pourtant étaient fluides, presque délicats.
Le ressort final ne fût pas au goût de Heimdall : ni une victoire, ni un échec, un entre les deux qui avait un goût amer. La jeune femme et l'homme s'étaient effondrés, ayant apparemment épuisé leur corps et leurs facultés. La foule les ovationna, apparemment plus contente du spectacle que le jeune homme. Il continuait de se masser la machoire, une mèche de cheveu sur le front, sa queue de guerrier ayant bougé durant le combat. Et, un peu malgré lui, il suivit du regard la demoiselle, qui fût réceptionnée par ce qui devait être ses pokémons. Il rougit à nouveau, prit sur le fait quand elle regarda dans sa direction, et il crût au départ qu'elle venait s'expliquer avec lui de cet intérêt insistant, tandis qu'elle s'approchait de ce pas sûr qu'il aurait dû remarquer en combat. Dans un mouvement de curiosité, elle pencha la tête sur le coté, et il détourna les yeux, farouchement opposé à lui dire qu'il s'intéressait à elle et à son art martial. Royal, lui, pencha la tête au-dessus d'eux, son cou long comme une arche, et posa ses yeux sombres sur la demoiselle et ses pokémons, englobant le potentiel de ces trois-là alors qu'il poussait un petit trille musical, comme pour leur dire bonjour. Hypocrite, grogna mentalement Heimdall.
« oh, heu » répondit-il, avec autant d'intelligence qu'un psykokwak sous migraine, incapable d'aligner deux mots, avant de se reprendre ; le compliment qu'elle lui fit ne donna pas l'effet escompté, et les doigts délicatement posés sur le manche, il ne pu que répliquer, bêtement, « c'est un sabre. » Royal lui donna un coup d'épaule assez peu discret, pour l'encourager à dire autre chose que des ânneries, et il inspira, avant d'incliner le buste, rigide et presque à contrecoeur, les joues roses et le regard fuyant. « félicitations. je suppose que ce doit être d'avoir fini sur un ex aequo. » Il se redressa, toujours l'air aussi nerveux et coincé ; pour le moment, il faisait attention à ce qu'il disait, pour ne pas être aussi rustre que d'habitude. Mais chassez le naturel, il revient au galop tel un ponyta. « heimdall. » Il se secoua les puces. « enchanté » continua t-il, d'un ton mal à l'aise, voire maladroit. « vous êtes rapide. plus que ce qu'on pourrait croire. vous vous battez comme une félinferno. j'aurai jamais cru ça d'une fem- demoiselle » se reprit-il ; il était à peu près certain que le terme de femelle ne lui aurait pas plu, tout comme le terme plèbe est rarement un compliment. Il inspira encore, et massa du bout des doigts sa machoire ; une rougeur caractéristique avait éclose sur sa peau, signe d'un beau bleu à venir. « en tout cas, je risque de me souvenir de ce combat un moment. » Sarcasme qui s'épanouit dans l'air, alors que son faciès affiche un air désabusé. Non, il ne savait vraiment pas comment discuter normalement.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
C Charlie était sociable, peut-être même un peu trop. Elle n’avait pas peur d’aller vers les autres, d’aller parler avec eux, que ce soit seulement pour quelques secondes ou plusieurs heures. En fait, elle adorait vraiment le contact humain – et, en soit, c’était un peu ce qui la faisait vivre, ce qui la faisait encore tenir chaque jour ; sans les autres, elle n’était rien –. Si elle s’était portée volontaire afin d’être bénévole dans ce centre de SDF, ce n’était pas pour rien. C’était pour perpétuer cette tradition qu’elle avait de venir en aide à toutes les personnes qu’elle croisait, mais, en toute légalité. Ah, douloureux souvenirs d’Alola. Elle y avait fait des choses qu’elle regrettait à l’heure d’aujourd’hui, consciente des risques qu’elle avait encourus. Elle aurait pu y passer, un bon nombre de fois. Et puis, durant ce temps sombre, elle n’avait pas Héllébore à ses côtés, aucune aide possible. Heureusement qu’elle avait toujours pratiqué les arts martiaux – c’était un peu aussi pour ça qu’elle se sentait aussi confiante, et qu’elle n’avait pas réellement hésité à plonger tête la première dans la gueule du Grahyèna –. Finalement, la jeune femme avait vraiment de la chance de pouvoir être à Lumiris désormais.
Le problème, c’était que la rousse avait légèrement tendance à pénétrer ainsi qu’à briser la bulle privée des autres. Elle était beaucoup trop bavarde – une véritable pipelette – et cela avait souvent tendance à mettre mal à l’aise les autres. Elle ne s’en rendait pas réellement compte – parce qu’elle était beaucoup trop heureuse de pouvoir faire de nouvelles connaissances –. Elle pouvait réellement être lourde, encombrante et épuisante – elle avait beaucoup trop d’énergie à revendre –. Mais que voulez-vous, la jeune femme pleine de vie voulait faire de son mieux. Elle n’était pas méchante, loin de là, juste un peu trop aveuglée par son rêve d’enfance.
Le regard de Charlie se porte sur l’énorme Lokhlass qui se trouvait aux côtés de l’homme en face d’elle. Il avait penché la tête vers elle et ses pokémons, visiblement intrigués, tout en poussant un petit cri. Tandis que la jeune femme eut un petit rire amusé quant à la réaction du Lokhlass, Héllébore, lui, le fixait avec des yeux plus noirs que les abysses, visiblement prêt à attaquer au moindre mouvement suspect de la part de celui-ci. La rousse posa sa main sur sa tête, et lui fit comprendre d’un seul coup d’œil qu’il n’avait pas intérêt à faire n’importe quoi et que, bien sûr, elle le surveillait – elle savait qu’il fallait qu’elle se méfie des réactions de son farfuret en présence d’autres personnes et pokémons ; c’en était légèrement épuisant parfois–. Cosmos, lui, salua les deux individus en face de lui de la même manière dont s’étaient salués Charlie et son adversaire avant de quitter le terrain.
Elle écouta alors attentivement ce qui lui répondit le fameux Heimdall. Il paraissait visiblement très mal à l’aise – Charlie savait plutôt bien repérer ce genre de choses –. Elle se demanda si ce n’était pas à cause d’elle, si elle avait été trop avenante – peut-être qu’il ne voulait pas lui parler, surtout après le coup qu’elle lui avait donné –. Elle lui aurait bien dit que s’il ne voulait pas que la conversation s’éternise, elle le comprendrait parfaitement aux vues des circonstances. Mais, comme toujours, sa curiosité dans découvrir plus à propos de nouvelles têtes était beaucoup trop présente, et habitait complètement son être – la partie lucide de son esprit aurait beau eu lui hurler de le laisser tranquille et de partir, de rentrer chez elle, elle ne l’aurait pas écouté –. Oui, après tout, elle se sentait aussi un peu obligé de s’assurer qu’il allait bien – qu’il ne lui en voulait pas aussi au fond ; mais en même temps, ils ne se connaissaient pas, alors à quoi bon s’attarder sur ce genre de choses ? C’était juste que Charlie détestait la possibilité que certaines personnes puissent être hostiles à son égard ; comportement égoïste –.
« Ohhhh je vois, désolé je ne suis pas vraiment une experte dans tout ce qui est armes, tout ça ! » Commença-t-elle par dire tout en riant. Et puis, son regard se porta sur le terrain sur lequel le combat faisait rage quelques minutes plus tôt. « Merci ahah ! Peu importe l’issue, je suis contente d’avoir participé à ce tournois et d’avoir pu mettre en pratique tout ce que j’ai appris jusque-là. » Oui, parce qu’après tout, ce n’était pas tous les jours qu’elle pouvait se défouler et user de ses techniques de karaté ou de self-defense. Vraiment, ce festival avait été l’occasion rêvée pour elle – et elle espérait fortement que ce genre d’évènement serait organisé de nouveau, que ce soit à Artiesta comme dans une autre ville – elle n’hésiterait pas à faire des kilomètres pour participer –. Et puis, ses yeux se posèrent de nouveau sur Heimdall. « Enchantée également ! » Dit-elle, toute guillerette. « Merci du compliment ahah ! Disons que c’est le travail de toute une vie presque… » Lâcha-t-elle l’air pensive, une main portée à son menton. Oui, elle avait commencé les arts martiaux très jeune, et n’avait jamais arrêté. Après tout, elle s’était retrouvée seule alors qu’elle n’avait que six, sept ans. Et puis, elle s’était toujours dit que si elle voulait venir en aide à sa mère, elle devait savoir se défendre – malheureusement, sa génitrice n’a jamais accepté aucune aide de sa part ; en revanche sa technique lui avait sauvé sa vie plus d’une fois –.
«Encore une fois, je m’excuse sincèrement… L’excitation du combat m’a fait perdre la notion de force, et je n’ai pas vraiment contrôlé mes mouvements… Enfin, je te propose que ce ne soit que partie remise ? Histoire que tu puisses prendre ta revanche ? » Lança-t-elle avec une lueur de défi dans le regard, ainsi qu’un petit sourire en coin. Elle ne serait pas contre l’idée de se battre à nouveau. Enfin elle porta sa main à bouche, réalisant qu’elle avait soudainement arrêté de le vouvoyer. « Oh heu, pardon, je peux te tutoyer ? » Demanda-t-elle en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille, détournant rapidement le regard. Elle avait trop pris l’habitude de parler de façon familière avec tout le monde alors qu’elle ne les connaissait même pas.
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Malgré lui, les yeux cuivrés s'étaient posés sur le farfuret ; les griffes et le faciès bougon ne disaient rien qui vaille au jeune homme. Même s'il accompagnait Charlie, en tant que pokémon, compagnon, peu importait, car il pouvait se révéler une menace. Et à voir ses réactions devant le salut - hypocrite, certes - du lokhlass, Heimdall était tiraillé entre l'envie d'un bien fait à Royal, et celle de s'en aller tout simplement, pour ne pas être la cible de ce regard furieux et sombre. Le lokhlass ne se laissa pas démonter et reprit une petite trille moqueuse en se redresant, certain de son ascendant et de sa force. Heimdall était un peu moins certain que lui, mais il n'allait pas être celui qui lui avouerait cela. Et puis, Charlie semblait savoir le canalyser, ce farfuret, c'était déjà plus rassurant. Heimdall avait déjà vu des pokémons capables de tout pour protéger leur clan - que ce soit des pokémons des glaces, dans les monts près de Frimapic, ou les pokémons de sa famille. Un de ses oncles avait été sauvé d'un groupe d'oniglali bélligérents par son lokhlass et son givrali. Le devoir, la protection de quelqu'un, Heimdall connaissait.
La conversation prenait un tournant surprenant. Ne serait-ce que parce qu'on souhaitait lui parler. Heimdall était quelqu'un de sec et de sérieux, qui proférait souvent des mots qui ne plaisaient pas, et dont on fuyait le caractère hautain et arrogant. Il se plaisait dans la solitude, ou la compagnie sage de son lokhlass. Il balaya l'excuse d'un revers de main. Il avait surtout réparé l'erreur par réflexe. Il prenait grand soin de son sabre, Heimdall, conscient qu'il s'agissait d'une arme délicate - dont il avait d'ailleurs la légalité de port, il préférait rester dans la légalité. Ce fût à son tour de pencher la tête de côté, repoussant ses cheveux en arrière en les attachant de nouveau en cette queue de guerrier retenant ses mèches. Tout ce qu'elle avait apprit jusqu'ici ? Il était curieux de savoir comment, et de quel maître elle avait apprit ; le kungfouine qui l'accompagnait avait dû être un bon adversaire, mais ce n'était sûrement pas de lui qu'elle avait apprit ses mouvements guerriers. Il cligna de ses grands yeux cuivrés, un peu distant à cause de cette joie de vivre qui le brûlait comme un feu de joie. Charlie était comme un électron libre, remuante et exhubérante. Il retenait poliment ses questions, partant du fait qu'interroger une inconnue l'aurait fait passer pour plus malpoli qu'il ne se montrait déjà.
Il sentit cependant qu'il devait dire quelque chose, et lança les premières pensées qui lui vinrent. « votre vie a dû être bien remplie, alors. » Il n'avait aucune idée d'où il mettait les pieds, et sans grande délicatesse, comme à son habitude. Elle s'excusa encore une fois pour son coup de poing ; il grommela en haussant les épaules, comme s'il pouvait par ce geste balayer la douleur et l'humiliation. Une partie remise ? Il ne savait pas quoi en penser. Si elle ne savait pas se servir d'une arme, d'un sabre, il n'y avait aucun intérêt à se battre contre elle. Et, étant donné qu'il avait vu de quoi il était capable, une partie de lui doutait de savoir la maîtriser avec facilité, comme il avait crû au premier regard. Il haussa un sourcil devant son air soudain horrifié, puis s'autorisa le premier vrai sourire depuis qu'il avait rencontré Charlie, un sourire amusé, non pas un rictus poli. « je pense que ça ira, je ne suis pas si vieux que ça » ; la question de l'âge était bien la dernière à lui venir à l'esprit. Ils devaient avoir quelques années de différence, tout au plus. Ses pupilles de cuivre se posèrent à nouveau sur le farfuret, et malgré l'air menaçant, son intérêt pour le pokémon glace s'éveilla. « j'aime beaucoup les pokémon glace ; votre farfuret est avec vous depuis longtemps ? » demanda t-il, en se disant que poser une question ou deux ne pouvaient pas mettre à bas toute son éducation.
Il remarqua à peine Royal qui se glissait sur le côté pour s'approcher du farfuret, l'air soudain suspicieux. C'est que voir son dresseur s'acoquiner avec une demoiselle n'était pas dans ses plans. Cela allait le distraire, quand bien même cela n'était histoire que de quelques heures, ici ou là ; Heimdall n'avait pas été envoyé de par le monde pour rencontrer des gens de la plèbe come cette fille, là, Charlie. Le Lokhlass s'approcha donc du farfuret avec une idée en tête, idée que le pokémon marin pensait partagée - de toute évidence, le farfuret n'aimait pas qu'on s'approche de sa dresseuse. Bien. Ils allaient donc faire en sorte que ces deux là ne se revoient pas, voir trouver un plan pour les séparer plus tôt que prévu. Un arrangement que tous trouveraient à leur avantage, ou du moins, Royal et le farfuret. Et ce qui comptait le plus, pour Royal, c'était ce que pensait et voulait Royal. Point Barre.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
La jeune femme avait clairement la fâcheuse manie de vouloir être amie avec tout le monde et inversement. Elle venait à tutoyer presque automatiquement toutes les personnes qu’elle rencontrait – cependant, cela était souvent malpoli, et surtout mal perçu –. Pourtant, elle s’en moquait un peu finalement. En effet, tout ce qu’elle espérait, c’était que l’ambiance entre elle et les autres soit détendu, que la conversation se passe dans la joie et la bonne humeur – malheureusement, ça ne se passait pas toujours ainsi, pour son plus grand malheur –.
Le fait que son farfuret fut aussi tendu à côté d’elle la dérangeait drôlement. Elle détestait quand il adoptait cette attitude – pour dire, c’était presque tout le temps ainsi –. Après tout, elle était quand même assez grande pour faire ce qu’elle voulait, et ce n’était pas lui qui allait l’en empêcher ? Elle l’aimait, du plus profond de son cœur. Mais parfois son comportement l’exaspérait vraiment. Le Kungfouine faisait des gestes à Héllébore, histoire d’essayer de le détendre un peu, de le faire redescendre sur terre. Ses tentatives furent vaines. Car le farfuret ne quittait pas du regard le géant Lokhlass qui se trouvait face à lui – il paraissait ridiculement petit à côté de l’énorme masse qui se dressait devant lui –. La rousse avait envie de lui dire d’arrêter son cinéma, que cela ne servait à rien, qu’il n’avait pas à s’en faire. Et pourtant, elle ne réussit pas. Heimdall prit la parole, ce qui la sortie de sa rêverie.
Oh pour sûr, elle avait eu, en effet, une vie mouvementée – si seulement les gens savaient –. Personne ne pourrait en attester, car Charlie ne parlait jamais de son passé, à quiconque. Si elle était à Lumiris aujourd’hui, c’était pour démarrer une nouvelle vie, essayer d’oublier tous les souvenirs d’Alola, cette partie de son existence qui devait absolument restée enterrée là-bas – si jamais la vérité venait à s’échouer dans cette région, elle serait finie, et toutes ses connaissances d’ici ne voudraient très certainement plus jamais la voir –. Alors, et pour que le secret reste sous clé, elle s’était promis de ne jamais parler d’elle ou du moins de rester évasive. Elle préférait poser les questions aux autres, les faire parler, plutôt qu’avoir à mettre sur la table son passé cadenassé.
« Je pense que la vie de chacun est remplie d’une façon ou d’une autre ! » Avait-elle dit avec un air pensif.
Elle se mit à rire lorsqu’il lui dit qu’il n’était pas si vieux que ça. Suite à ça, elle le détailla rapidement de la tête aux pieds. En effet, il devait être légèrement plus âgé qu’elle, mais seulement de quelques années. Et puis, Charlie s’en moquait bien de la différence d’âge, ce n’était qu’une affaire de chiffres après tout. Pour elle, il pouvait y avoir des amitiés peu importait les âges. « Ohhhh ce n’était pas ce que j’insinuais ! Je n’insinuais rien d’ailleurs… Mais bref, je crois qu’il faut que je m’arrête là avant de dire n’importe quoi…» Lança-t-elle tout en passant sa main dans ses cheveux, signe de son léger mal être. Autant elle pouvait être à l’aise avec les autres, autant quand elle sentait qu’elle commençait à dire des choses qui ne voulaient plus rien dire ou qui n’avaient pas leur place elle était mal à l’aise.
Enfin, quand il commença à dire qu’il aimait les pokémons glace, les yeux de Charlie s’écarquillèrent – on aurait dit un véritable Magikarp – puis ils se mirent à pétiller. Décidemment, c’était le destin qui les avait fait se rencontrer non ? La jeune femme sautilla quelques secondes, avant de se rendre compte de ce qu’elle était en train de faire. Ses joues prirent une teinte rosée et elle détourna aussitôt le regard. La honte, la honte, la honte. Je suis vraiment trop stupide, c’est pas possible… Elle se racla la gorge, avant de reprendre. « Moi aussi j’aime beaucoup les pokémons glace ! » Commença-t-elle par dire, avant de se tourner vers son farfuret. « En ce qui concerne Héllébore, je l’ai sauvé il y a quelques années de ça. Une vraie tête de mule, personne ne voulait s’en occuper et il ne laissait surtout personne s’approcher. Mais bon, j’ai réussi à dompter la bête ahah ! » Dit-elle avec un petit rire. « Et toi, ça fait longtemps que tu as ton Lokhlass ? En tout cas il est adorable ! »
La jeune femme adorait les pokémons, tous sans exception. Ils étaient tous différents et avaient quelque chose à apporter. C’était aussi pour ça qu’elle était bénévole dans une association de sauvetage – et ce fut aussi grâce à ça qu’elle put rencontrer son premier compère –. Cependant, la surprise put se lire sur son visage lorsque le Lokhlass se rapprocha subtilement – ou du moins, c’était visiblement ce qu’il essayait de faire – du farfuret. Fronçant les sourcils, Charlie fut d’abord étonnée qu’Héllébore ne dise rien au pokémon qui s’approchait de lui. En temps normal, il lui aurait sauté à la gorge et aurait fait tout son possible pour le faire partir. Au lieu de ça, un sourire démoniaque s’afficha sur son faciès. « Qu’est-ce que… » Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que les deux pokémons revinrent vers leurs dresseurs, se plaçant littéralement entre eux. « Héllébore, qu’est-ce que tu mijotes ? … » Il attrapa sa main d’un geste rapide et commença à vouloir la traîner dans une direction quelconque. Le Lokhlass semblait aussi pousser son dresseur ; et dans la direction opposée. Cosmos, qui était au milieu de tout ça, faisait de grands gestes et poussait des cris aigus, manifestement contre ce qu’était en train de faire les deux autres pokémons.
« Arrête Héllé, lâche-moi ! Tu me fais mal en plus ! » Lui lança-t-elle d’un ton sec, presque énervé. En effet, les griffes du farfuret étaient plantées dans la main de la jeune femme, et celui-ci ne semblait pas résigné à la lâcher. Elle tourna alors la tête vers Heimdall, désemparée. « Je suis désolée, je ne comprends pas ce qu’il se passe ! Héllé bon sang arrête ! » Tempêta-t-elle.
Héllébore était un pokémon avec du caractère, mais celle-là, il ne lui avait jamais faite.
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De toute évidence, Charlie avait eu une vie assez remplie, et ne souhaitait pas en discuter. Heimdall comprenait et n'insista donc pas, malgré la curiosité aigüe ; qu'est-ce qui avait bien pu arriver à cette jeune femme pour qu'elle sache se battre ainsi ? Au point de gagner un tournoi face à des personnes aux physiques largement plus puissants ? Mais Heim savait que la force brute ne faisait pas tout. Le poids de son sabre à sa hanche le rassura un instant, comme un vieil ami dont la présence est douce et connue. Heimdall sentit le regard affûté sur lui, et imperceptiblement, se redressa comme pour que Charlie ait une bonne opinion de lui. « ce n'est rien » la rassura t-il ; il n'avait pas été vexé de son commentaire. A dire vrai, il se fichait un peu de tout ça, même si l'étiquette restait importante - que dirait sa grand-mère, si elle le voyait discuter avec une personne de naissance moindre ? Sûrement claquerait-elle de sa langue, l'air pincé, avant de lui ordonner de fréquenter des personnes dont le rang social serait convenable. Heimdall secoua la tête doucement, imaginant facilement les réactions de sa famille. Mais si on l'avait envoyé de par le monde, il avait bien le droit à un peu de liberté - ce qui ne plaisait guère à Royal.
Ignorant le manège des pokémon, Heimdall prit un air surpris en voyant la soudaine joie de Charlie, au point qu'elle en sautille sur place. Il se remémora ses paroles, qui n'avaient pourtant rien de particulier. Il papillonna des yeux, perplexe, en la voyant rougit et cesser. Il la laissa reprendre la parole, écoutant ce qu'elle avait à dire. Hellébore, le farfuret, ainsi tel était son prénom. Il comprenait que, si Charlie avait réussi à le dompter, le farfuret soit possessif avec sa dresseuse. Il pencha la tête, pensivement ; est-ce qu'être sauvé impliquait une relation ? Est-ce qu'être battu impliquait quoi que ce soit ? Son âme de guerrier avait besoin de réfléchir à tout cela. Quand Charlie renvoya la question, il se focalisa sur les arguments de réponse, avant de s'étrangler de rire au mot adorable. Royal était trop occupé, ou alors il aurait senti immédiatement un regard noir. « mon duo avec Royal est ... particulier » déclara t-il, avant de se demander s'il devait commencer à expliquer les particularités de sa famille. Est-ce que quelqu'un, en dehors des Fehimd, pouvait comprendre la part de divinité, de sacré en les Lokhlass ? Pouvait-on comprendre les valeurs, les objectifs de sa famille ? Il avait tranché, décidé d'en expliquer un peu plus sur lui, ce qui était surprenant - même s'il désirait, par ce léger rapprochement, pouvoir en savoir plus sur les arts martiaux de Charlie - quand Royal s'avança, son gigantesque corps servant de coupure avec Charlie. Heimdall avait un juron à la bouche, mais n'eut pas le temps de protester : un large poitrail écailleux le percuta et il dut reculer de trois pas pour ne pas tomber.
Il entendit vaguement Charlie protester elle aussi ; il se redressa, la bouche pincée, l'air furieux. Royal le jaugeait d'un air vainqueur et extrêmement satisfait de lui-même. Heimdall savait qu'il mijotait quelque chose. Le voir faire ami-ami avec un autre pokémon, c'était comme voir la glace tenter de bronzer au soleil. Heimdall faisait face au lokhlass, tiraillé - il ne pouvait lever la main sur lui ni le défier. Les Lokhlass étaient sacrés. « elle n'est peut-être pas de sang noble, mais elle a pu me vaincre ; ne crois-tu pas qu'une allié aussi puissante pourrait m'aider ? » murmura t-il à l'encontre du Lokhlass, qui pencha la tête, pensif. Il se tourna vers Charlie alors qu'elle l'apostrophait. « il semblerait que notre discussion n'ait pas été à leur goût » maugréa t-il, rassuré cependant de voir le lokhlass se pousser, comme s'il ne désirait plus servir d'obstacle entre eux. « vous allez bien ? » s'enquit-il, avec politesse. Il sentait encore la puissance du coup de poitrail, mais il n'avait pas eu mal, il avait plutôt été surpris. Il s'approcha à petits pas de Charlie, le regard braqué sur le farfuret - s'il avait eu assez de détermination pour blesser Charlie, que pouvait-il faire à ce qui était, à ses yeux, un ennemi ? Une question dérangeante vint à son esprit, est-ce que royal le défendrait, si le farfuret l'attaquait ? Réponse toute aussi dérangeante, sûrement pas. Malgré lui, Heimdall prit une posture défensive, la main frôlant la poignée de son sabre. Mais il ne se faisait pas d'idée ; le farfuret possédait plus de griffes que lui de sabre, et sa capacité à user de la glace pouvait lui geler les doigts, le visage, les pieds. Un humain, face à un pokémon, ne pouvait gagner. « au moins, Royal semble s'être calmé. » Le loklass s'était un peu reculé, et observait la scène avec un amusement évident.
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Héllébore avait toujours été violent. Depuis le jour où Charlie l’avait rencontré. Elle ne s’en souvenait que trop bien, de ce jour où elle avait été appelée afin de se rendre sur le lieu, avec deux autres de ses collèges bénévoles. A ce moment-là, elle n’était pas encore celle que l’on appelait afin d’aller sur les sauvetages plus ou moins dangereux. Enfin, elle revoyait parfaitement l’animosité qui animait le regard de ce pauvre pokémon blessé. Elle se remémorait parfaitement les paroles de ses deux collègues, qui disaient qu’il fallait abandonner, le laisser, qu’il était impossible de l’attraper. Et puis, qu’aux vues de ses réactions, il était peut-être mieux de le laisser ainsi, que cela lui éviterait de blesser d’autres pokémons, ou même des êtres humains. Elle les avait regardés avec des yeux ébahis, ne comprenant réellement pas leur réaction. Charlie, elle, n’avait clairement pas pu se décider à le laisser dans l’état dans lequel il était. En plus, il n’avait pas mérité, ce pauvre farfuret, de se retrouver ainsi. Alors oui, elle avait bataillé, durant un long moment. Elle en était ressortie avec le visage et les mains ensanglantées, des douleurs sur l’ensemble du corps, mais elle était parvenue à attraper ce pokémon en danger.
Et puis, durant les semaines suivantes, il n’avait laissé que la rousse s’approcher de lui. Les autres bénévoles ne pouvaient même pas espérer poser un seul coup d’œil sur lui, au risque de se prendre un coup de griffe. Longtemps, ils n’avaient pas arrêté de dire à Charlie qu’il fallait faire quelque chose de ce pokémon, mais que ce n’était pas possible de le laisser retourner à l’état sauvage ou de le confier à un dresseur aux vues de son caractère. Alors, à nouveau, elle avait bataillé, durant plusieurs jours, avant de finir par obtenir la garde de ce pokémon. Ils l’avaient averti, ils lui avaient dit de faire attention, que cela se retournerait un jour ou l’autre contre elle. Mais que voulez-vous, elle était comme ça, Charlie. Elle ne pouvait s’empêcher de venir en aide aux autres, que ce soit pokémons comme êtres humains, même au péril de sa vie. C’était sa vie, son quotidien, le choix qu’elle avait fait. Et pour rien au monde elle ne reviendrait en arrière.
En revanche, jamais jusque-là il ne s’était comporté de la sorte. Jusque-là, il ne lui avait plus jamais fait mal. Mais là, Charlie sentait bien ses griffes sur son bras. Pourquoi donc, après avoir visiblement échangé quelques mots en langage pokémon avec ce Lokhlass, avait-il adopté un tel comportement ? Pourquoi avait-il voulu l’éloigner de Heimdall, alors qu’il paraissait être une personne vraiment gentille ? Elle ne le savait pas, elle ne comprenait pas.
Tandis qu’elle essayait de s’échapper de l’emprise d’Héllébore, Cosmos intervint en lançant une attaque Torgnoles. Pour le coup, Charlie était en train de découvrir une facette du Kungfouine qu’elle ne connaissait pas jusque-là. Elle n’avait jamais réellement su si son nouveau compagnon s’était attaché à elle – si ça n’avait pas été le cas, cela lui aurait très certainement brisé le cœur, bien qu’elle n’aurait rien pu y faire –. Mais, visiblement, toutes leurs séances d’entraînements aux arts martiaux les avaient drôlement rapprochés, et cela la ravie, bien que la situation ne se prêtait pas aux réjouissements. Enfin, qu’il vienne la défendre était donc une preuve de leur amitié. Et puis, cela lui prouvait aussi qu’elle pouvait compter sur lui afin de canaliser le farfuret. A tous les deux, ils devraient y arriver. Non, ils y arriveraient, il n’y avait pas d’autres options possibles.
Le Lokhlass s’était poussé de devant Heimdall, et ce dernier se rapprocha de la jeune femme, brisant la distance qu’avaient mis leurs pokémons, tout en lui demandant si elle allait bien. La rousse regarda son bras, sur lequel étaient encore visibles les marques des griffes du farfuret. Quelques gouttes de sang perlaient, et elle serra les dents. Rabaissant la manche de son haut, elle secoua doucement la tête afin d’essayer de chasser la douleur qui lui tiraillait l’avant-bras. « Oui oui, ça va, et toi, rien de cassé ? » Demanda-t-elle avec un petit sourire, qui paraissant cent fois plus faux que les précédents. « Je ne comprends vraiment pas pourquoi Héllébore a agi ainsi… Il n’a jamais fait ça auparavant… Enfin, comme Royal, il a l’air de s’être calmé lui aussi. » Lança-t-elle, penaude, tout en adressant un regard noir au farfuret qui s’était mis en retrait, un sourire narquois sur le visage. « Merci, Cosmos. » Dit-elle au Kungfouine en lui tapotant gentiment la tête. « Que dirais-tu d’aller chercher un petit quelque chose à boire au stand des boissons là-bas ? Histoire de nous remettre de nos émotions ! » Demanda-t-elle tout en désignant le stand du doigt, ainsi qu’avec un large sourire sur le visage – qui cachait le fait qu’elle serrait encore les dents –.
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La démonstration de domination et de violence subjuguée du farfuret n'était pas sans faire refluer quelques souvenirs dans la mémoire du jeune homme aux yeux de cuivre. Combien de fois avait-il dû faire face aux émois brutaux de pokémons glace ou eau, dans la tourmente ? Combien de fois avait-il dû repousser les assauts d'une lame tenue par une main paternelle, serrer les dents sous la douleur d'un bleu, d'une coupure, pour la bonne cause de l'apprentissage ? Rien n'avait changé, alors que Royal lui avait été offert pour être vénéré et lui servir de guide. Il s'était juste soumis à un autre maître, plus écailleux, plus grand, différent. Quelque chose renâclait, en lui, à voir Charlie attirée sans émotions par la patte aiguisée du farfuret. Mais le kungfouine réagit enfin, à la grande appréciation du garçon. Il n'avait pas espéré une escalade de violence, mais les Torgnoles semblèrent calmer tout le monde - le kungfouin, le farfuret, Charlie. La demoiselle semblait sous le choc ; l'esprit vif d'Heimdall commençait à comprendre de quoi il s'agissait. Sûrement parce qu'il connaissait l'esprit retors et sournois du lokhlass qui était le sien.
Les yeux cuivrés se posèrent sur les marques, apposées sur le bras féminin ; il ne fit aucune grimace, mais ressentit un léger élan de compassion. S'il avait souvent été moqué par Royal, voir bousculé, jamais son pokémon ne lui avait fait de mal, réellement - du moins pour l'instant. Il ne se faisait pas d'illusions. Si cela devait aider Royal dans ses desseins, il n'irait pas contre quelques hématomes, voire un os ou deux cassés. Royal était ainsi - impitoyable, comme la glace, l'hiver, la mer glacée et son écume de dentelle. Il secoua la tête, désemparé par le soudain masque que Charlie venait d'endosser, son sourire factice aux lèvres, comme si tout envoyer dans le passé pouvait faire oublier la scène précédente. Il la laissa s'exprimer - il eut même un petit sourire envers le kungfouine, preuve que le pokémon avait gagné quelques points dans son estime. Mais, surtout, il farfouilla dans son sac en bandoulière, l'air concentré, avant d'en sortir une petite boîte de fer, comme une boîte à gateau mais qui tenait dans une main ; ouvrant son couvercle, il révéla un baume crémeux.
« cosmos a été très courageux. » Il fuyait volontairement le regard du farfuret ; un éclat de fureur continuait de braisiller dans son coeur. Royal aussi était l'origine de sa colère ; son lokhlass avait, de toute évidence, délibérément fait tout cela. Peut-être n'avait-il pas imaginé que, pour séparer son dresseur trop volubile de cette distraction humaine, le farfuret lui ferait du mal. Mais la conséquence était là. Heimdall attrapa le bras de Charlie tout en lui parlant, comme pour détouner son attention ; quelque chose le poussait à vouloir la soigner. Peut-être parce que cela mettait du baume sur son égo, l'idée de la soigner, qu'elle ait pu être blessé. « je vous invite. » C'était à la fois une invitation, et un ordre, un fait établi. Il s'en voulait que Royal ait été l'origine de cette idée de les séparer - car qui d'autre aurait pu vouloir ça ? Oh, le farfuret avait du se faire un plaisir d'adhérer à l'idée. Heimdall passa un index enduit de baume sur l'endroit, rougi, un peu enflé, un peu entaillé, avant de rabaisser la manche qui colla immédiatement à la peau grasse. « un baume de ma frabrication, faite avec de la mousse de montagne de Frimapic, d'où je viens. très efficace pour les bobos. » Et, l'air un peu moins neutre, un peu moins coincé, il avança jusqu'au stand où il commanda une boisson de baie épicée, et un gâteau au lait meumeuh. Il avait l'estomac dans les talons. Il hésita, et décida de ne rien acheter pour Royal ; que son lokhlass comprenne, subtilement ou non, qu'il lui en voulait. « essaye encore une fois, et c'est la pokéball » murmura t-il à l'encontre du grand pokémon. Oh, il savait qu'il allait le payer - Royal était trop fier, trop orgueilleux pour se laisser docilement faire. Heimdall savait qu'il le payerait au centuple, mais il profitait de ce petit goût amer de liberté - il défiait son dieu, les dieux des Fehimd, et il réalisait que cela lui faisait le plus grand bien, face à cet ersatz de déité écailleuse et perfide. « qu'est-ce que vous prenez ? cosmos a le droit aussi, s'il le veut, hein, champion » fit-il en direction du kungfouine, dédiant à nouveau un début de sourire au pokémon. Il était toujours plus amical, moins hautain, quand il parlait aux pokémons, fendillant sa carapace de noblesse orgueilleuse et pédante face à la plèbe humaine.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
C’était tout de même une sacrée claque qu’elle s’était prise en plein visage. Jamais au grand jamais un jour elle n’aurait imaginé que le farfuret agisse ainsi. Vraiment, la situation avait beau être terminée, elle n’arrivait pas à remettre les pieds sur terre – elle voulait croire que tout ceci n’était qu’un mauvais cauchemar, qu’au prochain clignement de ses paupières le spectacle qui s’offrirait à sa vue serait différent et que les vilaines couleurs qu’avaient pris son bras auraient disparu –. Mais rien n’y fit évidemment. Elle avait beau fermer et rouvrir ses yeux, les images qui se dressaient devant elles étaient les mêmes. La jeune femme avait honte, clairement, du comportement de son pokémon. Elle savait qu’il fallait qu’elle se méfie de lui lorsqu’elle venait à discuter avec d’autres personnes, des inconnus surtout. La rousse n’avait jamais apprécié la façon qu’il avait de les regarder, mais jamais il n’avait été aussi loin, quitte à comploter avec un autre pokémon pour l’éloigner – ne la garder que pour lui ; il était bien trop possessif, bien trop jaloux de la relation qu’elle pouvait avoir avec les autres –.
C’était compliqué, pour elle, que de vivre avec un pokémon avec un tel caractère. Elle entendait encore souvent ce qu’avaient bien pu lui dire tous les bénévoles du Refuge lorsqu’elle avait parlé de l’adopter, de lui offrir une seconde chance. Elle les entendait encore lui dire de se méfier, que c’était un farfuret qui nuirait à sa vie. Qu’il y avait bien d’autres pokémons beaucoup plus agréables, plus affectifs, attachants. Jamais elle n’avait voulu les écouter ; elle avait laissé parler son cœur qui lui crier d’aider ce pauvre pokémon dont les souffrances et le passé étaient atroces – or, laisser ses émotions prendre le contrôle n’était pas forcément la bonne solution –. Charlie avait toujours été tendue, quant à la manière qu’avait Héllébore de se comporter. Mais elle avait voulu lui faire confiance, lui montrer qu’elle n’était pas comme les autres, que jamais elle ne lui ferait de mal, qu’elle l’aiderait à aller mieux. Et voilà où ça l’avait mené.
Elle avait aujourd’hui à ses côtés un pokémon dont la puissance augmentait, jaloux, possessif, qui n’avait d’yeux que pour la jeune femme et qui était prêt à tout, même du pire, afin de la protéger et de l’éloigner de tout et tout le monde – il lui devait la vie ; c’était peut-être pour ça qu’il ressentait le besoin de faire ça, d’agir ainsi –. Mais c’était devenu une relation toxique au possible.
Charlie secoua la tête, histoire d’essayer de ne pas penser à tout ça et surtout pour oublier la douleur. Ses yeux se posèrent alors sur Heimdall, qui farfouillait dans son sac. Elle pencha la tête légèrement de côté, le regard interrogateur, lorsqu’il sortit une boite métallique, qui contenait une espèce de crème. Il lui dit alors que Cosmos avait été très courageux. Il était vraiment que ce Kungfouine n’avait jamais eu peur de tenir tête au Farfuret, chose qui était très rassurante. Elle allait répondre quelque chose – la première chose qui lui serait passé par la tête – lorsque Heim attrapa son bras. Surprise, Charlie écarquilla les yeux. « Que… » Simple mot qui s’était échappé de sa bouche. Le jeune homme lui dit ensuite qu’il l’invitait – elle sentait bien que quoiqu’elle dirait, il ne changerait pas d’avis –, avant d’appliquer du baume sur sa blessure. Elle le regardait faire, consternée.
Jamais on ne s’était occupée de Charlie. Depuis le jour où sa mère l’avait renié, depuis le jour où elle s’était mise à faire n’importe quoi afin de satisfaire et d’entretenir le bonheur des autres, depuis le jour où elle avait plongé dans des affaires beaucoup trop louches, elle avait appris à se débrouiller seule. Tous ces soirs où elle était rentrée chez elle, des blessures parsemant son corps, c’était elle qui s’était soignée, seule. Elle n’avait jamais eu le choix, on ne lui avait jamais tendu la main. Pourtant, elle ne s’en était jamais plaint. La jeune femme aimait aider les autres, en revanche, cela la gênait plus qu’autre chose de recevoir de l’aide. Elle n’avait jamais eu l’habitude et cela lui avait toujours convenu que de s’occuper d’elle toute seule. Après tout, c’était comme ça qu’elle avait grandi – elle n’avait jamais eu le choix –. Alors, ce geste aussi simple fut-il, réchauffa un peu son âme meurtrie – elle eut même une petite larme qui tenta de s’échapper de son œil, mais elle l’enleva rapidement d’un geste vif de la main –.
Puis elle avait suivi Heimdall jusqu’au stand. Elle n’avait pas l’habitude non plus qu’on lui paie quelque chose. Elle avait toujours tout acheté avec son argent, le fruit de son dur labeur. Se mordillant la lèvre inférieure, elle croisa ses mains dans son dos tout en baissant le regard. « Je veux bien un jus de baie épicée aussi s’il te plait. Et Cosmos… » Lança-t-elle tout en posant ses yeux sur le Kungfouine. Il s’inclina et d’un signe négatif de la patte, refusa quoique ce soit. Cela eut pour effet de faire naître un petit sourire sur le visage de la jeune femme. C’était le pokémon que tout le monde rêverait d’avoir. Un bon ami, toujours là, modeste et humble. Elle jeta ensuite un regard furieux en direction du Farfuret qui traînait derrière, à l’affût de la moindre occasion afin de faire une connerie.
La personne qui tenait le stand leur tendit leur commande, puis ils se décalèrent. La rousse but une gorgée avant que son regard ne se pose sur Heimdall. « Merci. Pour la boisson et le baume… » Lança-t-elle, mal à l’aise, les joues légèrement rosées. Oui, on ne l’avait jamais aidé, alors remercier quelqu’un pour l’aide qu’il lui avait apporté, c’était nouveau pour elle. « Tu as dis que c’était un baume de ta fabrication, c’est ça ? Tu fais des remèdes à partir de plantes ? Ohhh en plus à Frimapic il doit y en avoir que je n’ai jamais vu à Alola, pareil pour les fleurs… » Lança-t-elle les yeux soudainement pétillants.
Ce détail attira fortement l’attention de la jeune femme. Peut-être qu’un jour, elle devrait penser à entreprendre un espèce de tour du monde en allant visiter chaque régions, à la recherche de nouvelles fleurs pour approvisionner sa boutique.
be strong and be brave in any circumstances and you will be a hero
Heimdall comprenait que Charlie puisse être choquée, déçue, comme ahurie. Il était tombé de haut, alors qu'enfant, vénérant les lokhlass, il était tombé sur, eh bien, Royal. Il avait imaginé son pokémon de bien des façons, mais pas hautain, jaloux, possessif, indiscipliné. Il avait vu les autres enfants, leurs liens avec leurs pokémons, et ce qu'il pouvait dire, c'était que ce n'était pas du tout comme ça avec Royal. Il s'y était fait, et c'était sûrement cette habitude lasse qui lui donnait ce caractère si blasé devant le comportement horrible du pokémon. Il pouvait presque comprendre tout ça, bien que cela dépassait son entendement.
Ce n'était pas son habitude que de s'occuper d'autrui, mais cela lui était venu naturellement. D'un guerrier à un autre. Rien de bizarre là-dedans, selon lui. Royal n'apprécierait pas son geste, mais tant pis, il allait passer outre. Et puis, il se sentait d'humeur magnanime, peut-être parce qu'il comprenait le choc de Charlie. Il ne pouvait pas la laisser ainsi, face au doute, face au caractère emporté et possessif de son pokémon. Elle avait besoin d'un remontant ; Heim la laissa commander, puis se tourna vers elle et Cosmos, avec un léger sourire. Le kungfouine n'avait rien voulu. Tout en se décalant pour laisser la place aux autres clients, Heimdall placa ses yeux de cuivres sur Charlie. « de rien » répondit-il, un peu gêné par tout ça. Être gentil, abaisser ses défenses, c'était comme d'essayer d'abattre une muraille avec des meringues, pour lui. Il était maladroit, ne sachant quoi dire ni que faire, en attendant leurs boissons. Charlie mit fin à l'embarras en parlant, et Heimdall lui fût reconnaissant de permettre une discussion, parce qu'il était un peu trop malhabile dans toutes ces choses sociales là.
L'interrogation amena un air plus doux, plus curieux sur le visage de Charlie. De toute évidence, parler l'aidait à penser à autre chose. Et Heimdall ne voyait pas de raison de ne pas répondre, au contraire, la curiosité de la jeune femme le flattait. « oui, ma famille m'a apprit à faire mes propres soins moi-même. ce n'est sûrement pas aussi efficace qu'une potion, mais c'est toujours utile » dit-il en haussant les épaules. Il avait aimé ça, apprendre à faire les baumes et les cataplasmes. Il avait toujours aimé les plantes et les fleurs. Mais ce n'était pas sa voie - sa famille l'avait décidé. « vous venez donc d'alola ? » demanda t-il pour rebondir, afin de continuer la discussion. On les héla pour leur servir leurs boissons, et Heimdall but une gorgée de son jus épicé, qui le réchauffa aussitôt, puis il brisa le gâteau en deux, en offrit une moitié à Royal et avala la seconde moitié, non sans se frotter les mains, pleines de miettes et de bave de lokhlass. « che gneuh- » commença t-il, et il crachota quelques miettes ; il rougit violemment, se détourna pour essuyer sa bouche et reprendre contenance, puis reprit, les joues encore roses, « je ne connais pas du tout la région d'alola. je n'ai pas pu y aller pour mes études. il paraît qu'il y fait très chaud, un climat tropical. » Finalement, ce n'était pas si difficile que ça, de discuter. Enfin, presque pas si difficile - c'était mieux quand on avait pas de miettes dans la bouche, en tout cas.
"A little action in a boring life, what better ?" - Heimdall & Charlie
Elle écouta attentivement ce que lui expliqua le jeune homme. Elle écarquilla légèrement les yeux tandis qu’ils continuaient toujours de pétiller – au fond, elle appréciait fortement que la conversation ait pris un tout autre tournant, histoire d’oublier ce qu’il venait de se passer –. Enfin, c’était donc une recette familiale. Intéressant pensa-t-elle. Parfois, il n’y avait rien de meilleur que les compositions personnelles. Elle regarda alors son bras sur lequel était apposé la crème et se dit qu’il était sûrement très efficace ; tout autant qu’une potion elle en était persuadé malgré qu’il lui ait dit le contraire.
« Woaah, je trouve ça génial en tout cas ! »
Elle avait lancé ça avec beaucoup – trop – d’enthousiasme. Enfin, Heimdall fit virer de bord la conversation et la questionna sur ses origines. Passant une main dans ses cheveux, elle acquiesça avec un petit rire – nerveux, mais heureusement, il paraissait tout de même naturel –. Voilà un sujet de conversation qu’elle aurait préféré oublier, éviter. Mais bon, les gens ne pouvaient pas savoir – et forcément, lorsqu’on rencontre quelqu’un, on a toujours tendance à le questionner quant à ses terres d’origines. Elle ne pouvait pas y couper, à chaque fois. Malheureusement, elle avait appris à détester l’endroit au cœur de toute les conversations –.
Par chance, on les héla pour leur servir leur commande. Charlie se mit aussitôt à savourer le jus de baie épicé fraîchement servi – une petite douceur ; le réconfort après l’effort –. Puis son attention se porta de nouveau sur le jeune homme lorsqu’il commença à marmonner quelque chose. Elle posa sur lui un regard interrogateur avant d’éclater de rire en le voyant – visiblement – s’étouffer avec son gâteau et rougir, tandis qu’il se retourna vivement. Elle avait l’habitude de ce genre de situation embarrassante – elle était la première à qui ça arrivait souvent –.
« Ça va ? Attention à ne pas t’étouffer hein ! » Dit-elle avec un large sourire, le tout accompagé d’un rire.
Heimdall se tourna alors de nouveau vers elle, le rouge toujours scotché aux joues, reprenant la parole. Elle soupira, portant son regard vers le ciel, comme pensive.
« Oui, il y fait très chaud. En soit c’est agréable. C’est peut-être la seule chose que je regrette de cette île. » Lança-t-elle, comme ailleurs, avant de secouer la tête pour revenir sur Terre. « J’avoue que je ne porte pas cette île dans mon cœur alors je ne peux pas vraiment te vanter ses qualités… Mais disons que si tu as besoin de repos, de soleil, de chaleur, de plage, de mer et de coquillages, fonce passer tes vacances là-bas ! Après, niveau activités, il n’y a pas grand-chose à faire, selon moi… »
Mais comme elle venait de lui dire, elle n’était pas trop objective.
« Et donc, Frimapic, il y fait froid non ? Mais ça doit quand même être un chouette coin ! » Demanda-t-elle tout en penchant légèrement la tête sur le côté.
La conversation continua alors un moment. Charlie était bien contente de pouvoir discuter avec lui – malgré le fait qu’elle lui ait flanqué un sacré coup de poing. Peut-être aussi le fait que ce fut un adversaire redoutable la motivait à parler un peu plus avec lui ?
Enfin, arriva le moment où Charlie dû rentrer chez elle.
« Bon, vraiment, encore désolé de t’avoir blessé à la mâchoire. En tout cas, malgré ces conditions, je suis contente de t’avoir rencontré ! Il faudra qu’on remette ça, un de ces jours, si ça te tente ! » Dit-elle avec un rire. « Je vais devoir m’en aller, sinon je vais rentrer à point d’heure. Ah, et encore merci pour le jus de baie ! » Continua-t-elle avec un large sourire. « Au revoir, et peut-être à bientôt ? »
Elle le salua de la main avant de faire volte-face, se dirigeant vers le premier arrêt de bus qu’elle trouverait. Il était temps de rentrer, et de se reposer surtout.