À peine sortie de la demeure familiale et je sentis déjà la sueur emplir mes esselles et derrières de genoux. D’ailleurs est-ce que cette partie du corps possède un vrai nom ? Esselles de genoux ? Genousselles ? Qu’importe, j’étais à la fois nerveuse et excitée, un mixte des plus étranges. La dernière fois que je m’étais sentie comme ça c’était lors de mon bal de promo, plus précisément la première danse. Tommy Gingerstorm n’avait pas menti à propos de ses talents en danse… et je n’aurais pas dû me laisser aller dans le buffet de fruits de mer à volonté. Spoiler Alert : Le concierge a été demandé. Trêve de bavardage avec moi-même. Je parcourais donc les rues de Mirawen, ma ville natale, accompagnée de Telesto, mon fidèle Couaneton, sur ma tête ainsi que de Prometheus, mon tout frais Métamorph reçu comme cadeau de départ de la part de mes parents. J’étais aussi surprise qu’un Insécateur mâle après copulation. Autant dire que ma tête en tomba ! Mais bon. Le petit globe rose dans mes mains me regarda, incertain de son futur. Il était tellement mignon et j’étais très heureuse d’avoir un deuxième compagnon pour débuter mon aventure. Après tout, plus on est de fous, moins y’a d’riz… non je crois que c’est pas la bonne expression… oh bref.
Une semaine avant mon départ, pendant que je préparais mon backpack, ma mère m’avait offert sa propre carte de Lumiris, celle qui l’avait guidée tout au long de son aventure à elle. Un simple coup d’œil sur le large morceau de papier et on pouvait déjà y voir des traces d’usures. Les rebords quelques peu déchirés, une odeur bien représentative des vieux livres, il y avait même une légère tache de café en plein milieu ! Maman appelle ça la tache de naissance puisqu’elle a échappé ledit café la première journée de son départ… Ah, comme j’adorais écouter encore et encore les histoires de ma mère et de son voyage… Sa plus formidable anecdote était sans doute le jour où elle a sauvé un Blizzaroi d’une bande de braconniers. Ce fut d’ailleurs le jour où elle et papa se sont rencontrés. Oh mais ça me fait penser… est-ce que je vais rencontrer mon amoureux durant mon voyage ? Urf… j’espère pas. L’amour c’est tellement surfait de toute façon, mais bon, je ne vais pas m’égarer encore une fois. La tache de café sur la map me donna envie de justement m’aventurer dans l’un des nombreux commerces de Mirawen. Après tout, ça me donnera une petite demi-heure pour réellement organiser mon itinéraire. J’avoue avoir LÉGÈREMENT menti à mes parents lorsqu’ils m’ont posé la question, parce que… paresse. !
***
- Un expression double caramel avec guimauves et brisures de chocolat s’il-vous-plaît ! - Une… commande plutôt spéciale mais pas la plus bizarre de ma carrière. Ça ne sera pas long !
Cinq minutes et trois coups d’œil bizarres plus tard, je me retrouvais assise à ma table avec avec encore une fois mes deux pokémon à mes côtés ainsi que mon smartphone dans les mains. J’avais peut-être l’air d’une jeune adulte asociale en train de simplement regarder des vidéos de Chacripan jouant du piano, mais j’étais en fait en train de me faire une liste de choses à faire avec en plus un ordre des endroits à visiter dans tout Lumiris. Tout d’abord là… puis là et ensuite là… ou faudrait pas oublier tel endroit non plus ! Oh j’ai une tante dans cette ville, je pourrais la visiter ! Une fois tout cela fini, je me pressais de terminer la dernière gorgée de mon expresso d’adulte lorsqu’un cataclysme arriva cruellement. Un éternuement. Oh mais pas n’importe quel éternuement ! Il ferait partie des top 10 most disturbing sneezing of all time. Number four will make you cry. Bref tout ça pour dire que j’en échappais ma tasse qui finit sur le sol en mille morceaux. Oopsie…
Noël. Ça puait l’hypocrisie à plein, les gens qui achètent des cadeaux pour ne pas perdre la face et les offrent à des personnes qui ne comptent pas forcément tant que ça. Noël. Partout où tes yeux se posaient, d’horribles pancartes poussant à la surconsommation d’objets inutiles qui traîneraient se dévoilaient. Tu les aurais brûlés, les pancartes de merde. Leur temps des fêtes n’était rien de plus qu’un moment de plus pour mettre à la poubelle de l’argent parfois durement obtenu parfois donné. Juste un moment pour faire ce que l’humain est parfaitement doué à faire : gaspiller de l’argent qui pourrait facilement être investi bien plus intelligemment.
En ce temps des fêtes, t’en était où toi ? Tu étais, encore, à traîner dehors, à marcher, pas à pas, ailleurs, à ne pas exister dans la vie des autres ou à empoisonner certaines vies. Izaiah se donnait tant de mal pour que tu sois bien dans cet appartement. Il faisait toujours le double des portions et tu avais accepté d’y toucher, de te nourrir un minimum. Sans lui adresser le moindre mot, sans lui parler, sans faire profiter de ta vie. Et tu étais de retour à marcher, à errer. Tu étais de retour dans les rues qui étaient tout ce que tu connaissais, dans le froid cruel qui brûlait ta peau, qui brûlait tes cicatrices. Seule. Entièrement seule. Le temps des fêtes ne voulait rien dire pour toi. Le temps des fêtes n’avait jamais rien voulu dire et tu crachais sur tous ceux qui pensaient que ça signifiait potentiellement quelqu’un.
Être brisé. Dévasté. Anéanti. Tu n’étais plus rien que de pauvres fragments, plus rien que de la poussière qui s’envolait à chaque coup de vent, du magma en fusion. Une colère sourde dans toutes les fibres de ton corps, une colère qui s’enflammait toujours de plus en plus. Une colère que tu ne pouvais pas gérer, mais surtout, que tu n’avais pas envie de gérer. Tu ne voulais pas t’apaiser, te calmer, de dompter, tu ne voulais pas être ce que tout le monde attendait de toi, de ta personne, tu ne voulais pas les satisfaire. Tu voulais toujours voir la douleur sur le visage, l’incertitude, la déception. Tu voulais toujours voir l’horreur doucement se peindre sur leurs traits face à ton reflet dans leur regard. Face à leurs yeux plongeant dans ton âme bien trop sombre pour leur petit cœur trop fragile.
Pas à pas. Tu ne savais pas où tu étais rendue. Tu ne t’en souciais pas tant que ça non plus, pourquoi ce serait important le nom de la ville dans laquelle tu posais les pieds ? Soupir. Tu continuais d’avancer. Tu gardais, dans tes mains, une boule aux bords irréguliers. Tu avais ramassé, dernièrement, un peu tous les débris que tu pouvais trouver sur le sol, des planches de bois et tout, et tu avais fait de la chambre qu’Izaiah t’avait décerné un petit atelier où tu pourrais construire des choses. Un endroit, un refuge, une ressource. Ton lieu. C’était mieux que n’importe quel appartement qu’on pourrait te vendre, de toute façon tu n’avais même pas d’argent pour payer un loyer. Tu n’en avais pas envie. Tu ne voulais pas donner quoi que ce soit à l’état. Tu ne voulais pas les fournir. Tu ne voulais pas participer à la société, tu voulais l’enflammer, la faire exploser. Provoquer la fin du monde.
Tu te retrouvais dans un petit endroit où un café traînait et plusieurs tables et tu soufflas en observant ce que tu avais dans tes mains. Le mécanisme était fragile et tu devais encore faire des finitions, mais elle avait tout de même une apparence de pokéball et tu étais plutôt satisfaite du résultat jusqu’à date. Tu te posas sur une table et dévisageas ta création en soufflant. Ces derniers temps, tu t’étais focalisé sur sa formation, tu t’étais absorbé, le temps avait filé si rapidement et tu t’étais plongée dans un monde de silence où tu n’entendais plus les bruits des autres, tu n’entendais plus la détente pressée résonnée en boucle dans ton esprit, tu n’entendais plus ce champ de bataille que tu avais connu, un champ de bataille différent de celui de la guerre, mais tout autant nuisible et destructeur. Here i stand, helpless and left for dead.
Tu n’étais pas morte. Tu ne le serais pas. Tu étais plus vivante que jamais et tu allais le prouver au monde entier, tu allais le prouver à tous ceux qui te frôlaient, que tu étais Eleanore Anastasya Idrys et que tu étais vivante, bien trop vivante, que la vie vibrait en toi, prenait toute la place et que de cette vie tu allais les détruire. Tu allais prendre la leur. Tu allais te venger. Te venger de tous ceux qui n’avaient pas pu t’aider, te venger de ceux qui t’ont détruit, de ceux qui leur ressemblent, de la terre entière qui n’avait jamais rien faite.
Et puis. Un bruit de verre qui se brise te fit relever les yeux de ta création et tu tournas la tête vers une jeune femme qui t’apparaissait comme trop épargnée par la vie, ce qui te donnait des envies de meurtres. Mais tu voyais en sa maladresse une parfaite option d’acheter la pokéball ou tout du moins d’amélioration quelques finitions. Tu pris la pokéball dans tes mains et te leva donc rapidement pour te pencher à même le sol et ramasser les bouts de verre. « J’doute qu’ils te soient utiles maintenant, et j’en ai besoin. » Ta voix était sans appel : tu n’attendais pas de refus, de tentative de sa part de t’empêcher de faire.
Tu t’étais assise, par la suite, sur la même table que celle de l’étrangère sans lui offrir le moindre regard et tu posas ta pokéball ainsi que les morceaux de verre. Tu en pris deux et en utilisas un pour affuter l’autre. Une fois faite, tu pris la pokéball irrégulière et tu utilisas le morceau de verre pour couper les morceaux de matériaux dépassant, pour « polir » la surface, la rendre bien plus belle. « Voilà qui est mieux.. »
Un petit silence gênant se créa dans la salle, puis la plupart des clients retournèrent à leurs occupations. Pendant ce temps, moi, j’étais assise sur ma chaise, les yeux ronds comme une pizza d’Alola (v’savez avec les ananas et tout et tout, délicieuses) à me retenir de pleurer comme une tarte. La sévérité de la situation était moindre, ça y’a pas photo, mais mon cerveau ne connaissait pas encore cette information et du coup pendant que Telesto levait les yeux au ciel et que Prometheus se contentait d’admirer les Poichigeon dehors, je dus me faire pousser du courage afin de me LEVER et de réparer mon erreur minime et grossière. J’étais vraiment aussi sotte qu’une citrouille.
Damn, maintenant à cause de toutes ces comparaisons gastronomiques je commençais à avoir faim. La journée allait très mal se terminer.
Une jeune femme, peut-être un tout petit peu plus vieille de moi, était déjà en train de ramasser les quelques morceaux brisés, stipulant qu’ils ne me serviraient plus à rien. De plus il semblerait qu’elle en ait besoin. Euh que quoi ? La curiosité monta en flèche et sans même que mon corps demande à mon cerveau, j’étais assise devant la jeune dame, silencieuse, à la regarder bricoler je-ne-sais-quoi. Enfin c’est plutôt elle qui s’est assise devant moi puisqu’elle a rejoint ma table mais ça on appelle ça un DÉTAIL. À première vue on pourrait dire une Pokéball, c’est déjà ça. Je la regardais de façon presque impolie. Cette concentration qu’elle avait, c’était spécial. Elle semblait être dans son monde à elle, comme si une barrière invisible la séparait de notre dimension. Y’a pas de doute, c’était une sorte d’inventrice. Oooooh je devais absolument être son amie ! Pourquoi ? Parce que ! Par contre je ne savais pas trop comment débuter la conversation, du coup après plusieurs minutes et un deuxième expresso, je finis par me racler la gorge, pleine de non-confiance.
Doucement, lentement, tu t’appliquais. Rendre la surface plus lisse, pour empêcher qu’on ne se coupe dessus. Doucement, lentement, tu te concentrais. Autour de toi, tout s’effaçait. Le monde n’existait plus. C’était… paisible. Étrangement paisible. Alors que tu te concentrais sur cette pokéball qui prenait forme, les formes étaient floues autour et ta tête était vide. Vide de tout si ce n’était que t’assurer de bien faire et de ne pas te couper. Ne pas te couper. Ici. Il fallait polir encore un peu. Et puis couper par ici. Combien de temps pouvais-tu passer à ne faire que ça, oublier tout ? Tu ne savais pas. Mais c’était apaisant. Ton réconfort. Ton asile. La haine, la colère. Désormais, tout s’en allait, pour ne laisser qu’un vide calmant. Un vide que tu ne voulais pas quitter, un vide qui t’était si agréable, étrangement agréable.
Pourtant, cette personne qui avait fait tomber la tasse, avait fait ce bruit, venait de déchirer ta concentration. Sa voix avait fait voler en éclats douloureux la bulle dans laquelle tu t’étais enfermée et ton regard froid se posa sur elle. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien te vouloir, hein ? Ravoir les morceaux de verre qui lui seraient totalement inutiles ? Te déranger pour te faire perdre ton temps tout simplement ? Tu avais froncé les sourcils sans la lâcher de ton regard. Il faisait froid, mais il y avait tout de même un beau soleil et pas de neige à l’horizon malgré la saison. Pouvait-on dire qu’il faisait beau ? Tu ne savais pas. Tu ne t’en souciais même pas de la météo… « Vraiment ? La météo ? » Sujet bateau pour démarrer une conversation. Cynique, ta voix s’était imposée dans les airs, bien plus froide que l’était la température finalement. « Il fait froid. Mais vu qu’il fait soleil, j’crois qu’on peut dire qu’il fait beau. » Mais l’appréciation de la météorologie n’était-elle pas subjective à chaque personne ? Tu préférais les orages. Les jours de tempêtes, quand tout se déchaînait, avait la même apparence que le champ de guerre dans ton esprit. Même état que ton être déchiré par tous les démons qui te hantaient.
Tu posas ton regard en direction de l’endroit où les cafés étaient vendus et haussas les épaules. T’avais pas d’argent, fallait pas te faire d’illusions. Continue donc de t’occuper de ta pokéball, c’est bien plus rentable. Tes mains recommencèrent à faire les finitions alors que tu attendais de voir si l’autre se décidait de parler de nouveau. « Il y a toujours autant de personnes ici ? » Étais-tu véritablement en train de tenter de faire la conversation ? Tu n’en étais pas sûre toi-même. Mais si on te posait des questions, tu allais dire que tu faisais que te renseigner pour mieux connaître l’endroit au cas où tu y remettrais les pieds. Tu n’essayais pas d’être douce ou gentille, tu n’essayerais jamais de l’être. Tu n’en étais même pas capable, fallait pas se mettre des œillères, c’était Izaiah qui était doué dans l’art de la sociabilité, pas toi. Toi, tu détruisais. Tu te faisais détester et c’était toujours plus simple ainsi.
Ma torpeur s’évapora lorsque la pâle demoiselle me répondit. J’étais tellement dans la Lune après avoir posé ma question qu’on aurait cru que des mois entiers s’étaient écoulés (!!). Sa réponse fut calme, désintéressée, polie mais avec une pincée d’irritation. Elle était fascinante. Elle me faisait penser à une amie d’enfance que j’avais, Marijoie. Je sais, c’est paradoxal mais on n’y peut rien. Marijoie avait cette même aura, cette ambiance qui l’accompagnait de pièces en pièces. Elle intimidait souvent les autres élèves de la classe et pourtant notre duo était des plus fusionnels. Malheureusement ses parents ont déménagé il y a quelques années de ça, mais on réussit à garder contacte via internet. Pratique tous ces bidules non ? Je m’égare. Je souris face à l’effort de ma nouvelle meilleure amie à user de contacts humains. Je fus même agréablement surprise de la voir poursuivre la conversation avec une question encore plus triviale que la mienne.
Du Marijoie tout craché.
Mais maintenant il fallait que je réponde. Arf, j’avais pas pensé à ça. Voyez-vous, tenter d’établir un lien avec ces gens, c’est un peu comme désamorcer une bombe. Tu coupes le mauvais fil et tu te retrouves avec une omelette au ketchup sur la tête dans la cafétéria. Non non, ce n’est pas du tout un fait vécu ! Il fallait penser à une réponse intéressante. Une réponse originale et une réponse auquel elle ne s’y attendrait pas. Réfléchis Trinity, réfléchis !
- J’sais pas…
AKJHFAEVCETRERVKJHERFVKJHQRBEFVERTKBERGTKJERGKJBERTGKEB !! C’EST QUOI MON PROBLÈME ! Je me mis à bégayer un tout petit peu, tentant de ramasser les pots cassés (haha, c’est drôle parce qu’elle est LITTÉRALEMENT en train de réparer ma tasse cassée, mais passons).
- D-d-d-dans le sens où je viens très rarement ici ! Mais-euh c’est pas parce que je viens rarement ici que toi tu peux pas venir ! Enfin je dis ça mais-euh… pourquoi est-ce que… euh… Du coup ouais, il fait froid, mais moi j’adore quand il fait soleil ! Et aussi quand il pleut ! Ou les deux ! Enfin pas quand il pleut des soleils parce que ça serait beaucoup trop mortel ! Hahahaha ! Tu aimes le soleil ? Oh ça serait bien qu’il pleuve du café ! Le café c’est bien ! Haha… hahaha…
La bombe… c’était moi.
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