— Voilà un type qui cause mon langage… murmura Bunji.
Le voyageur était assis à même le plancher, en train de fouiner dans les journaux d’une vieille bibliothèque poussiéreuse.
Techniquement, la loge du gardien était interdite aux visiteurs.
…mais puisque Bunji venait de lire un journal qui invitait lesdits visiteurs à se montrer braves, fantastiques et aventureux !
…sûrement pouvait-on fermer les yeux sur cette petite infraction.

Le journal de H. J. Reyford sous le bras, Bunji quitta la loge pour s’aventurer dans le parc Safari.
Il avait cinq Safari Balls. Le sourire. Et l’intention de s’éclater.

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'Parc Safari' :

Un Machoc l’attendait à l’extérieur de la loge du gardien.
L’air défiant. Les biceps gonflés.

— Oh oh ?
Bunji pensa aussitôt avoir affaire à un pokémon dressé pour assurer la sécurité du parc.
Et arrêter les visiteurs qui s’écartent des sentiers battus pour… disons… fureter dans une vieille loge laissée à l’abandon… et se servir dans la bibliothèque.
Le journal de H.J. Reyford sous le bras, le voyageur eut un sourire.

— Dis, c’est ça que tu veux ?
Bunji leva l’ouvrage au-dessus de sa tête, puis le balança. De gauche à droite.
Le Machoc leva la tête, puis suivit le journal du regard. De gauche à droite.

— …on va dire que oui, assuma le jeune homme d'un ton conciliant. ’pas besoin de te fâcher dans ce cas, je te le rends…
Il se rapprocha du pokémon, l’ouvrage tendu d’une seule main devant lui, en signe de paix. Et arrivé à portée, alors que le Machoc tendait les bras pour récupérer le journal… Bunji lui décocha une Safari Ball en pleine poire.
L’éclair de capture rouge s’empara du pokémon stupéfait.

— …si t’arrives à m’attraper.
Avec un sourire canaille, Bunji fit un bond en arrière. Et tandis que la Safari Ball se tortillait dans le gazon, il commença à mettre une distance de sécurité entre lui et le pokémon.
Des fois qu’il doive poursuivre le safari en sprintant.  

1, 2… et 3 !
Un Machoc furibard jaillit de la Safari Ball !
Le pokémon pousse un cri de colère. Lance un regard sur sa gauche. Puis sur sa droite.
Et voilà qu’il repère le voleur, à la lisière du bois. Machoc fonce.


Un sourire mutin aux lèvres, Bunji adresse au pokémon un petit signe de la main avant de filer à toutes-jambes.

Le voyageur s’enfonce dans le bosquet. Il saute d’un rocher à l’autre en soulevant de petites gerbes de mousse déchiquetée. Il court sacrément vite. Surtout comparé à un Machoc, qui n’a que de toutes petites jambes.
Normal. Courir, Bunji a fait ça toute sa vie.
Déguerpir après avoir mis en rogne un pokémon sauvage, c’est presque une seconde nature chez lui.

Sous le regard furibond de Machoc, le voyageur franchit une vieille souche d’un bond, et disparaît dans un buisson.
…le pokémon saute après lui, avec juste un temps de retard.
Et l’éclair rouge de capture frappe à nouveau.

Machoc vient de prendre une Safari Ball dans le popotin.

Couché sur le sol, dissimulé par la souche et le buisson, Bunji a un sourire narquois.
— T’es là 23 niveaux trop tôt pour t’frotter à Bunji d’Izabe, mon pote.  

Le journal sous le bras, le voyageur se relève, et d’une série de petits bonds habiles, il reprend ses distances avec la Safari Ball qui se tortille furieusement sur le sol.

Machoc reparait dans un éclair de lumière rouge.
Cette fois, il n’a plus l’intention de se laisser berner. Avant même que Bunji ne se remette à courir, le pokémon arrache du sol un large caillou et l’expédie d’une seule main sur le voyageur.
Par réflexe, ce dernier se laisse brutalement tomber sur les fesses, et entend la pierre se fracasser contre un tronc d’arbre. Juste au-dessus de sa tête.

— Haha… c’est pas passé loin.
Ouais. C’est le risque à courir, quand on se paie la tête d’un Machoc.

Sans perdre de temps, le pokémon Combat se jette sur lui. Il bondit de la souche, prend appui sur une branche d’arbre à mi-hauteur et se laisse tomber face à Bunji.
Machoc rejette une épaule en arrière, prêt à lui envoyer son Poing-Karaté en pleine face !
Il est vraiment pas jouasse.

Il y a un bruit sourd.
L’épais journal de voyage de H. J. Reyford intercepte le coup.
Bunji grimace un sourire. Son intuition est juste.
Machoc a connu le douzième gardien du Parc Safari.
Peut-être étaient-ils amis ?

En tout cas… le pokémon ne veut pas endommager le bouquin.
Il a retenu son coup au dernier moment.
(Mais ça fait quand même super mal…!)

— Hey, Machoc, pouce… propose le voyageur. Arrête de lancer des gnons deux secondes, je crois qu’on devrait causer du journal.
Encore par terre, Bunji repose doucement l’ouvrage sur ses genoux et se retrouve face-à-face avec le pokémon. Son sourire se veut apaisant. Après tout, cette situation n’est que le fruit d'un simple malentendu. Peut-être peuvent-ils mettre leurs différends de côté pour un moment, et discuter calmement…

…Machoc lui jette un regard suspicieux.
Et il a bien raison. L’éclair rouge surgit à nouveau.
Après avoir dissimulé ses mains sous le journal, Bunji a repris une Safari Ball à sa ceinture, et l’a doucement faite glisser jusqu’à pouvoir toucher la jambe du pokémon avec. Quelle ordure.
— …mais d’abord, reprends une Safari Ball.

Bunji garde le poing fermé sur la Safari Ball, et avant que Machoc ne se libère une nouvelle fois… il la jette dans les airs. L’orbe de capture monte au-dessus des arbres, le pokémon enragé reparaît, et retombe lourdement dans une cascade de branches brisées.
Perché dans les frondaisons, et désorienté, Machoc pousse un petit gémissement misérable.

Pendant ce temps, Bunji détale.
Direction : La Loge du Gardien.
Difficile à dire si c’est malin de sa part… ou complètement idiot.

Il retrouve la petite cabane perdue aux abords de la forêt, bloque la porte avec une chaise, puis pose le journal de H. J. Reyford sur la table. Il fouille également la bibliothèque, dans un désordre monstre. Une vieille carte. Un album de photo. Un livre de cuisine.
Que cherche-t-il exactement ?
Eh bien… quelque chose qu’il puisse utiliser. N’importe quoi.

Des coups commencent à faire vibrer la porte.
Machoc est dehors. Il cogne sur le bois. Déterminé à se frayer un passage.

En déposant tout un monceau de documents sur la table, Bunji fait tomber quelque chose.
Il se penche pour ramasser le feuillet roussi par le temps… s'immobilise, puis affiche un sourire féroce.
Ça fera l’affaire.

La porte éclate. Le regard furieux de Machoc paraît à travers le bois fracturé.
Cette andouille regarde à l’intérieur par le trou qu’il vient de faire. Mauvaise idée.
…et hop, il se reçoit une Safari Ball dans l’œil.  

1, 2… 3. Clic !
Le vacarme cessa. Surpris, Bunji lança un regard suspicieux à la porte fracassée.
Sérieusement, c’est maintenant que la capture fonctionnait ?

S’attendant à moitié à ce qu’il s’agisse d’un traquenard, et à prendre un poing-karaté dans le bide, le voyageur ouvrit la porte précautionneusement.
Dehors, la Safari Ball reposait sur le sol. Immobile.

— Pfiou… soupira le jeune homme en ramassant la petite sphère. Tu t’es bien défendu, Machoc.
Avec un sourire canaille, Bunji retourna dans la loge du gardien, et s’installa à table.
A côté du journal, une petite photographie aux couleurs sépia montrait un vieil homme au dentier en or, et un Machoc, bras-dessus, bras-dessous.

— Comme promis. On va causer.
Il fallut au jeune homme près de deux heures pour amadouer le Machoc, complètement furax. A un moment donné de la conversation, une chaise passa même par la fenêtre.
Mais à terme…

…le voyageur confia le journal de H. J. Reyford au pokémon.
— J’veux pas le voler. Juste visiter les Zones Secrètes qu’il a répertoriées, s'expliqua finalement le jeune homme. …c’est ce que ton pote aurait voulu, pas vrai ?
Machoc et Bunji parvinrent à un accord.
Ils visiteraient ensemble les Zones Secrètes du Parc Safari.
Comme en hommage au vieux gardien disparu, féru de voyages et d'aventures.