« - Bonne fin de journée, au revoir. » répliqua-t-elle en esquissant un léger sourire à sa dernière cliente du jour.

Une fois la porte claquée, elle laissa échapper un long et audible soupir, épuisée de cette routine qu’elle s’était instaurée depuis son arrivée à Lumiris deux ans auparavant. C’était pourtant elle qui avait décidé de s’installer sur cette île pour repartir de zéro après ce drame. Son choix s’était alors porté sur la ville la plus festive possible. Tous les moyens étaient bons pour se changer les idées en profitant de toutes ces frivolités. Médecin Pokémon la semaine, bambocheuse le week-end. Ce rythme de vie fut un véritable exutoire pour elle lors des premiers mois, mais très vite, son intérêt pour ces longues et exaltantes nuits diminua jusqu’à devenir simples banalités à ses yeux.

Fareeha la tira de ses pensées en se posant sur son épaule tout en lui becquetant l’oreille comme pour attirer son attention. La Passerouge n’aimait pas voir sa dresseuse ainsi broyer du noir. La médecin sourit tout en se protégeant des coups de bec de son amie. Ravie d’être parvenue à arracher un sourire à la jeune femme, Fareeha bomba fièrement le torse pour faire ressortir ses plumes pourpres.

« - Tu as raison ma belle, dit-elle en lui caressant le cou d’un doigt, ne nous laissons pas abattre. Ce n’est pas ce qu’elle aurait voulu pour moi… »  

Ses mots l’avaient amené à sortir de sa poche une photo bien abîmée par le temps.

Photo:

La vision de ce petit bout de papier aux multiples plis avait transformé le sourire d’Hayden. Son expression était maintenant mélancolique. Très vite, ses yeux s’humidifièrent.



« - Maintiens bien la compresse à deux mains… marmonna-t-elle tout en regardant autour d’elle paniquée. Vite, il me faut d’autres compresses stériles, une pince, un scalpel, des cise…
- Hay..den… articula tant bien que mal la militaire qui venait de tousser une grande quantité de sang. C’est trop.. tard… La balle a perforé le poumon.. et touché en partie.. le coeur… Même toi.. tu ne pourras.. rien faire.. pour moi… »

Ignorant le conseil de la jeune blonde, Fareeha tendit fébrilement le bras pour attraper la main de sa fiancée. Coupée dans son élan par ce qui allait être ses derniers instants en sa compagnie, Hayden se figea tandis que ses yeux commençaient à s’humidifier. Au fond, elle savait pertinemment qu’il était trop tard pour faire quoi que ce soit dans ces conditions, mais il était trop dur pour elle de faire face à cette réalité.
Alors que des grosses larmes s’étaient mises à couler le long de ses joues, elle baissa la tête, posant son front contre l’épaule de Fareeha qui souriait tant bien que mal pour faire bonne figure. Les deux amantes restèrent ainsi quelques instants, sans dire un mot. L’intensité du moment était telle qu’elles n’avaient pas besoin de parler.

Scène:

« - Qu’est-ce que je vais faire sans toi ? murmura Hayden entre deux sanglots. Je n’ai aucun intérêt à continuer tout ça si tu n’es plus avec moi…
- Ne dis pas.. des choses pareilles… soupira Fareeha en enlaçant d’un bras sa bien-aimée. Tu as.. encore toute la vie.. devant toi… Et même si.. je ne suis plus.. là physiquement.. Une partie de moi.. survivra là… »

Sur ces mots, la militaire pointa du doigt, toujours plus fébrilement, le centre de la poitrine de la jeune blonde qui venait de se redresser pour l’écouter. « Facile à dire pour toi », songe-t-elle, préférant garder cette pensée pour elle pour ne pas ruiner ces derniers instants. Son regard scanna brièvement la blessure dont une grande quantité de sang continuait de s’échapper. Ce n’était maintenant plus qu’une question de minutes, voire de secondes…
Dans un ultime silence, Hayden vint déposer un tendre baiser sur les lèvres de sa fiancée avant de poser son front contre le sien, la regardant droit dans les yeux une dernière fois.

« - Je t’ai-… murmura Fareeha dont le regard se vida avant qu’elle n’ait l’occasion de terminer sa phrase.
- Moi aussi… » répondit la jeune blonde en lui refermant les paupières avant de s’écrouler sur elle en larmes.

Ready to go:

Elle enfila sa veste, pris son sac à dos d’une épaule et invita Fareeha à se poser sur l’autre. Alors qu’elle s’apprêtait à éteindre la lumière et franchir la porte, son regard se posa sur l’un des cadres photo posé sur la commode de son entrée. Il s’agissait d’une photo de ses parents et elle dans le jardin de leur maison à Ogoesse dans la région d’Unys. Un large sourire se dessina sur son visage alors qu’elle se remémorait son enfance à l’école des dresseurs ainsi que ses études de médecine à Volucité. C’était d’ailleurs dans cette capitale que son chemin avait croisé celui de Fareeha lors d’une de ses permissions pendant son cursus militaire. Le coup de foudre avait été immédiat et il ne fallut que peu de temps avant que la médecin en devenir ne décide de s’enrôler avec elle dans le cadre de son internat.

« - Enfin… soupira-t-elle. Tout ça c’est du passé maintenant. Nous ferions mieux de nous mettre en route. Ces deux semaines de break vont déjà passer assez vite comme ça, il n’y a pas une minute à perdre ! »

Elle jeta un dernier coup d’œil derrière elle comme pour vérifier qu’elle n’oubliait rien avant de franchir la porte ; parée pour de nouvelles aventures.