all i want
Tu aurais pu être fière, tu aurais pu être merveilleuse. Tu aurais pu être reconnue, être une scientifique réputée. Mais ce ne fut pas le cas. La princesse de glace était enfermée dans sa maison, effrayée dans ce monde, discrète et effacée, incapable de s’imposer, à l’angoisse prenant le cœur si rapidement, si facilement.
Tu étais chez toi. Encore une fois, tu étais dans la noirceur légèrement coupée par les flammes des chandelles dans ton salon, allongée sur ton divan, musique classique en fond. Ça t’arrivait souvent, si souvent, toujours là, le regard dans le vague, sans activité nulle part, sans bouger, seulement respirer. Vie en suspens, existence inexistante, seulement un corps respirant aujourd’hui encore.

Rien, tu n’avais rien de ce que tu aurais pu être dans d’autres situations, tu n’avais rien de ce que tu aurais pu être dans une autre vie. Mais tu n’étais pas dans cette autre vie, tu étais un poids, un fardeau, tu étais une poupée de verre trop fragile, une poupée de verre que tu ne pouvais pas changer, renforcir.
Douleur qui restait, douleur qui demeurait. Tu savais que tu étais un poids pour ton entourage, tu savais que tu ne les aidais en rien, que tu n’avais aucun intérêt dans leur vie, pourquoi restaient-ils ? Enfin. Tu n’avais que Gladys en dehors de tes parents. Tu n’avais que ta meilleure amie et si tu ne comprenais pas pourquoi elle restait, mais tu comprenais que tu n’aies personne de plus.

La journée aurait pu se dérouler là, sans que tu n’aies bouger, figée. Hors du temps, hors de l’espace, hors des minutes qui s’écoulent sans considération à votre existence. Tu aurais pu demeurer ici, figée dans le temps, immuable. Tu aurais pu te laisser aller à cette contemplation, à cette fatigue prenant ton corps et l’enfonçant davantage dans ton divan, tu aurais pu te laisser tenter.
Mais trop souvent, ta vie était rythmée à coup de tu aurais pu .
Et non pas d’actions concrètes.

Tu t’étais levée, tu avais attrapé tes lunettes, tu te cachais aujourd’hui encore du monde, tu te défilais à leurs yeux intimidants, tu te défilais à leur contemplation de ta personne, toujours plus à l’aise dans l’ombre, l’obscurité, toujours mieux quand on oubliait que tu existais, que tu respirais. Tu étais toujours mieux quand tu avais le sentiment qu’on ne te voyait pas, ne te reconnaissait pas, ne te considérait pas comme présente.
Mais tu étais sortie tout de même. Tu étais sortie à la lumière du jour, baignant ton être de rayons lumineux, des rayons réchauffant ton corps glacé, poupée de verre glaciale. Ton cœur pouvait aussi se le montrer, glacé.

Shunt était venu avec toi, il te suivait partout, et l’amour dont il faisait preuve ne lui était pas redonné, ne lui était pas renvoyé. Tu ne le laissais pas mourir de faim, de soif, tu n’étais pas cruelle, mais tu ne le noyais pas sous une affection mielleuse. Observant une distance polie avec le pokémon, tu estimais tout de même bien t’en tirer. Il était toujours vivant, non ? Et puis, c’était toujours mieux que de là où il venait. Il semblait heureux avec toi, tu ne comprenais pas comment tu pouvais rendre heureux une bestiole. Non, c’était inconcevable. Inconcevable que tu puisses rendre qui que ce soit heureux. Ce n’était pas dans tes gènes, dans tes capacités, ce n’était pas quelque chose que tu pouvais faire.

Tu t’étais retrouvée sur les routes, dans ton fauteuil roulant pour ne pas trop en demander à tes poumons si faibles, fragilisés par ton enfance, par ce corps manquant de ressource pour combattre des maladies. Prendre de l’air, pourquoi pas ? Tu t’étais toujours fait dire que c’était doux, que c’était bon, pour le moral, pour le corps, surtout lorsque le soleil était sorti.
Tu n’avais pas prévu que cette sortie te plonge en plein cauchemar, que tu assistes à des pokémons dirigés par un dresseur attaquant un autre pokémon sauvage, te rappelant pourquoi les pokémons étaient un danger véritable pour ta personne. Yeux grands ouverts, presque tremblante, tu ne bougeais plus alors que Shunt s’était rapproché de toi. Il t’avait même parlé.
Tu étais figée. Tu ne savais pas quoi faire.
Comment répondre.
« Je.. non.. rien. J-je me promenais juste.. et vous ? Pourquoi ces attaques ? Vous êtes corrects ? » Respirer doucement. Respirer lentement. Ne pas laisser la panique venir.