Cette fois, il en avait vraiment un bon paquet sur les bras. Avec ce troisième œuf que l'étrange Moumouton lui avait offert en échange de son histoire, Shane se retrouvait avec un peu trop d’œufs pour tous es tenir avec lui. L'un d'entre eux, son tout premier, devait bientôt être prêt à éclore.
Ce n'était évidemment qu'une supposition, puisque le jeune homme ne s'était jamais occupé d'un œuf de pokémon avant celui de cet Absol. Tranquille, le jeune homme s'était aventuré vers les quais de port-corail. La nuit était tombée depuis un bon moment déjà, donnant un air presque abandonné à l'endroit. À demie cachée par de minces nuages, la lune rehaussait la patine du bois de sa lueur argentée, laissant les ombres danser dans son sillage.
C'était une nuit parfaite pour faire éclore un pokémon de type ténèbres. L'Absol n'était toutefois pas le seul œuf que Shane trimballait avec lui. Calé tout contre son torse, son nouvel œuf était tenu au chaud et à l'abri du vent. Non loin, le jeune homme pouvait entendre le murmure des vagues qui venaient mourir sur le sable, ne laissant qu'une traînée d'écume dans son sillage.
À part quelques lampadaires épars et un unique ivrogne qui titubait en direction de rues mieux fréquentées, les quais baignaient dans un calme et une obscurité absolus. Contemplant la quiétude des lieux, Shane s'approcha d'un quai, s'arrêtant tout juste avant que l'eau ne puisse lécher la semelle de ses chaussures. Face à la mer, le photographe ferma les yeux, appréciant la petite brise qui accompagnait l'onde.
C'est alors que le jeune homme sentit la présence d'un individu derrière lui. Son premier réflexe fut de fuir, mais l'impitoyable et glaciale pression d'une lame contre sa gorge le freina sec.
- Pas un mot, sinon on ne retrouvera jamais ton corps.
Le corps entier du jeune homme se tendit. Il pouvait sentir son propre pouls contre l'objet de métal. Une fine ligne rouge se dessina contre sa peau alors que son agresseur lui demanda d'une voix aussi suave et venimeuse que le poison d'un Abo:
- Tu vas gentiment me donner tes œufs et tes pokémons. Si tu tentes quoi que ce soit...
Pas besoin de terminer la menace. Il comprenait tout. Levant légèrement les mai s en signe de reddition, Shane tenta de parler, faisant perler une unique goutte de sang là où le couteau le menaçait:
- Ok, ok, je ne tenterai rien, mais mes pokémons sont à ma ceinture.
Habillé d'un débardeur blanc et d'un jean délavé, la ceinture du jeune homme tenait ses pokéballs, au nombre de quatre. L'agresseur laissa échapper un ricanement mesquin et de sa main libre, chercha à arracher l'une des sphères que possédait sa victime. Soudainement, le doigt ganté du voleur accrocha le bouton d'une pokéball, envoyant au-dehors en un rayon rougeâtre la forme massive d'un Altaria.
D'un bond, le malfrat recula, entraînant son otage avec lui, hors de portée des ailes du pokémon. La prise de l'inconnu se raffermit sur Shane qui laissa échapper un petit gémissement de douleur.
En réponse à la détresse de son précieux humain, Aria se mit à hurler, battant follement de ses ailes duveteuses pour attirer le plus d'attention possible. Il ne pouvait pas risquer d'attaquer cet être immoral qui menaçait le jeune dresseur sans risquer de blesser celui-ci. Peut-être qu'avec un peu de chance quelqu'un aurait entendu le boucan.
Once Upon A Moonlight Night Réprimant un bâillement, Angelo se frotta les yeux et rajusta le col de son pardessus pour se tenir chaud. À ses côtés, assit sur le banc au même titre que son maître, Gévaudan attendait, immobile, attentif. Les volutes de fumée qui s'échappaient de l'énième cigarette de son maître ne le dérangeait plus depuis bien des années, maintenant ; l'odeur en était presque rassurante. Pourtant, plongé dans la paisible obscurité de cette nuit à Port-Corail, Gévaudan se refusait à baisser sa garde.
Cela faisait plusieurs nuits maintenant que l'inspecteur et son grahyena passaient sur les quais de la ville portuaire, assis sur un banc sombre à la faveur d'un lampadaire cassé, immobiles la nuit durant à attendre une de ces agressions signalées et qui, pourtant, ne venaient toujours pas. L'inspecteur commençait à craindre que leur couverture eut été percée à jour. Faire le planton pendant des nuits ne le dérangeait plus autant que dans sa jeunesse, quoique le café vint à lui manquer ; mais le faire pour le plaisir de battre de l'air ne faisait pas partie de son plan.
La première agression avait eu lieu il y avait trois semaines de ça. On avait d'abord cru à un simple vol d'œuf de pokemon comme cela arrivait parfois, la malheureuse histoire d'un gars au mauvais endroit au mauvais moment ; mais rapidement les agressions et les vols avaient suivi, et il était désormais clair que les forces de police avaient affaire à un trafic d'oeufs volés à peine dissimulé. Qu'il s'agisse de professionnel ou d'un amateur, l'enjeu était le même : là où il avait crime, il avait justice à faire valoir.
Alors, tapi dans l'obscurité, Angelo attendait.
Il n'était pas bien tard quand le lieutenant de police vit passer le jeune homme, bras chargés. Le regard pourpre du grahyena ne quittait pas la silhouette qui s'avançait sur la plage, à la lumière de la lune, serrant contre lui ce qui ressemblait à un œuf de pokemon. Il n'avait rien à faire là, ni à cette heure, ni à cette période... Nonchalamment, Angelo se leva, les mains dans les poches alors qu'il se mettait doucement à marcher le long de la jetée. Un passant, voilà ce qu'il était. Un passant comme un autre, dans la lueur du soir, marchant d'un pas flâneur vers une direction que lui seul connaissait.
Cet homme était suspect, mais plus encore l'était la silhouette sombre qui venait de glisser devant Angelo et s'approchait désormais du porteur d'oeuf, immobile au bord de l'eau. Le policier serra les mâchoires alors fixait la scène qui se déroulait, planté dans les ombres avec son compagnon, leurs deux corps tendus à se rompre alors qu'ils se préparaient tout deux à agir, qu'il eut fallut combattre ou courir ; mais ce n'était pas un échange d'oeuf auquel Angelo avait affaire, et rapidement la situation s'envenima. L'ombre se jeta sur le porteur qu'elle immobilisait désormais et, précédés d'un flash blanc, les cris d'un altaria paniqué fendirent le silence comme on poignardait le calme de la nuit. Il lui fallait agir.
- Diversion, par la droite.
Gévaudan ne se fit pas prier et s'éloigna rapidement, porté par ses grandes foulées. Angelo, lui, s'était avancé.
Comme toujours, l'inspecteur de police se répugnait à utiliser la force autant que se servir de son arme de service. Mais la situation n'était pas sous contrôle et il lui fallait agir vite ; alors qu'il parcourait les derniers mètres le séparant de l'agresseur, ses pas étouffés dans le sable fin où il s'enfonçait, le grahyena déboulait aux côtés de l'altaria, les crocs dévoilés alors qu'il accaparait l'attention de l'assaillant du jeune homme aux cheveux colorés.
- Fais-le taire ou je m'en charge ! Il m'avait pas prévenu qu'il y en avait deux !
Mais avant qu'il eu pu faire quoi que ce soit, une barre de métal glacée s'appuya contre son dos.
- Vous n'ferez pas ça.
Un bruit retentit alors : celui caractéristique d'un chien que l'on venait d'armer. La voix, calme, reprit.
- Lieutenant Callaghan, brigade de Nemerya. Mes hommes sont just' là, un peu plus haut, et ils sont prêts à vous emmener. Lâchez votre arme.
Le temps se figea. Pendant un moment, ni Angelo ni l'homme ne dirent mot, ignorant les loups qui grondaient et les oiseaux qui hurlaient, les embruns leur fouettant le visage. Puis, lentement, doucement, l'agresseur abaissa les bras, relâchant l'homme qu'il empoignait et le couteau qui nichait dans ses doigts. Les mains glissant lentement derrière son dos, il se savait vaincu ; la prison valait mieux que la mort et la balle dans le dos. Angelo jeta un regard au jeune homme libéré, et sortait de sa main gauche une paire de menottes, s'empressa d'immobiliser assaillant.
Quand celui-ci fut menotté, Angelo rabaissa son arme, la décollant lentement du dos du criminel... Cette arme qui n'était en réalité que sa prothèse, index et majeur tendus, comme un enfant imiterait une arme. Sa main de métal claqua alors qu'il l'éloignait et la décoinçait.
- Vous, ça va ? N'avez rien ?
Avec son voleur enfin attrapé et le grahyena qui le fixait d'un air intraitable, l'inspecteur de police pouvait enfin reporter son attention sur l'intéressé, dont le cou strié d'une ligne rouge interpellait l'homme de Kanto.
Alors qu'il était certain que seule la mort l'attendait, une autre voix résonna aux oreilles du jeune photographe. La voix se présenta comme étant un inspecteur de police.
En une fraction de seconde, le coeur de Shane s'emballa. Il attendit, patient et alerte. Aussitôt que l'étreinte de l'agresseur se relâcha, Shane fonça vers Aria, s'éloignant de la portée de l'arme blanche.
Les ailes du volatil entourèrent le jeune homme pour le protéger et le regard du pokémon demeura féroce jusqu'à ce que l'assaillant n'eut été menotté. Une goutte de sueur perla sur le front du dresseur et il rangea promptement ses oeufs dans son sac.
C'est alors que l'inspecteur interpela le jeune homme, lui demandant s'il allait bien. Il tremblait de tous ses membres, était encore sous le choc, mais ne souffrait d'aucune blessure grave. Il s'en était fallu de peu. Les mots de l'inspecteur tirèrent toutefois le jeune dresseur de sa torpeur et il lui répondit malgré la tremblement encore présent dans sa voix:
- Je...je vais bien, grâce à vous.
La ligne rouge qui marquait sa peau, il ne la sentait même pas. C'était probablement l'effet de l'adrénaline. Derrière lui, l'Altaria se détendit légèrement, cherchant à apporter son soutiens à son dresseur.
Celui-ci, encore sous le choc, ne remarqua même pas la prothèse de son sauveur. Sans trop y penser, Shane porta l'une de ses mains à son cou, touchant délicatement la preuve qu'il n'avait pas rêvé cette agression.
Once Upon A Moonlight Night L'arrestation terminée, l'adrénaline commençait enfin à retomber chez les trois hommes. Rejoint par le grahyena qui fixait, l'oeil mauvais et les crocs découverts, l'agresseur inquiet, Angelo gardait une prise ferme sur les menottes. Le métal coincé dans sa prothèse émit certes quelques grincements quand la pression augmenta, mais tint bon et ne protesta guère plus. Cela faisait maintenant des années que l'inspecteur arborait cette prothèse et même si les premières semaines avaient été longues et compliquées, bien des années s'étaient écoulées depuis qu'Angelo avait sous-estimé la capacité de pression des griffes métalliques qui lui servaient de main. Au moins ne brisait-il plus les tasses par inadvertance, maintenant – il avait fini par perdre le compte des chemises tachées de café.
Cependant, il y avait quelque chose qui inquiétait l'inspecteur bien plus que l'état des menottes, des chemises ou des mugs de café. La fine ligne sanglante qui ornait le cou du jeune homme, pareil à un macabre collier de perles rouges.
- Je...je vais bien, grâce à vous.
Angelo fronça les sourcils d'un air inquiet. Il avait été victime d'une agression qui aurait pu très mal dégénérer : ce n'était pas rien.
- J'vais vous appeler une ambulance, je peux pas vous laisser r'partir dans cet état.
Le jeune homme comme son pokemon semblaient dans un visible état de choc ; difficile pour Angelo de leur venir en aide autant qu'il l'aurait voulu à cet instant. Mais alors qu'il attrapait de sa main libre l'antiquité téléphonique qui traînait au fond de ses poches, l'inspecteur soutint le regard du jeune homme, lui souriant d'un air confiant alors qu'il énonçait d'une voix profonde et posée.
- Hey, ça va aller. C'est fini maintenant ; tout va bien.
Puis, rompant le contact visuel en détournant ses prunelles d'or vers l'écran, l'homme de Kanto composa le numéro de la police et attendit que l'on décroche, reculant doucement vers le haut de la plage. (c) 2981 12289 0
Aidan Aubert
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Le jeune homme sortit de sa torpeur lorsque l'inspecteur déclara vouloir appeler une ambulance. Sa blessure était moindre, ce n'était qu'un égratignure, pas besoin de le mener à l'hôpital. Un élan de peur s'empara du photographe et il fit un pas en direction de l'homme. - N-non, pas besoin d'une ambulance. Ce n'est qu'une égratignure.
Dit-il, tentant de convaincre la figure d'autorité malgré son tremblement. Le volatil suivit son maître, lui donnant un petit coup dans le dos. Ils étaient deux à vouloir le rassurer et ils y parvenaient bien. Le jeune homme s'appuya contre l'Altaria et lui grattouilla sous le menton.
L'oiseau gazouilla légèrement. Malgré tout, l'inspecteur s'empara de son téléphone des plus datés pour appeler. Soit, il ne valait pas la peine d'insister. Dépité et épuisé par l'adrénaline qui redescendait, Shane se laissa tomber contre Aria, qui lui servit de lit temporaire, venant donner un câlin à son dresseur en le frôlant de son grand cou.
Après cette frayeur, l'air de la nuit en semblait encore plus frais. Un frisson parcourut l'échine du photographe et il se blottit un peu plus contre les vastes plumes du volatil. Tout doucement, Shane se mit à se concentrer sur sa respiration, ralentissant graduellement les battements affolés de son cœur.
L'agresseur était loin, menotté, sous contrôle. Il avait échappé à la mort, avait encore ses œufs et il n'était pas seul. Inspirer, expirer. Le calme lui revenait tout doucement et il se surprit même à sourire, soulagé.
Once Upon A Moonlight Night Le téléphone sonna une fois, puis deux, et enfin on décrocha à l'autre bout du combiné, s'inquiétant de la situation. Celle-ci était sous contrôle, ou du moins, c'était là ce que déclarait Angelo alors que, d'une main tenant toujours l'homme dépité, il surveillait du coin de l'oeil le jeune individu et son altaria. Il n'avait pas fallu bien longtemps ni beaucoup de mots pour que l'inspecteur ne raccroche et ne range l'appareil, tandis que toujours à ses côtés, le grahyena se tenait, immobilement digne.
- N-non, pas besoin d'une ambulance. Ce n'est qu'une égratignure.
Angelo esquissa un léger sourire convenu.
- Gamin, c'était pas une question.
Ainsi dont s'achevait cette chasse qui l'avait tenu éveillé plusieurs nuits durant, cette enquête qui l'avait plongé dans un énième trafic qui gangrenait Lumiris ; bientôt, cet homme abandonnerait la liberté au profit de la justice ; bientôt, Angelo rebrousserait enfin chemin et retournerait chez lui... La nuit était belle, maintenant qu'il prenait véritablement le temps de l'apprécier, menant le malfrat d'une main ferme et mécanisée. Aucun relâchement ne se sentait dans la griffe de métal de l'officier alors qu'il poussait le prisonnier en amont de la plage, les ramenant sur la promenade d'où le chant des sirènes de police commençait déjà à s'élever ; et pourtant l'homme de Kanto ne pouvait s'empêcher de pousser un soupir face à toute cette histoire qui se réglait enfin. Bras armé de la justice, pas vrai ? N'empêche, c'était à d'autres horizons et d'autres succès que l'inspecteur rêvait, d'autres retrouvailles plus charmantes que celle qu'il s'apprêtait à vivre sur la route goudronnée.
Les policiers vinrent rapidement à lui, accompagnés d'hommes en blanc qui le scrutèrent un instant pour voir s'il était bien celui qu'on leur avait signalé ; puis, ne voyant aucun signe ni traumatisme sur l'homme au chapeau de feutre, l'un des hommes abandonna son collègue pour se diriger rapidement vers le jeune photographe à la ligne écarlate. On récupéra le criminel menotté et, à peine quelques instants plus tard, une voiture contenant l'individu s'éloignait de la scène, gyrophares éteints, en direction du commissariat.
- Et le jeune homme là ?
Face à l'interrogation de son collègue, Angelo reporta un regard d'or en direction du dresseur, à quelques mètres d'eux. Gévaudan, assit calmement au pied de son maître, fixait l'inconnu et son pokemon d'un regard inquisiteur.
- Dommage collatéral, not' gars a tenté de lui chourer son œuf.
D'un geste habitué, l'inspecteur ralluma une cigarette, le visage s'éclairant quelques instants d'une douce lueur orangée.
- Il a été un peu abîmé dans cette histoire, veille à c'qu'ils s'occupent de lui tu veux ?
L'officier de police hocha la tête à son supérieur et lui faussa compagnie, prenant la direction du dresseur et de son altaria. Ça y est, il était temps. Dans un soupir gêné par la cigarette, pincée entre ses fines lèvres, Angelo jeta un dernier regard à la scène, la plage et, plus loin, brillant vaguement des lumières de la ville qui s'y reflétait, l'océan. Il en avait assez fait pour ce soir ; et fourrant les mains dans ses poches, accompagné de son fidèle canidé, l'inspecteur commença à s'éloigner lentement du front de mer, profitant de la tiédeur nocturne de Port-Corail. (c) 2981 12289 0
[[ N'ayant eu aucune réponse aux messages privés que je t'avais envoyé, je me suis permis de répondre malgré tout - tu étais prévenu, mais il y a toujours moyen de rattraper Angelo si tu le souhaites vraiment :/ ]]
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