I'm eleven minutes away…
Angoisse. Souffle court, poings serrés, gorge nouée – dans le silence des heures Cael n'a pu qu'hurler, que frapper, que se débattre contre rien d'autre que les ombres qui, doucement, prenaient racines dans son esprit. Plus rien d'autre n'existe que ces seules sensations de vide et d'urgence qui lui retournent l'estomac, depuis ce matin-là – ce matin étrange et cotonneux, ce matin un peu ivre où les lumières qu'on n'avait pas éteintes la veille se sont brusquement rallumées, ce matin où la sonnerie du téléphone a de nouveau retentit dans la chambre d'hôtel.
Ce matin étrange, où le monde a brusquement repris vie.
And I have missed you all day…
Il n'a pas compris.
Il n'a pas compris – déchiffré les messages mais rien ne faisait sens. Rien ne faisait sens à son esprit – plus rien d'autre qu'un orage, qu'un tourment et, tandis que les images de la centrale encore fumante tournaient en boucle sur l'écran de télévision, lui composait tous les numéros de son répertoire pour la retrouver. Que quelqu'un l'ait vue, que quelqu'un l'ait reconnue, que quelqu'un sache mais le silence s'est étiré.
Il a couru les allées, filé les rues, le souffle court et les prunelles embuées – à chaque détour un nouveau message envoyé. Discord, SMS, Instagram, Messenger et répondeur – il s'est heurté au silence, à l'absence, jusqu'à la porte du refuge où, mine triste et yeux humides on lui a dit « je ne sais pas ».
Hagard et perdu, il a déambulé les rues – fantôme si livide que personne ne l'a reconnu.
Lumiris sous le choc – et lui, gamin paumé, qui n'avait qu'un seul nom au bord des lèvres.
Lys Aiden.
Lys Aiden.
Lys Aiden.
Lys.
Lys.
Lys...
Et les syllabes se sont usées sur son palais jusqu'à n'être plus rien d'autre qu'un murmure. Ses pas l'ont traîné jusqu'à Voltapolis – jusqu'à la zone sinistrée barricadée. À l'intérieur, des hommes en combinaison, des démineurs, des pompiers – on apercevait d'ici les traits épuisés de ceux qui n'avaient pas encore dormi. Ceux pour qui la nuit avait été longue et moins paisible.
Ceux qui avaient frôlé l'horreur du bout des doigts.
Et lui…
Et lui n'était même pas là.
Ses doigts se sont agrippés au grillage auquel on avait accroché des fleurs, des poèmes et des portraits. Déjà, autour de lui, on transformait les cendres en engrais et la guerre en paix. Déjà, autour de lui, on se réappropriait ce que la violence avait volé.
Et puis, enfin, son téléphone avait sonné.
Et puis, enfin, on lui avait dit « je sais où elle est. »
I'm eleven minutes away…
Tous les jours.
Tous les jours.
Il est venu tous les jours – le tournage interrompu, au vu des circonstances actuelles, lui avait libéré toutes les heures qu'il aurait de toutes façons volées. Il n'est plus capable – plus capable de jouer un rôle quand la réalité ne suit plus le script.
Lui brusquement trop gris, trop blanc, livide dans les couloirs de l'hôpital à longueur de journée, lui de l'autre côté de la vitre et qui observe la silhouette immobile et les inspirations régulières.
Le visage qu'on a ravagé...
Il se surprend, quand la fatigue lui donne des vertiges, et que le café amer du distributeur ne parvient plus à l'empêcher de trembler
à songer qu'elle est toujours aussi belle,
endormie comme ça,
paisible et sereine.
Il attend.
Il attend.
Quand on le laisse entrer, il s'installe, entremêle leurs doigts, se justifie comme il peut (« on m'a dit que tu m'entendais peut-être ») et puis lui raconte toutes les promesses qu'ils se sont dites – il lui parle d'Hécate qui fait des siennes, et du refuge qui l'attend, et des étoiles qu'ils doivent encore admirer, et des constellations qu'il a apprises juste pour elle, et de l'association, et de comme il a commencé la paperasse mais combien sans elle c'est compliqué.
Parfois, il murmure « tu me manques » et puis « reviens » – la voix si basse qu'on ne l'entendrait jamais se briser (c'est lui qui s'émiette au dedans sans rien montrer).
Il s'éloigne à peine – parce qu'on le chasse. Il rentre égarer le sommeil dans ses insomnies, se doucher pour détendre ses muscles noués, manger pour ne pas s'écrouler, se changer pour enfiler d'autres vêtements gris qui ne lui ressemblent pas.
Cael n'est plus lui-même, quand Lys n'est plus là.
Un matin le discours change, un matin on lui dit « elle s'est réveillée » et ce matin-là c'est comme si le monde s'ouvrait sous ses pieds. Les yeux secs comme la gorge – pas un mot ni la moindre des larmes. On lui dit « elle dort » mais on l'autorise à entrer.
Il s'installe, comme d'habitude – sur la chaise à son chevet, leurs doigts enlacés. De sa main libre, il vient chasser des mèches peroxydées qui ont glissé sur ses tempes. Il hésite et puis se penche – dépose un baiser sur son front.
« Qu'est-ce que je serais devenu sans toi, si tu t'étais pas réveillée ? »
Le souffle à peine audible et il ne sait pas – il ne sait pas s'il voudrait qu'elle l'ait entendu ou non, dans les méandres de son sommeil, son aveu inquiet sur laquelle sa voix vient de se briser.
So why aren't you here?
Angoisse. Souffle court, poings serrés, gorge nouée – dans le silence des heures Cael n'a pu qu'hurler, que frapper, que se débattre contre rien d'autre que les ombres qui, doucement, prenaient racines dans son esprit. Plus rien d'autre n'existe que ces seules sensations de vide et d'urgence qui lui retournent l'estomac, depuis ce matin-là – ce matin étrange et cotonneux, ce matin un peu ivre où les lumières qu'on n'avait pas éteintes la veille se sont brusquement rallumées, ce matin où la sonnerie du téléphone a de nouveau retentit dans la chambre d'hôtel.
Ce matin étrange, où le monde a brusquement repris vie.
And I have missed you all day…
Il n'a pas compris.
Il n'a pas compris – déchiffré les messages mais rien ne faisait sens. Rien ne faisait sens à son esprit – plus rien d'autre qu'un orage, qu'un tourment et, tandis que les images de la centrale encore fumante tournaient en boucle sur l'écran de télévision, lui composait tous les numéros de son répertoire pour la retrouver. Que quelqu'un l'ait vue, que quelqu'un l'ait reconnue, que quelqu'un sache mais le silence s'est étiré.
Il a couru les allées, filé les rues, le souffle court et les prunelles embuées – à chaque détour un nouveau message envoyé. Discord, SMS, Instagram, Messenger et répondeur – il s'est heurté au silence, à l'absence, jusqu'à la porte du refuge où, mine triste et yeux humides on lui a dit « je ne sais pas ».
Hagard et perdu, il a déambulé les rues – fantôme si livide que personne ne l'a reconnu.
Lumiris sous le choc – et lui, gamin paumé, qui n'avait qu'un seul nom au bord des lèvres.
Lys Aiden.
Lys Aiden.
Lys Aiden.
Lys.
Lys.
Lys...
Et les syllabes se sont usées sur son palais jusqu'à n'être plus rien d'autre qu'un murmure. Ses pas l'ont traîné jusqu'à Voltapolis – jusqu'à la zone sinistrée barricadée. À l'intérieur, des hommes en combinaison, des démineurs, des pompiers – on apercevait d'ici les traits épuisés de ceux qui n'avaient pas encore dormi. Ceux pour qui la nuit avait été longue et moins paisible.
Ceux qui avaient frôlé l'horreur du bout des doigts.
Et lui…
Et lui n'était même pas là.
Ses doigts se sont agrippés au grillage auquel on avait accroché des fleurs, des poèmes et des portraits. Déjà, autour de lui, on transformait les cendres en engrais et la guerre en paix. Déjà, autour de lui, on se réappropriait ce que la violence avait volé.
Et puis, enfin, son téléphone avait sonné.
Et puis, enfin, on lui avait dit « je sais où elle est. »
I'm eleven minutes away…
Tous les jours.
Tous les jours.
Il est venu tous les jours – le tournage interrompu, au vu des circonstances actuelles, lui avait libéré toutes les heures qu'il aurait de toutes façons volées. Il n'est plus capable – plus capable de jouer un rôle quand la réalité ne suit plus le script.
Lui brusquement trop gris, trop blanc, livide dans les couloirs de l'hôpital à longueur de journée, lui de l'autre côté de la vitre et qui observe la silhouette immobile et les inspirations régulières.
Le visage qu'on a ravagé...
Il se surprend, quand la fatigue lui donne des vertiges, et que le café amer du distributeur ne parvient plus à l'empêcher de trembler
à songer qu'elle est toujours aussi belle,
endormie comme ça,
paisible et sereine.
Il attend.
Il attend.
Quand on le laisse entrer, il s'installe, entremêle leurs doigts, se justifie comme il peut (« on m'a dit que tu m'entendais peut-être ») et puis lui raconte toutes les promesses qu'ils se sont dites – il lui parle d'Hécate qui fait des siennes, et du refuge qui l'attend, et des étoiles qu'ils doivent encore admirer, et des constellations qu'il a apprises juste pour elle, et de l'association, et de comme il a commencé la paperasse mais combien sans elle c'est compliqué.
Parfois, il murmure « tu me manques » et puis « reviens » – la voix si basse qu'on ne l'entendrait jamais se briser (c'est lui qui s'émiette au dedans sans rien montrer).
Il s'éloigne à peine – parce qu'on le chasse. Il rentre égarer le sommeil dans ses insomnies, se doucher pour détendre ses muscles noués, manger pour ne pas s'écrouler, se changer pour enfiler d'autres vêtements gris qui ne lui ressemblent pas.
Cael n'est plus lui-même, quand Lys n'est plus là.
Un matin le discours change, un matin on lui dit « elle s'est réveillée » et ce matin-là c'est comme si le monde s'ouvrait sous ses pieds. Les yeux secs comme la gorge – pas un mot ni la moindre des larmes. On lui dit « elle dort » mais on l'autorise à entrer.
Il s'installe, comme d'habitude – sur la chaise à son chevet, leurs doigts enlacés. De sa main libre, il vient chasser des mèches peroxydées qui ont glissé sur ses tempes. Il hésite et puis se penche – dépose un baiser sur son front.
« Qu'est-ce que je serais devenu sans toi, si tu t'étais pas réveillée ? »
Le souffle à peine audible et il ne sait pas – il ne sait pas s'il voudrait qu'elle l'ait entendu ou non, dans les méandres de son sommeil, son aveu inquiet sur laquelle sa voix vient de se briser.
So why aren't you here?