❝ le coup d'un soir.
J'avais suivi ton regard en direction de nos deux protégés. L'étincelle qui dansait dans tes yeux, à la façon des flemmes qui se reflétaient au fond de tes prunelles, avait un quelque chose qui me serrait le cœur, sans que je sache tout à fait l'expliquer. Mes mains ne servent pas à préserver la vie, m'avais-tu dit. Elles servent à casser, broyer, détruire. J'ignorais pourquoi c'était à cet instant que me revenaient en mémoire ces mots que tu avais prononcés, ces aveux qui disaient elles sont parfaitement inutiles, ceux qui murmuraient je suis inutile. C'était troublant, ces mots-là quand ce n'était pas moi qui les prononçais. Je m'étais tellement persuadé que mes mains ne parvenaient qu'à briser ce qu'elles touchaient… Je ne réalisais qu'enfin l'horreur de ces mots, à présent que c'était quelqu'un d'autre qui se condamnait.
J'ignorais tout de ton histoire… et tu l'ignorais probablement toi-même aussi.
Mais alors… Quoi ? Quelles indicibles immondices pouvaient bien justifier que tu détestes à ce point tes mains et ce qu'elles représentaient ? Je n'étais pas certain de la réponse que j'attendais – et que savais que cette question-là, je n'aurais pas l'audace de te la poser. C'était un de ces secrets qu'on garderait… Pour le moment, le silence nous convenait mieux que des mots mal alignés.
Pourtant, toi, tu t'y étais refusé. Ta voix, déjà ensommeillée, avait porté un dernier coup dans l'obscurité. « Tu sais, Damien… Je ne crois pas que les hommes naissent pour être des tueurs. Je ne crois pas non plus que ce monde ne puisse pas être sauvé… Peut-être que ça vaudrait le coup, de se battre… » J'avais posé mes coudes sur mes genoux pliés, et levé les yeux en direction de la brèche par laquelle nous étions entrés. Je n'avais pas parlé tout de suite – j'avais laissé l'écho de tes mots se perdre dans la roche et atteindre, en moi, qui de droit (mon cœur, mon âme ou ma volonté, je n'en savais rien). À vrai dire, mon silence avait sans doute duré bien plus longtemps que de raison. «Je crois qu'on n'aurait rien à perdre, à essayer… » J'avais murmuré, pas certain que tu m'aies entendu.
Brièvement, j'avais reposé les yeux sur toi. Happé par le sommeil, tes traits semblaient s'être défaits des soucis qui te hantaient. Morphée t'avait donné l'air paisible, et je m'étais fendu d'un sourire léger en contemplant le ballet des flammes sur tes paupières closes. L'instant d'après, par pudeur, j'avais détourné le regard. Tu t'étais endormi en ma présence, et c'était un abandon dont, moi, je n'étais même pas capable… Désemparé, j'avais soupiré.
Peut-être que toutes les guerres n'étaient pas vaines… J'avais songé, en m'adossant contre le mur. Bercé par le silence qui n'était rompu que par les respirations paisibles des endormis, et le vent qui sifflait au dehors, j'avais trouvé dans la seule crainte des ombres la force de ne pas m'assoupir.
Le jour commençait tout juste à percer au travers de la brèche au dessus de moi lorsqu'un craquement m'avait arraché aux somnolences qui manquaient me faire défaut. J'avais jeté un coup d'œil hagard autour de moi, sans saisir d'où venait ce son étrange puis, n'en trouvant pas la source, m'étais simplement redresser pour passer mes mains froide sur mon visage engourdi par un sommeil auquel je n'avais pas cédé. Dehors, le vent ne soufflait plus aussi fort que lorsque nous étions arrivés. Le blizzard était passé, et ne restait plus qu'une brise probablement glaciale qui balayait les paysages que je devinais par évidence couverts de neige et de verglas.
De nouveau, un craquement avait retenti et, cette fois, un aboiement strident m'avait indiqué la provenance du bruit. J'étais resté muet de stupeur en constatant la fissure qui était, comme de par magie, apparue à la surface de l'une des coquilles. Rhapsodie, à mes côtés, avait levé la tête, probablement réveillé par les aboiements du chiot, et avait longuement bâillé avant de reporter son attention en direction des œufs. Oreilles couchées, il semblait toujours les craindre… Et l'idée ne me rassurait pas tout à fait.
«Akari. » J'avais lancé, d'une voix enrouée qui ne portait pas bien loin et qui, de toute façon, était bruyamment couverte par les plaintes de ton cabot inarrêtable – épuisant de bon matin. Je ne t'avais, moi non plus, accordé aucun répit lorsque tes paupières avaient tremblé pour offrir tes prunelles claires à la clarté étrange du jour qui filtrait dans la cavité toujours éclairée par un feu de bois que j'étais parvenu à ne pas laisser s'éteindre (bien qu'il avait indéniablement rétréci depuis que tu m'en avais laissé la responsabilité). « J'crois qu'tu vas bientôt être maman. »
C'était… ma façon à moi de te dire bonjour, probablement.
J'ignorais tout de ton histoire… et tu l'ignorais probablement toi-même aussi.
Mais alors… Quoi ? Quelles indicibles immondices pouvaient bien justifier que tu détestes à ce point tes mains et ce qu'elles représentaient ? Je n'étais pas certain de la réponse que j'attendais – et que savais que cette question-là, je n'aurais pas l'audace de te la poser. C'était un de ces secrets qu'on garderait… Pour le moment, le silence nous convenait mieux que des mots mal alignés.
Pourtant, toi, tu t'y étais refusé. Ta voix, déjà ensommeillée, avait porté un dernier coup dans l'obscurité. « Tu sais, Damien… Je ne crois pas que les hommes naissent pour être des tueurs. Je ne crois pas non plus que ce monde ne puisse pas être sauvé… Peut-être que ça vaudrait le coup, de se battre… » J'avais posé mes coudes sur mes genoux pliés, et levé les yeux en direction de la brèche par laquelle nous étions entrés. Je n'avais pas parlé tout de suite – j'avais laissé l'écho de tes mots se perdre dans la roche et atteindre, en moi, qui de droit (mon cœur, mon âme ou ma volonté, je n'en savais rien). À vrai dire, mon silence avait sans doute duré bien plus longtemps que de raison. «
Brièvement, j'avais reposé les yeux sur toi. Happé par le sommeil, tes traits semblaient s'être défaits des soucis qui te hantaient. Morphée t'avait donné l'air paisible, et je m'étais fendu d'un sourire léger en contemplant le ballet des flammes sur tes paupières closes. L'instant d'après, par pudeur, j'avais détourné le regard. Tu t'étais endormi en ma présence, et c'était un abandon dont, moi, je n'étais même pas capable… Désemparé, j'avais soupiré.
Peut-être que toutes les guerres n'étaient pas vaines… J'avais songé, en m'adossant contre le mur. Bercé par le silence qui n'était rompu que par les respirations paisibles des endormis, et le vent qui sifflait au dehors, j'avais trouvé dans la seule crainte des ombres la force de ne pas m'assoupir.
Le jour commençait tout juste à percer au travers de la brèche au dessus de moi lorsqu'un craquement m'avait arraché aux somnolences qui manquaient me faire défaut. J'avais jeté un coup d'œil hagard autour de moi, sans saisir d'où venait ce son étrange puis, n'en trouvant pas la source, m'étais simplement redresser pour passer mes mains froide sur mon visage engourdi par un sommeil auquel je n'avais pas cédé. Dehors, le vent ne soufflait plus aussi fort que lorsque nous étions arrivés. Le blizzard était passé, et ne restait plus qu'une brise probablement glaciale qui balayait les paysages que je devinais par évidence couverts de neige et de verglas.
De nouveau, un craquement avait retenti et, cette fois, un aboiement strident m'avait indiqué la provenance du bruit. J'étais resté muet de stupeur en constatant la fissure qui était, comme de par magie, apparue à la surface de l'une des coquilles. Rhapsodie, à mes côtés, avait levé la tête, probablement réveillé par les aboiements du chiot, et avait longuement bâillé avant de reporter son attention en direction des œufs. Oreilles couchées, il semblait toujours les craindre… Et l'idée ne me rassurait pas tout à fait.
«
C'était… ma façon à moi de te dire bonjour, probablement.
▬ jtm for