Les eaux qui bordent l’île de Lumiris sont riches en surprises ! Après avoir découvert une magnifique épave et côtoyé les Lovdiscs, Rouchon et moi avions continué d’aller, toutes les semaines, écumer les côtes qui bordaient la ville de Sunyra. Après le port, nous nous étions aventurés dans des territoires plus sauvages, trouvant ça toujours quelque chose pour nous mettre des étoiles plein les yeux. Concours d’apnée, fouille subaquatique ou simplement bronzette en faisant les Staross et en nous laissant porter par les vagues, chacun de ces moments avait été délicieux. Nous nous pensions seuls au monde, hors du temps et de la réalité.

Toutefois, le besoin d’aventure de mon ami et ma curiosité naturelle nous poussèrent à aller un petit peu plus loin, à nous donner à nous même un nouveau défi. À force de jouer avec mon pokémon, j’étais de plus en plus à l’aise dans la mer et, quant à lui, c’était bien évidemment son milieu naturel. Il était compliqué de trouver une activité qui offre d’une part un vrai intérêt pour un Mustébouée sans être complètement impossible pour un humain.

Sur tout le chemin entre la plage et notre petite chambre, nous énumérions des idées, sans réellement y croire. Trop simple, trop difficile, trop cher ou bien trop ennuyeuse, nous étions frustrés de ne pas trouver une proposition à notre goût. En réalité, nous avions un drôle de dilemme : tout nous plaisait mais pas assez que pour nous lancer complètement dedans. En montant les marches, la déception nous guettait et nous nous affalâmes sur le lit une fois à l’intérieur.

Avec un profond soupir j’attrapais mon téléphone et surfais sur le réseau Dusk en caressant la fourrure de Rouchon. Je n’avais plus vraiment grand-chose à y poster mais je faisais défiler les photos des quelques artistes que je suivais depuis quelques temps. Des jolis dessins, un vlog et une pub qui attira mon regard : un groupe de jeune souriants et aux dents éclatantes qui s’amusaient comme des petits fous au parc Akwakwak sur l’île de Port-Corail.

« Rouchon, je crois que j’ai une idée ! »

« Après l’effort, le réconfort ! » disait ma mamy et je m’inspirai de cette expression pour faire ma proposition à mon partenaire :

Étape numéro une : se rendre jusque Port Corail à la nage
Étape numéro deux : s’acheter une petite glace
Étape numéro trois : TOBOGGAN GÉAAAAANT !!!!

« MUSTÉBOUÉÉÉÉÉE ! »

Notre aventure demandait un petit peu de préparation mais, après une petite semaine de petits boulots, nous étions prêts pour le grand départ ! Le trajet entre Sunyra et Port Corail se faisait normalement en ferry mais il n’était pas impossible de traverser le chenal à la nage, il fallait simplement faire bien attention à ne pas nous mettre sur la route des bateaux !

Maillot, lunettes, masque et tuba et un bon sac à dos étanche : le budget natation s’alourdissait encore mais j’avais fière allure là-dedans. Enfin pas sur la berge : sur la berge j’avais plutôt l’air d’un clown mais une fois dans l’eau, ça aurait certainement un plus bel effet ! De toute façon, mon apparence m’importait peu : ne partais pas vraiment depuis les docks de Sunyra mais d’un point plus sauvage des plages de l’île centrale de Lumiris.

C’est avec tout mon équipement et mon petit maître-nageur roux que je me jetais à l’eau, alors que la marée était descendante. Les vagues n’étaient pas encore trop importante et j’espérais pouvoir être loin de la plage lorsque la marée allait monter à nouveau. En cas de problème, j’avais des fusées de détresse mais je comptais bien ne pas en avoir besoin.

Nous commencions lentement : la traversée était longue et bien plus compliquée que la traversée d’une rivière d’eau douce. Le courant et les vents pouvaient autant se montrer favorables qu’exigeant et, face à la nature, il était bien difficile de se dresser. En bref, il fallait économiser nos forces tant que nous avancions sans encombre : on ne savait pas quelles seraient les épreuves à venir.

Il ne fallut pas longtemps avant d’arriver à une profondeur à laquelle je n’avais plus pied. Je sentais l’iode et le sel de l’eau de mer caresser mes lèvres et l’écume des vagues glisser sur ma peau. Nous étions libres, seuls et tranquilles, seuls et perdus dans cette vaste étendue bleutée. Avançant à notre rythme de croisière, nous décidions de profiter un peu d’être dans des eaux moins polluées pour observer un instant la faune et la flore qui baignait ici. Je plongeais alors ma tête sous l’eau, ne laissant dépasser que mon tuba alors que Rouchon dégonflait la bouée autour de son cou pour s’enfoncer sous la surface.

À peine étions-nous habitué à la température très fraîche de l’eau de mer que nous entendîmes un cri au niveau de la digue. Un jeune garçon, le visage rougi par l’effort et les yeux bouffis par les larmes était en panique. Il avait beaucoup de crainte pour le fameux « Candy » qui était tombé à l’eau et qui s’était empêtré dans un filet. J’ai moi-même eu peur qu’il ne tombe à l’eau en essayant d’aller le chercher et je lui criais de faire attention. Si les deux se retrouvaient coincés par la mer, Rouchon et moi allions avoir du mal à les aider tous les deux : d’autant qu’un enfant paniqué et qui s’était peut-être foulé la cheville n’allait probablement pas se métamorphoser en un excellent nageur.

« Ne t’inquiète pas, je vais chercher Candy, ne bouge surtout pas ! »

En temps normal, les pokémons de type Insecte parvenaient toujours à se sortir de l’eau quand c’était nécessaire mais Chenipan qui appartenait à l’enfant était soit très maladroit, soit très malchanceux car il s’était retrouvé emmêlé dans un filet de pêche. D’autant que les cris de son dresseur n’avaient pas attiré que notre attention mais aussi celle d’un Goélise qui faisait des cercles autour de nous, et qui n’allait pas dire non à une proie bien juteuse pour le repas.

Je ne pouvais qu’imaginer la tristesse du petit garçon s’il devait assister à une scène aussi triste sans pouvoir défendre son ami. Il allait être inconsolable s’il perdait son meilleur ami et le sentiment de culpabilité était le pire qui soit dans ce genre de situation, particulièrement à son âge. Je regardais vers Rouchon, il allait falloir que nous nous montrions coordonnés sur ce coup-ci. Il était un bien meilleur plongeur mais allait avoir du mal à défaire les nœuds dans lesquels étaient coincé la chenille.

Après avoir pris une grande inspiration, je plongeais la tête sous l’eau pour aller y démêler le filet. Ce n’était pas spécialement profond mais il était difficile de me concentrer sur ma respiration et sur mes doigts en même temps, d’autant que ma vision était trouble à cause du courant. Après ma première tentative, je dus remonter à la surface pour prendre une nouvelle goulée d’air. C’est là que je vis ce que je craignais : le Goélise qui survolait l’étendue d’eau fondait sur le Chenipan, en espérant pouvoir le gober avant que je ne le dégage de ce traquenard. Je n’étais pas plus avancé que le petit garçon en pleur : je ne pouvais pas concurrencer sa vitesse ni la précision de son bec qui n’avait qu’à cueillir le repas qui lui était présenté avant de retourner dans les cieux…

Heureusement, il y avait quelqu’un qui pouvait : en un instant, Rouchon s’était propulsé hors de l’eau à tout vitesse, droit vers l’oiseau pour lui rentrer dans le lard. L’on aurait dit une torpille rousse subaquatique qui avait surgit des fonds marins pour intercepter un bombardier ! La Vive-Attaque avait pris le prédateur de court et ce dernier, étourdit après le choc, voletait de façon un peu chaotique pour s’éloigner du protecteur orange.

Au second essai, je parvins à dégager l’insecte du piège dans lequel il s’était jeté. Je faisais de mon mieux pour le prendre avec douceur : c’est que cette petite bête était fragile et, malgré son air un peu benêt et ses grands yeux vides de toutes émotions, elle devait avoir eu la peur de sa vie en frôlant la mort soit dans l’eau, soit dans le gosier d’un animal qui faisait trois sa taille.

En le maintenant hors de l’eau, et grâce l’aide de Rouchon qui nous propulsait avec sa queue bifide, nous ramenions la pauvre victime au bord de l’eau. Tant pis pour notre départ, nous allions le retarder un petit peu. Il y avait deux personnes qui avaient besoin d’un petit peu d’attention et de conseils pour devenir de grands dresseurs. En sortant de l’eau, nous présentions Candy à son ami, pour qu’ils puissent se retrouver.

HRP :

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'Chromatique' :

Le garçon avait pris son ami et le serrait contre son cœur. Dans les grands yeux noirs de la chenille se reflétait l’image de son dresseur, on pourrait presque croire que c’était là une preuve d’amour mais je suis convaincu, bien que j’apprécie beaucoup cette espèce, que ce Chenipan était surtout surpris d’être encore parmi nous ! En tout cas, il ne se gênait pas pour se gaver de pokéblocs donnés avec beaucoup de caresses affectueuses par le scout.

« Il faut faire attention avec les Pokémons insectes. Même s’ils paraissent faciles à dresser au premier abord, il ne faut pas oublier qu’ils sont vivants et fragiles ! »

Je ne voulais pas lui faire la leçon mais plutôt essayer de lui partager quelques conseils en espérant qu’il apprenne de son expérience. Nous étions tous les deux jeunes et ce n’était pas simple d’avoir un autre être vivant sous sa responsabilité. Surtout qu’à son âge, c’était très compliqué de s’en occuper correctement. Je décidai de reporter un peu notre départ pour sortir de l’eau et rejoindre les deux miraculés sur la berge, m’asseyant face à la mer.

« Installe-toi à côté de moi. »

Nous restions-là, les pieds dans l’eau, à regarder l’horizon avec nos deux compagnons. Je lui racontai ma rencontre avec Rouchon et lui lu quelques notes de mon carnet sur les pokémons insectes. Quelques conseils sur la chasse mais aussi et surtout sur leur comportement et leurs besoins. J’espérais pouvoir lui partager le peu d’expérience que j’avais acquis depuis le début de mes aventures et qu’il devienne à son tour un meilleur maître pour son Chenipan.

« Si tu fais très attention et que vous êtes patients, tu finiras par te réveiller un matin avec un magnifique Papilusion ! »

La métamorphose de la chrysalide était pour moi l’une des plus belles récompenses que pouvait espérer un entomologiste, cela signifiait que toutes les conditions avaient été réunies pour sublimer la vie de la petite chenille dans son cocon. Ces deux-là avaient encore besoin d’apprendre beaucoup de choses pour grandir…

« REGAAAARDE !! » s'écriait-il.

Il s’extasiait devant un petit Tritonde qui avait été amenée ici par la marée. Le pokémon a l’air benêt fixait des yeux un gamin émerveillé qui, lui en revanche, criait sa joie à plein poumons… Ce devait être normal à son âge : j’étais moi-même un enfant agité quand j’étais plus petit. Je préférais toutefois entendre ses piaillements de joie plutôt que les hurlements de détresse de tout à l’heure.

« Tiens ? Un nouvel ami ! Il a l’air de t’apprécier. »

Le petit ne tenait plus en place, il sautillait et bondissait dans tout les sens alors que le tétard le suivait du regard. Ils étaient très différents mais étrangement, le courant passait bien entre les deux : chacun à leur manière, ils se montraient fasciné l’un par l’autre. En y regardant de plus près, je comprenais encore un peu mieux la joie de mon nouvel ami : le Tritonde qui nous avais rejoint était un petit peu différent des autres. Son corps et les petites ailettes autour de ses oreilles n’étaient pas d’une couleur habituelle mais d’un brun chocolat. C’était là ma toute première rencontre avec un pokémon chromatique et je sentis à mon tour poindre une joie nouvelle.

« Tu pourrais essayer de le garder avec toi aussi… Comme ça, si Candy a encore envie de se baigner, il y aura quelqu’un pour veiller sur lui ! »

Au moment où je lui avais adressé ces mots, ses yeux s’étaient mis à étinceler : il n’était plus heureux, il était euphorique. Si ébahi et envahi par l’excitation de capturer un pokémon chromatique, il ne trouva rien à répondre et il resta bouche bée à regarder le petit Tritonde pendant quelques instants. Je pris l’une de mes pokéballs pour la mettre dans sa main et l’encourageait.

« Allez, vas-y, c’est le moment pour toi de devenir un grand dresseur ! »

Il fit quelques petits pas pour prendre de l’élan et lança la pokéball en la faisant tournoyer. L’image était amusante car la cible de son jet n’était pas vraiment très loin et j’eus presque peur un instant que la ball n’assomme Tritonde plutôt que de le faire rentrer. Heureusement, les gens qui les fabriquaient étaient plutôt doués et tout sa passa comme prévu… Ne restait plus qu’à savoir s’il allait rester à l’intérieur.

HRP:

"J'y arriverais JAMAIIIIIIS"

La joie avait rapidement laissé la place à la frustration chez ce jeune dresseur qui imaginait que le petit Tritonde était déjà acquis ... Les choses n'étaient malheureusement pas toujours aussi simple avec les pokémons et il fallait parfois s'y reprendre à plusieurs fois avant qu'ils n'acceptent de rentrer dans une pokéball pour nous accompagner dans notre aventure.

"Ne dis pas cela. Tu sais, la patience est l'une des plus grandes vertus que peut avoir un dresseur ! Il m'a fallu des semaines avant d'apprivoiser Rouchon. Il a fallu que nous prenions le temps de nous observer un petit peu l'un et l'autre, de nous rapprocher, de jouer ensemble pour que, finalement, nous devenions de vrais amis..."

J'avais l'impression d'entendre un adulte parler... Mais n'était-ce pas un peu comme cela qu'il devait me voir ? Un grand, quelqu'un qui sait comment fonctionne les pokémon. Une personne qui a déjà réussi à faire cela avec un Mustébouée et qui peut partir à la conquête des mers en compagnie de son ami s'il le désire... C'est en le voyant lui que je me rendais compte que, même si je n'étais qu'au début de mon voyage, j'avais déjà parcouru du chemin.

Je ramassais la ball pour la lui tendre à nouveau, avec le sourire.

"On a tout notre temps, et lui n'est pas encore parti ... Il a peut-être un petit peu peur lui aussi... Réessayez ..."

HRP:

Cette fois-ci, plutôt que de lui lancer la ball droit dans la figure, le dresseur en herbe avait pris son temps. Il avait sorti quelques pokéblocs, qui devaient sûrement être normalement à Candy, et les avait donnés à Tritonde en faisant un petit chemin dans l’écume jusqu’à la pokéball. C’était ingénieux ! Si ce n’était que, lorsque les vague se retirait, il fallait recommencer depuis le début. Avec de la persévérance et un petit peu d’aide, il avait tout de même réussi à parvenir jusqu’au bout de son parcours.
Il était rentré dans la pokéball, il était resté dedans et son nouveau dresseur piaillait de bonheur. Il courait partout, le poing levé avec l’objet de sa joie entre les mains en pépiant des mots incompréhensibles. Il finit sa course à bout de souffle en me prenant dans ses bras en répétant le mot « merci » un nombre incalculable de fois et à toutes vitesses. J’avais l’impression qu’il essayait de faire passer les bras qu’il avait passé dans mon dos au travers de ma colonne vertébrale et de mon ventre tellement il serrait fort. Heureusement : il n’y est pas arrivé !
Au bout d’un moment, il avait fini par me laisser respirer à nouveau mais il trépignait toujours d’excitation. La fierté se lisait sur son visage et la joie rayonnait autour de lui. C’était le tout premier pokémon qu’il avait capturé et il méritait bien de profiter de ce moment. Il pensait plus vite qu’il n’arrivait à parler et, après une nouvelle vague de remerciement, il s’en alla en courant dans l’autre sens en balbutiant quelque chose par rapport à son frère et ses parents. Il allait être le champion de la famille aujourd’hui, c’était une jolie heure de gloire pour un enfant.
Toutefois, deux pokémons, cela signifiait aussi être deux fois plus attentif pour en prendre soin, j’espérais qu’il s’occuperait bien de Tritonde et Candy… Moi j’avais déjà un ami à qui j’avais fait une promesse. Je passai une main dans la fourrure de Rouchon avant de prendre sa patte pour l’amener avec moi de retour dans l’eau.
« Cette fois… c’est la bonne ! »

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'Chromatique' :

L’eau était toujours aussi fraîche mais le soleil, que nous avions vu se lever un peu plus tôt, commençait son ascension quotidienne. Même s’il était encore loin d’être à son zénith, il était déjà grand temps pour nous de nous mettre plus sérieusement en route. Nous jetâmes un dernier regard vers la côte, sur laquelle un joli Marisson venait se balader, profitant de l’air frais du matin. De loin, j’avais presque l’impression que ce dernier nous faisait signe de la main avec son air ravi. Était-il content de nous voir partir, ou bien nous souhaitait-il bonne chance ? Je n’en avais aucune idée.

En y repensant, il était bien le seul témoin de notre départ, en dehors du jeune dresseur qui devait être déjà bien loin. Nous ne faisions pas cette aventure pour le succès ni la gloire non. À vrai dire, alors que Rouchon et moi nous enfoncions pas à pas dans l’eau fraîche, je me demandais ce qui pouvais bien pousser un pokémon et son dresseur à se jeter à l’eau de la sorte, à se donner des défis qui ne leur rapportaient rien…

Je regardais vers mon Mustébouée, je vis son regard déterminé et je me rappelai la réponse. C’était tout simplement que nous aimions cela. L’odeur iodée de la mer, le goût salé de l’écume sur nos lèvres, le roulis des vagues qui nous portent et l’impression d’être enveloppé par l’océan quand nous nous immergions sous l’eau. Les teintes colorées des pokémons aquatiques, le chant des migrateurs qui traversaient le monde, les bateaux au loin qui avançaient lentement d’île en île.

C’était notre élément. C’était comme un appel des fonds marins qui nous invitait à les découvrir encore et encore. Ils ne dévoileraient leurs secrets que si nous le méritions… J’étais convaincu que si Rouchon et moi parvenions à nager jusque Port-Corail, nos efforts seraient récompensés. Nous allions faire de grandes choses un jour, et ce défi, c’était une façon de nous le prouver à nous-même.

HRP:

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'Chromatique' :