Dusk Lumiris

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[TW : violence] Temps perdu (solo)
Lauriane Feroë
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Dresseur·euse Pulsar & Champion·ne d'Arène
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Dresseur·euse Pulsar & Champion·ne d'Arène
Lauriane Feroë
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Je me lève, un tourbillon de noirceur dans l’esprit. Je m’échappe doucement de ma toile de tente, un débardeur et une culotte pour seuls vêtements. Le matin pointe à peine le bout de son nez mais la chaleur m’a assaillie toute la nuit. De toute façon, je ne craint pas d’être vue dans cette tenue dans un lieu aussi reculé.
Lorsque Hope s’est posée au milieu de cette jungle dense, avant-hier, dans l’après midi, je pensais y trouver un refuge. Loin de la ville, du quotidien, de mes connaissances, de mes problèmes et de tout ce qui pouvait me les rappeler. Loin de tout, loin du monde. Mais plus les heures, et la nuit, passent, plus je constate que rien n’y fait. Peu à peu, je prend conscience que je n’ai qu’un souhait: m’éloigner de moi-même. Sortir de ce que je suis. Me dissocier de celle que je ne veux pas être.

Mes Pokémon se réveillent doucement. Oplyn, déjà bien trop excitée, émerge de la tente à ma suite. Stahl arrive peu après, encore à moitié ensommeillé. Les autres ont dormis dehors. Lys et Ajiel sont déjà en train de s’activer pour trouver des baies aux alentours, de quoi nous offrir un petit déjeuner suffisant. Hope baille longuement, tandis qu’à ses côtés, Sirius relève la tête, la queue fouettant joyeusement l’air à ma vue. Seul Shiro dort encore à poings fermés, adossé contre un arbre.

Et la forêt s’éveille avec nous, indifférente à notre visite. Une autre heure passe. Nous mangeons. J’enfile quelque chose de plus adéquat. Et j’observe tour à tour mes compagnons, à présent bien revenus du monde des rêves. Je leur avais promis (je m’étais promis) un entraînement, encore un, immergé en pleine nature. J’avais imaginé quelque chose pour nous renforcer les uns les autres, à la fois physiquement et psychologiquement. En partant, j’avais en tête un séjour où je pourrais trouver des réponses à mes questions. Un médicament à la maladie qui me ronge. De quoi construire un rempart contre le monde, avant de comprendre que j’avais besoin de me protéger contre moi-même.

Je me suis convaincu d’aller trouver un meilleur moyen de me battre, me voilant la face alors que je ne faisais que fuir. Mais comment peut-on vraiment fuir une part de soi?

Deux heures supplémentaires s’écoulent. Deux heures pendant lesquelles j’observe mes Pokémon se battre. S’échanger des coups et des tirs élémentaires, toujours dans le respect les uns des autres. Des jeux, des combats, des exercices. Ça ne rime à rien. A quoi bon les entraîner eux, quand je suis le poids mort? Une fois de plus, je fuis la source du problème, essayant de me donner bonne conscience. Mais il n’y a aucune consistance dans les décisions que je prend. Il n’y a aucune raison, aucun objectif à faire tout ça.

C’est moi qui suis faible. Je suis pas l’actrice adéquate pour le rôle que j’essaye de jouer. Et pourtant, je me refuse à quitter la scène. Abandonner, ou continuer à échouer? Qu’est-ce qui ferait de moi une meilleure dresseuse? Une meilleure personne? Est-ce que ce questionnement fait simplement de moi une mauvaise perdante qui ne tolère pas la défaite? Peut être. Ce n’est qu’un sport. Ce n’est qu’un jeu. Un jeu parfois dangereux. Ce léger picotement dans mes côtes est bien assez présent ces derniers temps pour me le rappeler.

Les images de la croisière Ariwa me reviennent en tête une fois de plus, et mes pensées dérivent vers mon sac. Il y a autre chose que je voulais faire, ici. Je crois que c’est le moment. Ou plutôt, disons qu’il faut bien se jeter à l’eau. Je me dirige vers la tente et fouille dans une petite poche de mon bagage. Trouvant ce que j’étais venue y chercher, deux petites appareils rectangulaires fixés sur une lanière, je reviens vers le groupe et demande à Hope et Oplyn de me suivre. Je donne pour consigne aux autres de continuer leur jeu, et m’éloigne, les deux femelles sur les talons. A distance respectable des autres, je me tourne vers elles.

-Je suppose qu’il n’y a pas de bonne façon de faire… Je sais même pas si vous allez comprendre ce que je vais vous expliquer… J’ai… J’ai décidé de désactiver vos Pokéball.

J’observe la Dracaufeu et la Tenefix. Elles ne semblent pas comprendre ce que je leur dit. Elle savent que je leur parle sérieusement, sans saisir le sens de mes paroles. Le mot “Pokéball” ne leur est pas inconnu, mais à savoir si elles sont conscientes de ce que mes paroles impliquent, j’en doute.

Je leur montre les deux objets que je tiens toujours en main. Du matériel haut de gamme fourni par la base ranger, et souvent utilisé pour rester en contact avec son Pokémon partenaire, ou des montures. Je m’avance vers mes protégées. Les deux appareils finissent chacun autour du cou de mes Pokémon. Je recule, observant leur curiosité et leur incompréhension.

Je continue de m’éloigner de quelques pas, et porte mon poignet au niveau de ma bouche. Je presse un bouton de ma Pokémontre.

-Est-ce que vous m’entendez?

Ma voix me parvient en écho, quelques mètres devant, émanant du collier de la salamandre. Les créatures, surprises, cherchent l’origine de ma voix avant de comprendre la nature de leur nouvel accessoire. Je tente autre chose. D’une simple pression d’un autre bouton sur l’écran tactile de la montre, un bip sonore retentit, venant du même appareil. J’effectue les mêmes tests avec celui d’Oplyn. Tout semble fonctionnel. Parfait. Satisfaite, je m’approche à nouveau.

-Ça marche, donc vous aurez plus besoin de ça.

Je décroche de ma ceinture les deux Pokéball de mes auditrices. C’est une décision mûrement réfléchie durant plusieurs semaines. Ça fait deux fois que la Team Mistral bloque nos Pokéball et nous empêche de faire appel à nos Pokémon. Deux fois qu’on se retrouve à leur merci, totalement démunis face à leurs Pokémon. Je ne veux pas revivre ça une fois de plus. La prochaine fois, on ne se fera pas avoir. Le jour où la Team Mistral, ou un quelconque autre ennemi, frappera en usant de cette technologie, on pourra se défendre.

Je force l’ouverture de la première sphère et fouille à l’intérieur pour en retirer un composant. Même chose avec la seconde. C’est dingue le nombre de tutoriels qu’on trouve sur le réseau Dusk… Une pression sur chacun des boutons m’indique que les sphères sont désormais disfonctionnelles.

-Vous ne pouvez plus rentrer dedans. Elles marchent plus. Insisté-je, affin d’être sûre qu’elles comprennent.

Je fais mine de les renvoyer à l’intérieur. Rien ne se passe. Curieuses, les deux créatures, semblent peu à peu faire la lumière sur ce que je leur explique. Oplyn, plus dégourdie avec la technologie, a l’air de mieux assimiler ce qui est en train de se passer.

-On reste ensemble, et en contact avec ça…

Je leur désigne ma montre du doigt, ainsi que leurs colliers.

M’approchant de nouveau, j’appuie sur un autre bouton présent sur l’écran tactile de mon gadget. A mon poignet, une indication visuelle me permet de savoir quel collier a été activé, et où il se situe géographiquement dans un périmètre relativement restreint. Le défaut de ces appareils est qu’il a été conçu pour que les rangers puissent garder contact avec leur Pokémon, et qu’ils puissent les retrouver facilement. L’inverse n’est pas aussi vrai. Le Pokémon ne connaît pas la localisation de la personne portant le capstick (ou la montre, dans notre cas). Et il est impossible pour un Pokémon de faire passer un message au ranger. Il va falloir faire avec.

-Est-ce que… vous avez tout compris? Vous m’en voulez pas?

Oplyn semble plus intéressée par son nouveau jouet que par mes paroles. Quant à Hope, elle plonge dans mes bras d’un air penaud. Je serre sa tête contre ma poitrine et pose mon front contre elle. Sa chaleur corporelle m’envahit. Malgré ma peau déjà transpirante, cela a quelque chose d’agréable. De réconfortant.

-Allez, retournez avec les autres. Dis-je, au bout d’un moment, en la libérant de mon étreinte.

Je les regarde s’éloigner un instant, et prend une grande inspiration. Un léger pic de douleur vient me titiller les flancs. Je n’ai presque plus mal. Ma blessure guérit peu à peu. J’ai pu recommencer doucement quelques activités physiques simples. Pas trop intenses, pas trop longues. Mais de quoi me défouler un peu. De quoi penser à autre chose qu’à cette colère, entre deux cessions de travail. Qu’à ce ressentiment qui ne me quitte pas depuis ma défaite dans l’arène ténèbres, et l’épisode du bateau. Mais c’est pas suffisant. Ça l’est jamais. La sensation de sombrer dans quelque chose de toujours plus noir ne me quitte pas.

Mon dernier combat contre Kei me laisse une goût amer. Plus je repense à cette journée, et plus j’enrage. Pas contre lui, ou mes Pokémon. Contre moi. Nos deux équipes étaient très bien entraînées. Et pourtant, il n’a même pas eu recours à la méga-évolution pour me battre. J’ai foiré. C’est moi. C’est ma faute. On aurait pu le battre, j’ai faillit gagner. Mais j’ai perdu mes moyens. J’ai donné des consignes hasardeuses à mes Pokémon, j’ai pas réfléchit.

Je m’assois un instant sur le sol forestier et tente de me raisonner. Mais une fois de plus, la moindre de mes pensées rationnelle est soufflée au loin par mon ressentit immédiat. C’est pas qu’une défaite. C’est la preuve supplémentaire de ma faiblesse. Encore une à ajouter à mon palmarès de la honte. La preuve que je ne suis pas encore assez bien pour la voie sur laquelle je me suis engagée. Que je ne suis qu’une ratée, qu’un échec.

Et tout ce qu’il s’est passé sur le bateau… C’est la même chose. En pire. On était tous impuissants. Même Kei. C’est le côté rassurant, on était tous dans le même panier face au plan de Hyouga. D’ailleurs, je peine à croire qu’un homme comme lui n’ait qu’aussi peu de Pokémon que Kei en a affronté. Et pourtant, le champion ténèbres a utilisé une attaque Z dès le début de leur affrontement. Est-ce que c’était par excès de confiance qu’il a tenté de mettre Hyouga au pied du mur aussi vite? Ou parce que lui même était en train de perdre, et que c’était là son dernier recours? Ou alors, est-ce que c’était dans l’espoir de faire du fracas pour qu’on le retrouve? Parce qu’il avait besoin de nous?

Je peux pas m’empêcher d’imaginer: Et si c’était moi qui m’était retrouvée seule face à Hyouga? Et si j’avais été contrainte de l’affronter en duel? Est-ce que j’aurais été capable de lui tenir tête ne serait-ce qu’un peu? Est-ce que moi, j’aurais trouvé le moyen d’appeler à l’aide? Est-ce que j’aurais seulement essayé? Ou mon orgueil m’aurait poussée à l’affronter seule?

Des petits pas lourds craquent les branches sur le sol, en approchant de moi. Stahl s’avance. Combien de temps j’ai passé à l’écart des autres? Il a dû s’inquiéter. Le Galekid frotte sa tête contre ma cuisse, et s’allonge contre moi. Ma main vient se poser sur son corps froid. Une pointe d’agacement me vient au coeur lorsque je pose mes yeux sur lui.

En fait… Si, je crois que je lui en veux. Et je m’en veux de lui en vouloir, parce que je sais que je ne devrais pas. Mais je peux pas m’empêcher de penser que s’il évoluait, on serait plus forts. Et j’aurais peut être pas perdu contre Kei.

Un soupire m’échappe. Pourquoi je fais une fixette là dessus? Pourquoi c’est si important pour moi de gagner contre lui? J’ai finit par le voir comme une sorte de limite à dépasser. Un objectif à atteindre. Comme si une victoire contre lui pouvait légitimer mon statut de dresseuse. Comme si j’avais besoin de sa validation à lui. Et en même temps… Même si je gagnais… Après, quoi? Il y aura toujours des dresseurs plus forts que lui. D’autres l’ont vaincu. Des challengers venus décrocher son badges, il y en a sans doute plein. A quoi ça rimerait de le battre, lui, spécifiquement?… Le placer comme ça sur un piédestal me permet de quantifier ma force. Le jour où je le battrai, si ça arrive, je trouverai quelqu’un d’autre à surpasser. Et ainsi de suite.

Des brindilles craquant dans mon dos me poussent à jeter un oeil par dessus mon épaule. Je n’ai le temps de n’apercevoir qu’une silhouette jaune, avant d’être projetée sur plusieurs mètres. L’atterrissage est violent. Il me coupe le souffle, et m’abîme la cage thoracique déjà fragile. Des grognements de douleur viennent ponctuer une violente quinte de toux.

A peine calmée, je relève la tête, ne comprenant qu’à moitié ce qu’il vient de se passer. Stahl n’est plus là. Et notre assaillant non plus. Des bruits sourds, un peu plus loin dans la forêt, témoignent probablement d’un combat. Témoins de l’action, mes Pokémon arrivent à mes côtés à tire d’aile ou au pas de course. Je me relève, prudente. Ma douleur au flanc s’atténue lentement.

Un cri résonne alors. Immédiatement, nous reconnaissons tous un appel à l’aide de Stahl. Sans prêter attention aux autres, sans savoir s’ils me suivent ou non, je pars en courant. Sirius me rattrape rapidement et me laisse monter sur son dos. Je fais confiance à son flair et à sa vision pour trouver l’origine du cri. Lys et Ajiel sont sur nos talons, Hope prend son envol, et Oplyn disparaît dans les ombres. Shiro, le moins rapide, est rappelé dans sa Pokéball.

Alors que je chevauche le lion de foudre entre les arbres, d’autres bruits de combats nous parviennent. Nous débouchons sur un sentier, ou plutôt une route assez large pour laisser passer un véhicule, tel qu’en témoignent les traces de pneux dans la boue. Je suis surprise de trouver un chemin praticable ici, si loin dans la jungle.

A quelques dizaines de mètres de là, au milieu de la route, deux hommes et leurs Pokémon se tiennent autour d’un camion benne de taille moyenne. Dans cette dernière, je repère des sortes de cubes en verre. Mais mes yeux trouvent le corps inanimé du Galekid. Son petit corps ne tarde pas à se soulever, porté par les pouvoirs psychiques d’un Alakazam, pour être placé dans un de ces fameux cubes. Réalisant ce qui est en train de se passer, mes poings se serrent, de colère et d’effroi, sur la fourrure du Luxray.

-Plus vite! Lui ordonné-je.

Les deux kidnappeurs m’aperçoivent. D’un même mouvement, ils se précipitent dans leur camion et démarrent en trombe.

-Fils de putes… Craché-je, amère.

Les quelques Pokémon laissés sur place pour nous ralentir se font rapidement abattre par mes propres compagnons, Lys et Ajiel, déblayant le passage pour Sirius et moi.

Un cri perçant nous fait lever la tête. Un Gueriaigle, ayant échappé à nos gardes du corps en se cachant dans les arbres, me fonce dessus. D’un bond, Ajiel s’interpose grâce à pisto-poing. Les deux animaux engagent alors un combat. De l’autre côté, Lys est également prise d’assaut par un Lucanon. Je devrais m’arrêter pour les aider ou leur donner des instructions… Mais en faisant ça, je risquerai de perdre la trace de Stahl. Par chance, le camion ne peut pas aller trop vite à cause de la jungle dense dans laquelle nous nous trouvons. Redoublant de vitesse, Sirius focalise son attention sur le transport. Dans la benne, l’Alakazam nous attend.


* * *


Le Cizayox se rapproche du camion, mettant hors d’état de nuire un Nosferalto envoyé par l’ennemi. Vérifiant d’un coup d’oeil où se trouve ses compagnons, il est le premier à voir le Gueriaigle fondre sur sa dresseuse. Se stoppant net, il fait demi-tour et intercepte de justesse le volatile. Furieux, le Pokémon vol contre attaque en envoyant des lames d’air. Le rouge parvient à bloquer une majorité des dégâts en croisant ses pinces devant lui. Si tôt la dernière attaque écartée, l’insecte se rue sur le piguargue. L’intérieur de sa pince droite se dote d’une aura noire.

L’attaque Tranche-nuit porte ses fruits, mais le volatile est loin d’avoir dit son dernier mot. Profitant de la proximité avec le Cizayox, celui-ci le frappe violemment avec ses ailes, l’envoyant percuter un arbre. Se redressant, le type acier fait apparaître des lames d’énergie autour de lui, boostant sa force de frappe. Il bondit en direction de son adversaire. L’échange de coups est violent, mais le Gueriaigle n’est pas en mesure de l’emporter. Plus faible, et moins adroit, il est forcé de céder du terrain au Cizayox.

Au prix d’un sérieux effort, l’oiseau réussit à mettre de la distance entre lui et Ajiel. La panique le gagne peu à peu. Abandonnant complètement son adversaire, il prend son envol pour gagner la cime des végétaux. Ajiel le suit de près. Encaissant, une nouvelle attaque, le volatile riposte avec un cyclone bien placé, qui repousse au loin le Cizayox et l’envoie s’écraser au sol, au milieu des racines. Lorsque l’insecte se remet du choc, son ennemi a disparu. Néanmoins décidé à le poursuivre, le type acier perce la canopée. Loin devant, l’oiseau s’enfuit déjà. Lucide, le Cizayox réalise qu’il ne sert à rien de s’acharner. Ne cherchant plus à le vaincre, le rouge prend plutôt la décision de le poursuivre.


* * *


Le dernier ennemi à terre, Lys bondit dans un arbre. Le sol est trop hasardeux pour un Pokémon aussi rapide. Les branches, les racines, les pierres, la mousse ou encore l’irrégularité du terrain sont des obstacles que les hauteurs lui permettent d’éviter. Avec adresse, la Jungko saute de branche en branche. Elle est sur le point de rattraper le camion quand le cri du Gueriaigle retentit. Pourtant certaine que tous leurs adversaires étaient éliminés, elle se retourne un instant pour connaître la situation. Ajiel s’interpose et engage au combat juste avant que l’oiseau n’atteigne leur dresseuse.

Un bourdonnement surprend la gecko et attire son attention sur le véhicule. Sorti de nul part, un Lucanon la percute de plein fouet et la fait chuter au sol. Se relevant rapidement, elle ouvre la gueule et tire une orbe verte vers son adversaire, qui l’évite en passant derrière un tronc. La foudre s’abat sur la chasseresse, qui prend le parti de foncer au corps à corps. Mais son adversaire est plus malin. Une attaque reflet vient entraver les plans de la type plante. Parfois un Lucanon émerge d’entre les arbres, mais quelle que soit l’attaque, elle ne touche pas. La Jungko est prise au piège entre l’original et ses reflets qui gravitent autour d’elle en passant tour à tour derrière la végétation.

La femelle choisit de passer à la vitesse supérieure. Une hâte, ainsi qu’une vive-attaque, lui donnent suffisamment de rapidité pour voyager avec fluidité de tronc en tronc. Induite en erreur par les nombreux mirages à l’image de l’insecte, la Jungko se laisse saisir par un fil de soie, et chute. Désormais plaquée au sol sur le ventre par une toile électrifiée entravant ses mouvements, la reptile est à la merci de l’insecte. Les deux mandibules de son adversaire se chargent en électricité pour former une sphères de plasma.

Son attaque reste en suspension un moment. Comme s’il hésitait à porter le coup. Puis, avant que la reptile ne se démêle de ses liens, l’attaque vient la frapper de plein fouet. Le choc est violent, la type plante reste sonnée quelques instants. Son adversaire, persuadé d’avoir vaincu, ou d’avoir suffisamment affaiblit sa cible pour éviter des représailles, s’enfonce dans la forêt. Profitant du calme revenu, Lys se dépêtre tant bien que mal de sa prison collante. Seule, sans repères, elle bondit à nouveau dans les hauteurs de la végétation, et s’élance à la suite de son ennemi.


* * *


Une décharge électrique est envoyée vers l’Alakazam, mais elle est déviée par ses pouvoirs psychiques. Ca risque d’être compliqué... Ajiel et Lys ne sont plus là, et Sirius doit livrer son duel alors que je le chevauche. Le type psy agite ses cuillères, et un rayon multicolore manque de nous percuter.

-Vise les roues! Ordonné-je au Luxray.

La précision de son prochain éclair est parfaite, mais une fois de plus, l’Alakazam réussit à protéger le véhicule.

-Fais chier…

Il faut que je m’en débarrasse, mais le mettre KO prendrait trop de temps. Luxray doit simplement l’empêcher d’agir quelques secondes.

-Hurlement!

Le lion émet un grondement avant d’ouvrir pleinement la gueule. Mais avant que le moindre son ait pu en sortir, les yeux du Pokémon moustachu s’illuminent et Sirius s’interrompt. Cette fois c’est un grognement hargneux qui s’échappe de la gorge de ma monture provoquée, qui accélère, se rapprochant dangereusement de l’Alakazam.

Celui-ci se déconcentre un instant. Il m’a semblé entendre une voix, à l’avant du véhicule, mais entre la distance et le bruit du moteur il m’est impossible d’en interpréter les paroles. Cela laisse le temps à Luxray de passer à l’offensive en déchargeant son énergie sur le Pokémon psy.

Celui-ci est touché de plein fouet, et la voiture est secouée par l’impact. Mais son conducteur parvient à en garder le contrôle. Le Luxray tente une nouvelle offensive. Notre adversaire réagit vite, et avec violence. Après s’être amusé un peu, l’Alakazam passe aux choses sérieuses. Le tonnerre du quadrupède est stoppé dans les airs une seconde, puis revient vers nous. Vers moi. Ce connard s’en prend directement à moi!

Je me penche sur le côté pour l’esquiver, et manque de basculer à terre. Un peu plus lente, et je finissais foudroyée sur place. Un mal de crâne d’une forte puissance me frappe alors soudainement. La migraine survient sans prévenir, m’arrachant une plainte entre mes dents serrées. Les paupières closes et le visage enfouit entre les omoplates de Sirius, comme si cela pouvait me protéger, j’ai l’impression que mon cerveau est sur le point d’exploser. C’est tout juste si je ne lâche pas les poils de Sirius pour plaquer mes mains sur mon crâne, dans l’espoir de calmer la douleur. Je ne peux pas lutter mentalement contre un Pokémon de cette force.

-Sirius, attaque…

Le mal de crâne s’interrompt subitement, et j’entrevois, malgré mes yeux fermés, un éclat blanchâtre. Un simple flash blanc qui m’éblouit partiellement, comme si j’avais regardé le soleil sans protection. A en juger par la perte de vitesse de Sirius, lui aussi a été touché. Et puis, avant de retrouver pleinement la vue, je bascule vers l’avant. Le lion est stoppé net et je chute par dessus sa tête. Je heurte violemment le sol, encaissant le coup avec l’épaule, et roule sur quelques mètres. Je finis par m’immobiliser en tapant contre un arbre.

J’étouffe un nouveau cri de douleur en serrant les dents. Grognant sous le poids de la souffrance, je porte une main sur mes côtes et m’efforce de reprendre mon souffle. Sonnée et endolorie, je met un temps avant de retrouver mes esprits. Des pas, près de moi, me font péniblement battre des paupières en ouvrant les yeux. Les traces du flash sur ma rétine n’ont toujours pas disparues. Heureusement que mes yeux étaient fermés à ce moment là. C’est limite si j’aurais pas pu devenir aveugle. Je reconnais tout de même Sirius qui s’approche de moi en poussant de léger ronronnements.

-Ça va… Ça va… Je crois.

J’ai encore la sensation d’être sous l’influence du choc mental. Mes sens sont flous, mes pensées éparses, et mes membres engourdis. Une petite silhouette, essoufflée, émerge d’entre les arbres. Sa respiration est pénible. Je reconnais ma Ténéfix qui a dû nous suivre en voyageant à travers les ombres.

-Oplyn?… Vous allez bien, tous les deux?

Je me redresse péniblement en position assise et m’appuie contre le tronc m’ayant arrêtée. Je me masse doucement les paupières et les tempes entre quelques clignements d’yeux. Lentement, je reprend mes esprits. Mes pensées s’organisent, le feu dans mon thorax s’atténue. Mes deux Pokémon me toisent d’un air inquiet. Je les comprend. Les humains sont moins résistants aux attaques et aux chocs, je suis pas étonnée qu’ils soient en meilleure forme que moi. Sirius a l’air d’avoir pris quelques coups, mais tient debout. Je dois en faire de même.

Je me relève, manquant de basculer. Prenant d’abord appui contre l’arbre, puis sur Sirius, je m’avance vers la route. Si j’analyse sans difficulté que la chute du Luxray est entièrement due à l’éblouissement avant un virage, je peine à comprendre ce qui est arrivé au camion. Les traces de pneus s’arrêtent net. Le véhicule s’est volatilisé. Et Stahl avec.

Je reste immobile, à contempler le sol, où les traces de pneus s‘arrêtent brusquement. La voiture n’est plus là. Les kidnappeurs non plus. Il me faut un certain temps avant d’assembler les pièces du puzzle et à deviner qu’ils ont probablement tous été téléportés par l’Alakazam. Ils peuvent maintenant être n’importe où, et il n’y a aucun moyen de les pister.

-Non, non, non, non… C’est pas possible. Ça peut pas... Non… Stahl! STAHL!

Je m’époumone mais cela me déclenche un brasier dans la poitrine, et me plonge dans une douloureuse quinte de toux. Évidemment, mes appels restent sans réponse. Calme toi, Lauriane, reste rationnelle! Réfléhis, où est-ce qu’ils peuvent être? Une voiture et tous ses passagers, ça doit être difficile à transporter sur de trop longues distances, même pour un Alakazam. Sans compter que la téléportation doit demander une certaine précision pour ne pas foutre la voiture dans un arbre ou un ravin.

Ils sont proches. Forcément. Forcément qu’ils le sont. Et ils ont certainement atterrit à un lieu que l’Alakazam connaît bien. Sinon leur voyage aurait été trop hasardeux. Ils doivent donc avoir un camp dans cette jungle. Un endroit où se reposer. Un point de ralliement. J’ai pas le choix, je dois miser sur cette logique si je veux le retrouver. Plus je perd de temps, plus leur fenêtre pour s’échapper est large. Je dois les retrouver rapidement. S’ils ont emprunté cette route, au milieu de la jungle, c’est qu’ils savaient où ils allaient. Sans doute. Peu importe, je dois bouger avant de devenir folle.

Je me tourne vers les deux Pokémon qui me suivent, un goût amère en bouche. Ils attendent mes consignes, abattus. Je laisse Shiro les rejoindre.

-Ils ont réussi à partir… Commencé-je, d’une voix faible, en m’efforçant de garder la tête haute, effort partiellement gâché par ma grimace de douleur.

J’aurais tant voulu que quelqu’un d’autre soit là. Que Lionel me tire vers le haut, me prenne dans ses bras et me pousse à avancer. Que Kei m’encourage, qu’il me dise que tout n’est pas perdu. Que Lise me rabaisse encore, m’obligeant, par égo, à tout faire pour ne pas perdre la face. Mais non, c’est à moi de tenir ce rôle pour mes Pokémon. Je n’ai personne pour faire en sorte que je tienne sur mes jambes. Je dois tenir seule. Mais est-ce que j’en suis capable?

Toute ma vie on m’a répétée que j’étais qu’une moins que rien. A chaque difficulté, j’ai eu quelqu’un sur qui compter. Je doute d’être capable d’accomplir une telle chose par moi même. Je suis au bord des larmes, de peur et de colère. Mes mains tremblent, et ma voix est légèrement cassante lorsque je reprend la parole:

-On fait des groupes de deux et on les traque. Rasez-moi toute cette putain de jungle s’il le faut, mais retrouvez-les!... On essaye de se retrouver par ici en fin de journée.

Je prend Shiro avec moi. Oplyn et Sirius partiront de leur côté. Est-ce vraiment judicieux de les envoyer dans la forêt, eux aussi, pour retrouver des gens qui enlèvent des Pokémon? Probablement pas, mais si je ne le fais pas, je ne retrouverai jamais mon starter. Et je sais qu’eux aussi veulent le sauver. Ils savent de quoi nos ennemis sont capables. Ils seront plus prudents qu’on ne l’a été.

Le Mangriff et moi commençons à ratisser la forêt. J’ai appris à me repérer dans ces environnements grâce à ma formation de ranger et mes nombreuses escapades. Mais cette jungle est dense. Ce n’est pas facile. Et Shiro n’est pas dans son environnement naturel, il ne peut pas vraiment m’aider, si ce n’est en taillant la végétation trop invasive avec ses griffes. Les minutes passent. Et toujours rien. Pas le moindre son de moteur. Aucune voiture à l’horizon. Pas l’ombre d’un kidnappeur. Rien. Les arbres, les arbres, et encore les arbres.

Les secondes s’égrainent. Chacune d’entre elle m’éloigne un peu plus d’un futur où je retrouve mon starter. Je n’ai que ça en tête. Je le perd. De plus en plus. Mes chances s’ammenuisent à chacun de mes pas, à chacune des branches que j’écarte du passage. J’ai la sensation d’avancer à reculons pendant que le temps redouble de vitesse.

Bientôt trois heures que nous errons, presque au hasard, dans cette épaisse jungle. Trois heures, et pourtant ma montre n’en a compté que la moitié. C’est insoutenable. Le poids de l’inévitable s’affaisse sur mes épaules, un peu plus à chaque fois que j’y repense. Et je n’ai que ça en tête. A moins que ça ne soit ma douleur aux côtes, de plus en plus insistante, qui ne fasse encore des siennes.

Une alerte vocale de Shiro me sort de mes tourments. La mangouste observe la canopée, oreille tendue. Même si son ouïe est plus fine que la mienne, je l’imite. Mais rien ne me frappe, hormis les rayons de soleil perçant les feuillages. Je finis par entendre quelques battement d’ailes, puis une ombre passe. Une créature ailée, orangée, survole les branches à basse altitude. Hope nous cherche.

-HO…

A peine eussé-je poussé la voix que je m’interromps avec un gémissement, les os de mon buste en feu. La salamandre est déjà en train de s’éloigner, mais il faut la prévenir que nous sommes là. Ma montre! En quelques pressions du doigt sur l’écran tactile, je déclenche une sonnerie sur le collier de Hope.

-Hope, est-ce que tu m’entends? Chuchoté-je. Tu nous a loupés, reviens.

C’est la première fois que nous utilisons ce dispositif en conditions réelles. J’espère que ça fonctionne. Shiro m’interpelle, un peu plus loin. Je reporte mon attention sur lui alors qu’il me fait signe de le suivre, un sourire carnassier aux lèvres. N’importe qui aurait hésité, voire serait parti en courant, mais je le connais trop bien pour savoir que son air sadique est habituel. Je lui emboîte le pas sans réfléchir, sans savoir si Hope m’a entendue. La mangouste m’entraîne jusqu’à une zone où la végétation se fait moins dense. Tarée mais pas conne, la bestiole.

-Cherche une zone avec moins d’arbres. Dis-je à la pokémontre.

Encore une fois, impossible de savoir si elle m’entend. Il nous faut un signal visuel.

-Vibraqua! Ordonné-je en pointant le ciel.

La sphère d’eau ne tarde pas à atteindre la cime des arbres, puis à éclater, déversant son contenu sur les feuillages. Pendant un instant, j’ai peur qu’il ne soit trop tard, et que la salamandre nous ait vraiment manqués, jusqu’à ce que le bruit de ses déplacements aériens nous revienne. Je suis soulagée de la voir apparaître au dessus de nous.

La reptile se pose, non loin, et je la prend dans mes bras. Je ne l’ai pas revue depuis que Stahl a été embarqué dans le camion. Je suppose, connaissant son caractère craintif, qu’elle s’est éloigné lorsque les choses ont commencé à devenir sérieuses, se contentant d’observer depuis les cieux.

-Tout…

“Tout va bien”, c’est ça? “Ça va aller”? Je me mord la langue. Son museau vient se coller au creux de mon cou. Je reste ainsi, appréciant un moment l’accolade avec le corps chaud de ma Dracaufeu. Puis elle recule, et se penche en avant. C’est la position qu’elle prend lorsque je monte sur son dos. Je saisis son regard peu assuré mais déterminé. Elle veut que je monte. Elle veut m’emmener quelque part.

Elle sait. En écho au nom que je lui ai donné, je commence à reprendre espoir. Je remercie Shiro et le fait revenir dans sa Pokéball avant d’enfourcher la salamandre. Quelques instants plus tard, ses puissantes ailes nous ont déjà propulsées au dessus de la cime des arbres, non sans m’arracher un grognement. Plus haut, le vent frais s’engouffrant dans mes vêtements m’arrache un soupire de plaisir. Nous survolons la forêt plusieurs minutes. Je ne cesse de jeter des regards en contrebas, espérant apercevoir quelque chose d’autre que des arbres.

Ce n’est que lorsque Hope gronde, en perdant un peu d’altitude, que je vois ce qu’elle tenait à me montrer. Un endroit où la végétation est moins dense, en plein coeur de la zone forestière. Je tire mon portable de ma poche et, prudente, ouvre l’application caméra. En glissant deux doigts sur l’écran tactile, je fais un zoom sur ce qui se trouve en dessous. C’est pas aussi efficace qu’une paire de jumelles, mais ça me permet de distinguer ce qui semblent être un campement. Mon coeur s’emballe. Est-ce que c’est là? Est-ce que c’est là que Stahl se trouve? Mes jambes se serrent sur les côtes de Hope.

-Bien joué, ma grande. Félicité-je en lui flattant le flanc.

Je serais tentée de lui ordonner une descente en piqué. De cracher ses flammes sur chacune des installations à sa portée. De foutre le feu à ces enfoirés. Mais ça ne servirait qu’à nous faire tuer. Si ce sont nos ennemis, il faut que je réunisse tout le monde. Que je trouve un moyen d’obtenir plus d’infos sur eux. Que je me prépare à les affronter.

Alors que nous nous éloignons du campement, un bourdonnement atteint mes oreilles. Je jette un regard en arrière, méfiante à l’idée que l’on puisse s’être fait repérées. Mais je reconnais la tache rouge qui se détache de la végétation. Ajiel est là. Il avait trouvé le campement, lui aussi. Il se positionne à notre niveau.

-On retourne en arrière un moment, le temps de savoir quoi faire. Dis-je en lui indiquant l’horizon.

Il acquiesce et me désigne moi, puis l’horizon. Sa pince touche sa poitrine d’acier, et m’indique le sol. Il reste ici? Je ne suis pas sûre de comprendre l’entièreté de ses intentions, mais il veut que je continue en le laissant derrière. Cette idée ne me plaît pas. J’hésite. Puis finallement, le rouge ne me laisse pas le choix et redescend en piquet vers les arbres, à l’écart du campement ennemi. Je soupire, difficilement, et indique à Hope de continuer.

Pendant le voyage, j’active à nouveau la connexion de ma Pokémontre, dans l’espoir de contacter ma Ténéfix, cette fois.

-Oplyn? Sirius? Vous m’entendez?

Question con, ils ne peuvent pas répondre. Mais ça a fonctionné pour Hope, donc on va assumer que cette fois aussi.

-Revenez là où on s’est séparés! Je crois qu’on sera pas trop loin.

La salamandre nous conduit à quelques kilomètre au sud, où nous atterrissons. Je pose péniblement pied au sol.

-Tu as fais du bon travail, repose-toi.

La type feu acquiesce et se pose dans un coin. Je choisis de laisser Shiro dans sa Pokéball. Il a mérité de se reposer aussi. D’autant plus qu’il n’y a plus rien à faire, à présent. Si ce n’est attendre. Je sais que m’approcher du campement maintenant, seule, serait trop risqué. Il faut simplement attendre que l’on soit tous réunis. En espérant qu’il ne soit pas trop tard. En espérant qu’on ne se trompe pas et qu’il s’agisse bien des ravisseurs. Mais si Hope m’a conduit là-bas, c’est qu’elle doit elle même avoir cette certitude. Et Ajiel y était aussi. Je leur fais confiance.

Je réalise alors que j’ai laissé mon sac sur les lieux de notre propre camp. On s’est tous précipités pour porter secours à Stahl, personne n’a pensé une seule seconde à nos affaires. Je prend conscience seulement maintenant de ma bouche rendue pâteuse par la soif. Et j’ignore combien de temps encore nous resterons ici. Autre chose me vient à l’esprit: si je sais à peu près ce que font les autres, je n’ai aucune idée d’où a disparu Lys. J’espère qu’il n’est rien arrivé à la Jungko.

-Si, Hope, pardon de te déranger encore une fois. Je vais avoir besoin que tu retournes à notre camp… Là où t’as laissé ta Pokéball… Ta pokéball… Il faut que tu récupère les sacs. Tu comprends?

J’ajoute le geste à la parole, sous son regard curieux. En la désignant du doigt, une pokéball en évidence dans l’autre main, puis en mimant un sac à dos. J’essaye de faire en sorte qu’elle comprenne ce que je lui demande. Quelques dizaines de secondes plus tard, la voilà qui décolle, le message étant visiblement passé.

Les minutes passent. Une première heure défile, pendant laquelle je m’efforce de rester calme. De me reposer au pied d’un arbre. De temps à autre, le passage d’un Pokémon sauvage me fait faire un sursaut. Mais malgré les apparence que je m’efforce de conserver, je suis à cran. L’angoisse qui m’envahit toujours un peu plus au fil de la journée n’est qu’une coquille renfermant une intense colère. Une rage que je garde en moi depuis de longues semaines. De nombreux jours durant lesquels mon amertume s’est transformé en une sorte de magma visqueux. Tantôt remuant, brûlant et incandescent ; tantôt calme, noir, mais solide comme des liens de pierre. Un poids calme-agité, comme un animal faisant les cent pas dans sa cage, sans trouver d’échappatoire.

Un animal que je voudrais libérer. Une prison que je voudrais ouvrir pour laisser s’échapper ces sentiments nocifs qui m’empoisonnent. Sans jamais y parvenir. Jamais. Mon regard dans le miroir. Les images dans ma mémoire. Les coups dans les objets. Rien à faire. Le fauve languis de trouver la sortie, sans pour autant l’emprunter quand je lui ouvre la porte en grand. Et pourtant… Je suis là, assise contre un tronc, mes doigts torturant une brindille, simulant la patience.

A force d’inactivité, mes Pokémon finissent par nous retrouver. Lys est la première à apparaître, suivie de près par Ajiel. Je suppose qu’ils ont dû faire le chemin, ou une partie, ensemble. Peut être le rouge me parlait-il d’elle, lorsqu’il m’indiquait le sol un peu plus tôt. Sirius et Oplyn ne tardent pas à nous rejoindre. La vue aiguisée de mon Luxray, ainsi que la perception accrue de la Ténéfix, auront réussit à les guider jusqu’ici. Enfin, Hope revient juste après eux, armée de deux sacs. L’un contenant des fringues et objets utilitaires. L’autre rempli majoritairement d’eau et de quelques vivres.

   
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Lauriane Feroë
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Citation :
Désolé pour le double post. J’ai rencontré un petit problème de limitation de caractères à cause de forum actif. Donc bah… Deux post, déso pas déso. Et si t’es pas content, va écrire un RP de 20 000 mots, on en reparle après. Nan mais oh. :c

Nous voilà tous réunis, alors que le soleil décline. Sitôt les sacs sur le sol, je remercie ma Dracaufeu et attrape deux bouteilles d’eau que nous vidons en quelques minutes, à nous sept. Dans la jungle, en plein été, les journées sont chaudes. Maintenant que l’adrénaline est bien retombée, et que mes idées se font quelque peu plus claires, je réalises à quel point mon corps à souffert de cette journée de recherche, entre ma blessure qui s’est aggravée, ma déshydratation, et ma faim.

Nourrir tous mes Pokémon est cependant quelque chose de difficile. Je n’ai pas pu emporter tous les kilos de nourriture qui leur sont nécessaire pour tenir plusieurs jours. Il nous faut donc chercher de quoi nous nourrir ici même, nos rations emportées n’étant utilisées qu’en cas de nécessité. Je pars, avec ma Jungko, pour tenter de trouver de quoi nous rassasier.

Bien que je possède quelques connaissances sur la nature, je n’égalerait jamais mon Pokémon lorsqu’il s’agit de la vie en forêt. De mon côté, je trouve bien peu de choses. Seulement quelques baies Durin et Babiri. La première possède une peau très amère, et un jus peu abondant, au goût acide. Rares sont les personnes capables d’en manger plus d’une bouchée, surtout lorsqu’elle n’est pas cuisinée. La seconde, plutôt sèche, possède un puissant goût épicé, et ne contient aucun jus. C’est pas avec ça qu’on va se nourrir… Mais on va pas faire la fine bouche, il va nous falloir des forces pour ce qui nous attend. Un peu plus loin, j’ai également la chance de tomber sur quelques baies Remu, pendouillant tranquillement sur un arbuste. Celles-ci sont peu nourrissantes, mais tendres et d’un bon goût sucré. On aura un dessert, au moins.

Lys a eu plus de chance. Ou de technique. C’est le coeur légèrement soulevé que je découvre ses prises. Un couple de Canarticho à qui elle n’a laissé aucune chance. Ça ne sera pas la première fois que je mange de la viande, loin de là, mais voir ces pauvres créatures ainsi frappées par la faucheuse m’attriste. Et cela d’autant plus, étant donné le contexte.

Ces Pokémon sont morts parce qu’il nous faut aider un ami dont je n’ai pas été capable de prendre soin. Stahl vaut-il la peine d’avoir pris ces deux vies?… J’imagine que ce n’est pas bien différent des steaks ou des cuisses que je retrouve habituellement dans mon assiette, en fin de compte. C’est juste… Différent, quand on se salit soi-même les mains. Et encore… Ce n’est pas moi qui ai porté le coup. Un peu quand même? Après tout, il est question de mes Pokémon. De ma responsabilité. Ces derniers jours nous n’avons pris à la jungle que des baies, sans toucher à ses habitants. Ce soir, la chasseuse en a décidé autrement.

Je soupire, repoussant toutes les questions de morale loin de mon esprit, clôturant mon coeur à tout sentiment pouvant entraver mon objectif: Stahl. Il est ma priorité. La faim, la soif, la colère, la mort, tout ça… La seule chose qui prime sur son sauvetage, ce sont les compagnons qu’il me reste. Je ne sacrifierai pas un autre de mes protégés pour le sauver. Je tiens au Galekid comme à la prunelle de mes yeux. Stahl est le premier à m’avoir rejointe. Mais je ne peux pas considérer son importance comme supérieure à celle des autres. Sa vie vaut peut-être plus, pour moi, que celle de deux Canarticho sauvages. Mais pas plus que celle de Lys, d’Ajiel, ou de Sirius.

Et encore… C’est pourtant le risque que je prend en essayant de régler cette affaire moi même. Tôt ou tard, ils devront se battre pour le libérer. Est-ce que je fais le bon choix? Est-ce que je suis seulement en mesure de faire le bon choix? Est-ce qu’il y en a un, au moins?

Et voilà que je recommence à douter de mes capacités. Heureusement, la réunion de mon équipe n’a pas trop tardée. La luminosité est déjà en train de baisser lorsque je reviens vers eux. Il est difficile de leur tenir un discours. De leur livrer de grandes explications. Mais je leur expose la situation comme je peux, notamment en tentant des des dessins sur le sol avec un baton. Sans perdre de temps, j’attrape mon téléphone dans ma poche.

Pour affronter nos ennemis, je vais avoir besoin d’informations sur leur camp, leurs pokémon, leur nombre, ou n’importe quoi d’autre. Toute info est bonne à prendre. Mais en pleine forêt, ces infos ne peuvent être récoltées qu’en approchant de leur camp. Je ne peux pas y aller moi-même, je me ferais repérer à coup sûr. Et dans la mesure où mes Pokémon ne peuvent pas communiquer clairement avec les humains, je peux difficilement leur demander de me faire un rapport.

Observer brièvement le campement depuis le ciel m’a quand même donné une idée. Je m’assois sur le sol, à côté de ma Tenefix. Je prend bien garde à vérifier que la mémoire du portable n’est pas trop pleine, et que le flash est désactivé. De toute façon, j’imagine que leur camp est équipé en lumières.

-Je vais avoir une mission pour toi. Dis-je finalement.

La caméra du téléphone en marche, j’appuie sur un bouton à l’écran. Sirius, qui se trouve de l’autre côté, est capturé par l’appareil photo. Sans comprendre, le lutin spectral me dévisage. Ses yeux curieux font la navette entre moi et l’objet.

-T’as vu comment j’ai fait? Tu vises… (Je dirige le smartphone en direction de Hope, pose le pouce et l’index sur l’écran, et les écartes pour zoomer.)… Et tu appuies ici, pour prendre la photo.

Une nouvelle image est enregistrée. Se dandinant d’un pied sur l’autre, Oplyn tend les bras vers le téléphone comme un enfant impatient. Je la laisse le prendre. Immédiatement, elle tapote l’appareil en laissant échapper un rire fugace, puis colle son oeil sur l’écran. Bientôt, elle lève le portable dans ma direction, appuie, et le baisse pour contempler son oeuvre. Je place tendrement ma main sur sa tête. Elle semble apprécier son nouveau jouet, et a l’air d’avoir globalement compris comment ça fonctionne.

-Si t’arrives à t’en servir, j’aimerais que t’ailles là bas. Près de leur camp. (Je lui désigne la croix tracée sur le sol, symbolisant le lieu en question.) Fais-toi discrète, et prend des photos. (Mon doigt vient pointer le téléphone.) De tout. Des humains, des pokémon, de Stahl… D’accord? Tu comprends, Oplyn? Lys te guidera, elle sait où c’est.

La Tenefix me regarde, la tête penchée sur le côté. Le précieux cadeau (temporaire) en main, elle s’enfuit entre les arbres, la gecko sur les talons. Avec la nuit émergeante, j’espère qu’elle réussira a prendre quelque clichés corrects. Au moins sera-t-elle capable de repérer les lieux avec plus d’efficacité que nous autres. Pendant leur absence, nous entamons le repas.

Je me réserve les baies les moins bonnes (leur goût est ignoble), accordant les plus sucrées à mes Pokémon. Plumer les Canarticho prend peu de temps en les brûlant. Une fois la viande cuite, nous mangeons à la lumière de la flamme se trouvant au bout de la queue de Hope. Dans ma tête, cette simple Lumière pourrait nous faire repérer. Je ne veux pas provoquer la malchance plus que cela en allumant un autre feu. Ce n’est pas comme si le froid nous menaçait, de toute façon.

Nous ne sommes pas repus, mais au moins nous n’auront pas faim avant quelques heures. Nous gardons aussi de la viande et des baies de côté, en vu du retour de Lys et Oplyn. D’ailleurs, leur départ remonte à quoi, à présent? Deux heures? Trois heures?

Je commence à m’inquiéter. Est-ce qu’Oplyn s’en sort? J’espère qu’il ne l’ont pas trouvée. S’ils l’ont capturée, elle aussi, ils ont sûrement trouvé le téléphone. Et peut être Lys avec. Donc ils savent qu’on est là, et qu’on est après eux. Est-ce que je n’aurais pas dû tout effacer, avant de lui donner? Et s’ils savent qu’on est là, ils pourraient lever le camp et partir. Ou nous chercher pour nous faire taire? Qui sait…

Alors que je commence à somnoler, à force de laisser mes pensées vagabonder, le bruit d’un buisson qu’on bouscule, sur ma droite, me fait sursauter. Les regards de tous, se fixent sur la direction du bruit, mais nous reconnaissons vite les silhouette de mes Pokémon qui reviennent. La Ténéfix s’avance vers moi. Elle semble fatiguée. Nous le sommes tous. Elle hésite un instant, puis me tend le téléphone, un peu à contrecoeur. Il faut croire qu’elle s’est bien amusée avec son jouet.

-Merci Oplyn. Merci Lys.

J’offre une caresse au lutin sur le haut du crâne, et un sourire à la lézard.

-Allez vous reposer! On vous a gardé à manger.

Je les laisse rejoindre la nourriture restante, et reporte mon attention sur le téléphone. Voyons ce que la spectre a pu capturer.

La première image me montre le campement, de loin.  La majorité de l’image n’est que végétation à cause du mauvais cadrage. Les images suivantes sont un peu plus claires. Il semble y avoir trois ou quatre tentes. Pas plus. Et je compte… trois personnes différentes réunies autour d’un feu de camp pour partager un repas. Admettons qu’ils ne soient que ça. Je suis seule contre trois. S’ils ont tous une équipe complète, ça fait quoi? Une vingtaine de Pokémon? Contre les six qui m’accompagnent. Six contre vingt. Putain…

Sur les photos, j’en vois quelques uns, d’ailleurs. Des Pokémon de différents types apparaissent ci-et-là sur les clichés, à la lueur de lampes installées par le groupe. Je déglutit difficilement. Comment je suis sensée m’y prendre? Comment je peux faire quoi que ce soit contre une organisation ayant un effectif trois fois plus élevé que le notre? Y a t-il simplement un espoir de réussir à sauver Stahl?

De nombreuses photographies sont inexploitables à cause du manque de lumière, du mauvais cadrage, du focus inexistant ou du visage d’Oplyn, visiblement surprise d’être apparu en gros plan sur l’écran.

Je fais glisser mon doigt sur l’écran pour la énième fois. Une pile de cubes entassés apparaît. Je reconnais les étranges objets présents à l’arrière du camion. A première vue, ils semblent fabriqués en verre, ou en plastique transparent. Ou quelque chose qui s’en rapproche. A l’intérieur de chaque prison incolore se trouve un pokémon ou quelques Pokéball, contenant certainement des Pokémon elles aussi.

Concernant toutes les créatures visibles sur la photo, elles semblent inconscientes. Toutes endormies. En observant un peu plus, je remarque quelques bonbonnes de gaz entreposées par endroit entre les cages. Des tuyaux les relient aux différents cubes. Est-ce que ça serait du gaz soporifique? Ou pire? Non, pourquoi voler ces Pokémon simplement pour les tuer, ça ne fait pas de de sens. Ils sont forcément juste inconscients.

Fais chier… A ce stade, ce n’est plus seulement Stahl. Même en étant en sous nombre, je peux pas laisser ces Pokémon comme ça. Il faut que je trouve un moyen d’y aller. De m’infiltrer. Je dois faire quelque chose. Est-ce que ces autres Pokémon étaient sauvages? Est-ce qu’ils avaient des dresseurs? Est-ce qu’il y en a d’autres, des dresseurs comme moi, en train de traquer ces fils de pute? J’en sais rien… J’en sais putain de rien… Si je parvenais à libérer ces Pokémon, est-ce qu’ils seraient en mesure de se défendre, même après leur exposition au gaz? Est-ce qu’ils se réveilleraient suffisamment vite pour se battre? Est-ce qu’ensemble on pourrait mettre en déroute ces enfoirés? Ça pourrait marcher, ils ont l’air nombreux à être captifs.

Je n’apprend pas grande chose de plus sur les photos qui suivent. Je ne vois que quelques brèves apparitions de kidnappeurs ou de leur matériel, dont l’intérieur de l’une des tentes qui semble être remplie de ces fameuses cages pour Pokémon. Celles-ci sont vides, cependant. J’en déduis qu’il s’agit de leur stock. En assemblant les images comme des pièces de puzzle, je parviens à me représenter vaguement la globalité du campement et ses occupants, eux même plus nombreux que ce que me laissaient voir les premières images. Ils doivent être… cinq ou six. Voire plus, si je n’ai pas encore vu tout le monde. Une dresseuse contre six. Six Pokémon contre trente-six. Plus les minutes passent, moins j’entrevois la réussite au bout du tunnel.

Mon index passe horizontalement sur l’écran une ixième fois. Le cliché suivant me fait marquer un temps d’arrêt. Je sens mes mains se mettre à trembler, et ma respiration s’accélère. J’ai soudainement la sensation d’étouffer, comme si on me bloquait la poitrine. L’air entre dans mes poumons mais je ne respire pas. Je tente de me calmer, de garder le contrôle, mais mon esprit reste soudainement obsédé par la photographie. Mon pouls s’emballe, en écho à mon souffle.

Sur l’écran, un Galekid apparaît endormi dans l’une de ces cages, éclairé par la lampe torche de l’un de ses ravisseurs en train d’inspecter leurs prises.

Je me relève péniblement en envoyant le téléphone s’écraser sur le sol. Je suffoque. J’ai beau avaler de grandes bouffées d’air, c’est toujours comme si je n’en avais pas assez. Incapable de penser à autre chose que ce que je viens de voir, mon regard balaie les lieux. J’ai peur. Peur de ce qui va arriver. Peur de ce qu’il pourrait arriver. Peur que cette dernière vision se matérialise ici sous mes yeux. Je ne sais plus ou donner de la tête tant le fil de mes pensées est incohérent. Mon visage blêmit alors que mon corps me pousse à me pencher en avant pour régurgiter mon maigre repas, réveillant une fois de plus la douleur de mes côtes.

Je tente de me ressaisir, mais mes épaules tremblent. Sirius vient passer sa tête sous ma main pour me rassurer, et Ajiel se présente devant moi, tentant d’apercevoir mon visage sur lequel les larmes ruissellent. Je les sens, je les vois, mais je ne les calcule pas.

-J’y arriverai pas. Je peux pas. Pardon, pardon Stahl. Je peux pas. C’est trop dur…

A mesure que j’en apprenais sur l’ennemi, le maigre espoir que j’avais de réussir à sauver mon starter s’amenuisait. Mais la dernière capture du téléphone a sapé toutes les forces morales qu’il me restait, ne me laissant en tête que la perspective d’un obstacle insurmontable, d’un échec inévitable.

C’est un combat perdu d’avance que je ne peux pas mener. Mais je ne peux pas juste abandonner Stahl de cette façon. C’est une impasse. Mes poings plaqués contre mon front, je m’accroupis sur place et laisse les sanglots me submerger. Entre le vomis, les pleurs, et ma respiration incontrôlable, je suffoque toujours plus. Sous les regards indécis de mes Pokémon, mon poing s’abat sur le tronc de l’arbre le plus proche. Une douleur me traverse le poignet, mais je n’y accorde aucune attention.

-Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Comment je peux faire? Y a aucune chance qu’on y arrive. Je suis pas assez forte, putain. On est pas assez nombreux. Je suis trop nulle, pourquoi je l’ai laissé s’éloigner? Je pourrais jamais le sauver, maintenant! Je peux pas affronter ça! On y arrivera jamais… On y arrivera pas… Qu’est-ce que je peux…? On y arrivera p… Comme…

Mon esprit s’embue doucement. Mon coeur se calme. Mes sanglots s’apaisent. Ma respiration ralentit et mes paupières s’alourdissent. Mais ce n’est pas dut à la peur qui me quitte. Ce sont mes forces. Je réalise que les bruits ambiants ont laissé place à un sifflement étrange, mais apaisant. En relevant la tête, je tombe nez-à-nez avec ma Jungko, une brindille dans la bouche. Elle tend ses bras vers mes épaules pour me retenir alors que je tombe soudainement de fatigue, victime de son attaque siffl’herbe.


* * *


Un léger courant d’air vient caresser ma joue. J’entrouvre les yeux, encore à moitié plongée dans cet étrange sommeil sans rêves, et découvre l’arrière de mon téléphone portable. Oplyn le tient à bout de bras, braqué sur mon visage aux yeux rougis. Assise au sol contre un arbre, j’observe les alentours. Je n’ai pas encore les idées tout à fait en place. Ma main gauche glisse sur une fourrure noire pour venir frotter mon visage.

Sirius relève la tête en me sentant bouger. Je crois qu’il est resté à mes côtés toute la nuit. Quelle heure est-il, d’ailleurs? Je tend la main vers la Tenefix, qui me rend difficilement le smartphone. Une fissure parcourt une bonne partie de l’écran depuis le coin supérieur droit. On dirait qu’il n’a pas aimé que je le jette au sol. Il est bientôt six heures trente du matin. Je n’ose pas regarder les nouvelles photos prises par Oplyn. “8%” est affiché à côté de l’icône de batterie, et le mode avion toujours activé pour éviter que l’appareil ne cherche inutilement un réseau qu’il ne trouverait pas ici. Je soupire et cherche des yeux mes autres Pokémon en glissant le portable dans ma poche.

Shiro est encore assoupit sur le sol. Lys se tient simplement éveillé, perchée sur une branche, gardienne de notre sommeil. Je passe quelques minutes à éclaircir toutes les choses qui se bousculent dans ma tête. Je n’ai pas l’impression d’être reposée, le sol de la forêt est trop peu confortable pour dormir. Mais au moins, ça m’aura permis de calmer le tourbillon de mes pensées. Pour combien de temps?

Un bourdonnement me fait lever les yeux vers Ajiel qui revient de je-ne-sais-où. Ses pinces s’ouvrent, et laissent se déverser quelques baies en tout genre sur le sol. Même s’il est peu copieux, au moins nous aurons un petit déjeuner. Nous nous regroupons pour avaler les fruits, meilleurs que ceux de la veille. Sucrés et juteux, pour la plupart. Je suis contente qu’il ait eu plus de chance que moi lors de ses recherches.

-Hope, tu es là? Demandé-je au bracelet de communication.

Je sais qu’elle ne peut pas me répondre. J’espère simplement que ma voix la fera revenir, ce qui ne tarde effectivement pas à arriver au bout de quelques minutes. Elle se pose près de nous, les courants d’air provoqués par ses ailes soufflant quelques feuilles.

Dans un langage qui m’est inconnu, la Dracaufeu échange quelques sons avec Lys. On dirait qu’en l’absence de Stahl, et pendant mon sommeil, c’est la Jungko qui a pris les rennes du groupe. La type plante m’observe un instant puis me désigne une direction de la main. Je ne comprend pas ce qu’elle essaye de me dire. Elle pousse de légers cris, m’offrant une tirade explicative sur un sujet qui m’échappe.

C’est finalement Oplyn qui me tend un objet. Mon téléphone. (Quand est-ce qu’elle l’a récupéré?) Elle tapote l’appareil avec son doigt. Je fronce les sourcils en faisant le lien entre Oplyn, le portable, et la direction pointée par Lys.

-Leur camp?

On dirait que j’ai compris cette partie. C’est sans doute là-bas que Hope se trouvait. Mais la suite du message me manque. Ma Dracaufeu agite la tête, elle semble vouloir que je la suive. Elles veulent qu’on y aille. Les ailes de Hope s’agitent frénétiquement, alors qu’elle laisse échapper un grognement d’impatience. A en juger par tous les regards qui se tournent dans ma direction, ils attendent que je prenne les commandes. Que je les mène jusque là bas. Que je leur fasse livrer un combat que nous ne pouvons pas gagner. La peur m’envahit à nouveau.

-Attendez… Ils sont très nombreux donc…

Je soupire et me frotte le visage.

-On peut pas sauver Stahl comme ça. Faut qu’on attende de voir comment ça évolue. Ils vont sans doute essayer de le déplacer à un moment où un autre. On attendra ce moment là et…

Je suis interrompue, et surprise, par un puissant cri venant de ma Jungko. Elle n’est pas d’accord, et elle me tient tête, ce qu’elle ne fait jamais. Ses pieds martèlent le sol. Ses yeux me dévisagent un instant, puis elle recommence avec ses pieds.

Quelques chose ne va pas. Quelque chose est différent. Un paramètre a changé, et je déduis de leur comportement que le temps joue contre nous. De l’autre côté, Sirius se met debout, s’approche de moi et rugit dans ma direction. Il n’est pas agressif, mais me provoque un mouvement de recul. Ajiel s’interpose à mon niveau, tentant de calmer les choses alors que la tension grimpe. La Tenefix s’approche à nouveau de moi, me désignant quelque chose sur l’écran du téléphone. La photo de Stahl face à cet homme. Je déglutit et soupire, tentant de garder les idées claires.

-Stahl… Oui Stahl, et donc quoi? Les pressé-je.

En un instant, je suis projetée. Comme si j’avais fait un bond en avant, d’environ un mètre, mais sans bouger. Je me retourne, la type ténèbres est derrière moi, à l’endroit où je me tenais un instant auparavant. Elle me dévisage en attendant ma réaction.

-… Ils les déplacent déjà? Demandé-je, les sourcils froncés par la concentration.

Nouveau swap entre la Ténéfix et moi. Je commence à m’énerver, agacée de ne pas comprendre ce qu’ils essayent de me dire. Elle utilise une attaque interversion pour échanger nos places. J’ai déjà compris l’idée de déplacement. Est-ce qu’il y a une notion d’échange? De don? De vente?

-Ok, je crois que j’ai compris.

Je lève mes deux index à hauteur de mon visage, et les colle sur la gauche. Ma main droite se sépare, puis rejoint le côté droit.

-Déplacer.

Mes mains toujours levées, je baisse l’index de ma main gauche pour lever l’auriculaire. Puis d’un même mouvement, j’échange index et auriculaire sur les deux mains.

-Echanger. Interversion. C’est ça? Ils vont échanger Stahl?

Je me retrouve projeter à la place de ma Tenefix une troisième fois. Manqué. Je tente une nouvelle expérience. Tous les doigts clos sur la main gauche, index levé à droite. En même temps, je baisse l’index droit et lève le gauche.

-Téléporter.

Hope pousse un léger cri vers le ciel. Victoire, j’ai compris le message, mais je suis loin de m’en réjouir. Ils vont téléporter leurs prises ailleurs, ce qui signifie que je n’aurais aucun moyen de les pister. Si on doit intervenir, c’est maintenant ou jamais.

Mais doit-on intervenir? Le problème est toujours le même: nos adversaires sont plus forts que nous. J’observe mes compagnons tour à tour. Est-ce que ça vaut le coup? De tous les mettre en danger. Prendre le risque de tous les sacrifier pour en sauver un seul. Si nous gagnons, nous libérons les victimes de leurs kidnapping. Mais si nous échouons, nous perdons tout.

Ou alors, on en revient à ma réflexion d’hier soir. Si les Pokémon captifs sont en mesure de se battre, ça foutrait le chaos, et ça nous offrirait des alliés de poids pour venir à bout des kidnappeurs.

C’est un plan qui pourrait fonctionner. Difficilement. Mais avec un peu de chance, alors… Ouais… On peut réussir?

-On… On va aller voir. Dis-je finalement, peu sereine à l’idée de m’en remettre à la chance qui n’a jamais franchement été de mon côté.

J’embarque nos affaires dans mon sac. Mes compagnons retournent dans leur Pokéball, exceptée Hope et Oplyn qui n’ont plus les leurs. Maladroite à cause de l’effort causant une douleur au niveau de mes côtes peut être à nouveau brisées, je grimpe sur la Dracaufeu. Une main assurant Oplyn sur l’encolure de la salamandre, je m’agrippe à celle-ci, qui prend son envol sous les dernières lueurs de l’aube.

Je passe le trajet à ressasser mes craintes et mes doutes. Plus nous approchons de notre destination, plus ils se font grand. Et plus ils se manifestent, plus l’envie de faire demi-tour se fait sentir. Chaque minute qui passe est une opportunité de moins pour le faire, et me rapproche un peu plus de cette mission suicide. Beaucoup trop tôt à mon goût, nous atterrissons, à distance raisonnable du campement ennemi.

C’est la première fois que je m’en approche d’aussi près. Bien qu’à travers la forêt il ne soit pas en vue, je m’attend à me faire repérer et attaquer à tout instant. Escortée, cette fois, par Oplyn, mon alliée la plus discrète et la seule qui ait une connaissance des lieux, je marche entre les arbres, prenant garde à faire le moins de bruit possible. J’espère que tout ira bien pour Hope, restée en arrière. Plus tôt que je ne l’aurais espéré, nous commençons à entendre des bruits. Je n’ose pas regarder l’heure, de peur que le moindre de mes mouvements me trahissent. J’imagine que les minutes doivent se promener quelque part aux alentours de sept heures trente.

Au sol, la végétation dense affaiblit la luminosité. Il ne fait ni vraiment nuit, ni vraiment jour. Pas encore. Mais je suis loin de savoir me mouvoir dans les ombres avec toute la furtivité de ma Ténéfix, on aurait donc aucun mal à me repérer. Je prend néanmoins le risque de m’avancer le plus possible, jusqu’à avoir le camp en vue.

Planquée, j’aperçois du mouvement ci-et-là. Mais impossible de distinguer ce qu’il s’y passe exactement. Un léger brouhaha de conversations et de moteurs me parviennent. Les occupants des lieux sont déjà en activité. Pourvu que Stahl n’ait pas déjà été déplacé. Pourvu qu’il soit encore là.

Oplyn me tire doucement le bas du pantalon. Elle me fait signe d’avancer. Vouant une confiance aveugle à mon Pokémon, je m’exécute, suivant ses traces. Avec la lumière naissante, et maintenant que je me suis approchée, je peux apercevoir le camp plus en détail que sur les photos d’Oplyn.

Je compte bel et bien quatre toiles de tente relativement grandes. Au centre de celles-ci, un espace aménagés avec un feu de camp et quelques troncs couchés en guise de bancs. Plus loin, à l’opposé du campement, je repère notre objectif: la pile de cages et de bonbonnes.

Un autre espace attire mon attention. À ma gauche, se trouve une zone dégagée de toute verdure. Le sol a l’air d’avoir été relativement égalisé à cet endroit, afin d’y accueillir des camions, désormais à l’arrêt. Quoique. A bien y regarder, le camion le plus éloigné a l’air encastré dans un arbre. Au vu de la modification apportée au terrain, je suppose que ces types sont là depuis longtemps. Ou du moins, ils ont prévu de rester.

Concernant l’activité des lieux, je compte trois personnes. Toutes sont affairés autour des créatures captives. Ensemble, et a l’aide de leurs Pokémon, ils s’efforcent de remplir la benne du deuxième camion, dont le moteur est déjà en marche. Je commence à croire que mon plan pourrait fonctionner. Si je parviens à me cacher dans le camion avant qu’il ne parte, je pourrais libérer en chemin les créatures qu’il contient. Ils devraient ensuite être assez nombreux pour me prêter main forte et vaincre le conducteur. Je n’aurais qu’à appeler Hope, qui nous reconduirait ici pour qu’on finisse le travail. Puis il serait sans doute possible, en fouillant un peu, de trouver des informations sur le lieux où les Pokémon auraient dû être amenés. J’aurais juste à transmettre ces infos aux autorités.

Sur le papier, ça pourrait marcher. Mais encore faudrait-il que j’arrive à m’approcher sans me faire repérer, ce qui me parait compliqué.

C’est même carrément impossible. Avec une telle activité autour du camion, qui se trouve dans une zone relativement dégagée, je peux pas m’en approcher sans me faire voir. Oplyn pourrait, peut être. Mais comment ferait-elle pour ouvrir les cages? Est-ce qu’elle pourrait s’y cacher et attendre le dernier moment pour m’y téléporter? Ça aussi ça risque de se voir. Ou alors il faut qu’un de mes autres Pokémon fasse diversion. Ce qui reviendrait à le sacrifier… Non, je peux pas faire ça… Ou alors, Oplyn y va seule, et détruit les cages avec ses attaques. Mais de cette façon, je pourrais pas intervenir pour lui venir en aide en cas de problème. J’ai beau tourner et retourner les solutions envisagées dans ma tête, rien ne me parait suffisamment fiable.

A force de réflexion et d’hésitation, le temps se perd. La cargaison est chargée. Le camion s’apprête à partir. Une femme, main sur la poignée du véhicule, adresse un dernier mot à ses collègues avant d’embarquer sur le siège conducteur. Je me sens comme au bord d’un gouffre, un pied balançant déjà au dessus du vide. Est-ce que je devrais rabattre ma jambe, faire demi-tour, et ne jamais revenir? Ou me lancer, sauter, et prier pour ne pas m’écraser?

En vérité… En vérité, la question ne se pose même pas. Avoir fait tout ça pour retrouver mon starter, et l’abandonner en étant à seulement quelques mètres… C’est stupide. Je ne veux pas le perdre. Maintenant que je suis là, c’est plus un choix. Après deux années écoulées, je peux pas simplement balayer le Galekid d’un revers de la main.

Un mélange de peur et de colère me pousse à sortir de ma cachette et à m’avancer vers le campement. Tant pis, ça passe ou ça casse. Je saute à pieds joint dans le gouffre en espérant que mon maigre parachute finisse par s’ouvrir. Et s’il ne s’ouvre pas, si tout ça se solde (encore) par un lamentable échec… Au moins, je suppose que ça sera le dernier.

-Oplyn, interversion! Ordonné-je en lui désignant la femme au volant.

En une seconde, la Ténéfix échange sa place à mes côtés avec celle de la conductrice. Celle-ci atterrit en position assise à côté de moi, dans la terre. Avec toute la rage me gagnant, je lui décroche un coup de pied dans la mâchoire, l’envoyant rouler au sol avant que l’incompréhension ne la quitte. Mes mains gagnent mes hanchent et se saisissent de mes Pokéball. Les quatre créatures qu’elles renferment apparaissent devant moi.

-Dégagez-moi le passage!

Malgré l’avantage de la surprise, qui nous permet de gagner quelques précieux mètres en direction du camion, nos ennemis sont réactifs et envoient leurs propres Pokémon au combat. Ils sont nombreux. Trop nombreux. Le pare-brise du camion vole en éclats quand Oplyn en sort. Pendant ma course pour rejoindre le véhicule, mon poignet vient se placer sous ma bouche.

-Hope! On y va, j’ai besoin de toi!

La bataille s’engage rapidement. Notre attaque inattendue permet à mes Pokémon de prendre l’avantage sur nos ennemis, notamment grâce à Shiro. Habituellement, je tiens le Mangriff fou en laisse. Mais aujourd’hui, et seulement aujourd’hui, je laisse sa folie prendre le dessus. Aujourd’hui, je me fiche de savoir ce que ses griffes tranchent. Tant qu’elles m’ouvrent le chemin vers Stahl. C’est trop tard pour reculer, alors je ne compte pas faire les choses à moitié.

C’est ce que j’aimerais penser. Sincèrement. Alors que la quiétude de la jungle laisse place à un combat violent. Je voudrais n’en avoir plus rien à foutre. Quitte à tenter le tout pour le tout, j’aimerais pouvoir le faire sans remord. Rester froide, impassible. Juste accepter les conséquences d’un combat non encadré par des règles sportives.

Mais rapidement, la vue d’un corps humain inerte sur le sol, baignant dans un début de flaque rouge, me donne la nausée. Notre attaque, celle que j’ai lancée, a tué quelqu’un. J’ai fais de mes Pokémon des meurtriers. Et moi, aussi par la même occasion. Agiel se jette sur moi et me plaque au sol. La foudre nous passe au dessus, nous manquant de peu. Je m’abrite derrière le camion plein, désormais à portée et laissé à l’abandon.

Fais chier… Concentre-toi, Lauriane! Reste concentrée! Derrière moi, j’entends des cris. Des consignes, des ordres, et des attaques qui s’entrechoquent les unes les autres. Le combat a dû attirer d’autres personnes. Mes Pokémon sont certainement déjà débordés.

-Ajiel, couvre moi!

Un pied sur le pneu arrière, je pousse sur ma jambe et escalade le camion. De là-haut, je vois mes Pokémon donner leur maximum pour tenir leurs adversaires à distance, mais ceux-ci semblent se multiplier. Il faut que je trouve rapidement des renforts. Je me penche plutôt sur les créatures prisonnières autour de moi, dans la benne. Elles sont toutes endormies, plongées dans un sommeil artificiel, ou enfermées dans des Pokéball. Les caisses vitrées qui les renferment sont fermées par des verrous à pavé numérique. Il me faut un putain de code pour les ouvrir… Ou de la force. S’il y a besoin de les endormir, c’est que la cage doit être trop fragile pour résister à leurs attaques.

-Utilise tes pinces pour les forcer! Lancé-je au Cizayox.

Au même instant, une bourrasque suivie d’une vague de chaleur s’abat à quelques mètres. Je lève les yeux. Hope vient d’arriver, mais son jet de flammes n’a touché que de la terre. Elle n’a brûlé aucun ennemi. Elle n’en a visé aucun. Merde, Hope, pas maintenant… Le type insecte se met à l’oeuvre, de son côté, s’évertuant à libérer les captifs. En balayant la benne des yeux, je ne vois pas mon Galekid. Le désespoir m’envahit un instant, mais je me raisonne rapidement. C’est pas le moment. C’est pas le moment. C’est pas. Le putain. De moment.

Je me charge de refermer les bonbonnes de gaz soporifique, et de les jeter hors du camion. Un autre courant d’air manque de me faire basculer de la benne. Mon regard se porte sur ma Dracaufeu, qui a manqué de me bousculer. Je la vois s’éloigner à tire d’ailes, devant le Gueriaigle et le Lucanon d’hier. Paniquée, elle tente parfois des jets de flammes vers l’arrière pour tenter de semer ses poursuivants. Elle ne se bat pas. Elle fuit. Elle tente d’échapper au danger plus qu’elle ne fait face à des adversaires.

De leur côté, Lys, Shiro, Sirius et Oplyn se battent ensemble contre des ennemis plus nombreux qu’eux. Ils sont en mauvaise posture. Je me vois obligée d’envoyer Ajiel les soutenir, mais il se retrouve intercepté par d’autres Pokémon qui me prenaient pour cible. Et les créatures endormies peinent à se réveiller.

-Allez… Debout… Réveillez-vous… Il faut vous échapper… On a besoin de vous pour se battre, s’il vous plaît! Tenté-je de supplier, sans résultat.

Les effets du gaz sont trop long à se dissiper. Quelques uns fuient. Parfois, les plus téméraires, parviennent tout de même à rejoindre le combat. Un Roucoups, un Tengalice, quelques insectes. Mais ils ne sont pas en état de mener cette bataille et se font rapidement réduire à l’impuissance. Le gueriaigle, masse finalement calcinée par la Dracaufeu, vient s’écraser sur l’une des tentes.

Je vois ma tentative de libérer les Pokémon se solder par un lamentable échec. Nos adversaires, bien trop nombreux, envoient Sirius au tapis. Hope ne tarde pas à venir s’écraser sur le sol à sont tour, vaincue par le Lucanon. Shiro réussit à vaincre encore quelques adversaires, dont l’insecte électrique, mais finit par s’écrouler aussi. Je ne sais pas où donner de la tête. Mes compagnons sont assaillit de tous les côtés et tombent comme des mouches.

J’ai perdu. J’ai échoué. Encore.

Dressée sur le camion, j’observe le carnage. Impuissante et au pied du mur, je ne sais quel ordre donner.

-Arrêtez! Assez! Hurle une voix masculine forte.

Je déglutis. Les dresseurs ennemis ordonnent à leurs Pokémon de cesser le combat. Devant le repli de leurs adversaires, mes propres combattants encore debout, épuisés, cessent également l’offensive et se replient autour de leurs alliés vaincus. Le coeur battant à tout rompre, je cherche des yeux l’auteur du cessez-le-feu. Étant donné son imposante carrure, il ne me faut que très peu de temps pour le remarquer. Et le désespoir ne s’en fait que plus grand encore.

   
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Lauriane Feroë
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Citation :
Re-désolé pour le triple post. Je voulais faire en deux post, mais FA veut pas non plus… Donc bah… Trois post, déso pas déso. Après, au lieu de raler sur le fait que je gagne des SD sur un triple post, tu peux aussi retourner enchaîner les SD avec des captures solo de 5 lignes, si tu veux :handspinner:

Lorsque mon regard croise ses yeux bleus, mon sang se glace. Il me faut réunir toute la volonté du monde pour que mes jambes ne partent pas en courant. Je sens mon poing trembler, et mon visage se crisper de peur et de dégoût.

-C’était toi… Tu… Depuis hier, c’était toi? Demande, hébété, l’homme aperçu hier sur la photo avec Stahl.

Je ne répond pas. Je n’en ai pas la force. Pas l’audace. Pas les mots. Que dit-on à son pire cauchemar?

-… Tu me reconnais, quand même? Lauriane… Je me trompe pas, c’est bien toi?

Je fais oui de la tête. Le temps semble suspendu. Personne ne bouge. Personne ne parle. Les uns, comme les autres, observent la scène, un milliard de question sur les lèvres.

L’homme au crâne dégarni me tend amicalement les bras, un sourire étirant ses lèvres.

-Tu ne salues pas ton vieux père?

Les points d’interrogations se bousculent dans mon esprit. Rien ne va. Rien n’est réel. Tout ça n’est qu’une vaste blague. Je n’ai jamais mis les pieds dans cette jungle. Stahl ne m’a jamais été enlevé. Et je n’ai jamais recroisé mon géniteur de ma vie.

Devant ma passivité, il finit par laisser retomber ses membres. C’est avec un peu de retard que je retrouve ma langue et lâche faiblement:

-Non…

Nous nous dévisageons un instant, puis un de ses acolytes, trentenaire brun, piercing à l’arcade, s’avance vers lui. Une main placée sur l’épaule, il tire mon père en arrière.

-Frank, tu nous expliques? Demande-t-il durement. C’est qui?

La question arrache un soupire au mécanicien.

-Ecoutez… On peut s’arranger. Il y a juste un malentendu entre elle et nous.
-Un malentendu? Rendez-moi le Pokémon que vous m’avez volé. Exigé-je d’une voix basse mais ferme.

Visiblement devenu la frontière entre les deux camps, mon géniteur jette un regard tour à tour à moi, puis à ses alliés, dépassé par la situation.

-Elle a butté Dorian et Kat!
-Je sais!…
-Non, elle est juste dans les vapes. Corrige un homme, penché sur le corps de la conductrice.
-… Je sais. Reprend mon géniteur. C’est regrettable pour lui, Yoan, mais si on va jusqu’au bout, ça aura plus d’importance. Ce qui est fait est fait.
-Je t’avais dit qu’on aurait dû essayer de la retrouver avant qu’elle vienne nous faire chier! Donne moi une seule raison de pas la mettre en pièce.
-Yoan…
-Ça te pose pas de problème que je le fasse, hein? Si on va au bout ça aura plus d’importance, comme tu dis.

Le silence se fait une seconde, avant que mon père ne trouve un argument en ma faveur, me tournant le dos pour faire face à son collègue.

-Regarde ses Pokémon. A combien on s’y est mis, pour en descendre trois?
-On aurait finit par les avoir, si tu…
-Par le nombre. Vous les auriez eu par le nombre. Mais regarde comme ils vous ont tenu tête.

Le regard de mon géniteur vient se poser sur moi, m’analysant de haut en bas.

-Ça fait des années qu’elle se prépare à devenir dresseuse. Croit moi qu’elle compte parmi les plus compétentes d’entre nous. Elle remboursera le temps qu’elle nous a fait perdre en bossant avec nous. Un élément comme ça, ça se refuse pas. Pas pour un projet de cette envergure.
-Parce que tu crois vraiment que…

Il me coupe la parole d’un simple geste de la main.

-Je lui parlerai. Quand je lui aurai expliqué, elle sera avec nous. Elle a autant que nous à y gagner.

Yoan hésite un instant, pesant le pour et le contre, puis capitule.

-Démmerde-toi pour qu’elle soit utile.

Visiblement en colère, ce dernier tourne les talons en rappelant ses Pokémon, bientôt imités par leurs collègues. Insensible aux regards méfiants qu’ils me lancent, Frank se tourne vers moi, et s’approche du camion, sur lequel je suis toujours perchée.

-Si j’avais su que c’était toi qui nous traquait…

Je ne répond pas.

-Ça fait quelque chose comme… trois ans, maintenant?
-Deux. Corrigé-je.

Nos regards se croisent. Je lis la gêne sur son visage. Un silence embarrassant s’installe entre nous.

-Comment tu vas, depuis? Finit-il par demander.

Cette apparente douceur ne lui ressemble pas. Elle ne ressemble pas à l’image du père que j’ai craint pendant une décennie. Je peine à croire que cette question vienne de lui.

-Mieux. Répondis-je, cassante.

Il acquiesce silencieusement, se contentant de ce simple mot si lourd de sens. Sans lui laisser l’occasion de placer une nouvelle tentative de renouer un quelconque lien père-fille, j’embraye sur les raisons de ma présence ici.

-Où est le Pokémon que vous m’avez pris?
-Il a dû partir dans un voyage d’hier.

Un poignard en plein coeur. Alors c’est déjà trop tard, il n’est plus là?

-Où est-ce qu’il est?

Il ne me répond pas et inspecte le véhicule sur lequel je me tiens.

-Vous avez défoncé le pare-brise. Mais bon… Monte! Je vais te montrer.
-Tu crois vraiment que je vais te laisser m’entraîner en bagnole au milieu de la jungle? Toi?

Ses mains épaisses viennent frotter ses tempes. Il essaye de ne pas le montrer, mais mon attitude à son égard semble le blesser. J’imagine. Ou alors il essaye de faire bonne figure malgré la colère que j’éveille en lui. Ça serait déjà moins étonnant.

-Lauriane… Je sais que… J’ai pas été un très bon père.
-Sans déconner?
-Mais je te promet que j’ai changé. J’ai passé deux ans tout seul, depuis que t’es partie. J’ai… finit par réaliser mes conneries.
-Ouais. T’empestes plus l’alcool, c’est déjà un bon début. Félicitations... Abrèges!

Son regard se pose sur mes Pokémon, en train de guérir leurs blessures à coup de Synthèse et autres capacités curatives. Sa main vient taper à plat sur le capot du camion.

-Rappelle tes Pokémon et monte. Je vais te conduire à ton Galekid.

Méfiante, mais visiblement dans une impasse, je coopère. Mes créatures disparaissent à l’exception d’Oplyn et Hope.

-Ma Dracaufeu n’a pas de Pokéball. Informé-je, un regard triste en direction de la salamandre inanimée.
-Et je suppose que tu n’as pas suffisamment confiance pour la laisser ici? Dit-il en dégainant une sphère bicolore.

Son Alakazam en sort. Mon regard croise celui du Pokémon. A en juger par la méfiance dont il fait preuve, il me reconnaît. En le voyant d’aussi près, je réalise qu’il lui manque une partie de sa moustache, et qu’il semble blessé au niveau de la jambe.

Sur ordre de mon père, il use de ses pouvoirs psychiques pour charger la créature ailée à l’arrière du véhicule. Pas sûre de moi, je prend place côté passager, ma Ténéfix sur les genoux. Frank fais un signe à son Alakazam à travers la vitre arrière. Celui-ci l’aperçoit depuis sa position dans la benne, à côté de Hope. Puis le décor change autour de nous.

Le camp laisse place à une végétation dense. Les lieux relativement dégagés ne sont désormais plus qu’un chemin de terre naviguant entre les arbres. Le véhicule s’élance, et nous commençons à rouler.

-Pourquoi on se téléporte pas directement à destination?
-C’est dangereux. Déjà hier, on a planté un camion à cause de toi. Y a aucune route qui mène au camp. On se téléporte que pour y entrer ou en sortir. Ça limite les risques. Bon, ça a demandé un peu de boulot de rendre la route praticable mais… On s’en es sortis.

Les minutes passent sans qu’aucun de nous ne dise un mot. La piste étant étroite, et les virages récurrents, nous n’allons pas vite. Le vent s’engouffrant par le pare-brise détruit n’est pas dérangeant.

-Depuis quand t’es dresseur? Questionné-je, au bout d’un moment.
-Pas longtemps. Quelques mois. J’ai commencé quand on a mis en place ce projet.
-Le Gueriaigle et le Lucanon, c’est les tiens aussi? Ils ont l’air fort pour “pas longtemps”. Lancé-je, suspicieuse.

Devant son silence, je continue.

-Tu les a volés, eux aussi? T’as fait comment pour les dresser aussi vite?
-Quand on aura finit, ça sera plus important. Elude-t-il.
-Finit quoi? Insisté-je.

Agacé, il lâche un soupire.

-Tu verras quand on y sera. Je t’expliquerai. Comme je le disais à Yoan, toi aussi t’en sortirais gagnante. Mais j’veux te montrer, pour que tu vois que je me fous pas d’ta gueule.

Je ne répond que par un grognement insatisfait. Dans quoi est-ce que je me suis encore fourrée… Un grésillement retentit dans l’habitacle. Alors que j’en cherche la provenance, les paroles d’une femme nous parviennent.

-Kat, t’es là?

Nous cherchons la provenance de la voix quelques instants, avant de trouver un talkie-walkie à mes pieds, sous le siège. La main de mon père me l’arrache des doigts.

-Fabienne? C’est pas Kat.
-Frank?…  T’es dans le camion? Où est Kat?
-Au camp. Elle a pris un coup un à la tête, rien de grave. Lâche-t-il froidement.

Pas de réponse durant trois bonnes secondes.

-Un coup à la tête? Comment ça?
-Longue histoire. Je suis bientôt là. Attend-moi à l’extérieur.
-Ok… A tout de suite.

Mon géniteur laisse tomber le talkie sur le tableau de bord.

-C’était pas joli, ce que t’as fait au camp.

Je sais immédiatement de quoi il me parle. Si nos adversaires ont vite répliquer, le début du combat a été un carnage. L’image du cadavre me revient en tête. Je croise les bras pour empêcher mes mains de trembler à l’idée d’être devenue une meurtrière.

-C’était un type bien, Dorian.

Je reste silencieuse. Je repense aux Canarticho que nous avons mangé hier soir. A la femme dont j’ai presque tordu le cou. Aux Pokémon qui ne se relèveront peut être jamais.

-Tu sais, on a pas fait que des choses bien. Nous tous. Surtout depuis qu’on est arrivés ici, même si on essaye de se faire discrets… T’inquiètes pas, c’est pas grave. Y a rien qui pourra pas être racheté.
-C’est sensé me rassurer? Laché-je, amère.

Je détourne le regard vers la vitre passager. Les larmes me montent aux yeux. J’ai du sang sur les mains. Pour venir en aide à Stahl j’en suis venue à tuer quelqu’un. Et je ne sais pas si ça en vaut la peine. Si j’ai fait les bonnes choses. Si ça aurait pu être évité. Si j’aurais dû faire autrement. Et en même temps, j’ai la sensation d’avoir franchit un point de non-retour. D’avoir battis un mur derrière moi qui m’empêche de reculer, de faire demi-tour. Après avoir fait tout ça, je suis obligée d’aller de l’avant. De continuer avec ces faits, cette culpabilité. J’ignore ce qu’il va se passer dans les prochains vingt-quatre heures. Les prochains jours.

Une centaine de scénarios me traverse l’esprit. Aucun ne se finit bien. Dans chacun d’entre eux, je finit mes jours ici ou derrière des barreaux. Dans la moitié d’entre eux, je suis rongée par le remord. Ou alors, je finis par me convaincre que ce n’est pas grave, que j’ai bien fait. Chacun de ces films me parait surréaliste, improbable. Je suis incapable d’évaluer les conséquences de mes actes. Et ça me terrifie.

-On y est.

Reportant mon attention sur l’avant du véhicule, j’observe une paroi rocheuse, de la taille d’un petit immeuble. Mon père freine l’engin à quelques mètres d’une cavité dans la roche, coupe le contact, et descend. Je l’imite. D’un pas peu assuré, je lui emboîte le pas vers la grotte. A l’extérieur, à gauche de l’entrée, je remarque un large tas de gravats. A droite, un générateur électrique alimente diverses torches suspendues aux murs du tunnel. Au moment de notre approche, une femme au visage marqué et fatigué émerge des profondeurs. Je constate qu’il lui manque un bras, et que des larmes ont tracé des sillons dans la poussière sur ses joues. J’imagine qu’il s’agit de la dénommée Fabienne. Son premier réflexe est de me dévisager.

-Salut. Lance-t-elle à mon père. C’est qui?
-Ma fille. Répond l’autre.
-Ta fille…? Je croyais que vous vous parliez plus?… Ça a un rapport avec ma soeur?
-Pas maintenant. Balaye-t-il. On a un Dracaufeu blessé à l’arrière. Occupe t’en pendant que je l’emmène en bas.

Sans attendre sa réponse, le mécanicien s’enfonce dans la grotte.

-Toujours un plaisir… Marmonne la femme en s’éloignant vers le camion.

Sans attendre, j’avance dans le tunnel à mon tour aux côtés d’Oplyn. Si au début le chemin n’est qu’une simple galerie maintenue par de bons morceaux de bois, le passage s’élargit rapidement. Nous tombons sur une immense sale. Le spectacle qui s’offre à moi me donne des frissons. Pas seulement à cause de ce que je vois, mais aussi de ce que je sens. L’ambiance est lourde. Mystique. Quelque chose se dégage de la pierre et donne à la grotte une atmosphère pesante très étrange.

La pièce est énorme, peut être deux cent mètres de long, pour trente ou quarante de large. Agglutinées près des parois, des dizaines, peut être des centaines de cages en verre retiennent des Pokémon captifs. Probablement tous volés ou arrachés à leur vie sauvage avec violence. Tout au fond de la pièce, une stèle incrustée d’un joyaux, et surplombée par le buste immense d’un Pokémon taillé dans la roche.

-Tu le reconnais?

Je fais quelques pas sur le côté, pour voir la silhouette de trois quart. Oui, je le reconnais. Son cou haut, sa tête allongée et plate, ses cornes fines ramenées vers l’arrière, et son plastron sur le torse ne trompent pas. J’ai bien devant moi la représentation d’un être issue de mythes et légendes.

-Dialga?
-Ouais. Tu connais son histoire?

Pour avoir étudié les créatures de sa trempe, sans être incollable, j’en connais une bonne partie. Mais c’est mon père qui reprend la parole, avant que je ne commence à réciter mes connaissances.

-On dit qu’il est capable de manipuler le temps. De le créer, de le moduler. On sait pas exactement s’il est lui même le créateur du temps, ou s’il en est l’incarnation. Ça dépend des croyances.

Pendant son explication, mon regard balaye les Pokémon captif des yeux. Certains sont dans des Pokéball, d’autres non. Maintenant que je me tiens plus près, je réalise que certains doivent être ici depuis longtemps. Je constate avec horreur que leur état est déplorable. Chétifs. Faibles. Parfois blessés, voire malades.

-Je comprend toujours pas où tu veux en venir. Lancé-je, dégoûtée.
-Imagine ce qu’on pourrait accomplir si on mettait la main sur son pouvoir.

Si la situation n’était pas aussi tendue, je crois que j’aurais rit.

-Ah ouais… Genre… Pour dominer le monde, ou quelque chose comme ça? Questionné-je, sarcastique.

Il soupire.

-Pour t’expliquer les choses depuis le début… Bon… Y a quelques mois j’ai… rejoint un groupe d’alcooliques anonymes. Je voulais aller mieux. Je voulais vraiment aller mieux, Lauriane. Alors… J’ai… Tout raconté. J’ai fais un pas après l’autre pour me soigner.

Je l’écoute attentivement, surprise de déceler autant de sincérité dans sa voix. Du coin de l’oeil, j’observe Oplyn s’amuser avec le digicode des cages, appuyant au hasard sur les boutons.

-Puis un jour, Yoan est venu me parler. Il avait un projet. Un gros, gros projet, et il cherchait des gens pour collaborer avec lui. L’enfoiré a dit que j’avais une histoire assez tragique pour être intéressé… Lui, il venait de perdre son entreprise, à Hoenn. Une grosse boîte qui venait de s’effondrer à cause de sa réputation détruire par des rumeurs pas très jolies. Mais il a quand même pu mettre pas mal de ronds de côté pour obtenir tout le matos qui nous a servit à arriver jusque là. Enfin bref… On pensait aller à Sinnoh, à la base. Mais on s’est dit qu’avec les conneries de la Team Galaxy, il y a quelques années, les lieux dédiés à Dialga seraient surveillés. Puis on a entendu parlé d’une histoire qui le lierait à Lumiris. Il y aurait fait une apparition, il y a longtemps. Donc on est venus, on a cherché, et on a trouvé cet endroit. Le tunnel était effondré. Et cette sale était beaucoup moins grande. Ça nous a pris du temps, de creuser. C’est pour ça qu’on a commencé à récupérer des Pokémon, on les a fait bosser un peu.

Je ne fais pas de commentaire sur leur façon d’exploiter les Pokémon.

-Et c’est quoi, cet endroit?
-Je sais pas trop. Un mémorial, on dirait. Ça a pas l’air d’être un lieu de culte. Et on arrive pas à déchiffrer la stèle, c’est trop vieux. Donc… On en a pas la moindre idée. C’est peut être juste un mec qui s’est tapé un trip de sculpteur y deux mille ans, pour ce qu’on en sait. Mais ça se sent que c’est pas juste un caillou. C’est dans l’air. Y a plus que ça!

J’admets ne pas pouvoir le contredire sur ce dernier point. Je sens toujours l’influence mystique des lieux sur ma peau. Je me rapproche du centre de la salle, toujours en cherchant mon Galekid des yeux. Mais les prisonniers sont très nombreux.

-Et c’est quoi le but, du coup? Capturer Dialga?
-S’approprier ses capacités, en tout cas. Imagine tout ce qu’on pourrait faire, si on y arrive!
-… Hum…
-Tu pourrais revoir ta mère.

Je me détourne des Pokémon captifs pour le regarder, et découvre avec surprise qu’il est lui même en train de m’observer.

-Avec la puissance de Dialga, on pourrait remonter peut être quinze ou vingt ans en arrière. Yoan pourrait sauver sa boîte. Kat, elle sortait de taule après avoir déclenché un incendie meurtrier. Elle voulait racheter ses fautes, en ne déclenchant pas l’incendie à l’époque. Fabienne, sa soeur, a perdu son mari, ses enfants et un bras, quand la Team Mistral a déchaîné les Pokémon géants sur la région. Elle pourrait prévoir l’attaque et donner l’alerte avant que ça se produise. Ben a tué son fils dans un accident de voiture après avoir pris des trucs pas très légaux. Il pourrait le ramener. Ou plutôt empêcher sa mort. Dorian, lui, il est devenu chercheur pour trouver un remède à son frère atteint d’une maladie qu’on pensait incurable et dont le remède a été découvert il y a quelques années. Il pourrait faire la découverte de ce traitement plus tôt et sauver des centaines de vies entre les années 2000 et aujourd’hui. Et nous, on pourrait revenir à l’époque où t’étais gamine, effacer tous nos crimes, et repartir de zéro dans un monde où Sandra serait encore en vie.

Je reste béate un instant. Est-ce que ça serait vraiment possible de changer les choses à ce point? A l’entendre, c’est plus juste la vie de Stahl et d’autres Pokémon qui est en jeu. Mais des milliers de personne qui pourraient être sauvées. Réécrire l’histoire pour empêcher des catastrophes de se produire, ou pour effacer des erreurs passées. Ça semble fou. Et en même temps, qui n’en a jamais rêvé?

-On pourrait repartir de zéro! Insiste-t-il.

Serrer ma mère dans mes bras encore une fois. Vivre dans une famille unie. Me forger un autre avenir qui ne serait pas teinté d’échecs et d’incertitudes. Vivre dans un monde où je n’aurais pris aucune vie. Je me prend un instant à rêver, m’imaginant ce que ça pourrait donner. Repartir 20 ans en arrière et me tracer un autre chemin, dans un autre contexte.

-Et vous comptez faire ça comment?

Un sourire satisfait apparaît sur son visage.

-On vise le joyaux incrusté dans la stèle. On suppose qu’il est lié de près ou de loin au légendaire, mais on ose pas y toucher pour l’instant. On sait pas ce que ça pourrait déclencher. Peut être rien, peut être un piège… Mais s’il est vraiment lié à Dialga, on devrait pouvoir… Je sais pas, l’invoquer ou quelque chose comme ça. Alors on fait en sorte d’avoir la force nécessaire pour le soumettre, si ça arrive.

Je dois admettre que si la finalité du plane m’a d’abord paru attirante, le procédé me fait à présent souffler du nez.

-… Vous êtes malades. Un Pokémon aussi puissant se laisserait jamais faire. Vous partez vraiment du principe qu’un Pokémon de sa trempe laissera exister une temporalité où il a bêtement été piégé et soumis par des humains?
-Pourquoi tous ces Pokémon sont là, à ton avis? On compte l’attaquer avant qu’il n’ait le temps de se rebeller. Quand on commencera à trafiquer la stèle, on réduira l’apport en gaz dans les cages. Si Dialga se montre, on l’arrêtera complètement. Les Pokémon casseront leurs cages d’eux même quand le combat commencera.
-Et ils s’enfuiront.
-On sait. Pour ça qu’on fera péter l’entrée. Ils pourront plus sortir. Donc quand Dialga commencera à s’énerver, ils devront unir leurs forces pour le combattre, s’il veulent survivre.

Je ne sais pas ce qui m’agace le plus. Qu’il croie dur comme fer à leur plan, où qu’ils aient été jusque là pour le mettre à exécution.

-… Donc vous montez une armée de Pokémon endormis et blessés pour combattre une légende. J’y aurais jamais pensé. Dis, en parlant de ça, c’est quel genre de traitement que vous avez infligé à tous ces Pokémon?

Le regard méfiant de mon père vient peser sur moi. Je déglutit avec difficulté et fais un pas en arrière.

-Qu’est-ce que tu veux dire?
-Regarde leur état. Comment vous les nourrissez tous suffisamment? Puis j’imagine qu’ils se sont pas laissés enfermer facilement. Vous les avez soignés au moins? Et le gaz… Vous en abusez un peu, non? Ça a quel genre d’effet sur ceux qui sont là depuis longtemps?… Et je te pose encore la question: ceux qui sont dans tes Pokéball. Comment t’as fait pour les former aussi bien en si peu de temps?

Il balaye mes questions d’un geste de la main.

-Lauriane… Réfléchit une minute: c’est pas important! Ils auront jamais subit tout ça quand on sera revenus quinze ans en arrière.

Je n’ai pas les mots.

-… La fin justifie les moyens.
-En gros.
-Mouais… Tu m’étonnes que t’as jamais été un bon dresseur.

Je vais trop loin. Je le sais.

-Pardon?
-T’auras beau pleurer et te confondre en excuse, t’es toujours aussi égoïste et violent qu’à l’époque.

Son visage se ferme, et je comprend immédiatement que j’ai prononcé les mots de trop. Je sais bien ce que signifie cette expression, et je dois m’estimer chanceuse qu’il soit sobre.

-Ne t’aventures pas sur ce terrain là avec moi. Avertit-il, en pointant sur moi son index menaçant.

Je ne réplique pas, me contentant de soutenir son regard. Il continue de me fixer quelques secondes d’un regard noir avant de passer outre mon insolence. Il me suffirait de pousser un peu pour qu’il sorte de ses gonds. C’est suffisant pour que je sache dans quel camp me ranger.

-On devrait bientôt avoir suffisamment de Pokémon pour être sûrs de notre coup. Puis maintenant que t’es là, on a un cerveau de plus. Finalement, c’est peut être pas une mauvaise chose que tu sois devenue dresseuse…

Je sens mon coeur s’emballer, et ma gorge se nouer. Je prend une grande inspiration, avant de le contrarier de nouveau.

-Je participerai pas à ça.
-Pourquoi?
-C’est du suicide. Pour toi, pour vous, pour les Pokémon. Regarde les.

Je m’approche d’une cage où un Grahyèna maigrichon, à peine éveillé, me regarde d’un air absent. Les parois de son cube de captivité présentent des tâches rouges et fraîches.

-Regarde les vraiment. Et ose me dire qu’ils sont en état de se battre! Comment vous pouvez croire une seule seconde que c’est une bonne idée?
-Ils sont nombreux. Ton intervention de tout à l’heure nous l’a montré. Tes Pokémon sont costaud, mais ils ont été battus à plate couture contre notre nombre. Ça sera pareil avec Dialga.
-Mon intervention a prouvé que même en les libérant ça n’a rien changé!
-Tu t’y es mal prise.

J’ai la sensation de parler à un fanatique. A un religieux obnubilé par sa foi, au point de nier l’existence de toutes les évidences annulant ses arguments. Face à un tel déni, je n’ai pas la capacité de le raisonner. Pas comme si j’avais un jour eu ce pouvoir…

-Si t’es sûr de toi, ok. Mais sans moi. Je veux juste récupérer mon Galekid, et je me tire.

A ce moment, des pas résonnent dans la caverne, et Fabienne apparaît à l’entrée du tunnel. L’Alakazam la suit de près.

-Tout va bien? Lance-t-elle.

Elle n’obtient aucune réponse, et continue son chemin jusqu’à une cage, vers le fond de la salle. Je l’observe, ainsi que la créature jaune à ses côtés. S’acroupissant près d’une prison transparente et à demi remplie de Pokéball, la femme tape le code. La petite trappe s’ouvre, et elle y dépose une nouvelle boule. En se retournant, ses yeux font la navette entre mon père et moi.

-J’ai interrompu un truc? Désolée… Je retourne dehors.

Mon père pousse un grognement d’approbation. Je la suis du regard encore un instant, puis, poussée par l’inquiétude je demande:

-Comment va ma Dracaufeu?

Elle s’arrête, ouvre la bouche pour parler, puis jette un regard interrogateur à Frank. Je fais de même. Celui-ci roule des yeux d’un air agacé.

-Sors. Lui lance-t-il.

La pokéball. Je m’approche de la cage que l’unibrassiste vient de visiter.

-C’était Hope?
-Je… Frank, tu m’as dis de m’en occuper?

Je sens la colère m’envahir à nouveau alors que mon père lui fait silencieusement signe de laisser tomber. Il ne daigne même pas prononcer les mots à haute voix. Trop heureuse de ne pas rester, la femme s’en va rapidement.

-Parce qu’en plus, vous comptez prendre ma Dracaufeu?
-Lauriane, comprend que cette opération va plus loin que ta petite vie de dresseuse bien rangée!
-Je m’en tape de ton opération à la con. Tu veux sauver le monde, vas-y! Arrête d’être un blaireau pour une fois.
-Parle moi sur un autre ton.
-Tu joues le père qui essaye de se racheter. Mais regarde comment tu traites tes Pokémon. Ta propre fille. Tes collègues… T’es le même connard qu’à l’époque, l’alcool en moins. Dommage, ça te faisait dormir tôt.

L’homme s’avance vers moi de quelques pas et rugit:

-Ferme-la, Lauriane! Je fais tout ça pour toi. Pour ta mère. Pour nous! Pendant que toi tu vis ta petite vie tranquille comme une gamine capricieuse, moi, je me fais chier pour sauver ce qu’on avait!
-Ce qu’on avait? Moi, j’avais une mère. Toi, t’avais un défouloir. Tu l’as toujours traitée comme de la merde, et quand elle est morte pour te fuir, ça a été mon tour. C’est ça que tu veux récupérer? Vas-y, je m’en cogne. Tu vas crever en essayant. Mais n’embarque pas mes Pokémon là dedans.

D’un pas rapide, il s’avance vers moi, les nerfs à vifs. J’ai un mouvement de recul en voyant la punition arriver. Cette vision me rappelle soudainement l’horreur que j’ai subit trop de fois. Mais je ne suis plus la gamine sans défense que j’étais à l’époque.

-Oplyn! Appellé-je.

Se souvenant soudainement de la présence de ma Ténéfix, mon père se stoppe net. Mais personne ne vient s’interposer. Au lieu de ça, un simple ricanement amusé émerge de l’ombre. Nos yeux se portent vers la cage contenant, entre autres, la Pokéball de Hope. Imitant les gestes de Fabienne, la Ténéfix compose le code. La cage s’ouvre.

Mon père émet un soupire de colère.

-Vous commencez sérieusement à m’gonfler.

Je réagis en le voyant décrocher des Pokéball de sa ceinture et fait de même. Il me reste peu de Pokémon, mais il est seul. Ça devrait être jouable. Trois de ses balls s’ouvrent, contre deux de mon côté. Son Alakazam revenu à ses côtés, et ma Ténéfix déjà hors de sa sphère, c’est un quatre contre trois.

Nous indiquons la formation à tenir à nos équipes. Sur le côté, Oplyn fait face à un immense Steelix dont le fer est couvert de chocs et de rayures. Devant moi, Lys et Ajiel sont au contact avec l’Alakazam, un Angoliath fatigué au poil trop court, et un Carchacrok arborant de nombreuses cicatrices sur sa peau écailleuse.

J’ai globalement l’avantage du type. Je ne peux cependant pas en dire autant de la condition de nos Pokémon, les miens étant déjà très affaiblit aussi. Frank commence à donner des ordres, mais ses Pokémon sont pris de court par la vitesse des miens.

-J’aurais du écouter Yoan et vous descendre hier, ça aurait p’t’être évité des emmerdes. T’as toujours été une gamine à problèmes.

Je ne répond pas, préférant me concentrer sur l’affrontement. Oplyn, fourbe et espiègle, comme à son habitude, se débrouille bien face à la lenteur du Steelix. L’Angoliath et l’Alakazam ont la chance d’être à deux contre un pour tenir tête à Ajiel. Quand aux deux reptiles dansant au corps à corps, ils livrent probablement le combat le plus serré des trois.

-Toujours à me casser les couilles même quand je faisais de mon mieux.
-Ouais bah t’as qu’à demander à Dialga de t’envoyer dans un univers où j’existe pas. Ça nous sera bénéfique à tous les deux.

Je n’attend pas sa réponse et porte mon index droit à mon poignet gauche. Ma peau entre en contact avec ma gemme Sésame. Celle-ci s’illumine et entre en résonance avec la méga-gemme de ma Jungko. Le dragon est repoussé lorsque le souffle d’énergie s’élève pour former un cocon autour de ma partenaire. Cependant, une formation similaire ne tarde pas à envelopper son adversaire.

-Merde, fais chier!
-On prévoit de s’battre contre un Pokémon légendaire. Tu croyais qu’on avait pas toutes les cartes possibles en main?

Les deux méga-évolutions achevées, leur duel reprend de plus belle. Ajiel semble mis en difficulté, de son côté. Il tente d’affronter l’Angoliath, mais il est ralentit par les pouvoirs psychiques de son autre ennemi.

-Ajiel, pisto-poing puis taillade sur Alakazam!

Le chevalier rouge s’extirpe de son contact avec le type fée grâce à la vitesse de sa capacité, puis va s’en prendre à sa nouvelle cible. L’Angoliath amorce un mouvement pour faire demi-tour et prêter main forte à son collègue, mais mon père l’arrête.

-Non. Occupe toi d’elle!

Suivant ces indications, le Pokémon chevelu se dirige vers moi. Je recule mais aperçoit ma Méga-Jungko se dédoubler. L’une des deux plantes fond à toute allure sur l’Angoliath pour l’intercepter. Celui-ci fait un pas de côté pour éviter un coup, puis contre-attaque avec ses griffes. Le clone disparaît. L’échange n’a duré qu’une seconde, mais il n’en faut pas plus à Ajiel pour revenir vers moi une fois l’Alakazam vaincu.

-Merci Lys. Lui lancé-je, légèrement amère à l’idée que la gecko ait sacrifié une partie de sa force vitale pour générer un clone.

A trois contre trois, le combat est déjà plus équilibré. Cependant, les renforts arrivent vite. Déjà, j’entends Fabienne revenir dans le couloir, au pas de course. Je me précipite vers l’entrée du tunnel.

-Fabienne, attention! Hurle mon père pour la prévenir au moment où celle-ci apparaît dans la pièce.

L’avertissement lui permet de réagir à temps et de se protéger de mon coup de poing en se recroquevillant en arrière. Mais je ne la lâche pas, et lui enfonce un coup dans les côtes. Elle se débat, mais elle n’a clairement aucune compétence de corps à corps, et son bras manquant ne l’aide pas. Ses mouvements frénétiques et désespérés pour m’échapper me donnent du fil à retordre.

-J’ai déjà appelé les autres quand j’ai entendu du bruit! Ils arrivent! M’avertit-elle, comme si cette menace pouvait me dissuader de l’attaquer.

Sa main unique tente parfois d’atteindre ses Pokéball, mais elle se ravise vite. Elle est contrainte de se protéger pour ne pas se prendre de coup au visage. Mais il faut que je me dépêche de la neutraliser. Mes Pokémon ne tiendront pas longtemps, il faut que je puisse les assister pour en finir assez vite et éviter d’avoir à rencontrer nos ennemis à la sortie de la grotte. Et il faut que je retrouve Stahl quelque part dans ce bordel aussi. Le temps défile à une vitesse folle et il est contre nous. Je sens que je perd le contrôle de la situation, une fois de plus. Est-ce que je l’ai eu à un moment, au moins? Puis cette fois il n’y a pas d’échappatoire, je suis prise au piège. Je dois faire vite. Je dois me dépêcher. Peu importe comment, je dois trouver un moyen de me tirer d’ici. Mais je dois commencer par neutraliser cette femme. Puis mon père et ses Pokémon. Une étape après l’autre. Vite et bien.

-Alors? Qui est violent, maintenant, Lauriane?

Je réagis à mon prénom et tourne un regard noir vers mon géniteur avant de réaliser ma douleur à la main droite. Le poignet de Fabienne fermement emprisonné dans ma main gauche, j’ai le sang de son front sur mes autres phalanges. Combien de coup est-ce que je lui ai mis? Suffisamment pour la rendre inconsciente, ou presque. Je lâche son bras, son corps bascule et sa tête vient se heurter contre la paroi de pierre. Stupéfaite par cette violence qui ne me ressemble pas, je reste béate.

-Pardon. Désolée… Désolée…

Mes mains tremblent. Je tente de respirer profondément mais ma cage thoracique ne m’obéit qu’à peine. Je panique. Je suis en train de péter un câble. Je dois pas rester inactive pendant que mes Pokémon se battent, je dois faire avancer les choses. Stahl. Stahl. C’est pour lui que je suis là.

Lorsque je reporte mon attention sur le combat, Ajiel vient d’envoyer son second adversaire au tapis.

-Va aider Oplyn! Lui lancé-je. Oplyn, ouvre les cages et aide moi à trouver Stahl!

J’en demande beaucoup au Cizayox qui s’apprête à affronter son troisième adversaire. Mais les griffes d’Oplyn peinent à passer la peau dure du Steelix, qui semble l’avoir renforcée. De mon côté j’escalade les premières cages pour tenter d’apercevoir le contenu de celles derrière. J’en déplace pour voir celles d’en dessous. Il faut que je trouve mon Galekid et qu’on se barre en vitesse. Mon père tente de traverser la zone de combat pour s’approcher de moi mais manque de se faire écraser par la queue du serpent, ce qui le dissuade de réessayer. Il a toujours été comme ça. A jouer les gros bras avec ceux sur qui il a l’ascendant. A rentrer la queue entre les jambes au moindre risque pour lui. Je ne vais pas m’en plaindre.

Le rampant de fer émet un grognement. Espérant le voir tomber à son tour, je relève la tête de mon inspection. Mais au lieu de ça, la créature porte un coup massif au Cizayox qui, même en bloquant, se fait mettre au tapis.

-Bien. Maintenant débarrasse nous de ma fille. Lui demande calmement son dresseur.

L’immense Pokémon s’avance vers moi. Je bondit des cages pour éviter un coup de queue. Mais je ne donne pas cher des cages qui ont pris le coup à ma place, ni des Pokémon qui étaient à l’intérieur. Je me réceptionne mal sur le sol et une douleur me traverse la cheville. Je m’écroule, puis ce sont mes côtes qui craquent. Je tousse, ce qui accentue encore la souffrance. Fais chier! Ça ne tenait qu’à un fil depuis hier, il fallait bien qu’elles finissent par lâcher à un moment.

Je réussi à me placer sur le dos et tombe nez-à-nez avec le Steelix qui me toise de toute sa hauteur.

-Allez, Steelix.
-Alors c’est comme ça que ça finit? T’es un connard qui bute sa propre famille et tu t’en caches même plus?
-Arrête ton cinéma de pleureuse, tu récoltes ce que t’as semé. Tu me laisses pas le choix! Si tu m’avais écouté, on en serait pas là. Et puis c’est temporaire. Luminocanon!

Je croise le regard de mon bourreau qui ouvre la gueule. Le fond de sa gorge se charge en énergie.

-Steelix, arrête. T’es pas obligé de lui obéir.

Un cri me fait tourner la tête. Lys tente d’appeler Oplyn pour qu’elle vienne m’aider, elle même toujours bien engagée au corps à corps. Ce cri lui coûte une seconde d’inattention. Les dracogriffe du Carchacrok s’abattent sur elle. Les feuilles sur les bras de la gecko s’étendent pour venir parer le coup in extremis. Le choc est violent. Leur force s’équilibre un instant, puis la chasseuse pousse un cri glaçant quand son poignet ploie sous la force du dragon. La lame verte tombe au sol, brisée à sa base. Lys est achevée d’un coup de draco-queue.

-Steelix, bouge! Presse mon père, insensible au spectacle.
-Non, Steelix. S’il te plait!

L’attaque du serpent toujours en suspens, le Pokémon semble hésiter à porter son coup final.

-Je sais ce que t’as vécu. J’y suis passé aussi!

Je lui désigne, sans geste brusque, la cicatrice que je porte à l’arcade.

-C’est lui qui m’a fait ça aussi. Mais j’ai réussi à partir. Tu peux faire la même chose. T’es pas obligé de lui obéir. Tu peux m’aider à libérer tout le monde.

Ignorant tant bien que mal mes blessures, je tente de me redresser. Le Pokémon a un mouvement de recul.

-Chuut… Chut… Ça va. On a pas à être ennemis. Je sais ce qu’il t’a fait. Tu as peur de lui. Je sais. Mais tu es puissant. Tu es pas obligé de lui obéir.

L’animal est incapable de comprendre le sens de mes mots. Je le sais. Mais une fois de plus, le ton et les gestes transmettent le sens de mes paroles. Pendant une seconde, je me laisse penser que j’arrive à le convaincre de retourner sa veste contre son geôlier.

-Je rêve… Carchacrok, fait le toi même!

Un cri de joie attire mon attention quelque part au milieu des cages. Oplyn trépigne en faisant de grands gestes. Mais la charge du dragon me fait l’oublier rapidement. Le serpent d’acier balance sa tête en arrière et crache son rayon lumineux en direction de son ancien allié. Le requin des sables évite l’attaque qui s’en va fracasser le mur, et continue son assaut. Les deux Pokémon sol sont interrompus lorsque la terre se met à vibrer.

-Oh putain, c’est pas vrai… Non! Merde! S’exclame mon géniteur. Lauriane, aide moi! Réveille les Pokémon!

Je le vois se diriger vers les cages de l’autre côté de la salle et commencer à trafiquer bonbonnes et digicodes. Je cherche des yeux l’origine de son inquiétude, et lorsque mes yeux passent entre les deux Pokémon encore debout, je comprend que le rayon du Steelix a frappé la stèle, la faisant voler en éclat.

Des petits pas s’approchent de moi et on me tire par la manche. Oplyn est là et me tend une Pokéball. A en juger par la chaleur familière qui s’en dégage, j’en déduis qu’il s’agit de celle qui retient Hope. Derrière elle, traînant de la patte, mon Galekid s’approche. Soulagé de me voir, il vient se blottir contre moi. Les larmes me montent aux yeux quand je le serre dans mes bras. Son corps métallique est froid. Ça me fait du bien de le toucher.

-Putain Stahl… Pardon, j’ai été longue. Je suis désolée. Je suis contente de te revoir.
-Lauriane, bouge ton cul!

Appuyée sur mon pied valide, et une main collée sur mon côté gauche dans l’espoir d’atténuer la douleur, je me remet debout. Cela me fait mal de l’admettre, mais si la catastrophe imminente est aussi grave que semble le penser mon père, tout ce qui est ici est perdu. Tous les Pokémon trop faibles pour s’enfuir ne sortiront jamais du tunnel avant que la grotte ne s’écroule. Le grondement se fait de plus en plus fort.

Dans la foulée, une demi douzaine de personnes ne tarde pas à arriver dans la salle.

-Frank, qu’est-ce qui se passe? Demande Yoan.
-La stèle a été détruite, on lance le plan! Bougez-vous!

Des instructions fusent dans tous les sens. Un homme se penche sur le corps de Fabienne. D’autres vont prêter main forte à mon père. Moi, je fais revenir Lys et Ajiel dans leurs Pokéball, et me dirige vers la sortie, suivie de près par Stahl et Oplyn. Mais un cri strident résonne avant que je n’atteigne le tunnel. Trop tard.

   
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Dusk
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L’impossible dimension
Apparition de Dialga
Le temps est ne données objective liée à l’espace. Il correspond à la mesure d’une répétition dans l’espace. Toutefois, quand vous suivez des yeux le mouvement de l’aiguille d’une horloge sur son cadran, vous ne mesurez pas la durée, mais vous comptez les simultanéités car dans l’espace, il n’y a jamais qu’une position unique de l’aiguille, puisque des positions passées, il ne reste rien, et que des positions futures, il n’existe rien. Placé ainsi dans l’espace, le temps ne fait que s’écoulait dans un seul sens, et disparait aussi immédiatement qu’il est apparu.

Mais si on imagine un univers, où seul le temps règne. Un élément qui lui arrache sa linéarité, et sa dépendance à l’espace. Ou si le temps n’était qu’une dimension du monde, dans laquelle, on pourrait se déplacer librement. Alors toutes les règles que l’on connait, toutes les connaissances que nous avons, toutes nos méthodes de réflexions n’auront plus aucun sens, et nous contemplerons un monde qui n’aurait plus de sens pour nous.

Au commencement, il y avait l’œuf. Nul ne sait d’où il vient, ni ce qui l’a engendré. Mais l’univers commença à son éclosion et la naissance d’Arceus. Doté d’un grand pouvoir, Arceus créa le temps et l’espace, chacun régis par Dialga et Palkia. Ils luttèrent afin que leur pouvoir domine celui de l’autre. Et l’écho de leur combat résonna dans notre monde.

Des ondes temporelles ont cisaillé l’espace et des ondes spatiales ont cisaillé le temps.

Notre monde poursuit sa route, avançant dans le temps, immuable dans l’espace. Mais un jour, une de ses ondes sera capturée. Cristallisée et sertie, elle formera un joyau étincelant de beauté, preuve éternelle de l’ingéniosité des hommes, et de la grande puissance de la nature. Exposée dans un musée, elle sera visitée et vue pendant des siècles. Ou bien est-ce une minute ? Tous ignorent combien dura sa chute. Car des siècles plutôt, ce qui sera appelé un temple abandonné naissait à l’emplacement de ce musée. Car cet instant d’éternité que l’homme pense avoir capturé, n’existe pas seulement en une simultanéité, mais une multitude.

Alors, en ce jour où un combat fait rage au sein d’un bâtiment perdu au cœur d’une jungle, ce diamant fut brisé. L’attaque Hurle-Temps, prisonnière depuis des millénaires, ou une seconde, traversa la pièce et déchira l’espace.

Toutes les personnes présentes furent prises dans son onde. Devant leurs yeux, ils virent défiler des évènements. Pour certains, ce fut leur vie, passé ou futur. Pour d’autre, ce fut un lointain passé ou futur.

Puis aussi vite que l’attaque eut lieu, elle cessa. Le temple cessa d’être, s’il avait jamais existé. Il demeura de son existence, un étrange souvenir, une impression fugace de déjà vu, de rêve. Pourtant, il était là. Il n’y a pas de doute. A une époque, il était là. Ou bien il sera là.

Lauriane sort de sa vision. Elle ressent une fatigue immense, comme si elle n’avait pas dormi depuis des années. Elle a oublié comment elle est arrivée ici, ou pourquoi. Dans son esprit, les souvenirs s’emmêlent et elle se découvre une tenue qu’elle n’a pas porté depuis des années. Pourtant, elle ne s’est pas changée depuis hier. Et hier semble si loin. Elle regarde ses mains. Elles semblent si jeunes. Evidemment, elles sont jeunes. La jeune femme n’a que vingt et un ans. Mais elle était convaincue d’en avoir plus. Beaucoup plus. Mais ses mains aussi ont l’air surprise car elles n’ont pas exactement la jeunesse qu’elles auraient dû. Ses vêtements sont défraichis, comme s’ils avaient passé les cinq dernières années au soleil. La rouille a imprégné certaines cages, alors que d’autres semblent tout juste sorties de l’usine.

Ce Luxy n’était-il pas un Lixray ? Et ce Tengalice un Granipiot ? Tout semble si floue.
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Lauriane Feroë
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Odeurs. Sons. Sol. Couleurs. C’est comme si tout avait cessé d’exister pour ne laisser place qu’au néant. Un maelström de vide dans lequel je me perd. Un puis sans fond où aucune notion n’existe. J’ai la sensation qu’il y fait sombre et froid. Mais c’est faux. Le concept de luminosité n’y existe pas. Pas plus que celui de température.

Tout ce qu’il y avait autour de moi, ainsi que tout ce qui me constituait. Tout s’est effacé en un instant. Tout a été emporté. Comme si le cri de Dialga avait ébranlé le monde matériel même. Pourtant… Je sais, au fond de moi, que tout n’a pas cessé d’exister. Je crois. Moi même, je n’ai pas cessé d’être. Est-ce que je suis morte? Réduite à l’état de conscience, d’âme errant dans ce vide absolu?

Je me serais attendue à ce que la fin soit plus dure. Je ne suis ni en colère. Ni apeurée. Ni triste. Pas plus que je ne ressent du bonheur, du soulagement, ou de la quiétude. Je ne sais pas ce que je ressens. Si ce n’est cet abîme. Je devrais avoir peur que ce chaos s’immisce en moi, comme j’ai plongé en lui. Mais non. C’est comme ça.

Il me suffit d’accepter ce qui est, pour que le monde m’apparaisse. Mais c’est différent. Ce ne sont pas mes yeux qui s’ouvrent. C’est mon esprit qui s’éveille, aussi légèrement qu’une plume se posant sur un oreiller de satin.

Je ne suis pas perdue au coeur du néant. Ce que je prenais pour du vide est en réalité un plein. Plein de tout. Plein du monde. A la fois statique et mobile. Changeant et inébranlable. Rigide et fluide.

Je n’ai pas changé de monde. Je n’ai pas été attirée dans un autre plan de l’existence. Tout est beaucoup plus complexe. Ce ne sont pas deux couches qui se superposent. C’est autre chose. Si le monde était un vêtement, alors tout ceci n’est qu’un fil du tissu qui le compose.

Et je peux les sentir. Partout. Ces fibres. Ces liens qui voyagent sans trop savoir où ils sont. Qui s’emmêlent et se démêlent. Qui se croise mais ne se voient pas. Qui se touchent mais s’oublient l’instant d’après. Qui fuient dans la même direction sans que deux trajectoires ne soient identiques. Ils sont comme un flux. Une rivière. Une coulée de fils dans laquelle je m’empêtre comme dans une toile d’araignée.

Je suis prise au piège. Mais je ne panique pas. Je ne peux pas. La crainte n’existe pas. Alors je me laisse couler. Et puis je plonge, comme attirée par un aimant au milieu de ce tissage. Je dérive lentement vers cette source d’attraction. Rien n’en émane, si ce n’est une étrange sensation de déjà vu. Je connais ce noeud, ou quoi que ce soit d’autre. Alors je m’y accroche, comme à une bouée, au milieu de ce courant incessant.

* * *

Je marche. Mon corps marche, mais ce n’est pas moi qui le lui ordonne. Je ne suis que spectatrice à travers mon propre regard. Je le sais, je le comprend immédiatement. Comme si un instinct quelconque imposait à moi une loi universelle: Je suis moi sans être moi, et je suis impuissante. Quoi qu’il m’arrive, quoi que je fasse, c’est un film auquel j’assiste sans pouvoir l’altérer d’aucune façon.

Je marche, en pleine ville. J’ai un sac sur le dos. Mes cheveux mal attachés me tombent entre les omoplates. Le monde me paraît plus grand qu’à la normale. Ou… peut être est-ce moi qui suis petite. Je connais ces rues. Je connais cette petit supérette. Je passais devant tous les jours, avant. Quand je rentrais de l’école. Immédiatement, je sais vers où je me dirige. Et mes entrailles me hurlent de faire demi-tour. Mon intuition retrouvée me dicte de sortir de là. Je n’ai pas envie de voir la suite de… ce rêve, ou quoi que ça puisse être. Mais je ne peux pas en sortir. Je suis incapable d’agir sur cette réalité, comme sur ma propre perception.

Insouciante, cette Lauriane qui n’est pas moi, arpente le chemin qui la ramènera chez elle. Mon ancien chez moi. Je doute qu’elle n’ai conscience de ma présence dans sa tête. Mais moi je sais ce qu’elle ressent. Ni colère, ni peur, ni tristesse. Aucune amertume, ni crainte. Comme si, à l’instar d’une enfant normale, elle était habituée à rentrer simplement chez elle après les cours. Ce n’est que lorsque nous avons tourné au coin d’un bâtiment, que j’ai compris. Son inquiétude en voyant les gyrophares bleus et rouges, au loin, a suffit à faire la lumière pour moi. Je ne suis ni dans un rêve, ni dans une hallucination. Mais dans un souvenir. Probablement le pire de tous.

La police et l’ambulance sont arrêtés en bas de chez nous. Mon père est là, les yeux rougis par les larmes, assis sur le muret en face de l’entrée, en train de discuter avec un agent en bleu. Celui-ci prends des notes. Quand mon géniteur m’aperçois, il se lève et s’avance vers moi. Mon instinct me crie de fuir. Mais la jeune moi continue d’avancer sans comprendre la scène qui se déroule sous ses yeux.

-Lauriane, ma chérie!

Cette fois c’est l’inverse. Alors que la moi-du-passé reste indifférente, c’est moi qui reste abasourdie. “Ma chérie”. Ces mots sortant de sa bouche me font l’effet d’une brique, plus que n’importe lequel de ses coups de poing. Ça fait si longtemps qu’il ne m’a plus appelée comme ça. Ses bras m’enlacent. Je sens sa chaleur contre moi. Celle d’un père aimant. Mais le corps que je ne contrôle pas le repousse, au bout d’une paire de secondes, alors que j’oscille entre déception et dégoût.

-Qu’est-ce qui se passe? M’entends-je demander.

L’homme recule d’un pas, et s’agenouille à ma hauteur, les yeux humides.

-Lauriane, il faut que tu saches que… maintenant… On sera plus que tous les deux, d’accord, ma puce?
-Pourquoi? Elle est où maman?

Ses lèvres tremblent et une larme déborde de sa paupière.

-Ta maman est partie.
-Partie où?
-Elle a décidé de… de partir au ciel, tu comprends?
-Elle est morte?

Ses lèvres bougent. J’y lis un “oui” silencieux tandis qu’un simple gémissement les franchit et qu’il fond en larme. Je me souviens encore de ma réaction à ce moment là. Quand il m’a pris encore une fois dans ses bras, je n’ai pas réagit. Aujourd’hui, si j’avais pu contrôler ce corps, j’aurais pleuré tout de suite. Mais il faudra encore quelques minutes à la gamine que j’étais pour réaliser pleinement les choses.

Déjà à cet âge là je pouvais être une peste impulsive. Une petite tête brûlée. J’aurais voulu ne pas voir la suite du souvenir. Mais je n’ai pas d’autre option.

Des ambulanciers sortent du bâtiment, portant un brancard. Une silhouette dans une housse noire est allongée dessus. L’adrénaline monte à la tête de la petite qui s’avance d’un pas déterminé vers les deux hommes. J’aurais voulu lui crier de ne pas le faire, de juste accepter l’information qui vient de lui être donnée. Mais avant qu’on puisse l’arrêter, ses petits doigts ont déjà saisi la fermeture éclair, qui glisse le long du sac.

Depuis le temps, j’avais presque oublié son visage. Des traits fins. Légèrement creusés. De petites lèvres. Les mêmes cheveux châtains que moi, quoi qu’un peu plus roux. Le teint pâle. Les yeux clos. Des bleus sur ses côtes révélées par son haut mal positionné. Du rouge profond sur les avant-bras.

J’ai beau avoir déjà vécu ça, la vision de son corps sans vie est un coup de poignard. Mon père m’agrippe par les épaules et me tire à l’écart, me détournant de cette vision d’horreur. Je, ou plutôt la moi-du-passé, commence à pleurer en se blottissant contre lui. Il place ses bras autour de mes épaules et me serre, probablement pour la dernière fois de nos vies, en pleurant. Comme si nous n’étions que les impuissantes victimes d’un tragique accident, dont la faute reviendrait à pas-de-chance. Fils de pute.

* * *

Les sanglots s’estompent. Le corps de mon père s’éloigne. Mon esprit finit par quitter la scène et retourne dans cet étrange espace saturé du monde. Rien ne semble avoir changé ici. Et pourtant, j’ai la sensation que tout est différent de la première fois. Comme une rivière. Bien que la rive soit identique d’une fois sur l’autre, l’eau de la dernière fois est déjà loin et a laissé place à des gouttes nouvelles. C’est la même chose. Toujours le même tissus. Mais pas les mêmes fibres.

Je m’interroge un instant. Sur ce que je viens de voir. Pourquoi revivre un souvenirs? Pourquoi celui-là? Est-ce que tout cela a un sens? Ou est-ce juste l’influence du pouvoir de Dialga qui malmène mon esprit comme une barque en pleine tempête? A moins que ce ne soit ça, revoir sa vie défiler au moment de s’éteindre. Je pensais que ça durerait moins longtemps.

Combien de temps, d’ailleurs? Le temps existe-t-il seulement? Il pourrait s’être écoulé une seconde, ou l’éternité, que je n’en saurais rien.

* * *

Il fait sombre. La lumière du jour perce à travers le volet. Je reconnais mon ancien appartement, à Nemerya. C’est donc un souvenir récent. Vieux de quelques mois, tout au plus. Et encore une fois, je vis la scène par les yeux et sensations de cette Lauriane.

Mon homonyme est allongée, sur les draps de mon canapé-lit déplié. La tête posée sur l’oreiller, je regarde le reste de l’appartement vide et silencieux. Des boîtes de pizza sont empilées sur la table basse. Il y a des vêtements en vrac posés sur le sol. Si je n’étais pas à l’intérieur de mon propre corps, j’aurais pu penser à une Lauriane déprimée. Mais je sais, je sens, qu’elle est bien. Comme apaisée.

Je ne suis cependant pas du genre à laisser traîner autant de choses. A repousser la vaisselle sur plusieurs jours. A faire la grasse matinée jusqu’à ce que le soleil violente le battant de bois. Ce souvenir n’est pas cohérent. Je n’ai jamais vécu ça. Cette situation. A moins que mon cerveau ne l’ait occulté de lui même?

Ce qui me donne le plus matière à réflexion dans ce tableau, c’est un dernier détail, dans le décor. Une bouteille de bière est posée à côté des cartons de pizza. Je n’en bois jamais.

J’entends bouger, derrière moi. Je comprends, légèrement choquée, que je n’ai pas dormi seule. Un bras m’enlace la taille dans une étreinte à la fois étrange et familière. En sentant sa peau sur la mienne, je réalise que je n’ai que mes sous-vêtements comme couverture.

-T’es réveillée?

Si j’avais le contrôle sur ce corps, j’aurais bondit du lit. La personne collée à moi, et contre laquelle je me blottis… C’est Lionel.

-Peut être. Dis-je, alors qu’il dépose un baiser sur ma joue.

Mon regard se tourne et découvre son visage. Lui même est torse nu. J’en ai à présent la certitude: cette situation ne s’est jamais produite. Ce n’est pas un souvenir. Et il ne peut pas s’agir du futur non plus: Je ne vis plus dans cet appartement, et ne compte pas y remettre les pieds un jour.

La Lauriane du rêve attire le visage du brun et dépose un baiser tendre sur ses lèvres. Embarrassée sans qu’il ne puisse le voir car mon esprit n’a aucun effet sur ce corps, je m’imagine un instant faire ce geste de moi même, dans la réalité. Je sens quelque chose s’emballer, en moi. Mais je suis incapable de définir si ce sentiment provient de la vision, ou de moi-même. S’il est réel ou non. Mes propres émotions sont tellement étouffés dans cette fausse réalité, il m’est difficile de faire la part des choses.

Le Nova me rend mon baiser. C’est étrange. Pour moi, mais pas pour l’autre moi. Pour elle, ça semble naturel. Mais ça ne laisse indifférent aucune de nous deux. Le contact finit par se rompre, et les regards par se croiser.

-Bien dormi? Me demande-t-il.
-Pas assez. Répond l’autre.

Nous sourions tous les deux.

-Couchée trop tard? Interroge-t-il avec une certaine malice, comme si le sous entendu n’était pas déjà suffisamment évident.
-Je vais pas m’en plaindre.

Nouveau baiser. Contrairement au précédent souvenir, je me prête au jeu, tentant de m’immiscer un peu plus dans cet esprit là. Et je sens quelque chose changer. Quelque chose d’extérieur à cette vision, qui est au delà de mes perceptions actuelles. Des fils. L’aimant. La bouée au milieu du torrent. Plus je m’approche de cette réalité-ci, plus mon lien avec “l’extérieur” s’estompe, comme s’il me restait un fil d’Ariane pour m’aider à faire demi-tour et qu’il était en train de s’effilocher. Je réalise que j’ai le choix. Je pourrai rester là. Vivre ça en vrai. Comme si la grotte n’avait été qu’un mauvais rêve. Mais… non. Je dois y retourner. Si tant est qu’elle existe encore.

Depuis combien de temps est-ce que j’erre dans cet étrange espace-temps? Comment en sortir? Est-ce que tout est déjà finit, là-bas? Est-ce qu’ils vont bien? Qu’est-ce qui m’est arrivée, sur place? Est-ce que j’existe toujours? Y a-t-il seulement un moyen d’y retourner?

Tandis que tout un tas de questions se déchaîne dans mon esprit, le jeune couple ne relâche pas son emprise l’un sur l’autre, loin de tous ces soucis. Les mains de plus en plus baladeuses de Lionel agitent ma conscience, comme un sursaut. Mais l’autre Lauriane ne semble pas s’en soucier, bien au contraire. Tous ces questionnement sont bien loin d’elle. Et ce sont ces mêmes interrogations qui me différencient de cette autre version de moi même, et qui me font perdre le lien avec elle. J’y entrevois une porte de sortie. Ma place n’est pas ici. Le simple fait d’effleurer cette pensée me tire en arrière, et le contact avec l’éleveur disparaît.

* * *

Je crois que je commence à comprendre. Le lien avec Dialga, corrélé avec les paroles de mon père, rend pourtant tout si évident. Ce que j’ai vu… Ce ne sont pas que des souvenirs, ou des rêves. Ce sont des évènements. Des choses qui se sont produites. Dans ma réalité, ou dans une autre.

Et cet endroit, ce tissu qui brode le monde… Ce sont toutes les possibilités qui s’entremêlent les unes les autres. Des chronologies différentes qui se séparent et se recoupent. Ce flux dans lequel je suis piégé… Je ne serais pas étonnée qu’il en existe une infinité d’autre. Peut être même que celui-ci n’est que le filament d’un autre plus important.

Mais le fait est que je suis toujours coincée dans cet entre-deux, toujours aussi inconnu, malgré cette impression constante de déjà-vu. Je commence à fatiguer. Fatiguer à force de ne pas comprendre ce que je fous ici. De ne pas savoir quel est le but derrière tout ça. Je ne veux pas errer ici à vivre ma vie à travers des vision qui ne sont que des souvenirs inaltérables, des futurs probables, ou des versions alternative du présent. Je veux retrouver mon corps. Retourner auprès de ceux à qui je tiens. Continuer le combat.

Tous ces fils, ces différents écoulements du temps, cette infinité de petits embranchements représentant toutes les possibilités qu’offre notre univers… Tout ça ne mène nul part. Ni dans un sens, ni dans l’autre. Tout n’est qu’infini. C’est comme si l’univers lui même était en mouvement.

Plus je passe de temps ici, plus j’ai la sensation de comprendre la nature de ce lieu. Et en même temps, tout m’échappe. La métaphore avec la rivière se fait une nouvelle fois dans mon esprit. On peut y plonger ses doigts, mais jamais la saisir.

Lorsque je tente de me concentrer sur d’autres points d’ancrages, je peux y entrevoir des flash d’autres choses, saisir quelques sons comme des murmures. Mais je ne peux pas y pénétrer. Comme si… Comme si ils n’avaient pas une force attractive suffisamment forte sur moi. Des Pokémon. Des lieux. Des rocs. Toute l’histoire du monde, passée, alternative, et à venir, est concentrée ici.

Non loin, je perçois, dans cet univers où ombre et lumière n’existent pas, le scintillement d’une autre ancre. N’ayant d’autre option que de parcourir aveuglément ce tissage temporel, je m’attarde sur mon désir d’y plonger. Et c’est ce qui se produit.

* * *

Je me retrouve les yeux clos, avec les mains appuyées sur quelque chose de dur et froid. Mes cheveux humides me tombent sur la nuque et les épaules, comme si je sortais de la douche. Mes joues sont mouillées aussi, pas pour la même raison. Mon coeur bat fort, et à en juger par ma respiration lente, je tente de me calmer. Mes paupières s’ouvrent sur le lavabo blanc de la salle de bain.

Au sol, je remarque le gobelet dans lequel je range ma brosse à dents. Il est brisé, et sur le dos de ma main se trouve une marque légèrement rougie, signe que je l’ai sûrement frappé avec force. Je relève la tête vers le miroir devant moi. J’y vois un regard dur, le mien, lancé par des yeux rougis et gonflés. La Lauriane de cette vision ne garde pas le contact visuel très longtemps avec son reflet, et baisse la tête à nouveau en serrant les dents. Se redressant, elle dirige ses mains vers la serviette de bain nouée autour de son buste. Le tissus tombe au sol.

Avalant sa salive avec difficulté, mon homonyme lève à nouveaux son regard sur le miroir. Je m’y vois nue. Les cheveux mouillés et emmêlés. Des larmes plein les yeux. Mon regard parcourt mon corps. Malgré quelques muscles légèrement dessinés, il a l’air vulnérable et dangereusement exposé. C’est du moins ce que je ressens. Ou ce qu’elle ressent. Sans doute les deux. Elle met plusieurs secondes avant d’oser croiser à nouveau son propre regard. Observatrice, je n’ai d’autre choix que de faire de même, malgré tout le malaise que cela me procure.

Ma bouche s’ouvre, comme pour dire quelque chose. Mais la difficulté de l’exercice nous pousse une fois de plus à rompre le contact, et à retomber contre le lavabo. Mes bras commencent à trembler alors que je suis sur le point de succomber à un sanglot, ou d’étouffer. Faisant preuve d’un effort surhumain, elle parvient à prendre une grande inspiration alors qu’une larme roule sur sa joue.

-Qu’est-ce qui va pas, chez toi? Accuse-t-elle, faiblement, amère, la voix cassante.

Sa question me glace. Son regard me transperce. Pas moi-elle. Mais “moi”. Jusqu’à présent, aucune des versions de moi-même n’avait perçu “ma” présence dans leur esprit. Mais celle-ci… Je ne saurais dire si elle s’adresse à elle même, ou à ce que je suis en ce moment. Sans doute parce que je suis plus elle que je n’étais les autres. La question restée en suspension agit comme une étrange attraction. Ce simple questionnement formulé à voix haute lui donne la force de maintenir le contact visuel avec son reflet.

-Pourquoi t’es obsédée comme ça? Pourquoi tu tiens autant à devenir “forte”? J’en ai marre putain! C’est pas important!

Je contemple sa tentative de régler ses contes avec elle même. Je ne comprend pas. Comment peut-on être si proches l’une de l’autre, et ne pas être capable de donner une raison à ça. “Pourquoi?” Pourquoi vouloir devenir pompier ou coordinateur? Pourquoi vouer sa vie au voyage ou a la protection des autres? Pourquoi vouloir devenir forte? Comme tout le reste, ça a toujours été un but en soit.

-Ça veut rien dire “être forte”…

Là encore, je ne comprend pas. Bien sûr qu’il y a une signification. Avoir un objectif qui ne veut rien dire ferait de moi une tarée. Être forte veut dire être capable de surmonter les épreuves, ne pas se laisser marcher dessus, être capable de se battre et de se défendre, ne dépendre de personne…

-Ça sert à rien! Lâche l’affaire! S’énerve-t-elle. Pourquoi tu pourrais pas être faible parfois? En quoi c’est mal?

J’ai la désagréable sensation de me faire passer un savon. Et ce fait est d’autant plus troublant quand la personne en face n’est autre que moi-même. Ses questions… M’ont l’air à la fois lourdes de sens, pertinentes, absurdes et sans réponses.

Son regard dévie une nouvelle fois, mais elle parvient à le promener sur mon corps plutôt que de fuir totalement dans le décor. Comment est-ce que je suis sensée lâcher l’affaire? A quoi bon? Rien d’autre ne vaut la peine de continuer à avancer que de devenir meilleure. Que de faire son maximum et se donner la possibilité de se battre.

-Contre quoi tu te bats, à part contre toi-même? T’as rien à prouver à personne, et encore moins à ce connard! Crie-t-elle presque, en me dévisageant à travers la glace.

Ça ne fonctionne pas comme ça. Ce n’est pas une question de prouver quelque chose à qui que ce soit. Je ne dois rien aux autres. Ça n’a rien à voir avec les autres.

-T’as rien à te prouver, non plus. Tu devrais rien avoir à te prouver.

Ses lèvres se crispent quand elle retient une fois de plus ses larmes.

-T’as fais mieux que ta mère, t’as survécu à ton père…

Elle se ment à elle même. Nous savons toute les deux que le nombre de fois où j’ai faillit lâcher prise est trop important pour être compté. Mais au final je m’en suis sortie, parce que j’ai su être forte.

-Tu t’es barrée et t’as réussi à vivre seule, sans l’aide de personne.

Et le prof Saule? Celui qui t’a confié Stahl? Celui qui t’as donné un job? Celui qui te verse un salaire tous les mois pour que tu sois pas à la rue? Celui qui t’a donné l’opportunité de ne plus être à Johto? Sans lui, je serais peut être dans une boîte à côté de celle de ma mère.

-T’as réussi à élever des Pokémon, et pas les plus faciles. Tu les a aidés à s’épanouir et à devenir des êtres puissants. Ils ont tellement confiance en toi qu’ils te suivraient n’importe où dans ce putain de monde, et dans les autres!

Et Selkie? La Feunard que j’ai envoyé bouler dans le parc en bas de mon ancien appart parce qu’elle était invivable. Cette version de moi-même ne s’en souvient peut être pas, mais moi, je n’oublie pas que j’ai préféré abandonner plutôt que de persévérer. L’absence de Selkie à mes côtés est la marque indélébile de mon échec.

-Puis y a Lionel, et Damien… T’es pas toute seule, t’as des gens autour de toi.

Pour combien de temps? Avant que Damien ne soit plus mon coloc et qu’on se perde de vue comme des inconnus? Ou que je ne me remette à éviter Lionel pour des fautes qu’il n’a pas commises? Et en même temps, je serais où sans ces personnes aujourd’hui? Certainement pas ici, pas comme ça. Je les ai à mes côtés jusqu’à ce que je trouve insupportable d’avoir toujours besoin des autres pour avancer, parce que je déteste ça.

-Et t’as des badges. Sanzo, Lise, Capucine… Tu les as battus.

Un badge est un bout de métal, ça n’a aucune valeur. Je n’ai rien gagné d’autre que de quoi gonfler mon égo, dans ces combats. Ça ne m’a rien apporté. Ça n’a pas fait de moi une meilleure dresseuse.

-Et t’as presque battu Kei. Alors qu’au début tu lui arrivais pas à la cheville.

“Presque”. Toute la nuance est là. Une défaite reste une défaite. Un échec reste un échec.

-T’as affronté Mistral deux fois, et t’étais aux premières loges quand Hyouga a été capturé!

Sans doute parce que je n’étais pas seule. J’ai jamais été seule. J’ai rien accompli par moi même dans ces moments là.

-Les autres non plus, ils étaient pas seuls, puisque t’étais là! Hausse-t-elle le ton. T’étais là quand Lionel s’est fait attaqué par des Viskuses, quand vous vous êtes retrouvés sous la neige au volcan, ou quand Kei a combattu Hyouga. T’étais là, putain! T’as réussi à arriver jusqu’ici, avec ou sans les autres! T’as fais des choses! Tu t’es battue! Alors putain, Lauriane, arrête de te trouver des excuses à la con!

Amère, son regard noir fixe notre reflet. Ses sentiments, que je ressent aussi, sont comme une bombe. C’est une violente déflagration d’aversion. Elle déteste du plus profond d’elle même la personne devant elle. Elle se déteste. Je me déteste.

Et pourtant, maintenant que je suis là, que je ressent ses émotions qui sont les miennes, mais surtout les siennes… Je réalise toute la force du tourbillon qui gronde dans son estomac. C’est violent. C’est violent de se haïr autant.

-C’est pas parfait, et rien le sera jamais! T’as le droit de te tromper, de commettre des erreurs, et d’en avoir rien à foutre! T’as le droit d’être fatiguée. T’as le droit de te reposer sur les autres. T’as le droit de…

Elle s’interrompt et prend une lourde inspiration. Son poignet vient essuyer ses yeux mouillés.

-Depuis quand est-ce que tu confonds force et puissance? Quand est-ce que t’as déraillé?

Je ressens comme une grande douleur en moi. En elle. En nous. Parce que nous sommes la même Lauriane, ou presque. Je sens une brûlure qui m’incendie de l’intérieur. Et qui en même temps, me fait du bien. Comme si quelque chose de néfaste s’agitait, mais était en train de se consumer avant le jour où ça reviendra à la charge. La haine est une phénix qui renaît de ses cendres.

Je recule, jusqu’à sentir le mur dans mon dos. Éloignée du miroir, je peux désormais y voir mon corps jusqu’à la taille. Mes yeux glissent sur ma peau et observent chacun de mes traits. Chacune de mes formes. Chaque nuance de couleur offerte par les ombres et la lumière venant du plafond.

Je ne prend pas de plaisir particulier à me trouver nue, quand bien même je suis seule dans l’appartement. Mais là, en cet instant, me dévoiler ainsi pour aucune raison, et m’inspecter de cette façon, provoque en moi une gêne immense. Ça a beau être moi, mon corps… Je ne veux pas le voir. Mais j’y suis forcée par la moi de cette vision, qui se fait elle-même violence pour se confronter à son reflet. Ses épaules s’agitent alors que les larmes montent de plus belle.

-Lâches prise. Accepte-toi. S’il te plait…

Il s’écoule quelques secondes sans un bruit. Le silence de l’appartement a quelque chose de soudainement reposant. Les épaules de mon reflet sont lâches, comme si elle était un peu plus apaisée alors qu’elle réprime un sanglot. Moi, je ne sais pas quoi penser. D’une petite voix presque imperceptible, comme par peur de briser le silence, mais par besoin de formuler une dernière chose, elle murmure:

-Tu es déjà forte.

Elle n’ose pas le dire plus fort. Nos regard se croisent à travers le verre. Et je lis dans ses yeux qu’elle voudrait croire à ces paroles. Elle aimerait que ce soit vrai, et espère s’en convaincre.

Mais elle se trompe. Est-ce que c’est à ça, que ça me mène? Échouer à devenir plus forte pourrait me mener à dénier mes faiblesses. Je veux pas tomber là dedans. Je veux pas me contenter de ce que j’ai accompli en oubliant là où j’ai échoué. Je ne veux pas être réduite à ne pas voir l’évidence. On dirait mon salaud de père. En plus des coups, il aura fallu…

-… qu’il me donne sa mauvaise foi.


* * *

Lorsque mon rejet de cette vision, et de cet état d’esprit que mon homonyme essayait de s’imposer, devient trop fort, mon esprit est à nouveau éjecté dans cet espace étrange. Me faire ainsi sermonner par mon propre reflet m’a ébranlé plus qu’autre chose. Je ne voulais pas entendre ça. Je ne voulais pas… Je déraille depuis le début, j’ai toujours déraillé, j’ai toujours été un problème pour mon entourage. Je crois. Je ne sais pas. Me cacher derrière mon travail et le dressage, ça a toujours été un moyen de canaliser ça. De faire quelque chose. D’avoir l’occasion de ne pas être un boulet. Et je ne veux pas que ça serve à rien.

Si devenir forte n’est pas ça, si ce n’est pas un but, alors… A quoi tous mes efforts servent-ils? Je refuse d’avoir parcouru tout ce chemin pour rien. Je refuse d’avoir étudier, jour après jour ; d’avoir appris à me battre et à me défendre ; d’avoir surmonté toutes ces épreuves ; d’avoir tout fait, absolument tout, pour devenir dresseuse et entraîner mes Pokémon à devenir plus puissants ; d’avoir survécu, de m’être battue, d’avoir fait face, et d’avoir fait de mon mieux depuis tout ce temps ; pour que tout ça ne serve à rien. Je n’ai pas fait tous ces efforts pour rester un problème toute ma vie. Accepter qui je suis aujourd’hui reviendrait à abandonner l’idée de devenir meilleure.

Frustrée, et faute de ne pouvoir faire autre chose, je me laisse entraîner une nouvelle fois par ce couloir du temps qui m’offre une nouvelle vision entre les réminiscence d’époques que je n’ai pas connu.

* * *

Penchée sur la table basse de l’appartement, j’observe mes quelques fiches remplies de notes. Jetant à moitié le stylo sur la table, je pousse un soupire agacé.

-Tu t’en sors? Me demande mon colocataire depuis la cuisine.
-Hum…

L’appartement est celui dans lequel je vis actuellement avec Damien mais ce n’est pas un souvenir. Peut être un évènement à venir? Mon regard se porte sur la feuille posée face à moi. La Lauriane de cette vision tend la main pour la récupérer. S’enfonçant dans le canapé, elle commence à la lire. Je reconnais un document écrit il y a longtemps, à l’époque de ma fin d’étude, lors de mon stage auprès du professeur Saule. Cependant, il s’agit ici d’une copie plus récente. Et modifiée à l’encre rouge. J’entame la lecture, en même temps que l’autre moi.


Potentiel

Le potentiel d’un Pokémon d’une personne ne peut se caractériser par une donnée quantifiable. Il s’agit de l’ensemble des capacités et ressources, physiques ou intelligentes, qu’un Pokémon une personne possède de façon naturelle ou qu’il elle peut apprendre, acquérir et améliorer au cours de sa vie, qu’importe le contexte dont il est question.

Chaque espèce possède un panel d’aptitudes et de possibilités qui lui sont naturellement propres. On parle alors de potentiel inné. Celui-ci varie d’une espèce à l’autre. Par exemple: un Pokémon dont l’espèce est conçue pour se déplacer uniquement par voies aquatiques aura un meilleur potentiel de nageur qu’un Pokémon dont l’espèce est conçue pour se mouvoir uniquement par voies terrestres. A l’inverse, le second sera meilleur pour se déplacer sur terre.

De plus, chaque individu, y compris au sein d’une même espèce, possède un potentiel inné différent de ses congénères. Cela peut se traduire par la présence d’une malformation, d’une maladie, d’un héritage particulier de ses géniteurs ou de tout autre facteur issu du code génétique ??? du Pokémon.

En plus du potentiel inné, on considère qu’il existe trois axes différents exploitables afin d’améliorer le potentiel d’un Pokémon d’une personne, indépendamment de l’espèce de celui-ci:
-L’éducation
-L’expérience
-La motivation


L’éducation
L’éducation est le processus par lequel le savoir moral et intellectuel est dispensé à un individu. Il s’agit, pour les Pokémon, de ce que l’on appelle communément le “dressage”, mais pas uniquement. Le terme “dressage” désigne l’éducation prodiguée à un Pokémon par un humain. Parent-enfant? Cependant, les Pokémon gens peuvent également apprendre des autres Pokémon personnes, notamment dans leur milieu naturel social.

Cela joue un rôle important dans le potentiel d’un Pokémon une personne. Un Pokémon Une personne formé par la théorie à un domaine, à un mode de vie, ou à une morale, aura un potentiel plus important concernant ce qui lui a été appris dans ce contexte.

L’éducation, bien que significativement plus importante lors de la jeunesse du Pokémon l’enfance, aura un impact déterminant sur sa vie entière. Il est fort probable qu’un Pokémon enfant puisse ressentir la façon dont son oeuf sa mère est traîtée. Il est donc fort recommandé, pour un dresseur parent souhaitant révéler le plein potentiel de ses Pokémon enfants, d’apporter un soin particulier à ses oeufs sa famille. Cela aura pour effet de créer un lien privilégié entre l’humain et la créature le parent et l’enfant, facilitant l’écoute et l’apprentissage de cette dernière ce dernier, favorisant ainsi son éducation. -> Loupé

Par la suite, un Pokémon enfant éduqué, aura une tendance non négligeable à suivre les enseignements reçus (Colère, violence?), y compris après plusieurs années et en l’absence de son tuteur. C’est ce qui lui servira à appréhender le monde qui l’entoure, et à posséder des prédispositions cognitives favorisant son libre-arbitre. Ce sont ce savoir et ce libre-arbitre qui pourront ainsi permettre au Pokémon à une personne d’agir et de réagir aux éléments inconnus qui forment son environnement sans pour autant posséder une quelconque expérience liée au contexte. C’est ce qu’on appelle plus communément l’intuition.


L’expérience
L’expérience caractérise tout ce que le Pokémon une personne va apprendre en interagissant avec son environnement. Par opposition et en complément à l’éducation, qui constitue l’acquisition de connaissances théoriques, l’expérience est constituée de connaissances pratiques.

Un Pokémon Une personne peut apprendre dès son plus jeune âge, y compris alors qu’il elle se trouve encore dans son oeuf le ventre de sa mère, à reconnaître des sons, des odeurs, des émotions ou encore d’autres individus. Ce sont des éléments qu’il elle va d’abord découvrir, puis reconnaître, et éventuellement exploiter. Par exemple: Un Pokémon va goûter une baie, découvrir si elle est comestible ou non, identifier les baies de même variété par la suite, et savoir s’il peut les manger ou si elles le rendront malade.

L’expérience peut aussi se traduire par des changements physiques ou psychologiques, tels qu’une blessure, un traumatisme ou une guérison. Chaque épreuve, observation, ressentit, ou constat est une expérience qui permettra au Pokémon à une personne de reproduire ou d’éviter certaines situations vécues. Plus un Pokémon une personne aura de connaissances pratiques dans un domaine, plus son potentiel dans celui-ci sera grand.

Il est très important pour un individu de tirer profit de ses expériences, pour comprendre ce que ses actions engendreront pour lui, son environnement et les autres individus, voire afin de se prémunir face à certains dangers et d’assurer sa survie dans des cas plus extrêmes. La capacité à tirer profit de son vécu et à exploiter convenablement ses connaissances, est ce qu’on pourrait appeler la sagesse.


La motivation
La motivation représente l’ensemble des éléments qui vont pousser le comportement et l’action d’un Pokémon une personne dans un contexte donné. Contrairement aux deux autres axes, la motivation n’est pas évoquée lorsqu’il s’agit d’acquérir du savoir, puisqu’il s’agit d’exploiter celui-ci.

Les raisons et envies du Pokémon d’une personne, conscientes ou inconscientes, découlent fortement de son éducation et de son expérience, mais portent également une notion affective prédominante. En effet, le “pourquoi” du Pokémon d’une personne se basera sur les principes acquis et ses valeurs, sur sa connaissance du contexte, et sur ses envies propres. ???

Prenons l’exemple d’un Pokémon participant à un concours de coordination: Il est important que le coordinateur possède un lien fort avec son Pokémon, afin de pouvoir lui transmettre son sens artistique, la théorie de la coordination, et l’importance de celle-ci (Education). Pour participer au concours, il lui faudra apprendre des enchaînements, répéter une chorégraphie, découvrir ses forces et lacunes, et se perfectionner dans son art (Expérience). En fin de compte, le Pokémon montera sur scène pour différentes raisons inculquées ou non par son dresseur: La fierté de présenter les fruits de son apprentissage, la récompense qu’il sait recevoir à la fin de la prestation, l’empathie pour son dresseur, la peur d’être puni s’il ne fait pas son travail, etc… (Motivation).

Une motivation suffisamment puissante a la capacité de pousser un Pokémon une personne à surpasser ses acquis, et à continuer d’apprendre et d’acquérir de l’expérience malgré les difficultés rencontrées. C’est cette bravoure qui permet l’évolution du Pokémon.


L’Evolution
L’évolution, au-delà du phénomène permettant à un Pokémon de changer de forme, est une transformation continue qui opérera tout au long de sa vie, tant physiquement que psychologiquement.

L’éducation, l’expérience et la motivation sont des variable en constante évolution. Un Pokémon Une personne peut apprendre, mais aussi oublier. Il Elle peut se découvrir une envie, ou en perdre. Sa perception vis à vis de différents éléments peut être amenée à changer. Son environnement évolue également, il n’est donc pas impossible que certaines de ses connaissances finissent erronées. Le potentiel d’un Pokémon une personne est donc en perpétuel changement, grandissant ou s’amenuisant au fil du temps.

Il est donc important, pour aider un Pokémon une personne à révéler son plein potentiel dans un contexte précis, de veiller à exploiter ces trois axes et à les stimuler continuellement afin de tendre vers les meilleurs résultats possibles.

Il est cependant primordial d’avoir conscience des limites d’un Pokémon une personne lors du dressage. Une théorie populaire considère qu’il est impossible, pour un être vivant, d’accéder à son plein potentiel. Tous les paramètres favorisant l’atteinte de celui-ci, ne font en réalité que tendre vers vers son maximum sans pour autant l’atteindre.


Éducation -> parents absents et néfaste -> “auto-éducation” -> vision erronée + héritage génétique mauvais

Expériences -> Assistanat + Échecs -> Occulte les réussites -> Aucune leçon positive

= Manque de confiance

Motivation -> volonté de s’améliorer sur des points non clairement identifiés -> se voiler la face

-> Éducation foireuse (ne peut être changée) + expériences infructueuses -> connaissances limitées -> motivation bancale -> Potentiel réduit -> Évolution compromise

Revoir expériences et motivations?



Mes yeux font des aller-retours sur la feuilles, et plus particulièrement sur les dernières lignes. Je comprend peu à peu ce que cette version de moi même essaye de faire. Calquer sa propre situation sur ce qu’elle a appris vis à vis des Pokémon. C’est bizarre, mais ça fonctionne. C’est juste étrange de procéder comme ça.

Remettre en question son vécu et ses objectif en s’essayant à un point de vue objectif, comme si son ressentit n’était pas légitime. Comme si ses ambitions n’avaient pas lieu d’être. C’est stupide. J’ai beau avoir eu une enfance difficile, elle n’en reste pas moins une expérience qui m’a façonnée. De même pour le reste. En quoi cela limite-t-il mes connaissances? Mes connaissances de quoi? En quoi cela rend-t-il ma motivation “bancale”? Aucun cheminement n’est sans évolution. Qu’un chemin soit bon ou mauvais, il mène forcément quelque part.

Je ne cherche pas plus longtemps à savoir où cherche à se rendre cette version de moi-même. Ça ne m’intéresse pas. Je commence à comprendre comment fonctionnent ces visions et réussi à m’extirper de celle-ci en remontant le long du lien qui me rattache à l’extérieur.

* * *

Combien de temps encore tout ça va-t-il durer? Combien de temps vais-je rester piégée ici? Depuis combien de temps y suis-je?

Je n’ai aucun moyen de répondre à ces questions, ni de retourner dans la grotte. Je veux savoir ce qu’il s’est passé dans la réalité d’où je viens. Revoir des choses passées depuis des années, ou qui ne se sont jamais produites ne m’intéresse pas. Il y a une réalité où j’existe, moi. Une temporalité où mes choix et mes actions m’ont conduite à un point précis de l’espace-temps. Il pourrait exister un million de Lauriane, elles ne seront jamais moi, et je ne serai jamais elles.

Je veux retourner là où est ma place. Je veux retourner auprès de Stahl. Je veux retourner me battre.

* * *

Je suis assise sur un siège dur et froid. Depuis mon banc, simple bloc de béton massif ciré supporté par deux pieds d’acier, j’observe l’immense salle face à moi. Un dôme de fer, parfaitement lisse et poli, tout en nuances blanches et grises, de plusieurs mètres de haut. A environ trois mètres au dessus du sol, des hublots circulaires à égale distance les uns des autres, offrent des ouvertures sur l’extérieur et permettent aux rayons du soleil d’entrer. Au sol, trois marches, plus larges que hautes, descendent vers un rectangle de terre battue arborant les lignes blanches caractéristiques d’un terrain de combat. Sur ma gauche, en hauteur, inaccessible de là où je suis, je remarque une porte conduisant à des gradins, encadrant une petite estrade surplombant le terrain. Enfin, de l’autre côté du stade, une double porte, constitue la seule entrée.

En guise de décoration, trois tubes de verre incrustés dans l’acier partent de chaque côté de l’encadrement de la porte pour se rejoindre à l’opposée de la salle, derrière moi. Des ornements similaires forment un cercle autour de mon siège, descendent le long des escaliers, et finissent par encadrer le stade.

En baissant les yeux, j’aperçois ma tenue. Un trench-coat bleu marine, aux manches s’arrêtant à mi-hauteur des avant-bras, ouvert sur un haut blanc et et un pantalon noir dont le bas est prisonnier d’une paire de bottes brunes. Je porte également à mon poignet un bracelet noir su lequel un cristal Z est incrusté. Enfin, à ma poitrine est épinglée à la veste une broche représentant une figure grise, similaire à un rouage percé arborant des enjolivure grises et noires. Le bijou est sertit d’une gemme sésame.

Autour de moi, je remarque de nombreux Pokémon, dont certains que je n’ai jamais vus. Mais d’instinct, je les reconnais. Ou du moins, cette version de moi sait qui ils sont. Parmi eux, se trouvent un énorme Steelix, Hakkin, allongé sur le sol, sa tête et sa queue dépassant de part et d’autre du banc. Sur ma gauche, je reconnais Ajiel. Il semble en pleine conversation avec la seule femelle du groupe. Une Mysdibule timide mais avec un bon mental, nommée Azhalée. Perché sur le banc, à côté de moi, se trouve la masse sombre de Cairn, un Corvaillus somnolant. Derrière, poussant des grognements sous le joug de l’effort, Eros, le Lucario et Ephraïm, le Pingoléon, s’évertuent à échanger quelques coups. Et pour finir, celui en qui j’ai une confiance aveugle, dans le monde d’où je viens comme dans celui-ci, où il se tient bel et bien à mes côtés: J’échange un regard complice avec Stahl, désormais devenu un imposant Galeking.

Les portes du dôme s’ouvrent, poussées par une jeune femme que je ne connais pas. Brune aux cheveux longs, fine, vêtue majoritairement de noir. En l’apercevant, un léger sourire satisfait vient élargir mes lèvres. Réagissant à son entrée, Azhalée et Ajiel se taisent. Cairn s’éveille calmement et étire ses ailes, tandis qu’Hakkin s’agite, faisant grincer son corps contre le sol d’acier. Eros et Ephraïm, quant à eux, cessent leurs exercices.

Lorsque les portes claquent derrière la nouvelle venue, les tubes de verre sont traversés de lumières bleue, rouge et or. Les faisceaux voyagent le long des murs puis reviennent illuminer les LED autour de mon banc, d’où cette Lauriane se lève.

-Salut Audrey! Je t’attendais. Comment tu vas?

Lorsque je m’avance, guidée par des pieds qui ne me répondent pas, le cercle de lumière disparaît et suit les pas de la maîtresse des lieux en coulant le long des quelques marches. Stahl me suit de près. Lorsque les deux femmes prennent place, chacune d’un côté du terrain, c’est le cadre de celui-ci qui s’illumine des trois mêmes couleurs.

Cette Lauriane semble calme, malgré l’excitation que je sens brûler en elle. Aucune question ne lui traverse l’esprit en cet instant. Elle est sereine malgré le combat qui s’annonce.

-Je te souhaite la bienvenue dans mon arène!

Les signes étaient pourtant évidents. Mais l’entendre avec ma propre voix me fait un choc.

Une troisième femme, blonde, vêtue d’un tailleur noir apparaît sur l’estrade au dessus de nous. Elle porte une broche similaire à la mienne, la méga gemme en moins.

-Je te présente Nelia, mon assistante et arbitre.

Cette dernière salue ma challenger d’un signe de tête et prend la parole d’une voix forte, assurée mais souriante:

-Bonjour mesdames. Le combat se déroulera selon les règles suivantes: Il s’agira d’une configuration en un contre un. Chaque dresseur aura le droit d’utiliser jusqu’à six Pokémon, maximum. Les changements, les méga-gemmes, les cristaux Z, ainsi que l’utilisation de tout autre objet figurant sur la liste des fournitures de combat autorisées par la ligue Pokémon de Lumiris, sont acceptés. Est-ce que cela vous convient?

Audrey et moi donnons notre accord à tour de rôle.

-Dans ce cas, le combat pour l’obtention du Badge Rouage, opposant la challenger Audrey Davis à Lauriane Feroë, championne de type acier, peut commencer!

Sans même qu’un son ne sorte de ma bouche, le Galeking s’avance sur le terrain. En face un Salarsen prend place. Je suis totalement absorbée par la scène. Elle me parait tellement irréaliste. Comme un film que j’irais voir au cinéma. Moi, championne d’arène? Entourée de tant de Pokémon aussi puissants, d’une assistante proche de l’irréprochable et de challenger venus dans l’espoir de me battre? Le combat commence, les premières attaques sont lancées. Cette Lauriane est impassible, son coeur brûle mais sa tête reste froide.

Ses ordres sont clairs, précis. Le hasard n’a pas sa place dans sa stratégie. Alors que le Salarsen a l’avantage de la vitesse et de la force à distance, Stahl, plus puissant que jamais, parvient à le mettre à mal. Je pensais mon lien avec le Galekid très fort. Mais en me penchant sur celui entre cette Lauriane et son Galeking… Je constate qu’ils sont bien plus fusionels. Ce ne sont plus deux êtres qui comptent l’un sur l’autre. Ils combattent depuis tellement longtemps qu’ils se comprennent d’un simple geste. D’un simple regard. Comme s’ils pensaient ensemble. Je surprend même Stahl commencer l’exécution de certains ordres une seconde avant qu’ils ne soient prononcés. Ils n’ont aucune hésitation dans ce combat.

C’est donc ça. Le niveau de perfection que je dois atteindre. Le genre de lien de confiance que je dois entretenir, pas seulement avec Stahl, mais avec tous les autres. Je dois avoir un esprit aussi fort que celui-ci. Ne pas reculer, ne pas douter. Juste réussir.

Est-ce que je pourrais, moi, être à cette place pour de vrai? Être réellement Lauriane, la championne d’arène, avec son Galeking? Ça me paraît tellement impensable, et pourtant j’y suis. Pour quelques minutes, certes. Mais je peux frôler tout ça du doigt. Je peux le voir. Je peux m’en imprégner. Je peux me plonger dans cet idéal, et ne faire plus qu’un avec lui. Faire comme si tout était vrai l’espace de quelques instants.

Ici, je suis maître de moi-même. Stahl est à mes côtés. J’ai confiance en moi. Je me rapproche infiniment plus de la personne que je voudrais être. S’il y a un point noir au tableau, je ne le vois pas. C’est ça que je veux. Cet état d’esprit. Cette force. L’objectif ultime que je veux atteindre.

Je me prête au jeu. Je deviens elle un moment. Ses ordres deviennent mes mots. Ses gestes sont ceux de mes bras. Ce combat devient le mien.

Cette réalité pourrait devenir la mienne.

Tranché par cette simple pensée, mon fil d’Ariane disparaît.

Mais je ne serai jamais elle, et elle ne sera jamais moi.

Tout mon être s’embrase. Je ne suis réduite qu’à l’état de conscience spectatrice. Je n’ai ni corps, ni nerfs. Mais je ressens cette douleur comme si elle était mienne. Ce n’est pas mon homologue de cette époque qui souffre. C’est moi. J’ai la sensation d’exploser. La vision de l’arène se brouille et disparaît. Mais je ne réapparais pas dans cette mystérieuse rivière du temps. Juste du noir, et du vide. Et la douleur. Je suis comme au cœur d’un brasier, brûlée vive depuis l’intérieur.

* * *

   
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Lauriane Feroë
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Temps perdu
Encore désolé pour le double post ~
Quelque chose de froid, de gelé, de lourd, vient m’envelopper. Peu à peu, je retrouve la possibilité de bouger. Des bras, des jambes, ma tête. Je m’entends hurler à la mort. Des larmes coulent sur mes joues. Par instinct j’agrippe cette chose qui me maintient prisonnière et tire de toute mes forces pour le retirer. Du tissu, sur mon épaule. Sur mon ventre. Mes jambes. Il y en a aussi sur mon visage. Mes bras. Je plante mes ongles dedans. La douleur s’accentue, mais je ne peux pas m’empêcher de griffer. Du sang coule sur mes doigts.

La douleur finit par s’estomper peu à peu, alors que je me suis déjà écroulée au sol depuis longtemps. Je tremble tellement que je me demande un instant si je ne suis pas en train de convulser. Une force, probablement l’instinct de survie, me force a desserrer les dents et à prendre une immense inspiration. Lorsque j’expire, plus rien. Seulement des choses dans ma tête. Des sons, des mots, des images, des sentiments et impressions qui vont et viennent comme un tourbillon dont j’ai l’impression de ne pas comprendre la moitié.

Lionel. Un dôme d’acier. Les pleurs d’une petite fille. Azhalée. Eros. Un rouage de métal. Une chute libre. Le cous du temps. Capucine. Un insécateur devenant Cizayox. Une caverne à l’aura mystique. Stahl. Un cadavre. Un Steelix. Une Pokéball se verrouillant sur le sol. L’amour, puis le désespoir. La terre qui craque, gronde, tremble, s’énerve après les créatures ayant troublé son sommeil. Nelia. Une gerbe de flammes. Meira. Damien. De larges ailes noires. L’impatience. Kei. Un baiser langoureux. Un brancard. Mon père. L’énergie d’une méga-évolution. La douleur. La forêt.

J’ouvre les yeux, ma tête tourne.

-C’était quoi ça?…

Je connais cette voix. Qui est-ce? Sans doute… Peut être… Non, je ne sais pas. Pas encore. Tout est flou. Tout est trouble. Les mots s’associent difficilement aux idées. Les noms des Pokémon s’emmêlent. J’oublie le mien un instant. Puis tout me revient. Partiellement. A moitié. Pas du tout. Je ne sais pas.

Je me force à respirer profondément pour chasser de mon cerveau cet amalgame de tout et de rien.

Lentement, je me relève. Je suis à bout. A chaque instant, un muscle pourrait me lâcher et me ramener face contre terre. Ma cheville me fait flancher. Je chute. Mais tout va bien. Je me met debout en m’appuyant sur quelque chose de froid. J’ai mal. A la cheville. Sur mes côtes. Dans ma tête.

L’air frais et la chaleur de l’été m’assaillent alors que le cri de Dialga résonne encore dans mon crâne. La chose contre laquelle je me suis appuyé est un arbre. Exténuée après avoir couru, je reprend mon souffle. Pourquoi est-ce que je courais? Où est-ce que j’allais? Je fixe mes pieds un instant, avant de réaliser que ce n’est pas la tenue que je portais il y a dix jours. Ou peut être trois? Depuis que j’ai quitté cette foutu grotte, plus rien ne va. La grotte. Quand est-ce que j’ai quitté la grotte?

Je n’ai pas couru. Et je ne suis jamais sortie de sous la terre. Pourtant je suis là, sous la cime des arbres. Vêtue de fringues que je n’ai jamais porté. Qui semblent pourtant vieillit par le temps et les éléments. Et qui me tiennent chaud, par cette saison.

Autour de moi, au milieu de la forêt, je découvre des humains, des Pokémon. Parfois en bonne santé, parfois étendus sans vie. Souvent différents de mes souvenirs. Je découvre des boîtes, des cages, dans lesquelles certains d’entre eux sont enfermés. Chacune de ces prisons ont l’air de venir d’époques différentes tant leur état va du mieux au pire.

Je me souviens, doucement. De tous ceux qui étaient à l’intérieur de la grotte. Ils étaient beaucoup plus nombreux. Des souvenirs flous me rappellent les cages entassées les unes sur les autres. Je réalise que, même si quelques captifs ont pu échapper à la colère de Dialga, la majorité d’entre eux n’ont pas eu cette chance. Pour ceux qu’il reste, du moins.

Encore l’esprit embué, mon regard se pose sur les silhouette des humains rescapés, en face de moi. Un petit garçon aux cheveux sombres, qui regarde autour de lui, l’air perdu. Une femme qui me dévisage avec méfiance comme si je lui avais un jour massacré le visage à coups de poings. Mais elle n’avait qu’un seul bras à ce moment là. Un homme plus âgé que dans mes souvenirs, dont le visage m’inspire de la peur et de la colère, flanqué d’une créature draconnique bleue et rouge.

Les souvenirs des minutes précédant la migraine ne sont que des morceaux de verre brisé. Je ne sais même plus où je suis, ni pourquoi j’y suis venue. Je ne me souviens pas non plus du jour, ou de l’année actuelle. Mais je sais que j’ai une dent contre ce type. Je ne sais plus pour quel motif. Mais mon esprit ne peut pas s’empêcher de faire le lien entre mes blessures, l’effondrement de la grotte qui semble n’avoir jamais existé, les vies éteintes ou disparues, et cet homme.

Le puzzle de ma mémoire n’est pas encore reconstitué, mais je sais qu’il y a une corrélation entre tout ça. Dans mes tripes, je sens que toute cette horreur n’est pas de mon fait direct, mais que j’y ai joué un rôle. Que j’ai voulu lutter contre ça, mais que j’ai échoué. A ces pensées, un mot s’impose dans mon esprit: Encore.

-Est-ce que ça va? Demande la femme au petit garçon.

Une main massant mon front, je tente de me souvenir. J’ai fais ce que j’ai pu. J’ai essayé. J’ai tenté de me battre contre… contre quoi? Contre des gens. Contre des Pokémon. Avec les miens. Stahl. Ce nom s’immisce dans ma tête comme une lumière dans la nuit. Mes yeux balaient la scène à la recherche du Pokémon acier jusqu’à ce que je le trouve aux côté d’Oplyn. Mais il n’a pas pris part au combat. Je me souviens de la Ténéfix. D’Ajiel. D’une Jungko. De ce Steelix, aussi. On s’est battus tout ce qu’on a pu. Mais pourtant, voila le résultat. On aurait perdu? Encore?

-Je… Ouais, ça va. Répond l’homme, sans se rendre compte qu’il n’était pas la cible de la question.

On a donné tout ce qu’on avait. Et c’était loin d’être parfait. Je me souviens de la honte. De la tristesse. D’un corps allongé sur le sol dans une marre de sang. De Canarticho volontairement abattus pour se nourrir. Je me rappelle un Grahyena captif, blessé et malade. D’une femme, tombée inconsciente dans la grotte dont le sang a séché sur mes phalanges. Moi aussi j’ai pris part à ce carnage. J’ai enchaîné les erreurs les unes après les autres. Encore.

-On est où? Demande le gamin.

Mais est-ce que c’était réellement ma faute. Je me remémore ce sentiment d’impuissance. Cette incapacité d’agir. Cette sensation constante d’être prise au pied du mur. Que quoi que je fasse, ce soit désespéré. J’ai fait des erreurs, mais je n’ai rien contrôlé. Je n’ai fait que m’accrocher à un maigre espoir de réussite, en subissant le reste. En étant à la merci de personnes plus fortes que moi. Encore.

-Hey, toi! M’interpelle l’homme. Tu te souviens ce qui… Attend… Lauriane? C’est ça? C’est toi?

En entendant ce nom, mon nom, je relève la tête vers les trois personnes rescapée. Mon regard croise celui de l’homme. Son visage m’est familier. Je connais sa voix. Je me souviens de ses yeux bleus et froids. De son ton dur. Ce n’est pas la première fois que je le vois, mais je le tiens en horreur. J’aurais aimé qu’il ne soit pas là. Ne pas l’avoir revu. Qu’il ait disparu à la place des autres. Mais c’est comme s’il s’accrochait à moi, comme un cauchemar qui ne nous quitte jamais vraiment, et qui revient sans cesse à la charge. Encore.

-Si, je me souviens… C’est toi… Attend… C’est toi qui a fait tout ça? C’était quelque chose d’important qu’on faisait, non?

Son regard se perd dans le vide, comme s’il réfléchissait.

-On a foiré. Je sais qu’on a foiré. Quoi, je sais pas. Mais c’est toi. C’est toi qui a provoqué tout ça! C’est à cause de toi si on a loupé notre coup! S’énerve-t-il.

J’entends sa colère. Je la connais. Étrangement, elle trouve un écho en moi. Le puzzle se complète peu à peu, et à mesure que mes souvenirs reprennent leur juste place, elle se réveille, cette fureur. Comme un monstre tapi décidant qu’il est temps de sortir de son hibernation. Elle aussi, je la déteste. Mais au milieu de ce tourbillon d’incompréhension, je l’accueille, elle qui m’est si familière, comme une vieille amie qui ne m’a jamais quittée. Je la sens grandir, comme une ombre s’allongeant sous le déclin du soleil. Je sens le goût amer qu’elle me laisse en bouche tandis que mon regard ne quitte pas le visage de cet homme si détestable.

Enchaînée, enfermée, retenue contre son gré trop longtemps. Cette rage, cette haine, cette soif de vengeance et de faire payer à quelqu’un les fautes de tous les autres. Je voulais pas. Je n’ai jamais voulu que ça en arrive la. J’ai toujours essayé de la réprimer. Mais tout se bouscule. L’abus de la faiblesse des autres. Toute la douleur physique et morale. Les plans démesurés d’un homme trop faible. Toutes les morts engendrée.

Tout ça. Ça vaut bien ce fléau viscéral alimentée par lui, et par tant d’autres ; cette colère qui réclame a se déchaîner. Encore.

Et que je laisse déborder. Cette fois.

Je m’avance d’un pas. D’un geste fluide et calculé, j’effleure la gemme sur la broche de ma poitrine. Une étincelle en jaillit. Derrière moi, un phénomène identique se manifeste. La pierre aux couleurs du métal, portée en brassard par un imposant Galeking, s’illumine de la même façon.

-Stahl…
-Lauriane… Qu’est-ce que tu fais? Questionne l’homme, surpris par une telle réaction.

Je ne répond pas. Derrière moi, la Méga-évolution s’achève.

-… Lame de roc.

Le cri du mastodonte retentit dans la forêt. Son pied frappe le sol qui se met à trembler. Je sens l’afflux d’énergie passer sous la terre en direction du Carchacrok venu s’interposer avec un abri.

-Séisme!
-Oplyn, Bluff.

Pris au dépourvu, le dragon voit son attaque s’interrompre par l’intervention de ma Ténéfix. L’homme dégaine l’une de ses Pokéball alors que la femme prend la fuite avec l’enfant pour l’éloigner du combat. Un Scorvol apparaît et survole la cime des arbres proches avant de fondre droit sur moi.

-Hakkin!

Je lève les yeux pour voir le Steelix abattre sa queue sur le Pokémon vol. Celui-ci parvient à esquiver de justesse avec une cabriole aérienne. Les yeux du serpent de fer tombent dans les miens. Hakkin. D’où vient ce mot? Ce Pokémon n’est pas le mien, et pourtant, ce nom m’est venu si naturellement. Et il y a réagit. Je ne comprend pas. Je connais ce Pokémon, même sans jamais l’avoir croisé auparavant. Je ne saurais décrire ni sa personnalité, ni ses compétences au combat. Pourtant… Je sais que je le connais. D’où? De quand? De quelle façon? Je n’en sais rien. Tout s’embrouille.

Peu importe. Au final, tout ce qui compte, c’est qu’il est ici avec moi.

Le combat ne dure pas longtemps. Le Carchacrok, déjà bien affaiblit, ne tarde pas à s’écrouler. Quand au Scorvol, plus craintif, il est tenu en respect par le Steelix et ne répond même plus aux ordres de son dresseur.

Mon adversaire sans défense, je m’avance vers lui en boitant. Vers l’homme que je commence à reconnaître comme étant mon géniteur. Son visage est… plus marqué que dans mes souvenirs. Mes Pokémon restés en arrière, je fais face à mon père. J’ai toujours peur de lui. Mais ma crainte est occultée par la colère sourde qui tourbillonne dans mon estomac.

-Je commence à me souvenir… T’es fière de toi? De tout ce que t’as détruit? Toutes ces morts? De toutes ces personnes qu’on aurait pu ramener? Même après tout ce temps, faut toujours que tu penses qu’à ta gueule!

Je lui frappe la mâchoire, non sans éveiller la douleur de mon flanc. Son bras se tend pour me saisir au col, mais je lève la main au niveau de ma tête. Ce simple geste suffit à interrompre mes Pokémon qui s’apprêtaient à intervenir, et mon père. Ce dernier jette un oeil méfiant aux deux créatures d’acier restées en retrait.

-Je te déconseille de lever la main sur moi. Lui dis-je à peine assez fort pour qu’il l’entende.

Sa joue accuse un nouveau coup. Puis vient le tour de son menton. Il titube, lui aussi physiquement éprouvé par ces dernières heures. Je jubile. J’aime lire dans ses yeux qu’il comprend la situation, qu’il sait que je suis en situation de force.

-Après que ma propre fille ait détruit tout ce qu’il me restait, tu crois que j’ai encore quelque chose à perdre?

Sa main se dirige vers l’arrière de son pantalon. J’ai un mouvement de recul, m’attendant à le voir tirer une arme. Mais la surprise sur son visage m’indique qu’il ne trouve pas ce qu’il cherche. Un poids m’escalade la jambe, puis le buste. Oplyn s’installe sur mon épaule et me tend la main. Je lui présente ma paume dans laquelle je vois tomber un objet pointu, vert.

Je ne comprend pas tout de suite, puis je revois Lys affronter le dragon. Je réentend son cri de douleur à l’instant où je l’ai vue se faire mutiler par son adversaire, a l’intérieur de cette grotte qui aurait donc bel et bien existé. Je reconnais l’une des épines qu’elle a perdu à ce moment là.

-Saloperie… Jure mon père.
-C’était ça que tu cherchais?

Mon poing se serre autour de l’épine tandis que je relève les yeux vers mon géniteur.

-T’espérais quoi? Tu voulais me planter avec? T’en es réduit là? Tu voulais me tuer avec l’arme de mon Pokémon?

Il soupire.

-Pourquoi il faut toujours que tu vois le mal partout? Tente-t-il maladroitement.

Cet imbécile n’a plus rien à dire. Rendu au pied du mur, il serait prêt à donner les pires excuses pour s’en sortir. Il me répugne. Je n’en peux plus. Respirer le même air que lui me donne la gerbe.

-Tu te fous de ma gueule?

Sentant les problèmes arriver, la Ténéfix quitte mon épaule en bondissant sur le sol. D’un pas aussi rapide que je le peux dans mon état, je fond sur lui. Furieuse, je le saisis à la gorge.

-Tu me prend pour une conne?

Son cri résonne à mes oreilles quand l’épine vient s’enfoncer dans sa cuisse.

-C’est bien, prend moi de haut, j’vais te faire descendre.

J’enfonce un peu plus l’épine dans sa chair, lui décrochant un nouveau gémissement bruyant.

-Tu la sens la douleur? T’as mal, hein?

D’un geste du poignet, j’aggrave sa blessure pour lui faire mettre un genoux à terre.

-Bah ferme la. Ferme la bien. Parce que ça, c’est pas un dixième de tout ce que j’ai enduré à cause de toi! C’est pas un dixième de ce que t’as fait subir à ma mère. Tu comprend maintenant? Tu comprends où il est le mal?

Mon poing s’abat avec force sur sa tempe, le faisant basculer au sol.

-Lauriane, ar…

Ma semelle vient se fracasser contre son visage, éveillant la douleur de mon entorse au passage.

-“Ta gueule. Je veux pas t’entendre. Assume tes conneries et apprends en les conséquences en silence. Tu récoltes ce que tu sèmes, c’est tout. La prochaine fois t’y réfléchiras à deux fois avant de recommencer.” C’est pas ça, que tu me disais à l’époque? C’est pas ça que tu m’as appris?

Mon pied vient violemment percuter son flanc.

-T’aurais mérité de crever avec les autres. T’aurais mérité de crever à la place de ma mère. T’aurais juste dû arrêter d’exister comme la moitié de ce qu’il y avait ici.

A ces mots, je réalise que je serre toujours l’épine de Lys dans mon poing. Un liquide rouge et chaud goutte sur le sol depuis sa pointe. Elle m’apparaît comme une évidence. Je me laisse tomber à genoux près du déchet humain et tente de lui asséner un coup d’épine au niveau du torse. Il parvient à m’intercepter en me bloquant le poignet.

Sans dire un mot, nous luttons au sol. Je fais pression de tout mon poids sur lui, et avec l’avantage que j’ai d’être au dessus, il se fatigue vite.

-Lauriane arrête! S’il te plaît! Ok, ok! Je te demande pardon!

Mon cerveau s’enflamme subitement. Une douleur intense me vrille le crâne, me forçant à battre en retraite. J’entends mes Pokémon s’agiter mais leur fait signe de ne pas intervenir, alors que je pousse un grognement de douleur.

Je te demande pardon!” Cette simple phrase tourne en boucle dans ma tête alors que la migraine s’arrête aussi soudainement qu’elle a commencé. Je l’ai déjà entendue. De sa bouche. Des flash m’apparaissent. Je me revois tenant l’épine. J’entends mon père gémir et demander pardon. Je me sens le frapper, puis me jeter sur lui. Le même endroit, le même dénouement, la même colère. Je me souviens le mépris et l’ignorance à son égard. Je me rappelle avoir contempler son cors inerte à mes pieds.

Je relève la tête vers lui, livide. Lui, est en train de me dévisager, surpris et curieux. Inquiet, peut être? Et moi, je ne comprend pas.

-T’es... T’es mort?
-Quoi?
-Je t’ai tué. C’était là. Je t’ai tué.
-J’ai l’air d’un macabé? Répond-t-il.

Non, j’en suis certaine. Je sais ce que je dis. Je crois? Tout ça… Tous ça s’est déjà produit. Je ne sais pas comment, mais je le sais. Je l’ai déjà tué, ici même.

-Lauriane…
-Ferme-la! Dégage! Sors de ma vie! Retourne te cacher à Johto et reviens plus jamais à Lumiris! La prochaine fois, je te butte.

C’est étrange, cet entre deux dans lequel je suis tombé. Perdue entre une colère pas encore rassasiée et un doute persistant coupant mon élan. Finalement, j’entends les pas lourds de Stahl s’approcher. Mon père a un mouvement de recul mais le Galeking l’ignore et se penche vers moi. Il plonge son regard dans le mien. Ses yeux sont bleus et reflètent la froideur de l’acier. Comme ceux de mon père. Et pourtant, ce qu’ils disent est bien différent.

Un léger grondement émane de sa gorge alors qu’il me tend sa patte avant. Je le dévisage et tente une fois de plus de faire le tri dans ma tête, et faute de parvenir à y organiser quoi que ce soit, j’accepte son aide pour me relever. J’ai compris le message, Stahl. Je t’ai retrouvé. On est tous ensemble. C’est finit. Rentrons.

* * *

Il m’aura fallu du temps avant de retrouver la maison. Troublée par ces deux derniers jours, la douche, dans laquelle je passe beaucoup trop de temps, m’aide à faire le tri. Je ne comprend pas. Je n’arrive pas à mettre des mots sur ce qu’il s’est passé dans la grotte.

Après que j’ai laissé mon père en plan, mes souvenirs ont continué à revenir, à leur rythme. Pendant que je boitais quelques heures supplémentaires dans la forêt pour retrouver mes affaires, et que je passais une nouvelle nuit sur place sans pour autant fermer l’oeil, ma mémoire m’est presque entièrement revenue. Mais des zones restent floues. Des souvenirs, des fragments que je n’explique pas. Des mots, des sons, des sensations que je ne connais pas mais qui font parti de moi.

Hakkin en est le parfait exemple. C’est un Pokémon que j’ai rencontré… hier? Et pourtant, sur le chemin du retour, c’est comme si nous nous connaissions. Je ne me suis pas juste approprié ce Pokémon parce que nous avons combattus ensemble. Ça m’a simplement paru normal qu’il soit là. Qu’il combatte à mes côtés. Qu’il rentre dans une Pokéball avant que je ne relâche ma Dracaufeu une nouvelle fois pour qu’elle nous conduise en ville. Je ne sais pas quelle est la vision des choses du Steelix. Est-ce qu’il m’a juste acceptée comme nouvelle dresseuse lorsqu’il a trahit mon père dans la grotte, ou est-ce que la distorsion temporelle lui a fait quelque chose à lui aussi, comme à moi, Stahl et mon père?

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à avoir subit une étrange évolution. La passion d’Oplyn pour la technologie semble plus poussée: j’ai pu constater, en arrivant, qu’elle savait maintenant allumer un grille-pain et le micro-ondes, entre autres. Hope semble moins craintive, plus sûre d’elle. D’ailleurs, je ne sais pas où elle est allée se cacher, maintenant qu’elle n’a plus de Pokéball. Lys a également l’air de bien se porter malgré sa blessure. Il est encore trop tôt pour connaître toute l’étendue des changements dont ils ont été victimes. Mais il ne fait pour moi aucun doute que tout ce qui se trouvait dans la grotte a été plus ou moins affecté d’une façon ou d’une autre. Au moins, j’ai le soulagement de voir qu’ils sont tous en vie. Aucun d’eux n’a cessé de vivre ou d’exister suite à l’hurle-temps.

Mais Hakkin n’est pas la seule chose à s’être introduite dans ma tête. D’autres noms continuent de tourbillonner. D’autres êtres chers, je crois. Des créatures, ou des humains, dont j’ai la sensation d’avoir besoin à mes côtés. Eros. Cairn. Nelia. Azhalée. Ephraïm. Je ne sais pas qui ils sont. Ce ne sont que des mots. Des suites de lettres. Mais ils m’évoquent un lien de confiance fort et l’excitation du combat.

Je revois des visages. Celui de Lionel, qui me provoque un amalgame de sentiments. Gêne, plaisir, confort. J’ai toujours apprécié l’éleveur, mais… Pas comme ça. Pas de cette manière. C’est bizarre la façon dont ces sentiments ne semblent pas m’appartenir. Je me souviens de deux jeunes femmes vêtues de noir, l’une blonde, l’autre brune, mais dont les noms ne me reviennent pas. Je me rappelle aussi de ma mère, dont j’avais presque oublié le visage, depuis le temps que je ne croise plus ses photos encadrées à Oliville.

Et maintenant? Qu’est-ce qui m’attend? Je suppose que cette histoire est terminée. Les évènements de ces derniers jours me donnent la nausée à chaque fois que j’y pense trop. Mes migraines vont et viennent au gré des souvenirs, de cet univers ou d’un autre, qui me reviennent. Un jour on retrouvera peut être des traces de ce qu’il s’est passé au coeur de la jungle. On découvrira des corps, d’humains et de Pokémon. A moins qu’ils ne s’embriquent dans le fonctionnement naturel des choses et qu’ils ne disparaissent avec le temps. Au pire, les humains auront l’air de braconniers. On dira que les Pokémon se sont défendus et fin de l’histoire. Pour les survivants… Et bien, les Pokémon ne parlent pas. Je ne dirais rien non plus. Mon père et Fabienne ont tout autant à perdre que moi, si ce n’est plus, en témoignant. Quant à Yoan… Qui croirait un gamin?

Je tourne le robinet et l’eau s’arrête de chuter du pommeau. Il n’y a toujours aucun bruit dans l’appartement, si ce n’est le clapotis des gouttes à mes pieds. J’en déduis que Damien n’est toujours pas rentré. Je me demande quelle sera sa réaction en me voyant dans cet état: La cheville gonflée et dont la douleur ne s’atténue pas, du fait que je continue de m’appuyer dessus pour me déplacer ; ma blessure aux côtes, tirant son origine de la croisière Ariwa, qui s’est aggravée dans la forêt après des semaines à faire attention pour que ça n’arrive pas, puis qui semble s’être quelque peu réparée après la grotte. Mais surtout, je me demande s’il me reconnaîtra.

M’enroulant dans ma serviette, je m’approche du miroir pour y contempler mon visage. J’ai d’abord cru que mon cerveau me jouait des tours, mais non. J’ai vieillit. Ou rajeunit. Les deux, peut être. Mes traits et mon corps sont d’avantage ceux d’une femme approchant doucement les trente ans que ceux d’une fille dépassant tout juste la vingtaine. C’est comme si j’avais pris cinq ou six ans. Mes cheveux, ayant perdu leur jolie teinte châtain ont poussé et viré au brun. N’atteignant auparavant que ma nuque, ils tombent désormais sur mes épaules et jusqu’au milieu de mon dos.

Qu’importe ce qu’il s’est passé, ça a altéré ma mémoire et mon corps. Mais pas seulement. Je sens qu’autre chose a changé. Un besoin. Une tâche à accomplir. Quelque chose que je ne souhaitais pas avant. Ou du moins, un souhait que j’avais mais qui a évolué. “Devenir forte”, “gagner”, “vaincre mes adversaires”… Moi qui ne jurais que par ça il y a encore quelques heures, je trouve ces choses là désespérément puériles. Ce n’est plus suffisant. Comme si j’avais toujours cherché à me fournir en matières premières sans me demander quoi en faire ensuite. J’ai trouvé. Ou plutôt, ça s’est installé dans mon esprit comme un programme, un virus, sans que je n’ai à le chercher. Je les revois sans cesse: un emblème en forme de rouage, un dôme d’acier, un terrain de combat dont je serai la seule maître.

Ce n’est plus une simple volonté. Ce n’est pas un caprice, pas plus qu’une décision réfléchie. Je le sens au plus profondément de moi, c’est un besoin. Pas bien différent de celui qui me pousse à manger, ou dormir. J’ai cette sensation inexplicable, presque une obsession, qui me hurle que ne pas remplir ce besoin n’est pas dans l’ordre des choses. C’est un instinct qui me pousse à revoir mes objectifs pour regagner ma juste place dans cet espace-temps, comme si je n’avais pas d’autre option, comme si l’univers l’avait décidé pour moi et qu’il me l’imposait dans mon crâne. Comme si ce désir était celui de quelqu’un d’autre à l’intérieur de moi. Je dois trouver les membres manquants de mon équipe, les convaincre de me rejoindre, les entraîner, et faire en sorte de retrouver ma vraie place.

Mon regard se promène et se pose sur mes vêtements posés en vrac dans un coin. Sur le sommet de la pile de tissus trônent un bracelet noir, une broche sertie d’une méga-gemme, et une Pokéball trouvée dans une poche de ma veste en me déshabillant. Une sphère qui n’est pas à moi, et dont la nature de l’occupant m’est toujours inconnue, faute de ne pas prendre le risque de libérer une créature potentiellement massive et dangereuse entre quatre murs.

Eros. Ephraïm. Azhalée. Cairn.

Je me demande s’il s’agit de l’un d’eux.

S’il est l’un de ceux que je dois retrouver. S’il sera mon compagnon dans cette quête qui est maintenant la mienne sans qu’elle ne m’appartienne vraiment.

S’il sera à mes côtés, quand je serai championne d’arène.
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