Je m’avançais péniblement sur la route ensevelie par la neige récemment tombée, conséquence d’un long blizzard de plusieurs jours. Apparemment les tempêtes de neige étaient monnaie courante dans cette zone de l'archipel, quasi banales pour les locaux, mais personnellement je m’en serais bien passé. Rester glander dans la pension, bloqué par l'intempérie plusieurs jours d'affilée, avait carrément fait déraper toute ma planification. Un vrai calvaire… Même si, il faut l’avouer, le vin chaud distribué en soirée devant la salamandre avait su me ranimer, et puis l’alcool avait aussi l’avantage de délier les langues. J’avais ainsi pu obtenir de précieuses informations. Après tout ce déchaînement des éléments, la tempête avait fait place à un début de journée ensoleillée comme la région n’en avait pas vu depuis longtemps. Mon investigation aux alentours de Feranium et du volcan Eneka arrivait à sa fin. Je n’avais plus qu’à me rendre au point de rencontre et c’en était enfin fini de ce climat glaçant.

Pendant ces deux dernières semaines j’avais mené ma propre enquête à propos des événements d’il y a deux ans impliquant l'infâme Team Mistral. Mon rapport était bien rempli, j’en étais fier pour le coup. Entre toutes les données disponibles au grand public dans la presse locale, plein de témoignages, des théories, des rumeurs, et même quelques informations confidentielles chaleureusement confiées par un ex policier travaillant maintenant comme agent de sécurité de la pension (lors d’une de ses fameuses soirées), mes "chers clients” allaient être gâtés.

Il y a deux mois, j’avais fait de même pour récolter le plus d’informations possible concernant le 25 Juin 2020, jour où la centrale de Voltapolis avait explosé. Un coup dur pour cette même ville qui ne se relèvera plus. Pour ce fait, je m’était fait passé pour une journaliste. Pour certains détails qui n’était pas accessible au public et que l’alcool n’aurait pu délier, quelques billets verts avaient fait l’affaire. Petit à petit, les motivations de cette organisation terroriste devenaient plus claires, mais beaucoup de mystères restaient pour l’instant irrésolu.

Après avoir bataillé une bonne heure avec la neige à la hauteur de mes cuisses. J'étais enfin arrivé à destination. Le ciel était d’un bleu éclatant et le soleil miroitait intensément sur la surface de la neige. Au loin, je pouvais observer le volcan enneigé dans toute sa splendeur. Je restais un moment songeuse, contemplant la beauté sauvage que m'offrait ce paysage. Ce silence apaisant que j'aurais pu apprécier pendant une éternité, fut malheureusement rompu par un piaillement bien trop familier.

- Ca-Cadoizo!!

Spoiler:

Je ne pu éviter de lancer un long soupir avant de me retourner. Le piaf avait entrepris sa descente, portant comme toujours son sac blanc bien remplit.

- Dis, tu aurais tout de même pu fixer le rendez-vous dans un endroit un peu plus accessible à pied... Tss...

Comme d’habitude, le pokémon livraison n’avait que faire de mes plaintes. Il avait atterri à quelques mètres de moi, tout content de s’affaisser sur un demi mètre de couche de neige. Toute cette joie était sans doute légitime pour un pokémon glace.. J’avais également apprécié la vue de ce point de rencontre, il fallait l’avouer, mais l’envie de me plaindre m’était venue aussitôt qu’il était apparu. Bref, passons…

- Bon, je ne suis pas doté d’un plumage isolant comme le tien, alors dépêchons-nous! - J’avais sorti une large enveloppe avec mon paiement du mois, puis une deuxième enveloppe plus petite contenant une clé USB avec toutes les données que j’avais réunis ces deux dernières semaines. - Comme d’habitude ce sera à livrer au QG, au Commandant Koga en personne, t’a compris? Le contenu est vraiment très important. Tu feras vraiment attention pour ne pas les perdre… Voila! Je vais y aller, je te souhaite un bon v… -

Je m'apprêtais à faire demi-tour pour m’en aller au plus vite, mais ce cadoizo m'interpella aussitôt. Il piailla dans un long charabia incompréhensible, puis voyant ma tête de confusion, il entreprit de chercher quelque chose dans son gros sac blanc - Sac qui en réalité était la queue du cadoizo. Surprenant n’est ce pas? Je l’ai également su que le mois passé... - Il me sortit alors une boîte noire de la taille d’un gros pamplemousse et me la passa entre mes mains gantées. Un grand “R” rouge était dessiné en relief sur le haut de la boîte.

- Heu… c’est quoi ça?

Il me regarda un instant et replongea à la recherche de quelque chose d’autre dans son gros sac. Il en sortit une enveloppe scellée que j'entreprit aussitôt d’ouvrir.

…

..

En gros, ils voulaient me récompenser de la qualité de mes services rendus le mois dernier. Traduction: Mr. Koga avait été épaté par toutes les informations que je leur avais fournies sur l’attaque de la centrale. Apparemment la récompense était dans la boîte… Le gars essayait clairement de m’amadouer pour me recruter après cette mission... Tss! Dans tes rêves, gros fumier!! Un jour, j’allais sans doute finir par brûler dans les enfers, mais jamais ce ne sera au côté de la Team Rocket. Jamais…

Je restais un moment à contempler cette boîte noire à la texture veloutée. Vu les finitions, le récipient était de bonne facture…. Vaincue par la curiosité, je finis par l’ouvrir.

Je ne peux pas y croire….

La simple vue du contenu de la boîte suffit pour me plonger dans une profonde colère. Quel enfoiré! Un jour, je te le jure, tu le paieras cher...

Au fond de la boîte, protégé par un coussin de velours se trouvait quelque chose que je ne pouvais pas retourner. Une pokéball.

La petite sphère rouge et blanche était accompagnée d’une feuille pliée. En l’ouvrant j’y découvris des instructions, les attaques déjà acquises et tout en bas, le nom du pokémon m'avait sauté aux yeux: Inferno. Sans avoir pris le temps de tout lire, ni même de quelle espèce il s’agissait, j’avais vigoureusement froissé le papier et jeté sur la neige.

- C’est bon. Le colis a été réceptionné. Tu peux partir maintenant.

Avais-je sèchement lâché en tournant le dos au pokémon livreur qui m’avait observé tout ce temps en silence. Il m’avait néanmoins salué comme à son habitude, comme si de rien n'était, sachant même que je n’allais pas le remarquer, avant de redécoller.

Le silence était enfin revenu dans ces terres sauvages. Seul le son de mes pas frayant son chemin sur le sentier fraîchement formé venait interrompre cet apaisant tableau. Cependant, mon cœur n’y était plus. Pendant tout le chemin de retour, mon être n’était plus que haine et angoisse... Même à plus de quelques dizaines de milliers de kilomètres de distance, cette laisse qui me liait à mon geôlier était toujours bien présente et son emprise s’était un peu plus serré autour de mon cou.

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