Elle savait bien qu'au fond elle finissait toujours par revenir. Qu'il était parvenue à lui mettre cette putain de laisse et continuait de tirer dessus, qu'il avait réussi peu importe comment elle réagissait ou ce qu'elle voulait bien en dire ; et pourtant encore et toujours Aylah continuait d'essayer, comme désespérée, de forcer ses pas le plus loin possible de tout cela et d'atteindre ce point où elle n'aurait plus à faire demi-tour.

Seule ou presque sur la route, la jeune femme ne disait rien, avançant dans le noir à la lueur de sa cigarette, menée par un lixy à l'air interrogateur qui, quand il n'observait pas sa maîtresse, affrontait vaillamment les températures nocturnes à grand renfort d'épaisse fourrure. Cela faisait une bonne heure qu'elle marchait, maintenant, avançant en ligne droite vers le bout de cette route qu'elle ne connaissait pas, portant peu d'importance à l'obscurité qui l'entourait et les étranges sons qu'elle entendait y roder. Persuadée envers et contre tout qu'elle parviendrait à affronter tout ce qui se dresserait en travers de son chemin, la chanteuse continuait sur ce dernier. Elle avait calée sa main libre dans la poche de son blouson, gardait même dans sa capuche la miaouss qui s'y était lovée à mi-chemin entre son épaule et la poche improvisée. Là où Cléo, bercée par la chaleur de la jeune femme et les mouvements de celle-ci, s'était endormie, Khaan continuait de trottiner, persuadé d'avoir dans cette marche un rôle crucial et important qu'il était terriblement fier d'accomplir.

Encore une fois, Aylah jouait à marche ou crève.
Elle avait pris cette mauvaise et étrange habitude durant l'enfance et ne s'en était jamais débarrassée malgré les années ; et quand un sujet la contrariait dans un lieu qu'elle ne pouvait fuir, quand une discussion tournait mal entre sa génitrice ou ceux qui avaient tentés d'en prendre le rôle, alors la reine des rues se mettait à marcher, tout droit, qu'importe le lieu, refusant de s'arrêter et encore moins de faire demi-tour, sa marche nocturne amplifiée par la violence de sa colère. Cette fois-ci, c'était Prize, à l'hôtel, une heure plus tôt, une discussion qu'elle avait fuit avec la plus grande simplicité et qu'il n'avait pas pu empêcher ; un caprice de diva, diraient certains, une nécessité pour d'autres. S'enfonçant sur une route dans une région qu'elle ne connaissait pas, se retrouvant en pleine nature alors qu'elle venait des jungles de béton, la chanteuse ne ralentissait pas la cadence. Elle refusait d'y penser, refusait de faire une connerie en restant trop longtemps sur place, cherchait activement un moyen de faire passer sa colère à grand renfort de coups et de destruction ou bien de dépense physique...

Ce fut le cataclop perçant la nuit qui attira son attention. Pour la première fois depuis une heure Aylah ralentit l'allure puis, finalement, cessa le pas ; devant elle, une imposante silhouette venait d’apparaître. L'obscurité gênait sa perception du monde et des couleurs, et pourtant à la lumière de la lune se réverbérant sur la neige, la chanteuse pouvait lire sans mal un cavalier perché sur un bourrinos, lui barrant le chemin et mettant fin pour la première fois à sa terrible session. Elle avait sautée par dessus des barrières pour passer, certes ; mais ce n'était tout de même pas un flic de la police montée ça, n'est-ce pas ?

Quand l'homme prit la parole, Aylah extirpa le mégot d'entre ses lèvres, apparemment pas impressionnée pour deux sous ; pourtant, elle ne pouvait que reconnaître que c'était plutôt classe, comme monture – et que le démolosse qui l'accompagnait apparemment avait sacrément fier allure. Elle n'était pas fan des pokemons canins, pas comme les félins qui incarnaient à eux seuls l'amour de sa vie – mais sa mauvaise foi avait des limites. Khaan, devant elle, avait gonflé sa fourrure autant qu'il le pouvait, laissant échapper de petites étincelles aux pointes de son pelage, bombant le torse pour paraître plus imposant qu'il ne l'était.

- Hey ; ouais je sais... Faute avouée à moitié pardonnée ?

Encore fallait-il qu'Aylah eut vraiment souhaitée qu'on la pardonne. Elle se préparait déjà à réagir, à dire vrai, retrouvant dans cette rencontre les bonnes vieilles habitudes qu'étaient la confrontation avec les agents des forces de l'ordre...

- Gars, JE suis apte au combat.

Elle marqua une pause pour dévisager l'homme, sur lequel la lune faisait encore trop contre-jour pour qu'elle le distingua bien.

- Mais ouais j'en ai quelques uns. Il s'passe quoi, dans le coin ? Et surtout à c't'heure-ci ?

Visiblement, l'homme était seul. Sur quoi pouvait-bien enquêter un ranger, seul en pleine nuit dans la nature et le froid ? Alors qu'elle attendait ses réponses, Aylah venait de se rendre compte que la marche avait fait son effet plus efficacement qu'elle ne le pensait, qu'elle fut aidée par le froid, le paysage ou simplement l'habitude. Sa colère irriguait toujours son corps, mais la chanteuse pouvait à nouveau la contrôler... Et ne ressentait pas le besoin de monter au créneau avec la première personne qui s'adressait à elle.

Demande d'apparition !feat Mikhail Tsekov