Les mains dans les poches de ton blouson favori, tu marches dans les rues de Voltapolis ta demeure depuis deux ans et demi déjà.
Tu n'oublies jamais tes origines auxquelles tu tiens mais avec le temps tu t'es attaché à cette région et à cette ville en particulier.
Tes yeux se lèvent sur la silhouette de la centrale ou plutôt de ce qu'il en reste.
Un frisson te parcourt quand tu penses que ta famille et toi l'avez échappé belle en n'habitant pas encore dans cette ville à ce moment-là.
A se demander si la décision de prendre un appartement à Nemerya plutôt qu'à Voltapolis en attendant que les travaux de votre maison soient finis n'a pas été guidé par le destin ou une intuition aiguisée.
Surtout que ladite maison a aussi été épargnée en se trouvant dans un quartier qui n'a pas été touché par l'explosion.
Un nouveau frisson te parcourt et tu enfonces un peu plus tes mains dans tes poches.
Tu as décidément le chic pour penser au pire.
Pour te changer les idées, tu décides de prendre une ball au hasard dans ton sac à bandoulière afin de t'amuser à la rouler entre tes doigts.
Ce toc que tu préfères appeler geste doudou que tu as depuis l'incendie t'aide toujours dans ce genre de moments où l'angoisse menace de t'avaler.
Alors que tu t'apprêtes à tourner la sphère entre tes doigts, tu remarques sa couleur caractéristique - ou plutôt son trio de couleurs caractéristiques - et esquisse un mince sourire qui ne dépasse cependant pas le coin de tes lèvres.
On dirait bien que ta sœur ainée Daphné a raison de croire au destin là où tu ne vois d'ordinaire que des hasards.
Tes yeux se lèvent à nouveau sur les ruines de la centrale et tu plonges dans tes souvenirs avec nostalgie.
Quelques jours après l'arrivée de ta famille à Voltapolis et votre emménagement dans la nouvelle maison quelques mois après les attaques de Mistral, tu étais en train de ranger le contenu de ton dernier carton - celui contenant tes goodies de geek et otaku - quand les voix des jumeaux et de Tara étaient parvenues à tes oreilles.
En même temps, vu l'intensité des décibels que ces trois-là pouvaient émettre il aurait fallu être sourd pour ne pas rien entendre...
- Papa, on veut aller en ville !!!
- Oui, pour visiter !
- On en a marre de ranger, c'est chiant.
Un soupir t’avait échappé, las d'avance de devoir supporter leur énergie, leurs cris et leurs débordements, mais bon fallait bien que tu assumes ton rôle de fils responsable et dévoué, hein.
Ce n'était pas pour rien que tu étais l'une des nounous attitrées du Trio d'enfer au sein de la sphère familiale.
Tu étais l'un des seuls membres à savoir les gérer ensemble sans te laisser marcher sur les pieds ni sans en faire trop à l'opposé, ce qui n'était pas donné à tous.
Du coup, tu avais laissé à regret ta précieuse figurine du champion dragon Galarien Roy dans son papier bulle avant de te diriger vers la porte coulissante pour l'ouvrir en grand dans un bruit sourd.
Il en fallait plus pour arrêter Elliot et Tara qui avaient continué de faire pleuvoir sur un Stefan bien brave leur double flux de paroles sans te prêter attention mais Eden, lui, s'était mis à transpirer à grosses gouttes après avoir deviné que sous ton sourire apparent se cachait un probable danger.
- Euh, les gars...
Mais tu ne lui avais pas laissé le temps de prévenir ses complices de toujours.
- Elliot, Tara, Eden, si vous voulez qu'on vous récompense, il faut déjà le mériter. Rendez-vous plutôt utile au lieu de casser les pieds de ceux qui bossent. Et Tara, si je te reprends avec ce genre de langage, prépare-toi à lire le dictionnaire, histoire d'apprendre un vocabulaire plus approprié à une jeune fille. Compris ?
Désormais tellement silencieux qu'on aurait pu entendre un Bombydou voler, le Trio t'avait regardé avec un air suffisamment contrit pour te satisfaire.
- Bien, si vous avez compris, vous n'avez qu'à m'accompagner pour aller acheter le goûter.
Tu pouvais être sévère avec eux, mais tu étais toujours juste et leur donner l'occasion de se racheter était à tes yeux un bon moyen de l'être.
Et ça permettrait aussi au reste de la maisonnée de savourer le silence et souffler un certain temps.
... Même s'il faudrait attendre que les sales gosses finissent de se préparer et sortent de la maison pour ça bien sûr.
Hm ? Si tu faisais partie des sales gosses en question, vous dites ?
Qui sait ~
Quelques minutes plus tard, tu aidais patiemment Tara à fermer la fermeture éclair récalcitrante de sa veste tout en surveillant les deux garçons du coin de l'œil les trouvant anormalement sages.
Cet air angélique n'allait décidément pas du tout à Elliot et tu étais prêt à rabattre ta main sur le col de son manteau pour le retenir à tout instant s'il tentait de te fausser compagnie ou de faire n'importe quelle bêtise dont il était capable.
- En avant, mauvaise troupe.
La promenade improvisée avait bien commencé et aucun problème ne semblait se voir à l'horizon.
Alors pourquoi tu avais fini par te retrouver avec deux gamins sur trois et un en fugue au pire endroit possible ?!
Tara et Eden avaient dû sentir qu'il valait mieux ne pas tenter davantage le diable et te collaient comme ton ombre dans un silence parfaitement silencieux.
Une veine clignotant sur ta tempe, tu avais passé une main sur ton visage en essayant de garder ton sang-froid.
Tu en connaissais un qui allait se retrouver avec un mois, non pardon un an, de corvées à faire.
Ta main avait ensuite glissé dans ta poche avec une hésitation heureusement discrète pour tâtonner du bout des doigts les deux sphères à l'intérieur.
Une Luxe Ball et une Filet Ball précisément.
Est-ce que ces deux-là - fin' ces deux-là... encore faudrait-il que tu arrives à laisser sortir Tora... - suffiraient pour vous escorter et vous protéger le temps de retrouver le disparu et de retourner en lieu sûr ?
Tu te mordis la lèvre en te demandant s'il ne vaudrait mieux pas retourner à la maison déposer tes deux cadets et chercher du renfort aussi bien humain que pokemon.
Et ces images de ton pire souvenir qui envahissaient ton esprit sous le coup du stress n'aidaient décidément pas.
- Grand frère, ça va ?
La voix mal assurée t'avait sorti de tes pensées et tu t'étais forcé à esquisser un sourire confiant de façade, ta décision prise.
- Oui, ça va. Restez près de moi. Si vous vous écartez de trente centimètres, je vous donne le même nombre et la même durée de punitions et corvées que votre frère, compris ? Bien.
Tu avais ensuite sorti tes deux balls en ignorant la surprise de tes cadets et avait sorti Bubble de sa Ball avant de tendre celle de Tora à Eden.
- Bubble, marche près de nous. J'espère qu'on n'en aura pas besoin, mais si on jamais on croise des pokémon agressifs... faudra te dépasser, mon vieux. Eden, je te confie Tora... Au cas où. Mais sors-le uniquement si Bubble et moi on commence à être dépassés, ok ?
Tu t'étais forcé à sourire et à garder tes airs de grand frère confiant et responsable mais le malaise émanait de toi malgré tous tes efforts.
- Oui, grand frère. Je sais quoi faire, assura ton petit frère avec plus de sérieux que jamais.
- Tant mieux. Bien, allons y.
Tu avais attrapé ensuite la main de Tara par précaution et envoyé aux deux un dernier regard d'avertissement avant d'entrer dans la centrale détruite et abandonnée à travers un trou dans le grillage en espérant ne pas tomber sur des pokémon sauvages.
Évidemment, dans le présent tu sais que c'est arrivé, hein Noa.