Il avait craqué. Malo avait craqué. Attendre la semaine suivante pour pouvoir aller en cours était la pire des idées. Cela voulait dire qu'il restait encore quatre jours à ne rien faire d'autre que d'emménager. Il était hors de question pour lui d'être coincé avec eux tout ce temps. Déjà le trajet avait été TRÈS long, alors s'infliger ça en plus, ce n'était clairement pas dans les intentions de l'adolescent. Il avait une autre idée en tête. Cette ville, Sunyra, il ne la connait pas. Un immense nouveau terrain de jeu à explorer. Et malgré le déracinement, le jeune de Luca doit reconnaître que découvrir un nouvel environnement, c’est cool. C'est sortir d'une vieille routine pour pouvoir enfin à nouveau explorer.

Malo sortit de sa chambre et dévala les escaliers. Il cherchait quelque chose de bien précis dans les cartons. L'espèce de porte-bébé pour pokémon qu'il avait acheté pour Blop. C'était la seule chose qu'il avait trouvé pour pallier la maladresse de l'axoloto et surtout à ses chutes répétitives. Une fois avoir mis la main dessus, il l'enfila et partit à la recherche du pokémon en question. Il était assis, devant la fenêtre, à fixer dehors, son sourire béat gravé sur la figure. Sans grand ménagement, le dresseur l'attrapa pour l'installer dans son porte-pokémon. L'axoloto ainsi maintenu sur son torse, Malo put sortir de chez lui. Il profita du fait que ses parents aient commencé à installer quelques meubles à l'étage pour quitter le domicile. Il grimpa sur son vélo, et c'était parti !

Le jeune homme pédala, dans la matinée débutante, tentant de se repérer un minimum sans s'émerveiller de chaque chose. Il trouva une piste cyclable, qui se décida à suivre. Il aimait ça, être au grand air. Et cette ville lui paraissait vraiment faite pour qu'il s'y plaise, même s'il ne venait que d'arriver. Malo arriva alors devant un arrêt de tramway et s'interrogea. Sa nouvelle ville, il pourra la découvrir tous les soirs. Peut-être valait-il mieux profiter de cette journée pour visiter une partie de Lumiris, pour aller bien plus loin que simplement Sunyra. C'est ainsi qu'il se décida à prendre un ticket et à grimper dans le premier tramway qui passa. Certes, son vélo s'avérait encombrant dans les transports en commun, mais le tramway en question n'était pas très rempli. Malo s'adossa à l'une des vitres et le temps s'écoula.

L'adolescent regarda le paysage défiler sous ses yeux. C'était beau, c'était intéressant. D'ailleurs, Blop était tout aussi captivé par le panorama. Ils passèrent devant une ville qui avait l'air bien calme. Les personnes qui montaient dans le tram étaient plutôt bien habillées, mais paraissaient très fatiguées. La bande défilante et la voix enregistrée annonçaient Artiesta. Malo prenait en note, même si ce qu’il voyait n’était pas spécialement ce qui l’attirait. Il ne comptait donc pas s’arrêter là. Son but, c’était d’aller le plus loin possible pour pouvoir rentrer sans encombre pour l’heure du dîner. Le trajet en tramway continuait donc. Mais Blop commençait à s’impatienter. Il gigotait quelque peu, tenant à retrouver sa liberté. Son dresseur hésitait. Entre le manque d’équilibre de l’axoloto et les mouvements parfois brusques dans le wagon, il était préférable de laisser le pokémon eau prendre son mal en patience. « Calme-toi pépère. On descend dans pas trop long. »

Pas trop long, c’était jusqu’à la ville suivante qui s’avéra être Nemerya. C’était une grande ville, immense même. Pour autant, ce n’était pas ce que le jeune homme souhaitait en voulant explorer la région. Il ne venait pas jouer les touristes, il cherchait l’aventure, d’une certaine manière. Et ce n’était pas dans une ville comme celle-ci qu’il comptait la trouver. C’est pourquoi le jeune homme prit la décision de vite en sortir, d’aller voir les alentours, dans un environnement un peu moins bétonné que celui qu’il avait sous les yeux. Il sortit donc du tramway qui arrivait enfin au terminus et enfourcha son vélo. Il ne savait pas où il allait, mais c’était ce qui était plaisant. Au pire, une application de géolocalisation suffirait pour le ramener à bon port. Ce fut de cette manière que Malo et Blop arrivèrent sur la route 5. L’adolescent ralentit alors. Cet endroit l’intéressait.

Malo regardait autour de lui, curieux. Il aimait l’ambiance qui se dégageait de cet endroit. C’était agréable à regarder, et à ressentir. Le dresseur se demandait bien si son axoloto était capable de constater tout cela ou bien si ce sourire était simplement figé sur son visage. Aucune idée de ce qu’il faut comprendre des expressions faciales de ce pokémon, et cela perturbait Malo par moments. Il se devait de le reconnaître. Pour autant, comme le type eau ne posait pas problème, il finissait pas passer outre. Sur une impulsion, l’adolescent descendit de vélo et attacha celui-ci à un lampadaire avec son anti-vol. Il voulait aller voir plus loin, sans savoir si cela était vraiment recommandé. Qu’importe, il verrait bien quand il y serait. Dans le pire des cas, il avait Blop. Enfin, si ce dernier ne risquait pas de s’étendre de tout son long d’entrée de jeu.

Le jeune homme était donc parti en exploration des alentours de cette route, sur un coup de tête. C’était l’occasion de libérer Blop qui gigotait de plus en plus. Heureusement que son corps visqueux était bien maintenu dans ce porte-pokémon et que l’axoloto n’était pas du genre à se débattre. Un autre membre de cette espèce avec un peu plus de caractère n’aurait pas hésité à cracher de l’eau ou de la boue au visage de son dresseur, et ça, Malo en avait conscience. Alors il restait le plus accommodant possible avec l’axoloto pour éviter des déboires comme celui-ci. Le pokémon bleu était si content à l’idée d’être à nouveau libre qu’il s’élança devant son dresseur. Une bonne chose, pas vraiment. Malo s’attendait à le voir se ramasser, et surtout à avoir beaucoup de mal à se relever. « Tu devrais éviter de courir, tu vas encore tomber. »

Blop n’entendait rien, ou n’écoutait rien tout du moins. Il continuait de foncer droit devant lui, sans savoir où. Cela obligea même Malo à accélérer le pas, et même à courir à son tour pour rattraper son pokémon. Mais l’axoloto s’arrêta net, sans raison apparente. Le jeune homme manqua par ailleurs de le percuter, et pour l’éviter, dévia sur le côté, rentrant à moitié dans un buisson. Bon, déjà, ça ne lui a pas fait grand bien, à Malo, de s’égratigner sur les branches de l’arbrisseau. Sauf qu’en plus de ça, il y eut un grand bruit qui surprit tant l’humain que le pokémon qui l’accompagnait. Cela ressemblait à un cri, suivi d’un bruissement étrange. Par réflexe, Malo ferma les yeux et recula d’un pas. Cela ne le préserva pas d’un coup sec sur la tête. Il rouvrit les yeux aussitôt et repéra l’oiseau face à lui. « Non mais oh ! On se calme ! » Un canarticho, avec son poireau à la main. Il venait de le frapper. Comme ça. Gratuitement. Il ne manquait plus que ça. Ni une ni deux, Malo s’empara du légume d’un geste vif. « C’est quoi ces manières ? » L’adolescent se retourne alors vers Blop qui les regarde fixement sans avoir de réelle réaction. « Et toi, me défendre, ça ne t’est pas venu à l’esprit. Et bah merci bien, je vais régler mon problème tout seul. »

Est-ce que Malo était vraiment vexé ? Non. Loin de là. Il était plus dépité qu'autre chose. Il n’avait aucune attente vis-à-vis de Blop, et tant mieux pour lui, sinon l’axoloto l’aurait bien souvent déçu. De toute façon, là, l’élément problématique, c’était ce canarticho furieux qui ne semblait plus aussi énervé que cinq secondes plus tôt. L’oiseau fixait son légume dans la main de l’adolescent, comme s’il était véritablement attristé de ne plus le tenir. Pour le jeune gris, c’était étrange comme situation, il avait l’impression d’avoir privé un gamin en crise de son jouet. Il se demandait même si le canarticho n’allait pas en pleurer. « Hey, relax Max, je vais te le rendre. A une condition, tu ne me tapes plus avec. Plus jamais. Ok ? » Le type vol secoua la tête à l’affirmative. Alors, Malo tendit doucement le poireau vers l’oiseau qui accourut le récupérer, comme si sa vie en dépendait. Il était difficile de savoir s’il fallait y être sensible ou en rire, et l’hésitation conduisit l’adolescent à ne pas se moquer du canarticho. Il se serait probablement vexé une fois de plus, et ce n’était pas le but de la manœuvre.

En fait, Malo ne savait pas comment réagir face à l’oiseau. Il aurait pu s’offusquer de se faire agresser de la sorte, et en vouloir au canarticho pour cette attaque au poireau totalement injustifiée. Sauf que non, ou tout du moins pas tant que ça. Ok, il n’était pas d’accord avec cette façon de faire, mais bon, ce n’était pas matraquage jusqu’à se faire rouer de coups au sol quoi. L’ado savait faire la part des choses, il restait face à un pokémon sauvage. Et voir le volatile au bout de sa vie sitôt que son poireau lui était ôté, cela ne pouvait qu’attendrir le gris. Derrière son dynamisme exacerbé et son tempérament de bout-en-train, Malo était un cinnamon roll, sans l’ombre d’un doute. Donc se retrouver face à un canarticho totalement paniqué à l’idée de ne plus avoir son légume, cela ne pouvait que toucher sa corde sensible. Même s’il trouvait ça hilarant aussi. Il contenait la partie de lui qui voulait rire avec une maîtrise qu’il ne se connaissait pas. Il ne voulait pas blesser l’oiseau dans son ego.

De toute façon, Malo ne demandait qu’une seule chose dans cette histoire, ne plus se faire taper et pouvoir faire son petit tour dans les alentours. Il était seulement interrompu par son axoloto qui ne savait en faire qu’à sa tête. L’adolescent se demandait parfois si le pokémon eau réfléchissait, s’il avait bien tous les neurones qu’il était supposé avoir. Parce qu’il était compliqué à suivre, et totalement imprévisible. Mais ce n’était pas parce qu’il avait un caractère marqué, au contraire. Quand Malo le regardait, il se disait que le type eau ne faisait qu’agir, sans aucune réflexion derrière. Ce qui s’avérait désespérant. Sans doute qu’un jour, l’axoloto évoluerait en maraiste, mais cela ne semblait pas être pour aujourd’hui. Et puis rien ne garantissait que l’évolution changerait quelque chose à cela. Il restait tout de même l’espoir. Et le lycéen comptait bien là-dessus. Peut-être un peu trop d’ailleurs.

Pour autant, cela n’importait pas à l’heure actuelle sur sa décision. Laissant le canarticho, il récupéra Blop et s’éloigna. Il voulait s’imprégner de ce lieu avec plus de calme. Il découvrait la région, et cet endroit, et ce n’était pas si simple de savoir s’il voulait passer en coup de vent ou traîner un peu plus pour apprécier. Ce déménagement, cela s’était fait tellement vite qu’il n’avait pas totalement réalisé, et qu’il ne s’y était au final pas préparé. Il avait besoin d’un peu de temps, au calme. Et Sunyra, bien qu’agréable au premier abord, était au goût de l’adolescent trop active pour l’instant, pour ce dont il avait besoin. Ici, il se trouvait loin de cette ville et loin de tout ce qui pouvait l’y ramener par la pensée. Il pouvait se contenter de découvrir. Une fois qu’il connaîtrait mieux, il savait qu’il se permettrait des escapades plus aventureuses.

A cet instant, ce n’était pas le cas, il voulait juste observer cette route à l’ambiance particulière et ses alentours. Il surveillait bien son axoloto pour éviter qu’il ne fonce ailleurs tête baissée une nouvelle fois, pour le rattraper avant qu’il ne soit trop tard. Ce fut lorsqu’il se retourna vers Blop qu’il s’aperçut qu’ils étaient suivis. Par le canarticho. Le volatile restait à distance raisonnable d’eux, mais suivait leur avancée le long du chemin. Dans un premier temps, Malo fut curieux et le laissa faire sa vie sans s’en préoccuper outre mesure. Au bout d’un moment, l’adolescent hésita à se retourner pour effrayer l’oiseau au poireau pour le faire fuir. Mais il n’en eut pas le cœur. Il était possible qu’il y ait quelque chose à comprendre qu’il n’avait pas remarqué jusque-là. Le lycéen s’arrêta donc, et mit son bras en barrage pour que l’axoloto fasse de même. « Bon alors, qu’est-ce qu’il y a ? »