Dans le plus grand calme de cette étendue bleutée, le ferry arrive à Port-Corail.
Les cordes lancées, les moteurs principaux coupés, l'imposant navire de la Wills Corp accoste avec parcimonie sur l'un des quais du port. Pour une première traversée, le Commandant de Bord n'aurait pas pu rêver mieux. Aucune intempérie, aucune difficulté rencontrée en mer, le voyage parfait. La passerelle désormais connectée au quai, les quelques passagers descendent d'une humeur plutôt guillerette de l'embarcation, serrant au passage les mains du Commandant... et les miennes. Oui oui, moi aussi. Bien plus qu'un simple passager, c'est en tant que membre de l'équipage que j'ai suivi cet itinéraire maritime. Si d'autres compagnies desservent régulièrement cette région par la voie des mers, c'est une première pour la Wills Corp. Et à vrai dire, c'est une grande réussite.
Une fois tous les passagers libérés de leur hôte, c'est à mon tour de remercier l'équipage tout entier. Un travail mené avec une rigueur et une passion sans faille, je ne peux qu'être fier d'eux. Outre mes fonctions administratives, c'est en tant qu'homme que je salue leur dévotion, avant de moi-même fouler le sol de ce nouvel horizon qui s'ouvre à moi. Un horizon parsemé de brouhaha et de flashs, comme j'aurai pu le deviner.
« Monsieur Wills ! Par ici !! On voudrait vous poser quelques ques- » « M-Monsieur !! S'il vous plait ! Pourriez-nous nous accor- » « Attention là !! Bonjour Monsieur Wills ! Deux p'tits m- »
L'attroupement des journalistes similaire à l'étreinte d'un Grotadmorv m'oblige à rester répondre à leurs questions. Même sans annonce officielle ni date programmée pour le voyage, ils ont réussi à renifler le scoop et à venir jusqu'ici pour attendre mon arrivée. Ça c'est du professionnalisme, ou je ne m'y connais pas. Mes mains levées vers le ciel, ils comprennent qu'il n'y a plus à se bousculer, ils auront leurs informations, caméras à l'appui.
« Monsieur Wills, votre arrivée marque t-elle la fin des petites entreprises indépendantes dans le domaine du transport à Lumiris ? »
« En aucun cas il est question de supplanter ou d'asservir la concurrence. La Wills Corp se veut impartiale et coopérative avec les autres acteurs de notre domaine, nous mettons tout en oeuvre pour améliorer les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier, tout en proposant nos propres services.»
« Pensez-vous pouvoir gagner la confiance des habitants par vos futures actions ? »
« Ma présence ici à Lumiris ne marque pas le début d'une campagne faramineuse ni celui d'un chantier astronomique, mais pour nous, pour moi, il s'agit d'une grande aventure. Découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles cultures, de nouvelles personnes, une expérience personnelle qui ne peut être que bénéfique pour nous tous. Aujourd'hui, je ne suis pas le Président de la Wills Corp, mais je suis Allen Wills, ami du monde et futur Maître de la Ligue de Lumiris ! »
"Accueille-les avec un grand BOOM !", comme me l'a suggéré mon mentor, cela devrait les occuper quelques temps. Sur ces entre faits, ils me laissent tranquillement sortir du port, je peux désormais commencer mon avent-.
« Pardonnez-moi, j'avais la tête ailleurs, tout va bien ? »
Oui. Dans un élan inconscient, je me heurte à une autre personne, mais par pur réflexe je réussis à rattraper la victime par une main, l'autre main venant compenser le geste en s'appuyant sur son dos. Cet heureux hasard marque le début inespéré de cette aventure dont j'ai tant parlé, mais ça, je ne le savais pas encore.
Travailler comme chercheur pour une université avait à la fois des avantages et des inconvénients. J’étais assez libre sur les sujets de mes recherches et je répartissais mes tâches comme bon me semblait. Mais à côté de ça, il arrivait qu’ils m’imposent un sujet de recherche pendant un certain temps et je devais même parfois superviser des étudiants qui terminent leurs études. Dans ce cas précis, on m’avait imposé un sujet de recherche : l’habitat des Corayon. Je devais me rendre à la Plage Mystique afin d’étudier ces petits Pokémons Eaux dans leur habitat naturel et voir leurs comportements. Je devais également étudier leur milieu de vie et voir s’il était dégradé de quelque manière que ce soit à cause de l’Homme. Et si c’était le cas, d’autres chercheur arriveraient certainement à ma suite.
C’est pourquoi je m’étais rendu à Port-Corail ce jour-là. La ville était la plus proche de ma destination et également la plus accessible depuis Nemerya. Surtout grâce aux petits ferrys qui faisaient l’aller-retour. Il n’était pas encore midi quand j’arrivai à destination, ce qui signifiait que le Soleil ne tapait pas encore trop fort. Couplé au léger vent marin, c’étaient les conditions idéales pour mon travail.
Zepplin.
Sans un mot de plus, je fis sortir mon Baudrive. Je l’avais fait rentrer lors de la courte traversée car je savais qu’il avait tendance à avoir le mal de mer. Ce qui était plutôt étrange pour un Pokémon… Bref, aussitôt libéré, il s’accrocha à mon bras gauche, comme à son habitude.
Je traversai alors le port d’un pas pressé, pour atteindre au plus vite mon lieu de recherche, quand quelque chose d’inhabituel attira mon attention. Il y avait un énorme attroupement devant un bateau qui venait certainement d’amarrer. Dans la foule, je repérai aisément tout un tas de journaliste et de paparazzi. Je m’approchai du groupe, mu par une curiosité que je ne me connaissais pas, pour voir ce qu’il se passait. Et surtout qui était la cible de toute l’attention. Malheureusement, je ne pus pas m’approcher énormément pour voir qui parlait et je n’entendis que la fin de son discours. Il était le président d’une société, la Willis Corp, et voulait devenir le Maître de la Ligue de Lumiris. Une chose était sûre, son ego devait certainement être à la mesure de ses ambitions.
J’allais m’en aller quand quelqu’un sorti de la foule, sans trop faire attention, et me bouscula. Je tentai de reprendre mon équilibre, mais en vain. J’étais bon pour finir assis par terre, le coccyx douloureux. Cependant, l’homme en question fut plus rapide que je ne le pensais et il eut le temps de me rattraper par la main pour m’empêcher de tomber. Très rapidement, je sentis sa seconde main se glisser dans mon dos. La position dans laquelle il m’avait mis n’était pas des plus viril, on aurait dit qu’il dansait avec sa cavalière, mais je préférai ne rien dire et me contentai de garder une expression neutre. Ce n’est que quand il s’excusa que je le reconnu. Il s’agissait de l’homme que tout le monde était venu accueillir.
Cependant, au même moment, Zepplin décida d’entrer en action, il détacha un de ses membres de mon bras pour l’enrouler autour de celui de mon « agresseur » et le serra de plus en plus fort. Vu sa jalousie maladive, il avait dû très mal le prendre qu’on me bouscule et qu’ensuite on me porte ainsi.
Zepplin, ça suffit ! Et vous pouvez me lâcher maintenant. Je n’ai rien.
Sur ce je me défais de son emprise tout en faisant attention de ne pas tomber en arrière. Je me redresse alors et retends la main droite vers l’homme par pur réflexe. Dans le même temps, mon Pokémon se rattache à mon autre bras.
Lennart Amasis. Monsieur Wills, je présume ? Je vous remercie de m’avoir empêché de tomber, bien que vous soyez l’auteur de cette chute au départ.
Il n’y avait aucun reproche dans ma voix, je ne faisais qu’énoncer un fait. Je ne lui en voulais pas pour ça car je savais bien que ce n’était qu’un accident. Et puis s’énerver au milieu des quais n’aurait servi qu’à attirer plus de monde et à me faire perdre mon temps.
Puis-je vous poser une question ? dis-je avant de marquer une courte pause. Que fait votre société ? Le nom me dit quelque chose, mais impossible de me rappeler quoi.
D'un geste fluide et naturel, ma main vient trouver la sienne, le bras quelque peu endolori. Si mon manque d'attention réveille quelque peu les démons de mon passé, je trouve que je m'en suis pas trop mal sorti. Afin de ne pas attirer plus l'attention sur les caméras présentes sur le quai, j'invite le malencontreux inconnu à me suivre dans la rues de la ville.
« La Wills Corp gère tout ce qui touche de près ou loin aux moyens de transports. Mais nous ne sommes pas implantés dans cette région... »
Amasis, une grande famille de la région de Kalos. Au cours de mes divers voyages orchestrés par mon grand-père, il nous est arrivé d'avoir été invité dans des soirées de gala organisées par la famille Amasis, en plein cœur de la région de Kalos. Ma mémoire me joue des tours, il m'est impossible de me rappeler des personnes présentes dans ces soirées.
« Et que faites-vous dans la vie, Monsieur Amasis ? »
Le meilleur moyen de chercher une réponse est de poser la question. Nos pas nous mènent allègrement... quelque part. Je ne peux pas vraiment dire que je connais les environs étant donné que je viens tout juste d'arriver à Lumiris, mais ce n'est pas grave. Tout ce qui importe, c'est mon sac à dos et ma PokéMontre. Ce sentiment, c'est le goût de l'aventure qui vient chatouiller mes papilles. Pendant notre discussion, je ne peux m'empêcher d'observer le paysage, l'infrastructure de la ville, l'intonation des couleurs du ciel. Oui, je suis en route vers un nouveau monde !
J’avais donc bien deviné, c’était effectivement lui qui avait donné la petite conférence improvisée à la sortie de son bateau. Il s’appelait donc Allen Wills. Et la Wills Corp s’occupait de tout ce qui touche aux transports. C’était donc pour ça que le nom « Wills » me disait quelque chose, j’avais dû le voir à Illumis.
Je suis chercheur en biologie Pokémon. J’étudie leur comportement, leur fonctionnement ainsi que leur environnement. Actuellement, j'étudie les Corayons et leur habitat.
Bien entendu, je n’avais pas oublié l’objectif de ma venue à Port-Corail. Je devais me rendre à la Plage Mystique pour étudier l’habitat des Corayons. Bien entendu, ce n’était que préventif et il n’y avait rien d’urgent. Cependant, je n’avais pas trop envie de devoir revenir un autre jour pour terminer le travail. En quelques heures, je devrais pouvoir terminer. Toutefois, je n’en fis pas encore part au jeune dresseur car j’avais du temps devant moi. Et puis, je pourrai toujours lui proposer de venir avec moi…
Sinon, vous avez des plans en tête, Monsieur Wills ? Des objectifs à remplir à Lumiris ?
Il y avait peu de chances qu’un homme tel quel lui, un entrepreneur et patron d’une grande entreprise, voyage jusqu’à Lumiris pour faire simplement du tourisme. Surtout après ce qu’il avait dit aux journalistes…
Au fait, cela ne fait pas très longtemps que je suis là, quelques mois tout au plus, mais je suis sûr d’une chose. Actuellement, il n’y a pas de ligue Pokémon à Lumiris.
Comme on dit, il vaut mieux prévenir que guérir. Pour l’instant, il y a bien diverses arènes à travers toute la région, mais aucune ligue à laquelle les meilleurs dresseurs peuvent se défier. Même si je doute que cela ne dure éternellement, cela ne risque pas de se faire tout de suite. Surtout si les assauts de la Team Mistral continuent.
Un sujet de recherche assez passionnant que j'ai eu l'occasion d'étudier dans ma jeunesse, sans vraiment pousser le concept beaucoup plus loin. A vrai dire, mes yeux étaient fixés sur un seul et unique objectif, devenir Maître Pokémon ! Malgré les nombreuses années passées à traverser le monde en tant que représentant d'une grande compagnie, ce rêve ne s'est pas éteint, même si la route reste toujours aussi longue et pleine d’embûches. Le premier obstacle vient s'opposer à moi alors que je n'ai pas encore commencé : il n'y a pas de Ligue Pokémon à Lumiris.
« Des objectifs, hm... Pour le moment, je pense arpenter les sentiers de la région en tant que simple Dresseur Pokémon. »
J'ai assez parlé politique pour aujourd'hui, et plutôt qu'un possible associé ou une connaissance professionnelle, j'aurai apprécié rencontrer de nouveaux amis. La fouge de la jeunesse est encore présente chez moi, je ne suis pas entièrement devenu un adulte responsable il semblerait. Mes pas s'arrêtent sur le square principal de la ville, une place publique plutôt fréquentée et bien entretenue, un festival de bonne humeur et de Pokémons à perte de vue.
Port-Corail, tout est dans le nom. J'arrive à faire le lien entre ma rencontre fortuite avec un tel scientifique dans cette ville, qui étudie spécialement des Corayon. Une ville portuaire est un endroit idéal pour accéder à la mer, et la faune maritime qui plus est. Peut-être que mon interaction physique imprévue l'a entravé dans ses recherches, je ne voudrais pas lui faire manquer de précieuses données pour le bien-être de nos chers amis Pokémons.
« J'espère ne pas me tromper en disant que votre venue ici n'est pas anodine, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Ah, et inutile de me vouvoyer, vous pouvez m'appeler Allen... »
En tant que nouveau Dresseur de la région, il y avait pas mal de choses que je devais faire, comme récupérer des informations sur les moyens de logement, ainsi qu'une carte de la région et bien d'autres choses. En y repensant, je ne sais pas où obtenir toutes ces informations.
Il voulait devenir dresseur Pokémon. Personnellement, cela ne m’avait jamais attiré plus que ça. Certes j’aimais bien m’occuper d’un Pokémon, après tout j’ai mon Zepplin depuis longtemps déjà, mais parcourir une région dans le but de s’entrainer, ce n’est pas pour moi. Généralement quand je vais sur le terrain, ce n’est que pour mes recherches. Je prends des échantillons du milieu et j’observe le Pokémon sauvage, mais jamais je ne combats.
C’est un objectif comme un autre, bien que certainement ardu.
Depuis le début de notre petite discussion, je suis le jeune homme sans trop savoir où il m’emmène. Je suppose que lui aussi ne sais pas où l’on va et qu’il laisse son instinct guider ses pas. Il vient à peine d’arriver en ville, il ne connait sûrement pas le quartier. Cependant, nous arrivâmes dans un square qui resplendissait de vie. Il y avait autant de Pokémons que d’enfants.
En effet, je dois faire quelques prélèvements et observations à la Plage Mystique. Toutefois rien ne presse. Pour l’instant, dis-je avant de marquer une légère pose. Appelez-moi Lennart, dans ce cas.
Une idée traversa mon esprit. Il disait vouloir découvrir la région et les Pokémons, mais je pouvais peut-être l’aider pour ça. Enfin d’une certaine manière. De part mes études, je m’y connaissais plutôt bien et je pouvais peut-être lui montrer quelque chose qu’il ne verrait pas souvent…
Cela vous intéresserait-il de voir quelque chose d’époustouflant, selon moi ? Cela nous serait avantageux à tous les deux : vous verriez quelque chose de magnifique et moi, je pourrai faire quelques prélèvements supplémentaires.
Je lui proposais ça en toute amitié et il n’était en aucun cas obligé d’accepté. S’il accepte tant mieux, sinon je retournai à mes recherches. Ni plus ni moins.
Je mentirai si je dis que je ne suis pas intéressé par la proposition du chercheur. S'il y a bien une chose que j'ai apprise lors de mes précédentes aventures, c'est qu'il faut toujours se fier à sa curiosité. Outre le fait que je ne connaisse pas du tout la région, je me sens d'ores et déjà privilégié de pouvoir dès mon arrivée profiter d'une telle opportunité.
Etant donné le sens de cette conversation, j'ose imaginer que ce que Lennart veut me montrer à un rapport avec la fameuse "Plage Mystique". Là où j'aurai simplement visiter les lieux comme un aventurier quelconque, il se peut que je découvre des secrets que seules certaines personnes ont eu l'occasion de trouver, en compagnie de mon accompagnateur. Une chance à ne pas manquer.
« Ce serait avec grand plai... »
Dring ! Dring !! Mon téléphone crie à l'agonie dans la poche de ma veste, de quoi réveiller un Ronflex repus. L'espace d'un instant, j'avais complètement oublié qui je suis devenu. Contrairement à mon ancien état d'esprit, j'assume parfaitement mes nouvelles fonctions, et j'ai bien l'intention de mener mon affaire à bien. La personne qui se trouve à l'autre bout du fil n'est autre que mon père. Je sais à l'avance ce qu'il me compte me demander et me dire, un appel purement professionnel en somme. Avant de répondre, je fixe dans les yeux mon interlocuteur avec un sourire quelque peu gêné.
« Je pense que ce sera pour une prochaine fois, malheureusement. Mais je garde contact avec vous, Lennart. J'espère que l'on se verra très bientôt ! »
Je tends la main vers lui, en espérant ne pas avoir froissé son enthousiasme. Cette rencontre fortuite va toucher à sa fin, mais je crois en toute sincérité qu'elle marque le début d'une longue et palpitante épopée.
Rejoins la famille !
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