Le vent fouette ton visage, porteur de sel et d'une fraicheur presque insupportable. Certes, les températures sont bien remontées au cours des derniers jours mais on est encore loin de celles d'août et un vent trop fort finit par donner froid. Tu frissonnes de façon régulière en serrant Agni contre toi. Les forts courants d'air ne semble pas le déranger autant que toi, ce petit chanceux. Tu devrais rentrer. C'est la chose la plus raisonnable à faire si tu as froid, mais tu as du mal à t'y résoudre.
Ton regard reste fixé sur l'horizon, à la recherche d'une terre qui a disparu depuis un bon moment maintenant. Exilar n'est plus en vue mais tu ne peux pas t'empêcher de regarder l'endroit où elle a disparu derrière l'horizon. De l'autre côté du navire sur lequel tu te tiens, une autre côte est apparue à la vue. Lumiris se tient là et grossit peu à peu. Bientôt tu mettras pieds à terre là-bas une nouvelle fois, pour une autre mission. Tu es moins seule que la première fois mais ça ne te réconforte pas autant que tu l'aurais cru.
Ce qui t'arrache enfin à ton observation stérile est la lumière caractéristique d'une pokéball libérant un pokémon, mais bien plus forte qu'elle ne l'est habituellement. Tournant alors la tête, tu réalises que ce n'est pas un, mais plusieurs pokémons qui ont été libérés. Tu n'es plus seule avec Agni sur ce coin du pont et il ne semble pas que les deux hommes, dont un en uniforme de ranger, arrivés il y a peu t'aient vu.
Tu n'as pas prévu d'observer ni d'écouter ce qu'il se passe, ça ne te concerne pas après tout, et tu t'apprêtes à retourner à ton activité précédente. Et pourtant, tes oreilles accrochent les mots d'adieu du dresseur et tu te retrouves à écouter, à regarder ce moment déchirant.
Tu ne comprends pas. Ce qui se déroule là, à quelques mètres à peine de toi, tu ne le comprends pas. Laisser partir ses pokémons ainsi... Comment peut-on faire ça ? Pourquoi faire ça ? Les motivations d'un tel acte te dépassent entièrement. Inconsciemment, tu resserres ta prise autour d'Agni, comme si tu pouvais perdre le Rozbouton à tout moment (et c'est le cas après tout, non ? Le Père pourrait te le reprendre dès qu'il en aurait envie ou qu'il jugerait que tu ne le mérites pas). Et la pensée te rempli d'un vide vertigineux.
Tu regardes. Tu regardes. Tu regardes jusqu'à ce que ta vision devienne floue et que quelques larmes coulent sur tes joues. Tu te sens boulversée alors que tu n'es qu'une spectatrice extérieure, presque un voyeur. Mais l'émotion qui se dégage de la scène ainsi que le fait de t'imaginer à la place de cet homme te touche bien plus que tu ne pourrais le penser. Alors que les pokéballs sont remises au ranger, tu t'es assise sur le sol, le visage pressé contre le petit corps de ton Rozbouton. Agni absorbe plus ou moins tes larmes et tu restes comme ça pendant un moment indéterminé.
❝ Je t'aime Agni, tu le sais pas vrai ?
Tu t'éloignes un peu du pokémon, juste assez pour pouvoir le voir, tandis qu'il se frotte contre ta poitrine. Tu finis par essuyer l'humidité persistante de ton visage et te relever. Regardant aux alentours, il n'y a plus ni pokémons ni ranger. Mais le dresseur (ancien dresseur ?) est toujours là et tout doucement, tu t'approches de lui. Tu n'es pas certaine de la raison cependant.
Tu te figes brusquement à la question qu'il te pose. Le ton est dur, presque agressif. Et dans les faits, c'est plutôt normal non ? Il n'a probablement pas envie d'être dérangé à un moment pareil. Mais toi, tu y réagis très mal. Ton immobilité se fige alors que tu fais un pas en arrière et que ton corps se met à trembler légèrement. Ton visage et tes yeux gonflés affichent clairement la crainte qui s'agite en toi alors que ta voix s'étrangle.
❝ Désolée. Je suis désolée. Pardon. Ne soyez pas en colère s'il vous plait. Ne me frappez pas. Je suis désolée. Je m'en vais. Pardon. Pardon.
Tu glisses un peu en reculant et finis par tomber par terre. Tu lâches par inadvertance Agni qui tombe à côté de toi. Tu te précipites maladroitement pour le récupérer en continuant de marmonner des excuses. Impossible cependant de savoir auprès de qui tu t'excuses.