La lueur du feu brillait dans la nuit, faisant danser des ombres sur le sol. Tout autour, un groupe de jeunes dresseurs écoutait le récit d'un camarade avec une attention toute particulière. Seul le craquement du feu accompagnait la voix basse du jeune homme, la forêt semblant s'être endormi. Peut-être n'osait-elle pas interrompre l'histoire qu'il racontait, de peur des représailles. Après tout, même la nature savait qu'il ne fallait pas fâcher la Fille du Feu.

— Tout a commencé une nuit d'hiver, il y a prêt de vingt ans. On célébrait dans le village la naissance d'une petite fille après des années d'échec pour les pauvres parents. Tous pensaient que le malheur avait enfin quitté la famille. C'était sans prévoir la tragédie qui ne tarderait pas à venir... Ce que personne ne savait, c'était que la mère avait fait un pacte avec un Fantominus et que celui-ci ne tarderait pas à venir chercher son dû. Voyez-vous, il se sentait seul et en échange de l'enfant, il ne demandait en retour que de ne plus être délaissé. Seulement la jeune femme ne savait pas qu'il avait un destin bien funèbre réservé pour eux. Quand venu enfin le bonheur dans la petite maison verte, celle-ci brûla avec tous ses habitants coincés à l'intérieur. On dit qu'encore aujourd'hui, on peut voir la fumée s'élever haut dans le ciel quand vient l'anniversaire de la Fille du Feu et on peut l'entendre pleurer la mort de ses parents...

Un craquement fit sursauter le groupe. Tous regardèrent les environs, mais quand ils ne virent rien, ils continuèrent.


— Moi, j'ai entendu que c'était un criminel qui a brûlé la maison et elle cherche encore aujourd'hui à le retrouver pour obtenir vengeance.


— Vous avez tous les deux tords, c'est elle qui a brûlé la maison. Ce n'était pas assez pour elle et maintenant, c'est tout Lumiris qu'elle veut brûler, moi je vous le dis !


— Ouais, c'est ça. Vous êtes vraiment tous débiles si vous croyiez à ces stupides légendes.

La nature sembla prendre offense. Un vent fort s'éleva et aussitôt, le feu s'éteignit. Les arbres recommencèrent à s'agiter et les Pokémons tantôt calment se faisaient maintenant entendre. Le groupe s'était levé en un bond, certains se tenant par les bras, d'autres se contentant d'être sur la défensive. Celui qui venait de parler avala durement sa salive. Non, tout ceci n'était qu'un malheureux hasard. Ou il rêvait. Voilà, ça devait être l'un ou l'autre.

Un rire cristallin lui répondit.  

— Vous savez, je ne me rappelle rien de ce qui s'est passé. Je me demande bien qui de vous a raison.

Dans la noirceur de la nuit, il était dur de savoir d'où venait la voix. Cherchant tous autour d'eux, les étudiants tremblaient, leurs jambes refusant pourtant de bouger. Ils auraient dû courir, fuir loin. Se mettre en sécurité, pensent-ils tous. Pourtant, ils restent là, la respiration lourde.

— N'ayez pas peur, je ne souhaite que m'amuser. Ne voulez-vous pas jouer avec moi ?

Mimiqui, jusqu'alors calme aux côtés de sa dresseuse, s'avança silencieusement en direction du petit groupe. Quand il frôla la jambe de l'un des garçons, celui-ci sembla reprendre vie. Son cri effraya un instant ses camarades, mais quand il se mit à courir en direction opposé au petit Pokémon, tous prirent la décision d'en faire de même, enfin réveillés de se cauchemar qui les avait paralyser un instant.

— Hum, je me demande bien ce qu'ils ont. N'était-ce pas étrange ?

— Mimiqui!

C'était toujours ainsi, pour Gwenaelle Green. Depuis aussi longtemps qu'elle ne pouvait se rappeler. Petite, les gens étaient déjà effrayés par sa présence. Elle n'avait aucun souvenir de l'incident, mais on lui avait assuré plus d'une fois que c'était ainsi qu'elle avait perdu ses parents. Pire, qu'elle n'aurait pas dû survivre. Rien de tout cela ne semblait affecter la jeune femme. C'était sans doute pour que cela que la légende était aussi répandu. Dur de ne pas y croire quand la personne concernée montre si peu d'intérêt face à ce qui aurait dû la marquer à vie... Il ne pouvait rien y avoir de naturel dans ce constant bonheur et dans ce sourire à vous donner la chaire de poule. Et que dire de ses yeux bleus qui vous glacent le sang...

—Peut-être trouverons-nous quelqu'un d'autre. Viens, Shadow. Il ne sert à rien de rester ici, maintenant.

Elle entama la marche encore plus profondément dans la forêt, suivis par un Mimiqui enjoué par la frayeur qu'il venait de causer. Tout autour d'eux, le brouillard s'épaississait, mais ils n'en avaient que faire. Comme tous les jours depuis qu'ils s'étaient rencontrés, ils profiteraient de la nuit pour errer jusqu'à trouver de quoi se divertir. Par-terre, non loin d'eux, les sacs des jeunes étudiants venus d'une autre région en voyage scolaire avaient été abandonnés. Le petit Mimiqui s'aventura à les fouiller, prenant avec lui ce qui pouvait les intéresser, notamment ce qui serait un bon repas pour Gwen et lui. Au petit matin, avant l'aube, ils retourneraient dans leur vieille demeure en ruine, où ils passeraient la journée cachée. Ou peut-être sortiraient-ils si la forêt décidait à cacher le soleil aujourd'hui. C'était une routine que la jeune femme suivait avec plaisir depuis des années maintenant. Il n'y avait pas grand chose pour elle si ce n'était pas Mimiqui et leurs mauvais tours. Rien d'autre ne l’intéressait et c'était ainsi qu'elle vivait depuis l'enfance. De petits vols et promenade sans destination, elle s'était forgée une petite vie à Lumiris, une qui lui plaisait amplement. Mais elle devait bien avouer que depuis l'arrivée de tous ces tourismes, les choses changeaient peu à peu. Peut-être était-il temps pour elle et pour Shadow d'essayer quelque chose de nouveau.