Tu ne savais pas comment Gladys avait pu te convaincre.
Comment avait-elle seulement pu penser que ce serait un endroit pour toi, un lieu plein de pokémons ? Ton poil se dressait déjà sur tes bras alors que tu avais enfilé une petite veste puis ton manteau pour te protéger du froid. Tes lunettes de soleil sur ton visage, tu soupiras avant de sortir de ta maison, après avoir appelé un taxi. Shunt était entré, encore une fois, sur le siège arrière alors que tu donnais les indications au chauffeur de taxi. Bien entendu, tu eus besoin de mettre ta chaise roulante dans le coffre de la voiture. Tu ne savais pas combien de temps tu allais être avec Gladys dans ce… safari. Quelle idée elle avait eu ! Tu frissonnais en y repensant. Soupir sur tes lèvres. Le chauffeur de taxi conduisait sans chercher à entrer ta bulle. C’était toujours agréable de pouvoir demeurer dans ta bulle.

Tu donnas la monnaie en laissant un pourboire au chauffeur lorsqu’il te descendit là où tu lui avais dit de le faire. Tu sortis du coffre, avec l’aide du chauffeur bien entendu, ta chaise roulante en levant les yeux au ciel – ce que personne ne put voir puisque tu portais tes lunettes de soleil – avant d’ouvrir la porte à Shunt avec une grimace, t’écartant rapidement. Non, tu n’aimais toujours pas ce pokémon. Tu ne parvenais pas à calmer la peur qui venait faire battre ton cœur si rapidement, tu ne parvenais pas à apaiser l’effroi qui faisait emballer ton esprit, provoquant les réactions physiques d’un véritable danger.

Et tu te demandais comment Gladys pouvait supporter une « meilleure amie » aussi faible que toi. Tes parents biologiques ne l’avaient pas fait. Pourquoi elle ? Pourquoi elle traînait avec toi ? Elle mieux que quiconque connaissait ta faiblesse. Elle mieux que quiconque savait à quel point tu étais fragile, horriblement fragile. Alors pourquoi ? Pourquoi voulait-elle encore traîner avec toi jusqu’à même t’offrir Shunt ? Ça ne fait tellement pas de sens. Tu ne comprends pas. Tu voudrais comprendre, mais tu n’y arrives pas. Ça n’a pas le moindre sens à tes yeux. Tu es épuisée d’essayer de comprendre.

Tu étais entrée dans un café pour te commander un thé pomme-cannelle. Cette boisson avait un goût réconfortant. Tu l’avais découverte récemment, pendant que tu corrigeais les copies des élèves de ton école. Et depuis, tu l’avais très souvent commandé. Tu comparais le goût de cette boisson au gruau pomme-cannelle, mais tu n’aimais pas la texture de cette nourriture, bien que la saveur te fût un véritable paradis. Tu pris le gobelet de thé en souriant légèrement, attendant que le liquide prenne une température se rapprochant de celle de la pièce. Tu ne désirais aucunement te brûler la langue, après tout.
De son côté, Shunt observait partout autour de lui et se montrait toujours aussi curieux. Tu ne comprenais pas. Shunt ressemblait à ta meilleure amie. Oui, tu pouvais trouver une caractéristique commune entre Gladys et le pokémon qu’elle t’avait offert : ils n’abandonnaient pas. Pire encore, ils ne t’abandonnaient pas. Tu l’avais rejeté, tu l’avais même oublié dans un taxi, et il était toujours là, à traîner autour de toi, à insister, à persévérer. Pourquoi ?

Le monde était étrange et incompréhensible.
Et toi, tu étais un maillon faible de cet univers.  

Tu poussas doucement ton fauteuil roulant dans lequel Shunt s’était assis. Tu l’avais laissé faire. C’était une première. Une fois arrivée à un petit banc à l’entrée du Safari, tu attendis Gladys. Tu n’allais certainement pas entrée dans ce lieu sans la présence de la raison pour laquelle tu étais là. C’est-à-dire ta meilleure amie.

Tu avais attendu suffisamment pour que ton thé soit légèrement moins chaud, mais rapidement, un message fit vibrer ton appareil électronique et tu soufflas de désespoir et d’inquiétude en le lisant. Gladys ne pouvait pas venir. Elle avait dû faire un remplacement d’urgence à son travail et ne pouvait donc pas te rejoindre. Pourtant, tu avais déjà payé ton billet. Ce serait du gaspillage d’argent, n’est-ce pas ? Et bien que ta famille et toi-même en possédiez, ce n’était pas une raison pour gaspiller de l’argent.
Alors tu respiras profondément et tu poussas ton fauteuil roulant jusque dans l’espace. Tu finis par tourner pas mal en rond sans trop savoir où tu allais. Gladys aurait su les endroits qu’elle voulait voir de cet endroit alors que toi, de ton côté, tu étais totalement et entièrement paumée. Tu n’avais jamais fréquenté cette partie de l’univers, et il n’y avait que ta meilleure amie pour être en mesure de t’y traîner sachant que ce parc est rempli de pokémons tous aussi effrayants les uns que les autres.

Au bout de plusieurs minutes, la fatigue prit déjà ton petit corps. L’effroi qui pouvait s’imposer dans ton être ne devait sans aucun doute absolument pas aider tes poumons à bien respirer. Et tu commençais à étouffer. Il aurait fallu que ta meilleure amie soit présente. Il aurait fallu que Gladys soit là pour te gérer, pour te calmer, pour te protéger. Sans elle, tu étais totalement et entièrement démunie, sans protection contre ce monde si dangereux pour ta personne et ce n’était pas Shunt qui allait pouvoir t’aider. Non, il faisait seulement qu’ajouter un poids à ton angoisse actuellement.

Lentement, doucement, tu avais pris place dans ton fauteuil roulant après que Shunt en soit descendu et tu avais posé tes mains tremblantes sur les rebords où tu pouvais actionner les boutons qui permettaient de diriger ce petit truc. C’était moins d’effort que de tourner les roues toi-même, chose que tu n’aurais jamais pu faire après tout. Tu finis dans un coin du parc, tremblante, le regard totalement paniqué, à regarder partout autour de toi alors que Shunt restait près, refusant de t’abandonner. Tu ne comprenais pas l’étrange loyauté du pokémon électrique alors que de ton côté, tu ne lui accordais pas la moindre trace d’affection. Tu en avais peur et tu étais même en mesure de l’oublier dans un taxi. Alors bon… vraiment, tu ne comprenais pas pourquoi il demeurait à tes côtés. C’était très étrange.

Et là, maintenant, tu n’y pensais même pas. Tout ce qui restait dans ton esprit, c’était la peur que le lieu imposait dans ton être. Tu pris quelques gorgées de ce thé en essayant de contrôler ta respiration. Il y avait des pokémons partout et tu n’étais pas en mesure de gérer. Tu te sentais cernée , encerclée. Piégée.
Gladys aurait été d’une aide précieuse et tu regrettais désormais d’avoir décidé d’y aller quand même sans sa présence, pensant que tu allais pouvoir gérer. Ce n’était absolument pas le cas, c’était même bien loin de l’être, c’était totalement l’inverse. Et quand un Ponyta bien étrange s’arrêta devant toi pour te regarder, pas trop loin de là où tu t’étais réfugiée, tout ton être s’était mis à trembler. Tu n’étais plus qu’une feuille fragile ne sachant pas comment s’échapper du merdier dans lequel tu t’étais foutue. Tu n’avais même pas la force d’hurler. Tes mains s’accrochaient à ton thé comme si celui-ci allait te téléporter. Mais ce n’était pas un objet magique, alors ça ne servait à rien d’espérer que ce soit ta porte de sortie tant espérée.
[HRP : tentative de capture du Ponyta please !]

Prise au piège, dans une panique totale, dans un effroi comprimant ta cage thoracique, tu n’avais pas été en mesure d’entendre la voix te demandant si tu avais besoin d’aide, si tout allait bien. Il fallait dire que c’était évident, évident que ça n’allait pas, que le monde se détruisait sous tes pieds, que plus rien n’existait en dehors de l’effroi qui s’imposait dans ton regard, de la peur à l’état pure injectée dans les veines. Tu étais immobilisée, tu étais paralysée, tu ne pouvais même pas réfléchir, tu ne pouvais que trembler. Cernée et incapable du moindre mouvement.

Tu regrettais. Tu regrettais plus que tout d’être entrée dans ce parc, tu voulais partir, t’en aller. Fuir et t’enfermer dans ta maison, à l’odeur d’encens qui était si rassurante. Cette maison était ton refuge, le seul endroit où tu te sentais bien, à l’abri des dangers du monde. Ici, tu étais à la merci de tous.
Ton cœur manqua plusieurs battements quand quelqu’un tira en arrière, brusquement ton fauteuil roulant. Tes mains frêles s’accrochèrent aux rebords alors que la distance entre le Ponyta étrange ainsi que son Canarticho tout aussi étrange avait augmenté. Respirer te semblait de nouveau possible. Tu avais posé ton regard sur ce jeune homme, bien que celui-ci ne pouvait pas être certain que ce soit le cas : tu portais toujours tes lunettes de soleil. Complexée par ton regard qui était affecté par la maladie te pourrissant la vie, tu n’étais pas capable de l’offrir au monde entier.

Non. Tu détestais ce regard dont le blanc qui aurait dû se trouver était bleu, cette sclère comme ça s’appelait. Tu détestais tout ce qui composait ton squelette fragile et tu aurais voulu ne pas naître quant à naître ainsi. Pourtant, tu respirais. Tes poumons fonctionnaient. Oh, ils avaient bien faillis ne plus le faire, te laissant si fragile, si facilement épuisée. Fragile. Tu n’étais que fragilité. Hautement dégoûtée par ta propre personne.
Tu avais regardé ce nouvel être dans ton quotidien, qui brisait la solitude. Cet étranger qui t’avait éloigné des horribles pokémons se trouvant devant toi. Plus loin désormais.

Tu pouvais entendre dans la voix de cet inconnu cette incertitude qui s’imposait. Il ne devait pas avoir l’habitude de gérer une telle détresse. Et tu lui imposais ta présence. En même temps, il aurait pu seulement passer son chemin sans s’attarder sur le poids que tu étais, sur le fardeau que tu représentais. Il aurait pu. Il ne l’avait pas fait.
Tu fermas doucement les yeux. Tu pris des inspirations profondes. Ils étaient plus loin, tu n’étais pas seule. Tu allais pouvoir survivre désormais. Tu allais pouvoir respirer un peu plus facilement. Doucement. Inspire. Expire. Et peut-être que maintenant, tu pouvais prendre le temps de répondre à la personne qui t’était venue en aide ?

« Merci.. » Ta voix n’était rien de plus qu’un souffle, qu’un murmure, alors que tu tentais de reprendre ta respiration pour de bon. Tu ne pouvais pas vivre dans ce monde. Ce monde n’était pas fait pour toi. Oh non, bien trop dangereux. Tu n’étais pas adaptée pour cet univers, tu allais y laisser ta vie à force. « Je.. ils sont dangereux. Pour moi. Ils peuvent me briser. » Mettre en mot la douleur, mettre en mot les problèmes. C’était la première fois que tu le faisais. Tu avais ouvert tes yeux, et tu avais tourné de nouveau la tête vers cet homme qui t’était venu en aide. « Merci beaucoup. Ma meilleure amie ne pouvait pas se présenter. Je m’appelle Lyra. Lyra Amasis. Et vous ? »
Tu n’étais pas douée socialement, mais tu savais tout de même faire des présentations en bonnes et dues formes. Après tout, tu étais quand même enseignante à l’université, n’est-ce pas ? Tu avais souri doucement. Parce que tu n’étais que douceur.

[HRP : Tentative de capture du Ponyta de Galar merci !]

Toute cette peur ne s’effaçait pas, ne s’effacerait pas. Tu te retrouvais dans un trou noir que tu ne pouvais escalader, où les ombres se tapissaient, tournaient autour de toi, sans jamais te laisser t’en aller, dès que tu posais le pied sur le cadre de porte de ta maison à Kishika. Loin, très loin, de la civilisation dans ce petit coin où les familles aiment venir habiter, pour ne croiser aucune âme qui vive. Parce que famille voulait dire enfant et que les enfants étaient plein d’une énergie et que tu ne voulais pas croiser des enfants, tu les craignais autant que tu pouvais craindre les pokémons. Autant que tu pouvais craindre tout ce qui possédait une énergie impossible à canaliser.

Les pokémons n’étaient pas trop loin, mais suffisamment pour que ta cage thoracique ne se comprime pas trop.
Tu ne savais pas trop si tu pouvais qualifier ton comportement de phobie. Ou alors il ne faudrait pas dire que tu avais la phobie de tout ce qui se situait en dehors de ta maison, ou de presque tout ? Tu n’étais pas à l’aise devant ce jeune homme, mais déjà davantage que devant un enfant. Pas à l’aise dans cet univers si grand qui n’était en rien faire pour ta personne, pas à l’aise sans Gladys. Tu avais cette frayeur ancrée dans l’âme et rien ne pourrait la faire fuir.

Pouvait-on vraiment guérir d’une peur qui prend jusqu’aux os, qui a été répétée toute l’enfance ? Ta mère avait toujours fait en sorte que tu évites tout ce qui pouvait te blesser et la liste était longue. Elle avait tout donné dans la protection de l’être fragile que tu étais, aidée par ton père. Ensembles, ils s’étaient réunis pour que tu puisses exister et continuer de respirer. Et ça t’avait toujours paru normal . Aujourd’hui encore, tu ne voyais pas comment ils auraient pu faire autrement. Ils t’avaient adopté et avaient centré leur vie autour de l’existence d’une fille malade nécessitant beaucoup de soins. Autrement, tu n’aurais pas survécu. Autrement, ton corps ne serait que miettes aujourd’hui.
Et tu n’aurais pas été en mesure de parler à cette personne qui t’avait éloigné de la source de ta panique directe. Parce que tout ça, c’était ancré, imposé, rythmé par des phrases que ton esprit ne pouvait effacer ; plus profond qu’une simple phobie irrationnelle, plus profond qu’une seule mauvaise expérience. Pouvait-on oublier une enfance entière forgée dans l’effroi de finir en morceaux sur le carrelage au moindre coup de vent un peu trop fort ? Au moindre mouvement trop brutal qu’un autre être aurait pu effectuer ?
Soupir. Silence.
i was too young

Tu avais décidé de regarder de nouveau ce jeune homme alors qu’il s’exprimait de nouveau. Tu voulais bien le croire, mais ta condition était différente. Le pokémon ne se devait pas d’être agressif pour te blesser. Il ne se devait pas de vouloir te blesser pour le faire. Non. C’était bien plus délicat, bien plus simple.
Tu as grandi éloigné des pokémons, tenue à l’écart, protégée de leur énergie. Tu as grandi en apprenant à les considérer comme un danger à ta condition particulière. Tu ne pouvais pas changer toute une éducation. « Ils n’ont pas besoin de vouloir me blesser pour me blesser.. »

Tu fus surprise des mots qui suivirent. Tu n’avais pas connaissance d’une famille. Mais il fallait dire que tes parents biologiques avaient décidé que tu ne valais pas la peine d’être gardée dans leurs bras, dans leur foyer, te mettant à l’adoption tout en demandant à ce que ton nom de famille soit préservé. Comme une sorte… d’attache ? Comme pour te garder présente dans leur existence si moindrement ils avaient besoin de toi ? Tu ne savais pas trop. Tu n’avais jamais voulu entendre parler d’eux, de leur existence, de leur présence et tu ne voulais toujours pas les voir revenir dans une vie dont ils n’avaient pas voulu à la base. « Ce serait gentil, un peu d’eau. Merci beaucoup. »
Et un frisson te parcourut. Tu ne voulais pas les approcher, tu ne voulais pas les toucher. Tu ne voulais rien savoir de leur présence, tu te serais bien mieux portée en dehors du parc, pourtant.. ne lui devais-tu pas cet essai ? Après tout, sans lui, tu serais encore en pleine panique, jusqu’à l’évanouissement. Tu hochas doucement la tête avant de te lever doucement et d’attraper ton sac sur le rebord de la chaise roulante qui t’était malheureusement bien trop pratique pour ce que tu voulais bien admettre.

Tu en sortis une pokéball et tu t’approchas de deux pas vacillants avant de la faire doucement rouler au sol. « Tu-tu veux bien venir petit Ponyta.. ? » Tout ton corps respirait une peur intense que tu ne pouvais contrôler. Ta voix en tremblait tellement. « Tu-tu veux… bien ? S-S’il vous plaît…? » Une révérence. Le Ponyta te fit une référence une fois les yeux posés sur ta personne. « N-ne t’en fais pas, je ne te ferais pas de m-mal.. » Le Ponyta finit par poser son petit museau sur le mécanisme de la pokéball pour laisser cette sphère le capturer. Tu te retournas vers Narcisse. « Il est venu de lui-même.. !»

Il était venu.
Yeux écarquillés, figés sur la pokéball immobile, ça ressemblait à un miracle de noël pour la jeune femme qui se trouvait aux côtés de Narcisse. Le pokémon était entré dans la pokéball, sans s’approcher davantage, sans chercher à faire un pas dans leur direction. Il s’était incliné et avait écouté ses supplications.
Pourquoi ?
Lyra ne comprenait pas les pokémons, elle ne comprenait pas leurs comportements, leurs réactions, leurs sentiments. Leur énergie, leur façon d’agir. Elle ne comprenait pas leurs besoins, ne connaissait rien de leur être. Elle ne connaissait même pas le nom de ce pokémon qui était entré dans la pokéball de Narcisse. Elle, elle ne connaissait que les légendaires et dévouait sa vie entière dans l’apprentissage de tout ce qui entoure ces fameux légendaires. Célebi, Jirachi, Suicune, pour ne nommer qu’eux.

Elle avait écouté ce que son interlocuteur lui disait en respirant le plus calmement possible, en se recentrant sur sa propre respiration pour s’apaiser, se calmer, se reprochant d’avoir imposé le fardeau de sa peur, de sa panique, chez quelqu’un d’autre. Que quelqu’un ait dû encore une fois la gérer. Serait-elle un jour suffisamment forte pour n’imposer ses tourments qu’à sa propre personne ?
Elle regrettait sa faiblesse, détestait sa fragilité, le livre ouvert qu’elle était. Mais pour autant qu’elle s’en voulait d’imposer ses états d’âmes aux autres, si souvent elle considérait que leurs problèmes n’étaient pas de son ressort à elle. Un paradoxe qu’elle ne pouvait démêler.

Avait-elle une passion ?
Une raison d’exister.
Avait-elle une passion ?
Une évasion.
Oui, Lyra possédait son refuge dans la tempête, là où elle se réfugie depuis toujours, depuis son plus jeune âge, quand les larmes secouaient son être et que son esprit refusait de se taire. Son refuge dans les malheurs. La littérature avait toujours été un voyage vers d’autres horizons, un voyage ailleurs, dans d’autres endroits, dans d’autres contrées. Parfois réalistes, parfois imaginaires. Elle se plongeait dans la littérature pour respirer, pour exister.
Une gorgée d’eau de cette bouteille gentiment prêtée par Narcisse alors qu’elle réfléchissait à sa passion. L’imaginaire. L’imagination. Au travers de la littérature et des mythes, des légendes. Les légendaires représentaient tellement aux yeux de Lyra qu’elle ne pouvait que les admirer, les considérer avec des yeux brillants. Et pourtant, serait-elle capable de les affronter si elle venait à en voir un véritablement ? Elle en doutait sincèrement. Ça demeurait des pokémons. « La littérature. Et les légendaires. Ce sont mes passions. Je sais, ce n’est pas beaucoup… »

Au final, sa vie tournait souvent autour des mêmes sujets.
Une routine, une vie quotidienne routinière. Elle s’y plaisait, s’y complaisait et ne montrait pas la moindre volonté de changer ce comportement, cette habitude. La routine lui convenait très bien. Elle y était en sécurité, se sentait en sécurité.
Son sourire était plus franc, plus affirmé, alors qu’elle observait le jeune homme. Elle avait réussi. Malgré sa peur, malgré son angoisse compressant sa poitrine et lui donnant envie de fuir, elle avait réussi et le pokémon était venu. Ses yeux brillaient de milles étoiles comme un enfant devant une crème glacée. Parce que Lyra n’avait jamais vraiment grandi et ne demeurait au fond rien de plus qu’un grand enfant.

« Ils se disent peut-être qu’on va se revoir un jour, et qu’ils vont se revoir du coup ? » Essayer de comprendre pour briser l’ignorance. Sans aucun doute que ça n’effacerait pas sa peur irrationnelle que son éducation lui avait imposé. Cette sur-protection lui avait appris à craindre jusqu’à la poussière au bout de ses cheveux. Elle ne pouvait pas faire autrement. « Ne vous en faites pas ! Vous ne parlez pas trop. » L’entendre parler la distrayait de ses propres pensées, l’aidait à chasser les derniers moments de peur, de panique.
Si cette frayeur demeurait en une angoisse tapie sous sa cage thoracique, Lyra était suffisamment calme pour tenir debout et respirer tranquillement. « J-je crois que ça va, oui. » Une petite pause pendant que l’enseignante respirait, réfléchissait. « Merci… beaucoup. Laissez-moi vous offrir un café ou un thé ou n’importe quoi, un repas même, pour vous remercier. Je vous en prie. » Yeux suppliants. Tout se passait dans le non verbal avec Lyra. Sa peur, son effroi, sa colère, son désarroi. Et son espoir qui faisait briller ses yeux désormais qu’elle venait d’enlever ses lunettes de soleil, affichant le bleu de sa sclère qui affirmait sa maladie. Qu’elle détestait.