Je n’aime pas le sable, il est grossier, agressif, irritant et il s’insinue partout.

Un grand homme avait un jour prononcé ces mots. Auguste avait depuis longtemps confirmé qu’en effet, le sable s’infiltrait partout. Il n’avait fait que quelques pas dans les rues ensablées que déjà, il en avait plein les chaussures. Sa voiture laissée à l’ombre des arbres, il avait décidé d’aller se chercher quelque chose à manger et une boisson fraîche pour se rafraîchir en attendant l’arrivée de Lise. C’était un drôle d’endroit pour se retrouver, il le reconnaissait et avait en réalité proposé à la jeune faire un autre point de rencontre avant de se rendre ici mais elle lui avait dit qu’elle avait justement du travail à faire dans le coin.

Il faisait chaud. Une petite trentaine de degré en cet après-midi ensoleillé. Rien d’insurmontable mais les rayons dardés par le soleil étaient épuisants. Le Pulsar évitait de s’y exposer trop longtemps. Il aurait été bête d’attraper des coups de soleil ou pire, de souffrir d’une insolation. Ce n’était pas le moment. Le visage grave, Auguste attendait son amie au point de rendez-vous convenu un peu plus tôt. Il contenait son impatience autant qu’il le pouvait. En partie parce qu’il allait revoir Lise après plusieurs mois de séparation… C’était à sa demande qu’ils se retrouvaient ici aujourd’hui. Ils avaient gardé le contact durant sa longue absence de Lumiris mais n’avaient pas encore eu l’occasion de fêter leurs retrouvailles. Il aurait aimé que cela ait lieu en d’autres circonstances.

Un peu plus tôt dans la semaine, il l’avait appelée un peu à l’improviste. « J’ai peut-être besoin ton aide. » avait-il dit. Et non, pour une fois, ce n’était pas un booty call. Drôle de façon d’initier ça, de toute façon. Bref. Il avait dit la vérité. Il avait besoin d’assistance et Lise figurait parmi les rares personnes à Lumiris capable d’y arriver. Il lui avait expliqué succinctement de quoi il s’agissait. Auguste avait eu vent depuis un moment d’étranges rumeurs à propos d’un Pokémon gigantesque et inconnu, selon toute vraisemblance aperçu à quelques reprises dans le désert ardent. L’ancien champion d’arène avait mené l’enquête mais face à cette anomalie, il avait décidé d’aller jeter un œil lui-même. Rien d’extraordinaire jusque-là mais pour qu’il requiert l’aide de Lise, c’est qu’il y avait autre chose. Un doute subsistait. Il ne voulait pas y croire mais ne pouvait pas non plus écarter cette possibilité d’un revers de main. La situation était potentiellement bien plus grave qu’il n’osait l’imaginer et dans ce cas, le soutien de le la jeune femme serait bienvenu.

« Lise ! »

Difficile de la manquer. Elle donnait l’impression de se pavaner en permanence et avait cette faculté d’attirer l’attention. Impossible qu’il ne la remarque pas. Malgré tout, un sourire apparut sur les lèvres du brun qui parcourut la distance qui les séparait encore.

« Chaud ? Je ne sais pas, je te trouve plutôt fraîche pour ma part. » lui répondit-il avec un regard complice.

Si cela était dit sur le ton de la plaisanterie, Auguste n’en pensait pas moins ce qu’il disait même s’il l’aurait formulé différemment. Lise était un joli bout de femme dont le caractère et la beauté ne cessaient de s’affirmer au fil des mois. Bien qu’il regrette quelquefois sa grâce innocente de l’époque où elle était encore rousse, le garçon reconnaissait qu’elle l’attirait.

« Super et toi, ton shooting s’est bien passé ? »

Il opina du chef lorsqu’elle mentionna qu’ils avaient plein de choses à se raconter. En effet. Rien ne valait une conversation en face-à-face pour rattraper le temps perdu. Une partie de lui voulait accepter l’invitation et aller se poser quelque part le temps de prendre un verre mais ils auraient tout le temps de faire cela plus tard.

« Désolé Lise, on va devoir remettre ça à plus tard. Viens, on discutera dans la voiture. »

Il l’invita à le suivre d’un geste de la main en direction du véhicule tout-terrain garé un peu plus loin. À chaque fois que le Pokémon avait été aperçu, c’était à plusieurs kilomètres de la ville, dans les environs d’une formation rocheuse en plein milieu du désert. S’ils partaient maintenant, il en avait pour une bonne heure de route avant d’y être. Arrivé devant sa voiture, Auguste se retourna vers son interlocutrice et la détailla de haut en bas.

« Tu es sûre de vouloir y aller comme ça ? »

Non pas qu’il s’en plaignait. Cela lui ferait une jolie vue pour le reste de la journée mais pour être honnête, ce n’était pas une tenue adaptée au milieu dans lequel ils se rendaient. Auguste n’avait pas été explicite là-dessus lorsqu’il avait demandé son aide, trouvant cela logique que, dans un désert, elle s’habille en conséquence, mais c’était sous-estimer Lise et son amour des apparences qui la rendait capable d’escalader le Mont Yukori avec des talons et une mini-jupe.

Lise était aujourd’hui tout de douceur et de cajolerie, tant et si bien que le Pulsar se sentait presque coupable de l’emmener pour une aventure qui s’annonçait potentiellement dangereuse. En d’autres circonstances, il ne se serait pas fait prier pour entrer dans son jeu et plus si affinité. Mais ce n’était que partie remise. Il n’envisageait pas de laisser la jeune femme s’en aller juste après qu’ils en aient fini avec leur tâche.

Le moteur ronronna doucement et le véhicule se mit en marche. Elle en profita pour se changer directement sur le siège passager, obligeant Auguste à adopter une conduite souple pour faciliter la tâche de sa jeune amie. Serré comme il était, ce slim ne devait pas être facile à enlever. Qu’elle utilise sa voiture pour se changer ne le dérangeait pas, lui non plus n’était pas particulièrement pudique. Puis, si cela permettait à Lise d’enfiler une tenue adaptée à la situation, il n’allait pas s’en plaindre.

« Je crois que le jean était encore préférable… » souffla-t-il en roulant des yeux.

Il n’ajouta rien de plus. Vaincu, il admettait sa défaite. Auguste n’était pas en mesure de faire en sorte qu’elle ne se balade pas à moitié nue. Il soupira. Avait-il vraiment cru qu’elle allait enfiler de vraies chaussures et avoir au minimum un t-shirt sur le dos. Elle ne réalisait pas le possible gravité de la situation et pour cela, Auguste ne pouvait pas lui en vouloir puisqu’il ne lui avait pas encore tout expliqué. Elle ne tarda d’ailleurs pas à le relancer sur le sujet, lui demandant ce qu’il avait de si important à dire.

« Comme je te le disais quand je t’ai appelée, une étrange créature à été aperçue dans le désert. Cette rumeur existe apparemment depuis plusieurs semaines mais récemment, on a commencé à avoir de plus en plus de témoignage à ce sujet. Ils parlent d’un énorme Pokémon volant. Les détails divergent, s’opposent et se contredisent selon les versions mais il est clair qu’un drôle de Pokémon a attiré l’attention. »

Il marqua une pause tandis qu’il négociait un virage pour sortir de la ville. Devant eux s’étendait le désert. Il n’y avait plus de route, juste du sable et des dunes. La suite s’annonçait mouvementée. Auguste tandis le bras vers le côté passager pour ouvrir la boîte à gant d’où il sorti une paire de lunette qu’il enfila histoire de ne pas être trop ébloui au volant. Il y avait une deuxième paire dont Lise était libre de se servir si elle le souhaitait.

« Il y a une glacière à l’arrière, à côté de Lissa. » ajouta-t-il, accompagnant sa phrase d’un mouvement de main pour pointer la banquette arrière. « Les boissons sont encore fraîches donc n’hésite pas. »

Le soleil tapait fort et bien qu’il y ait la climatisation dans la voiture, ce n’était pas une raison pour ne pas s’hydrater correctement. Il y avait un peu de tout là-dedans : de l’eau, des sodas, des jus de fruits, … Auguste était bien préparé, ne sachant pas combien de temps il resterait dans le désert ardent. Il y avait également un sac dans lequel se trouvait de quoi grignoter en cas de petits creux. D’autres choses se trouvaient dans le coffre, mais sans doute rien qui n’intéresse Lise.

« Où en étais-je déjà ? Ah, oui ! Le Pokémon. Je ne t’aurais pas embêtée pour quelques rumeurs sur un Pokémon inhabituel mais je vais t’avouer avoir un mauvais pressentiment. Plusieurs témoignages concordent sur l’apparence de la créature et c’est quelque chose que je n’ai jamais vu encore. J’ai mené l’enquête de mon côté et je crains qu’il ne s’agisse du Pokémon Légendaire Yveltal. »

La mâchoire serrée, le brun expliquait la situation aussi calmement que possible tout en mettant l’accent sur le fait que ce n’étaient que des rumeurs. Rien de confirmé pour le moment. Pas de photo, de video, rien. Chaque rencontre s’était effectuée à une grande distance du Pokémon et cela ne durait guère plus de quelques secondes avant qu’il ne disparaisse.

« Ce n’est peut-être rien. Tu sais que sous l’effet de la surprise et surtout avec une telle chaleur, les gens sont capables de voir tout et n’importe quoi mais j’aimerais en avoir le cœur net. Je n’ai aucune idée de ce qu’un Yveltal ferait dans les environs et dans la mesure du possible, j’aimerais ne pas interférer mais une chose est sûre, s’il représente un danger, il me faudra trouver une solution à ça. Je peux compter sur ton aide ? »

Étrange question à poser maintenant que Lise était assise à côté de lui et qu’ils faisaient route vers la zone où le Pokémon avait le plus souvent été aperçu mais maintenant qu’elle connaissait toute la vérité, Auguste aurait compris qu’elle refuse. Il ne la contraindrait jamais à mettre sa vie en danger.

Lise décida de le croire sur parole. Elle aurait eu raison de mettre en doute les paroles du Pulsar en arguant qu’il se trompait ou en le questionnant sur la manière dont il était arrivé à cette conclusion. Elle aurait eu raison de le faire, pour être honnête. La grande majorité des gens ne croisaient pas un seul Pokémon dit légendaire de toute leur vie et là, Auguste lui annonçait qu’il n’était pas impossible qu’ils en rencontrent un.

« Je le répète mais j’insiste sur le fait que ce n’est peut-être rien d’alarmant. Restons calme et abordons cela en étant préparé, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. »

Il était très peu probable qu’il s’agisse d’un Yveltal. Inutile de paniquer, donc. Cependant, agir comme s’ils allaient tomber nez-à-nez avec cette créature était la manière la plus sûre de procéder. Mais pouvaient-ils réellement être prêt face à ce genre de monstre ? Rien de moins sûr. Auguste n’aimait pas beaucoup l’idée d’embarquer quelqu’un d’autre dans cette aventure dangereuse mais pour autant, il reconnaissait volontiers qu’il n’y arriverait pas seul. Faire appel à Lise minimisait les risques. La plupart des autres dresseurs ne lui arrivaient pas à la cheville et c’était l’une des rares qui égalait le niveau d’Auguste. Peut-être même le surpassait-elle mais c’était là une question dénuée de sens. Le pulsar était convaincu que s’ils s’affrontaient, aucun des deux n’écraserait l’autre. Le duel serait serré et chacun était en mesure de remporter la victoire. Alors quant à savoir lequel des deux était le plus fort, Auguste ne s’en souciait pas vraiment. Il la jugeait assez douée pour lui demander de l’aider, c’était tout ce qui importait.

« Admettons qu’il s’agisse bel et bien d’un Yveltal. Je compte dans un premier temps l’observer et déterminer s’il représente une menace. Dans la mesure du possible, je préfèrerais ne pas avoir à l’affronter. » répondit-il en toute honnêteté avant d’ouvrir la bouteille d’eau pour laquelle il remercia Lise et d’en prendre une première gorgée, « Dans la plupart des témoignages, il a été aperçu durant le début de soirée, c’est pour ça que nous nous rendons là-bas si tôt. Si on peut le devancer et s’installer tranquillement, nous n’aurons pas à craindre de nous faire surprendre. »

Auguste expliquait la situation avec calme. Il n’avait pas peur et ne s’agitait pas. Les choses pouvaient mal tourner pour eux mais pour le moment, il ne servait à rien de paniquer. En ce sens, il se voulait rassurant en démontrant qu’ils étaient aussi préparés qu’il était humainement possible de l’être. Lise n’était pas une femme peureuse, loin de là, mais l’éventuelle présence d’un légendaire avait de quoi décontenancer.

« Je ne sais pas s’il apparait chaque soir et dans ce cas, j’ai tout le matériel nécessaire dans le coffre. Tu n’es pas obligée de rester avec moi jusqu’à la fin, bien sûr. Je sais que tu es une femme occupée… Mais en supposant qu’il vienne, j’aimerais qu’on soit déjà positionnés sur une butte rocheuse d’où on pourra le voir venir et garder un œil sur lui tout en étant, je l’espère, hors de danger. Sinon on servira de repas aux Vaututrices. Eh. »

Auguste se dérida, indiquant qu’il plaisantait. Il n’avait pas l’intention de courir plus de risque que nécessaire. Ils s’en iraient si besoin. Il n’y avait aucune honte à fuir devant une telle créature. L’ancien champion porta à nouveau la bouteille à ses lèvres avant de la refermer pour la poser là où Lise avait mise la sienne.

« Je parie que c’est le moment où tu regrettes que je sois de retour à Lumiris, non ? A peine rentré et je t’embarque déjà dans ce genre d’aventure. »

Auguste écouta avec attention ce qu’elle lui dit. Toute de douceur et de compliment, Lise lui avoue que le retour du pulsar était bienvenu dans sa vie. Quelle vile flatteuse, pensa-t-il avec le sourire, avant de lui répondre.

« Il doit nous rester une cinquantaine de minutes de route. Tu ne peux pas le manquer, ce sont plusieurs buttes rocheuses, on les voit à plusieurs kilomètres à la ronde. »

Un tel point de repère était une aubaine. Dans le désert où tout n’était qu’une mer de sable, s’orienter était un sacré exercice. L’homme avait quand même pris la peine de se renseigner sur la direction à prendre afin d’éviter qu’il ne se perde. L’endroit n’apparaissait pas sur un GPS mais si le pire venait à arriver, Auguste pouvait toujours utiliser ses Pokémons pour faire du repérage depuis les airs.

« Une fois qu’on sera là-bas, je t’expliquerai la suite. »

Il était aussi prêt que possible. Matériel de camping, nourriture, eau, couvertures, jumelles, … Le coffre du véhicule était rempli. Tout ne leur serait pas utile mais mieux valait prévenir que guérir. Auguste s’en serait voulu si Lise ou lui se retrouvait dans l’embarras à cause de sa propre négligence. Cette expédition ne serait pas placée sous le signe du confort mais l’objectif était avant tout qu’ils en reviennent tous les deux en bonne santé.

« Quant à moi, par où commencer ? »

Elle avait manifesté sa curiosité au sujet de ce qui lui était arrivé au cours de ses nombreux mois d’absence. Auguste lui en avait touché deux mots, ainsi qu’à d’autres personnes, mais il n’était pas certain qu’elle ait eu droit à toute l’histoire. Il n’y avait rien de secret à propos de cela, aussi le brun décida de reprendre l’histoire depuis le début.

« Comme tu le sais, je suis rentré à Hoenn à la demande de mes parents. Ils se sont retrouvés mêlés avec des gens louches et bien qu’ils aient eu l’air inoffensifs au début, la situation est vite devenue hors de contrôle. Bref, la pension familiale était en jeu et je ne voulais pas assister à ça sans rien faire. »

Il n’avait pas envie de reprendre la pension après ses parents, jugeant qu’il n’était pas la personne la plus adaptée pour cela. Lui, il avait soif d’aventure, de liberté, il n’était pas fait pour gérer une pension et préférait la laisser à un cousin ou une cousine qui ne souhaitait pas quitter Vermilava. Toutefois, cette pension demeurait une des fiertés de la famille d’Epernelle, il était hors de question de rester spectateur de sa perte.

« Cette histoire a été loin. Ça s’est finit devant les tribunaux et tu sais qu’avec la justice, mieux vaut ne pas être trop pressé. Du coup entre les avocats, les audiences et les jugements, plusieurs mois s’étaient écoulés avant que je ne m’en rende compte. Moi qui pensais être parti pour quelques semaines… »

Il rit. Autrefois source de stress et de nervosité, il était maintenant capable d’en rire. Tout était rentré dans l’ordre. Les problèmes étaient réglés et la vie avait repris son cours normal. Il n’y avait plus de raison de ne pas rire de toute cette histoire.

« Je ne vais pas te mentir, c’était une des périodes les plus fatigantes de ma vie, mais je pense que je m’en suis bien sorti puisqu’au final, la pension a été sauvée. J’ai dû abandonner tout ce que je faisais à Lumiris mais je ne regrette rien. Si c’était à refaire, je disparaitrais à nouveau de la région. »

N’importe quelle raison valable était suffisante pour lui s’en aller. Il n’était pas le genre d’homme à se laisser enchaîner à un endroit. S’il avait envie de faire quelque chose ailleurs, rien ne pourrait jamais le retenir. En ce sens, il était un électron libre. Il n’était pas irresponsable pour autant et ceux qui le connaissaient le savaient.

« J’avais plaisanté en demandant à être remercié avec une statue à mon effigie dans le hall d’entrée. » ajouta-t-il, les yeux toujours rivés sur les dunes. « Ils ont refusé mais comment dire… Je suppose que je suis devenu le nouveau directeur de la pension. »

Il haussa les épaules. Au fond, il savait qu’un jour ou l’autre, cela lui retomberait dessus. Ses parents avaient jugé qu’il était prêt à reprendre les rennes et il en avait hérité plus tôt que prévu. Depuis Lumiris, il ne prenait que les décisions importantes et laissait les problèmes quotidiens à ses parents, qui y travaillaient toujours. Auguste n’envisageait pas de retourner à Hoenn dans le seul but d’assurer sa nouvelle fonction. Il déléguait un maximum et ne s’occupait que des affaires urgentes. Un arrangement convenu avec ses parents.

« Je suis rentré à Lumiris parce que j’avais d’autres projets. Je devrais rester si cela se concrétise, donc je te rassure, je ne suis normalement pas prêt de disparaître à nouveau. Pas pour une période de temps aussi longue, en tout cas. Bref. Assez parlé de moi. Et si tu me racontais plutôt ce que toi tu as fait durant tout ce temps ? Je suis curieux de savoir pourquoi tu as lâché ton arène avec l’idée d’en reprendre une autre. Le fait que tu aies trouvé l’année compliquée y est lié ? »

« Juste Auguste, ça suffira. » répondit-il, amusé par les paroles de Lise.

Inutile de mettre trop de forme là-dessus. D’une part parce que ce n’était qu’une pension et de l’autre car il n’aimait pas cela. Même quand il était encore champion d’arène, il préférait se faire tutoyer et appeler par son prénom. La simplicité, il n’y avait rien de mieux. Les autres n’avaient pas à lui faire des courbettes pour ses accomplissements. Tant qu’on lui faisait preuve de respect, Auguste était satisfait.

Et puis… Lise plomba littéralement l’ambiance.

Il lui était arrivé tout un tas de choses durant l’année qui s’était écoulée, et les événements heureux étaient rares. Le pulsa la laissa parler, ne jugeant aucune intervention pertinente et quand elle eut fini, il ne trouva rien à dire et se gratta l’arrière de la tête, l’air embarrassé. Elle lui parla de nombreux sujets. De la folie de son frère en passant par le meurtre de ses parents, elle ne lui avait rien épargné. Il était difficile de trouver quelque chose à répondre à tout ça. Les seules choses qui lui venaient en tête étaient des platitudes dont Lise se serait bien passée.

Elle continua son histoire et lui parla de ses futurs projets, surtout sur le plan professionnel. Elle avait donc lâché son arène Fée et envisageait maintenant de prendre la place de championne Spectre. La dernière en date était Ekaterina et autant dire qu’elle avait placé la barre très haut. C’était une des rares champion d’arène dont Auguste avait loué les capacités. Il ne se faisait pas de souci pour Lise, cela dit. Elle avait à maintes reprises prouvé qu’elle avait les compétences nécessaires pour le rôle.

« Je suis certain que tu y parviendras, et que ta mère sera fière de ce que tu accompliras. » avoua-t-il avant d’enchaîner. « Concernant Ekaterina, elle a préféré partir avec ses enfants. Après le décès d’Andrej, il n’y avait plus rien pour elle à Lumiris. »

L’histoire d’Ekaterina était tragique. Amnésique, elle avait traversé bien des épreuves avant de trouver la paix dans les bras d’Andrej mais le destin n’avait pas fini de la tourmenter puisqu’il lui enleva son mari peu après la naissance de leurs enfants. Ils étaient tous les deux des amis d’Auguste et s’il était plus proche d’Ekaterina que de son époux, le décès du champion insecte ne l’avait pas laissé indifférent. La veuve avait ensuite décidé de partir loin de Lumiris pour se consacrer à ses enfants. C’était compréhensible mais le brun avait malgré tout eu de la peine à dire au revoir à cette femme qu’il respectait tant. Il gardait d’elle Hel, un Skélenox devenu depuis un beau Noctunoir tandis que de son côté, un Térhal offert par le pulsar l'accompagnait.

« Ils vont bien. Ça me rend triste de savoir que Yulia et Lyev grandiront sans leur papa mais je suis certain qu’ils ne manqueront de rien. Concernant Kei, non je ne l’ai pas revu. »

Ils étaient tout au plus des connaissances et le revoir ne figurait pas dans la liste de tache d’Auguste. Peut-être qu’il tenterait un jour de décrocher son badge mais jusque-là, il n’avait aucune raison d’entrer à nouveau en contact avec lui. Il n’avait jamais eu d’affinité particulière avec l’actuel champion Ténèbres.

« J’essaie de reprendre contact et de revoir un maximum de monde. »

Les gens avec qui il s’entendait bien du moins. Tant pis pour les autres, Auguste n’avait pas assez de temps pour donner de l’attention à tout le monde. Il renouerait les liens au fur et à mesure mais certains étaient tout de même sorti de sa vie.

La suite de la route de déroula sans encombre. Les deux jeunes gens discutèrent de tout et de rien tandis qu’ils progressaient dans ce désert où le sable s’étendait à perte de vue, jusqu’à ce qu’un point à l’horizon donne le sourire au Pulsar. Il plissa les yeux pour en être certain et une fois qu’il fut certain d’avoir les buttes rocheuses en vue, il pointa l’endroit du doigt pour inviter Lise à tourner la tête dans cette direction. Ils n’étaient plus très loin. Une fois arrivé là-bas, Auguste arrêta la voiture sous une arche de pierre. Il y avait deux raisons à cela : premièrement il ferait cinquante degrés à l’intérieur s’il la laissait en plein soleil et deuxièmement, elle serait moins visible vu d’en haut.

« Okay. On va faire un peu de repérage avant tout. Si je pense rester là-haut pour l’observation, je me sentirais plus à l’aise si le campement était établi dans un endroit un peu moins à découvert. »

La nuit était le moment où ils seraient le plus vulnérable alors autant ne pas s’exposer plus que nécessaire. Il y avait certainement un endroit où il y avait moyen de poser une tente en toute sécurité, si possible à l’abri des regards où il était possible de faire un feu. Si les journées dans le désert étaient chaudes, il y faisait mortellement froid la nuit.

« Je fais le tour de cette butte-ci et de l’autre là-bas. Je te laisse la dernière. Cherche une crevasse, une grotte, ou un endroit surplombé par une pierre. Cela ne doit pas être très spacieux mais il faut qu’on ait quand même la place pour s’installer. On se retrouve à la voiture quand on a fini, d’accord ? »

Il convenait de se préparer de manière convenable. Auguste n’en démordrait jamais : tout était plus facile et moins risqué quand le travail en amont avait été bien fait.

Auguste souhaitait avant tout trouvé un endroit où s’abriter du froid et du vent encore que, s’il le fallait vraiment, l’idée de camper à découvert ne l’inquiétait pas. Pas pour cela, en tout cas. Ce qu’il n’aimait pas, c’était l’idée qu’en pleine nuit, certains Pokémons nocturnes auraient été en mesure de les voir de très loin et ne sachant pas quoi ils auraient à faire, mieux valait se montrer prudent. Les deux amis se séparèrent et partirent chacun de leur côté à la recherche d’un endroit susceptible de les abriter pour la nuit.

Le désert s’étendait à perte de vue. Une fois dos aux buttes, il n’y avait que du sable à l’horizon tandis que çà et là, un buisson épineux et à moitié desséché poussait. C’était un lieu à priori hostile à la vie et pourtant, un œil averti ne manquerait pas de voir comment celle-ci s’était adaptée aux conditions extrêmes du milieu. Si le brun n’avait pas eu autre chose à faire, il y aurait eu fort à parier qu’il sera parti retourner l’une ou l’autre pierre afin de voir ce qui se cachait en dessous. Il savait également reconnaître un terrier lorsqu’il en voyait un. Il en croisa d’ailleurs quelques-uns mais veilla à ne pas déranger leurs occupants. Face aux températures du désert, plusieurs espèces de Pokémon se cachaient le jour et ne sortaient qu’une fois la nuit tombée pour se mettre en quête de nourriture. La nature était fascinante.

Il inspecta la première butte mais ne trouva pas ce qu’il cherchait. La roche présentait bien quelques renfoncements et cavités mais rien n’était assez large ou profond pour abriter deux personnes. Puis, à en juger par les traces à l’entrée, des squatteurs s’étaient déjà approprié les lieux. Tant pis. Le pulsar passa à la seconde où il trouva quelque chose éveillant sa sécurité. Il fallait s’adonner à la grimpette mais il semblait avoir trouvé un lieu convenable – vu de l’extérieur du moins. Prudent, le garçon décida en premier lieu d’y envoyer un éclaireur en la présence d’Orpheus. Il chargea le Pokémon d’entrer dans ce semblant de grotte pour s’assurer qu’elle soit sans danger. Alors qu’Ectoplasma disparaissait, son dresseur regardait au loin, les mains en visière pour se protéger du soleil, comme s’il s’attendait à voir surgir un Yveltal à tout instant.

« Alors, verdict ? »

Orpheus était revenu. Le Spectre lui adressa un grand sourire, l’air de signifier qu’il n’y avait rien à signaler là-haut. Tant mieux. L’ancien champion prit appui sur une pierre, se hissa un peu plus haut à la force de ses bras et se retrouva à l’entrée de la grotte en question. Faute d’avoir sa lance de poche sur lui, il utilisa celle de son téléphone pour éclairer les ténèbres s’étendant devant lui. L’endroit était sec et aucune trace récente d’un occupant ne fut trouvée. Bien. Auguste se détendit. Vu l’espace disponible, c’était parfaitement le genre d’endroit où serait venu se reposer un des gros prédateurs du désert. Les souvenirs d’une rencontre avec un Carchacrok affamé lui revinrent, lui rappelant qu’il se passerait volontiers des retrouvailles.

Il était satisfait pas ce qu’il avait sous les yeux. Ce n’était pas particulièrement large mais il était en mesure de s’y tenir debout la plupart du temps et la crevasse s’enfonçait sur plus d’une dizaine de mètre avant de devenir trop basse et trop étroite pour continuer. Ils seraient bien installés. Auguste ressortit de là et poursuivit sa route. S’il avait trouvé quelque chose de bien, il voulait être certain de ne pas manque un meilleur endroit. Alors, il continua faire le tour de cette butte-ci mais ne trouva rien d’autres. Il ne revint toutefois pas bredouille à sa voiture. Lise avait déjà terminé sa tâche de son côté et l’attendait patiemment avec deux de ses Pokémons. Auguste, lui, avait déjà renvoyé Orpheus dans sa Pokéball. En pleine journée et avec une telle chaleur, mieux valait ne pas le surmener.

« J’ai trouvé l’endroit parfait. » répondit-il avec un sourire avant d’ouvrir le coffre de la voiture. « Si tu pouvais m’aider à porter ça, ce serait gentil. »

Il y avait tout un tas de matériel à l’arrière du véhicule. Tout n’avait pas vocation à être utilisé aujourd’hui mais dans le doute, mieux valait avoir cela sous la main et ne pas s’en servir que d’en avoir besoin et se rendre compte que ça avait été oublié à des centaines de kilomètres d’ici. Auguste attrapa un énorme sac et le plaça sur son dos tandis qu’il tendait deux autres sacs, en polyester et plus petits, à la jeune femme. Il s’agissait des sacs de couchage. Loin de lui l’idée de la charger comme un tiboudet. Si Lise, pouvait déjà le délester de cela, il n’en demandait pas plus. À son paquetage s’ajoutèrent encore un sac à bandoulière et la glacière située sur la banquette arrière.

« Suis-moi. »

Bien chargés, ils prirent la direction de ce fameux endroit déniché par le garçon. Ils y arrivèrent après de longues minutes de marche et il pointa du doigt la grotte en question. Située à quelques mètres du sol, l’entrée n’étais pas inaccessible per se mais requérait tout de même un peu d’exercice. Il coula un regard du côté de son amis et se répéta une fois encore qu’avec une mini-jupe et des talons, elle n’allait pas en mener large.

« J’y vais en premier. Lance-moi les sacs de couchages et tends-moi la glacière quand j’y suis. »

Il emprunta le même chemin que la première fois. Une pierre surélevée – mais instable – lui permettait de sauter pour s’accrocher au rebord pour ensuite de se hisser là-haut. Heureusement qu’il avait une bonne condition physique, sans quoi soulever son propre poids en plus de la vingtaine de kilos qu’il avait sur le dos se serait révélé être un exercice fastidieux. Auguste déposa ses sacs à l’intérieur et fit signe à la jeune femme de procéder comme il le lui avait demandé. C’était tout juste mais en portant la glacière à bout de bras, il était capable d’en saisir la poignée de son côté.

« A ton tour, maintenant ! »

Allongé contre la pierre chaude, le pulsar laissait pendre son bras vers Lise. Elle n’avait qu’à sauter et il l’attraperait, pour ensuite l’aider à monter. Prendre appui avec des talons n’était sans doute pas la chose la plus facile à faire, aussi avait-il souhaité lui épargner la tâche. Une fois à ses côtés, Auguste s’assit à l’ombre, contre la paroi, et profita de la relative fraîcheur pour ouvrir son sac à bandoulière et révéler que celui-ci contenait tout son matériel de photographie. Il en fit le tour, s’assurant que tout était en ordre et qu’il n’avait pas oublié ses batteries de rechanges. Pendant son inspection, il reprit la parole.

« Je te propose qu’on évite les heures les plus chaudes de la journée et qu’on aile jeter un œil tout en haut un peu plus tard. On va mourir de chaud si on s’y poste maintenant. Puis, je doute qu’il apparaisse maintenant, si je me fie aux témoignages reçus. »

Et maintenant… il fallait patienter. C’était aussi simple que cela. Pour Auguste, c’était un jeu d’enfant. Il avait pris l’habitude de rester parfaitement immobile durant de longues heures dans le seul but de voir un Pokémon bien particulier apparaître, et pas toujours dans un endroit ou une position confortable. Attendre jusqu’en fin d’après-midi ici, à l’abri et avec une partenaire de conversation, c’était un jeu d’enfant pour lui.

Cependant, la jeune femme semblait tentée par l’idée de faire une sieste, avançant qu’il leur faudrait être en forme ce soir. Elle n’avait pas tort et, vu ainsi, en profiter pour se reposer tant que cela était possible était un plan sensé. Auguste avait envisagé veiller à tour de rôle afin qu’ils puissent chacun bénéficier de quelques heures de sommeil durant la nuit mais l’idée de Lise était bonne à prendre. En tout cas, ce n’était pas lui qui allait l’empêcher de piquer un somme.

« On a encore quelques heures devant nous, profites-en. » lui glissa-t-il toujours occupé à inspecter son matériel.

Il leva les yeux un instant lorsqu’il l’entendit s’activer et constata qu’elle prenait ses aises en s’accommodant du confort relatif de leur abri. Celui-ci n’était pas si mal que cela. Pas trop étroit, sec, il les protégerait des intempéries. Que demander de mieux au beau milieu d’un désert ? En comparaison avec ce qu’avait déjà connu Auguste par le passé, l’endroit passait pour un petit coin de paradis.

« J’ai tout entendu. Son contraire aussi… »

Le brun soupira en refermant sa sacoche – tout était en ordre, il pouvait la mettre sur le côté pour le moment. Une main dans les cheveux, il réfléchissait alors qu’il se grattait le crâne. Yveltal était un nom qui inspirait autant de fascination que d’effroi selon la personne à qui on s’adressait. De ces sentiments étaient nées nombre de fables et de légendes en tout genre, certaines plus farfelues que d’autres. L’ancien champion avait bien compris que la question portait surtout sur la créature que les gens avaient vue dans les environs mais, ne pouvant pas écarter la possibilité d’un Pokémon légendaire, il convenait de prendre en compte ce qu’il savait à propos d’Yveltal.

« Je me suis renseigné autant que possible. Les témoignages valent ce qu’ils valent et les versions diffèrent. Je crois que la plupart disent la vérité mais leur récit est avant tout la façon dont ils ont interprété les choses. Ce n’est pas toujours facile de rester rationnel face à quelque chose qu’on ne connait pas. »

Une silhouette sombre à l’horizon, selon tout vraisemblance gigantesque, avait de quoi stimuler les fantasmes. D’aucuns chercheraient à connecter cela avec quelque chose qu’ils connaissaient déjà, d’où le fait que les témoignages divergeaient bien souvent.

« Parmi les éléments qui reviennent souvent : c’est énorme et ça vole. C’est peut-être une erreur de ma part mais j’ai accordé plus de crédit à ceux qui paraissaient avoir la tête sur les épaules, et si je rajoute ce qu’eux ont vu, j’ai une vague description de sa forme. C’est ce qui m’a mis la puce à l’oreille. » ajouta-t-il, ponctuant sa phrase d’un long soupir, « Et s’il s’agit bel et bien d’un Yveltal, même combat : tout se contredit. J’ai bien peur de ne pas pouvoir te rassurer sur ce plan-là, je ne sais pas de quoi il est capable. »

Et cela l’excitait, en réalité. Loin d’être inconscient, Auguste comprenait que cette situation était potentiellement dangereuse pour eux mais une partie de lui, fascinée à l’idée de découvrir quelque chose de nouveau, ne tenait plus en place. Secrètement, il espérait qu’il s’agirait du Pokémon légendaire. L’idée d’avoir l’occasion de le voir de ses propres yeux rendait le Pulsar impatient.

« Enfin, j’ai quelques éléments mais je ne peux pas t’en brosser un portrait complet. Il nous faudra être prudent mais heureusement, la confrontation directe n’est pas notre objectif. »

Laissant sa sacoche dans un coin, le brun se leva et attrapa un sac de couchage qu’il déroula par terre avant de s’allonger dessus, à proximité de la jeune femme. Ainsi, il n’était pas allongé à même le sol et épargnait à son dos le contact contre la pierre dure. Ils allaient de toute façon devoir patienter ici durant quelques heures, alors autant ne pas déjà s’esquinter. Il soupira d’aise alors qu’il se calait de la manière la plus confortable possible.

« Ce serait fou que ce soit Yveltal, n’empêche. J’ai l’impression d’être excité comme un enfant. » lui avoua-t-il, un vague sourire aux lèvres, en tournant la tête vers Lise. « Bref. Tu peux dormir si tu le souhaites. Je te réveillerai un peu avant que le soleil ne commence à décliner. »

Par précaution, il programma tout de même un réveil sur son portable. On ne sait jamais. Ici, à l’abri de la chaleur, il n’était pas impossible que le sommeil l’emporte à son tour. Ce serait bête de rater l’apparition de ce fameux Pokémon parce qu’ils ne s’étaient pas réveillés de leur sieste à temps.

Auguste sursauta lorsque retentit le réveil. Déjà ? Il n’avait pourtant pas l’impression d’avoir fermé l’œil. Il avait dû s’assoupir sans même s’en rendre compte et force était de constater qu’il se sentait reposé. Les épaules un peu raides d’avoir dormi à-même le sol mais à part cela, il avait bien dormi. Ses très nombreuses escapades dans la nature avaient fait de lui un homme capable de s’endormir n’importe où.

« Lise. Liiiiiiiise. » appela-t-il en la secouant avec douceur après avoir posé une main sur son épaule. « Réveille-toi, c’est l’heure. »

Le brun bâilla à s’en décrocher la mâchoire avant de se relever et de s’épousseter. La sonnerie du téléphone fut ensuite arrêtée alors que l’homme attrapait une bouteille d’eau où il prit trois grandes gorgées. Ici, l’air était sec et il avait l’impression d’avoir la gorge en feu tandis que ça langue n’était plus qu’un vieux morceau de bois desséché. Une fois le bouchon revissé sur la bouteille, il déposa cette dernière entre les mains de sa jeune amie qui commençait à peine à émerger.

« C’est le moment où je ne dirais pas non à un café. »

Un grommellement à mi-voix alors qu’il levait les bras au ciel afin de s’étirer pour se débarrasser de tout ce que cette sieste avait fait à ses muscles et articulations. Puis, il sortit à l’extérieur sans un mot de plus. Juste le temps d’aller faire ses besoins sur un buisson d’épines et il revint dans la grotte où ils avaient fait leur sieste mais il était cette fois accompagné de Levia, sa Dracolosse. Cette dernière reçut quelques affaires qui lui furent données par son dresseur.

« Va déposer ça là-haut, s’il te plait. Puis redescends ici, on va encore avoir besoin de toi. »

Docile et bien dressé, le Pokémon s’exécuta sans protester. Il avait l’habitude de transporter des affaires pour Auguste quand il n’était pas en mesure de les y amener seul. S’il préférait dans la mesure du possible ne pas solliciter ses compagnons pour rien et faire les choses lui-même, le pulsar reconnaissait volontiers ses limites. Ses Pokémons étaient d’une aide précieuse.

« Ça va, la sieste fut bonne ? » demanda-t-il à Lise avec une moue amusée. « Je vais monter sur la butte pour tout préparer. Tu peux laisser la plupart de tes affaires ici, pense juste à te couvrir un peu plus. Tu vas mourir de froid cette nuit, sinon. »

Levia était déjà revenue. Parfait. Le champion adressa un signe de main, comme pour lui dire « à tout de suite », et se dirigea vers le dragon. Le Dracolosse le souleva avec délicatesse pour le porter comme une princesse. Puis, Levia s’envola à nouveau, direction le sommet. Le vent frais durant l’ascension laissa place à une chaleur écrasante une fois au sommet. L’après-midi avait beau être déjà bien avancée, le mercure ne descendait pas encore. Pour cela, il leur faudrait attendre que la nuit tombe.

« Bon allez, on s’y met. »

Il déplia une grande toile couleur sable et s’affaira à la monter. Les gestes étaient maîtrisés. Ce genre d’ouvrage, Auguste en avait l’habitude tant il avait monté et démonté tentes, tonnelles et autres abris similaires. En comparaison, celui-ci était plutôt simple puisque cette toile n’avait vocation qu’à les protéger du soleil et à les camoufler autant que possible des Pokémons volants. Montée assez haut pour que les deux jeunes gens pour s’allonger voire même s’asseoir en dessous, ils pourraient d’ici voir tout ce qu’il se passait à des kilomètres à la ronde. Levia mit elle aussi la main à la pâte – ou plutôt la patte à la pâte – en enfonçant les sardines directement dans la roche. Ça, Auguste en était incapable et il était heureux d’avoir la force d’un dragon à disposition pour le faire.

« Va chercher Lise, s’il te plait. »

Et le Dracolosse s’envola une fois encore. Le brun, de son côté, s’installait déjà à l’ombre de la toile après avoir glissé en dessous tout ce qui avait été monté. Il ne manquait plus que la jeune femme qui, depuis le temps, avait eu l’occasion de se réveiller correctement et de se préparer pour la suite des événements.

Tout se déroula de manière si soudaine que le cerveau du pulsar n’enregistra rien de ce qu’il se passa. Quand il reprit pleine possession de ses moyens, Auguste était allongé sur le sable. Tous les muscles de son corps étaient tendus, comme s’il avait subi un choc sans précédent, tandis que qu’un sifflement sourd lui vrillait les tympans.

« Lévia ? Lévia ! »

Etalée sur le flanc, la Dracolosse ne donnait aucun signe de vie. Abattue en quelques secondes par Yveltal, elle avait amorti la chute de son dresseur dans un ultime effort. Ce dernier craignait le pire, encore plus lorsqu’il posait les yeux sur les multiples blessures du Pokémons. Auguste se releva et se traîna tant bien que mal jusqu’à Lévia dans l’espoir de ne pas voir ses craintes être confirmées. Par chance, elle était seulement inconsciente. Affaiblie, blessée, mais toujours vivantes. Le brun se serait permis un soupir de soulagement mais le danger était encore loin d’être écarté. En réalité, chaque seconde passée ici représentait un danger de mort pour lui.

Il rappela Lévia dans sa pokéball. D’abord, il lui fallait faire un bilan de la situation et mettre un ordre dans ses priorités. Le plus important était bien évidemment de retrouver Lise et de s’assurer qu’elle était saine et sauve puis, une fois réunis, il conviendrait de localiser Yveltal et d’établir un plan d’action. Chaque fibre de son corps rendue douloureuse par la chute, Auguste cracha le sable qu’il avait en bouche avant de se mettre en route.

Le terrain jouait à son désavantage. Difficile de marcher rapidement et encore plus de courir dans le sable, tandis que le Pokémon légendaire, pourvu d’ailes, n’était pas concerné par ces problèmes. Auguste avait été naïf. Il ne pensait pas qu’ils se feraient agresser si tôt. Pour lui, l’idée d’une rencontre pacifique avec Yveltal ne lui avait pas paru improbable. Il aurait dû mieux se préparer car à cause de lui, ils couraient un grand danger. Le choc passé, l’ancien ranger commençait à avoir les idées plus claires. S’il n’avait pas été poursuivi par Yveltal après avoir été jeté du promontoire où il était posté, c’est qu’il en avait après Lise. Une hypothèse logique, bien qu’il espère se tromper.

Il n’y arriverait pas seul. Krang fut appelé. L’imposant Métalosse demeura stoïque en attendant les ordres. Impassible, il devinait toutefois que la situation était grave juste en voyant l’état de son dresseur. Celui-ci n’avait pas le temps de lui exposer toute la situation, alors il s’en tint à l’essentiel.

« J’ai besoin de ton aide. » dit-il en grimpant sur le dos du monstre d’acier. « On doit retrouver Lise. On est pourchassé par un Yveltal. Si on le croise n’essaie pas de l’affronter, Lise est notre priorité. »

Si Lévia avait été vaincue en deux temps trois mouvements, Krang – qui était de type Psy – n’aurait pas la moindre chance non plus. Une opposition directe était une situation à éviter à tout prix. Battre Yveltal ne serait pas une mince affaire et la créature avait déjà prouvé qu’en terme de puissance brute, elle était inégalée. Métalosse entreprit de léviter à quelques dizaines de centimètres du sol et fila dans la direction que lui indiquait Auguste.

« Fais le tour des mesas. »

S’il ne voyait rien d’ici, peut-être étaient-ils de l’autre côté. Le trajet lui sembla durer une éternité, l’urgence distordant sa perception du temps. Plus il avançait et plus il priait pour que Lise tienne bon. Aucun d’eux n’avait les armes pour s’en sortir seul et même ensemble, rien de garantissait qu’ils sortent victorieux de cette rencontre avec Yveltal. Rester en vie leur suffirait.

Là ! Droit devant. Lise, accompagnée de ses Pokémons, dominés par la créature de légende. D’une tape sur le corps de Krang, le pulsar lui intima d’accélérer autant que possible. Plus tôt ils seraient ensemble et plus tôt ils seraient en mesure d’échafauder un plan. Le pire restait encore à venir.

« Couvre-nous avec une tempête de sable. » ordonna-t-il à son Pokémon alors qu’ils s’approchaient.

En quelques secondes, il n’y voyait plus rien mais cela était aussi valable pour Yveltal. Le danger était toujours là mais il faudrait avant tout que leur agresseur les trouve. De toute façon, Auguste ne comptait pas s’attarder ici, dans l’ombre du prédateur.

« Grimpe ! Vite ! »

Pas de place pour la contestation. Krang etendit un bras afin que Lise puisse s’asseoir dessus. Ça allait être un voyage rude pour les fessiers mais ils n’avaient pas le temps de se montrer difficiles. Le brun ordonna ensuite à Métalosse de se remettre en route à une allure plus modérée afin de ne pas les faire tomber. Leur destination était la grotte où ils avaient déposé leurs affaires en arrivant. C’était le seul abri disponible dans les environs immédiat et cela leur offrirait le temps de souffler et de réfléchir à la manière d’aborder la suite des événements.

« Aïe… Tu me fais mal. »

Si voir Lise ainsi rassurée faisait plaisir à voir, Auguste avait l’impression que tout son corps était douloureux et l’étreinte de la jeune femme n’aidait en rien. Qu’importe, il était soulagé de voir qu’elle aussi allait bien. Ils étaient tous les deux sains et saufs et c’était une excellente surprise compte tenu de l’attaque surprise qu’ils venaient d’essuyer.

« Content de voir que tu n’es pas blessée non plus. »  répondit-il quand elle le lâcha.

Ici, ils étaient en sécurité. Pour combien de temps, ça, le pulsar l’ignorait mais pour le moment, ils n’étaient plus en danger immédiat. De quoi souffler un peu et réfléchir à leur plan d’action depuis la grotte où ils s’étaient cachés. Le plus exposé était Krang, resté dehors, mais Auguste se plaisait à penser que, dissimulé par la tempête de sable, il faudrait vraiment jouer de malchance pour qu’il soit découvert.

« Au moins ça confirme une chose : il est hostile. »

Et pas qu’un peu. Ils avaient été pris par surprise et n’étaient passés qu’à deux doigts d’être sérieusement blessé voire pire encore. Même si Auguste avait vite réagi, il reconnaissait que Lise et lui avaient été mis en déroute après quelques secondes… Yveltat méritait bien sa dénomination de Pokémon légendaire.

« Franchement, toutes les fibres de mon corps me hurlent de fuir loin d’ici. » lâcha-t-il en ponctuant sa phrase d’un rire nerveux. « Lévia a été vaincue en un seul coup. En termes de puissance brute, on ne fait pas le poids. »

Un aveu de défaite ? Non. Juste la vérité. Dracolosse était par nature une créature extrêmement résistante. Si elle était tombée aussi vite, il y avait fort à parier que le reste de leurs Pokémons se fassent balayer sans effort par leur ennemi. Le brun se passa une main dans les cheveux tandis qu’il réfléchissait à une manière d’aborder le problème. Peut-être qu’avec Kei et Kisara, ils auraient eu assez de puissance de feu mais ce n’était rien de plus qu’une hypothèse et il était inutile de s’attarder là-dessus. Ils n’étaient que deux et il leur faudrait se débrouiller ainsi.

« Effectivement. Laisser Delta seul là-haut est risqué. Laisse-moi réfléchir… Le vaincre me semble impossible actuellement. Il ne nous reste plus qu’à mener une guerre d’attrition. Le fatiguer, le démoraliser. Une guérilla, en quelque sorte. On frappe, on se replie, on répète. »

Cela nécessitait beaucoup de coordination avec ses Pokémons car il ne fallait absolument pas que ceux-ci soient vaincus. En nombre limité, chaque perte handicaperait fortement les deux amis. Atteindre Yveltal, l’attaquer puis fuir avant que celui-ci n’ait le temps de répliquer. Là était leur meilleure chance s’il désiraient une confrontation avec l’oiseau légendaire.

« En le harcelant sans relâche, il y a fort à parier qu’il finisse par abandonner et qu’il décide de s’en aller loin d’ici, là où il ne sera pas ennuyé par les hommes. Si possible, il faudrait le faire sans dissiper la tempête de sable. C’est notre seul bouclier contre Yveltal. Qui as-tu emmené comme Pokémon avec ? »

Avec cette information, peut-être serait-il capable d’échafauder une stratégie. Pour la sécurité de Delta, ils ne pouvaient pas traîner ici mais se précipiter était hors de question. Auguste ne mettrait pas un pied dehors s’il n’avait pas un plan qui tienne debout. Il était brave mais pas inconscient.

« Lise. Promets-moi une chose : si ça tourne au vinaigre, on ne joue pas aux héros. Même si tu dois fuir seule, tu le fais. Ta sécurité avant tout. »

Auguste se gratta le menton avant de sortir ses propres Pokéballs. Les Pokémons qu’il avait avec lui étaient tous très puissantes mais Yveltal n’était pas le meilleur adversaire auquel les opposer.

« … Ectoplasma, Tyranocif, Gardevoir et Braségali. » répondit-il, toujours en pleine réflexion. « Levia n’a pas tenu cinq secondes alors juste doute qu’Orpheus ou Charlie puissent l’affronter directement. Ce serait du suicide. Lucina et Reign pourraient faire quelque chose mais un face à face reste délicat. »

Il ne restait plus qu’à trouver comment utiliser les cartes qu’ils avaient en main. Cela sonnait presque facile, dit ainsi, mais la vérité était tout autre. À part mener une guerre d’attrition et espérer que cela porte ses fruits, leurs options étaient limitées. La réflexion de Lise le sortit un moment de ses pensées et le fit même sourire. Ce n’était sans doute pas l’intention de la jeune femme mais cela détendit l’atmosphère au moins l’espace de quelques instants.

« Ce n’est pas une question de « simple femme » ou d’être mon égal, patate. J’ai juste envie qu’on puisse tous les deux rentrer chez nous ce soir. Ne t’en fais pas pour moi, j’entends bien ne pas m’éterniser ici si je vois que nous sommes impuissants. »

Il semblerait que Lise ait interprété ses paroles comme un discours visant à la rabaisser parce qu’elle était une femme. C’était faux, bien entendu. Auguste ne comprenait même pas pourquoi elle pensait cela. S’il ne l’en avait pas jugée capable, elle ne se serait pas tenue à ses côtés aujourd’hui. C’était aussi simple que ça.

« Tu as raison. Il faut qu’on trouve quelque chose. Laisse-moi réfléchir un instant. »

Tendre un piège à Yveltal était une bonne idée mais la réaliser était une autre histoire. Ils étaient dans le désert, au beau milieu de nulle part. A part lui envoyer du sable dans les yeux, ils n’avaient pas grand-chose à leur disposition pour tendre une embuscade au Pokémon Légendaire. Le temps leur manquait et pourtant, ils devaient trouver quelque chose. Hors de question de retourner dehors sans rien.

« J’ai une idée. Je crois. Je ne suis pas certain que ce soit réalisable, je dois d’abord vérifier quelque chose. Tu penses être capable de le distraire ? J’ai besoin d’une dizaine de minutes ? Ce sera suffisant. J’arrêterai brièvement la tempête de sable quand les préparatifs seront faits. À ce moment-là, essaie d’attirer Yveltal jusqu’ici. Il me le faut le plus proche possible. »

Cela risquait d’être la partie la plus délicate. Obliger la créature à s’approcher. Pour cela, Auguste comptait en partie sur la tempête de sable. Sa visibilité altérée, ses attaques à distance seront inutiles. Yveltal devrait s’approcher pour y voir quelque chose.