Les ailes de Hope viennent nous porter jusqu’à devant l’immeuble. Je manque de perdre l’équilibre en descendant du dos de ma monture. La fatigue, la douleur qui me tenaille le flanc constamment… Je ne tiens plus. Cependant, je me réjouis de poser enfin le pied sur la terre ferme. D’en avoir finit avec calvaire. Mais je réalise qu’il me reste une dernière épreuve à traverser: Je n’habite pas au rez-de-chaussée. Une main sur mes côtes, plus par réflexe que parce que ça me soulage vraiment (après tout, je n’ose pas réellement y appuyer une quelconque pression), je m’avance vers la porte d’entrée.
-Attends moi là, s’il te plaît. Tu me feras passer la valise par la fenêtre, je me sens pas de la porter jusqu’en haut.
La Dracaufeu penche la tête sur le côté. Son regard parcourt la rue, intimidée à l’idée de rester ainsi seule, mais j’ignore ce détail et entame ma montée. Marche après marche, un pied devant l’autre, ma main glissant sur la rambarde pour me retenir au cas où je titube, je me concentre sur l’écho de mes pas. Le son raisonne légèrement dans la cage d’escalier.
Il est encore tôt. Nous avons quitté le bateau en avance, bien avant qu’il n’arrive à quais. Donc il doit être quoi, maintenant? Sept heure du matin? Quelque chose comme ça… Les voisins dorment peut être encore. Ou ils travaillent déjà. Peu importe, je m’en fout. Qu’un seul ose venir me reprocher que mes pas soient plus lourds que son sommeil. Je lui expliquerait, avec la délicatesse de l’éboulement qui m’a brisé les os, pourquoi le mien était absent cette nuit.
Après quelques gémissements et jurons, je parviens enfin à gagner l’étage de mon appartement. Chaque inspiration est un supplice pour ma cage thoracique. Je m’agrippe à la rambarde un instant, alors que ma tête se met à tourner. Une sensation inquiétant grandit dans mon estomac. Malgré la douleur je m’efforce de reprendre mon souffle. En fermant les yeux quelques secondes, je parviens à réprimer la nausée.
Finalement, la clé tourne dans la serrure, et je pousse la porte de mon appartement sans ménagement. Je m’avance de quelques pas, jusqu’à atteindre l’entrée de la pièce principale. Je n’ai quitté cet endroit que vingt-quatre heures. Tout est à sa place. Intact. Exactement comme je l’avais laissé. Le lit est fait. Idem pour la vaisselle. Quelques papiers traînent ci et là, sur le comptoir et la table basse. Aucun doute, c’est bien chez moi.
“C’était chez moi.” serait une formulation plus juste. Rien n’a changé, et pourtant je ne m’y sens pas à l’aise. Comme si quelque chose d’étranger flottait dans l’air. Quelque chose qui prend aux entrailles et me fait sentir exposée. Par pure paranoïa, je vérifie derrière le comptoir de la cuisine et dans la salle de bain. Non, évidemment, je suis seule. Le contraire m’aurait étonnée. Je finis par poser les yeux sur la petite pile de documents sur la table basse. Sur celle-ci repose la source de ce sentiment de vulnérabilité que j’éprouve. Une enveloppe. Une jolie enveloppe, comme on en reçoit pas tous les jours. Adressée à mon nom. À Mon adresse, que l’envoyeur n’aurait jamais dû posséder.
Je me penche, en grimaçant, pour la saisir entre mes doigts. Elle est vide. Le carton d’invitation qu’elle contenait est certainement resté sur le navire après qu’on le l’ai pris à l’embarquement. Lorsque je la retourne, je tombe sur mes coordonnées. Elles ont été écrites à la main, d’un trait fin et délicat. Les lettres tracées à l’encre bleue sont agrémentées de quelques arabesques. C’est assez peu commun pour le souligner. Ah ça… Pour être peu commun… Ils ont fait ça bien les enfoirés…
Pendant un instant, mon esprit imagine un scénario où je déchire la lettre. Ou je renverse la table basse. Ou je frappe dans le mur en laissant éclater la colère qui sommeille en moi. Cette rage que j’ai éprouvé après la découverte du piège dans lequel nous sommes tous tombés. Cette rage que j’ai du réprimer, et que je n’ai pas laissé éclater contre nos ennemis. Pas même contre Hyouga en personne. Ça aussi, ça me fait peur. Parce qu’elle sortira, à un moment ou un autre. L’appartement est protégé, pour l’instant, par la barrière que forme mon épuisement. Mais quand j’aurais dormi. Quand j’aurais encaissé. Contre quoi est-ce qu’elle éclatera? Contre qui?…
Je laisse retomber l’enveloppe sur la table et fais demi-tour. Je referme la porte à clé, et descend lentement les marches. Je ne veux pas rester ici. Je ne peux pas. Cette présence qui flotte dans l’air, ce mal être presque palpable, cette sensation omniprésente d’être épiée. Je n’y suis pas restée pas plus de cinq minutes, et pourtant je dois me rendre à l’évidence: Je ne me sens plus en sécurité, là haut. Ce n’est plus “chez moi”. Cette pensée me laisse un goût amer en bouche, mais cette lettre… cette putain de lettre… A agit comme une flèche perçant une armure. Mon armure. Comme si ma bulle d’intimité avait éclaté d’un seul coup. Je me sens exposée. Vulnérable. Et mon impuissance face à ça me rend folle. Je ne sais pas ce qui me retient de fondre en larme. De hurler. De frapper. Je m’en veux d’avoir été aussi conne, et d’avoir accepté cette invitation. J’en veux à ces enfoirés d’être les ordures qu’ils sont.
La Team Mistral a réussi à venir me chercher chez moi. Ils m’y ont contactée. Ils ont mon nom, mon adresse, peut être même mon visage… Ils ont pu me trouver alors que je ne suis… personne? Pourquoi avoir jeté leur dévolu sur moi? Je…
Les dents et les poings serrés, je pose mon front contre la vitre froide de la porte d’entrée du bâtiment. Je me sens exténuée, tremblante, fiévreuse. Je suis à bout. Je passe la porte, et retourne vers ma Dracaufeu. Hope a le museau levé, attendant de me voir apparaître à l’une des fenêtre, comme promis. Ses yeux surpris finissent par me dévisagent, l’interrogation dans ses prunelles.
-On repars… Lui dis-je faiblement.
Maintenant que l’adrénaline de cette nuit est redescendue, je pourrais m’endormir n’importe où. À même le sol, s’il le fallait. N’importe où… mais pas là haut. C’est comme si mon appartement faisait parti du navire. Comme s’il en était une extension qui aurait été prise d’assaut par Mistral. Je ne veux pas y rester.
Une fois installée sur ma Dracaufeu, je soupire. Je suis lasse. Je m’efforce de ne pas m’appuyer totalement sur Hope, et de ne pas fermer les paupières. Ce serait con d’avoir survécu jusque là pour chuter de ma monture. L’avantage, c’est qu’en altitude, le vent frais me fouette le visage, me maintenant éveillée. Je n’ai pas dis à Hope où nous allons. De toute façon, elle ne connaît pas cet endroit. Je me contente de la diriger en faisant glisser le poids de mon corps d’un côté ou de l’autre, ou en exerçant une pression du genou sur ses flancs.
Une fois de plus, je paye l’atterrissage d’un grognement de douleur. Je remercie la Dracaufeu d’une caresse et observe les alentours. Je ne vois personne. Pas un Pokémon. Mais le terrain est vaste, donc ce n’est pas étonnant. Je m’avance vers la porte d’entrée de la pension, et frappe quelques coups.
J’attends un peu. Un soupire pénible s’échappe de ma poitrine en feu. Me sentant de plus en plus stupide au fil des secondes qui s’égrainent, je suis sur le point de capituler et de rebrousser chemin pour aller je ne sais où. Et puis, le battant s’ouvre. J’entends la Dracaufeu piétiner légèrement sur place, derrière moi. Malgré sa carrure imposante, elle n’en reste pas moins une grande timide, craignant la moindre rencontre avec un Pokémon ou un être humain qu’elle ne connaît pas.
Lionel apparaît dans l’encadrement de la porte. J’ouvre la bouche un instant, sans qu’aucun son n’en sorte. Maintenant que je suis là, qu’est-ce que je lui dis? Je débarque comme ça, chez lui, au petit matin. Couverte de poussière de la tête aux pieds, la main droite constamment apposée sur mon flanc gauche… Et puis je dois bien avoir un peu de sang quelque part (le mien ou celui de quelqu’un d’autre). Sans compter la mine fatiguée et les cernes que je dois me taper. Je dois vraiment faire peine à voir.
Mes nerfs se relâchent un peu. L’avoir là, en face de moi, me rassure. Je lève la tête pour réprimer mes larmes qui se décident enfin à monter.
-Lionel… Le bateau, c’était un putain de piège.
J’ignore si les nouvelles de la croisières sont déjà parvenues aux médias. Si la télé, la radio, ou le réseau Dusk on déjà relayé les infos. Ça se trouve il n’est même pas au courant. Ni pour le bateau, ni pour le doyen, ni pour Hyouga, ni pour quoi que ce soit d’autre. Il savait même pas que j’étais là bas. Si toutefois il connaissait l’existence même du voyage. Mes yeux embués le fixent, sans que je ne sache trop quoi faire, ou quoi dire de plus. Comme si cette simple phrase expliquait absolument tout.
Puis un haut-le-cœur me parcours, m’arrachant (encore) un glapissement de douleur. Je m’appuie contre le mur en respirant aussi profondément que possible. Ça ne passe pas loin, mais je ne vomis pas, une fois de plus. J’appuie ma tête contre le mur du bâtiment. Je me sens tellement…Fatiguée, nulle, faible, endolorie, vulnérable, stupide, humiliée, perdue, à bout, mal. Je me sens juste terriblement mal.
-Attends moi là, s’il te plaît. Tu me feras passer la valise par la fenêtre, je me sens pas de la porter jusqu’en haut.
La Dracaufeu penche la tête sur le côté. Son regard parcourt la rue, intimidée à l’idée de rester ainsi seule, mais j’ignore ce détail et entame ma montée. Marche après marche, un pied devant l’autre, ma main glissant sur la rambarde pour me retenir au cas où je titube, je me concentre sur l’écho de mes pas. Le son raisonne légèrement dans la cage d’escalier.
Il est encore tôt. Nous avons quitté le bateau en avance, bien avant qu’il n’arrive à quais. Donc il doit être quoi, maintenant? Sept heure du matin? Quelque chose comme ça… Les voisins dorment peut être encore. Ou ils travaillent déjà. Peu importe, je m’en fout. Qu’un seul ose venir me reprocher que mes pas soient plus lourds que son sommeil. Je lui expliquerait, avec la délicatesse de l’éboulement qui m’a brisé les os, pourquoi le mien était absent cette nuit.
Après quelques gémissements et jurons, je parviens enfin à gagner l’étage de mon appartement. Chaque inspiration est un supplice pour ma cage thoracique. Je m’agrippe à la rambarde un instant, alors que ma tête se met à tourner. Une sensation inquiétant grandit dans mon estomac. Malgré la douleur je m’efforce de reprendre mon souffle. En fermant les yeux quelques secondes, je parviens à réprimer la nausée.
Finalement, la clé tourne dans la serrure, et je pousse la porte de mon appartement sans ménagement. Je m’avance de quelques pas, jusqu’à atteindre l’entrée de la pièce principale. Je n’ai quitté cet endroit que vingt-quatre heures. Tout est à sa place. Intact. Exactement comme je l’avais laissé. Le lit est fait. Idem pour la vaisselle. Quelques papiers traînent ci et là, sur le comptoir et la table basse. Aucun doute, c’est bien chez moi.
“C’était chez moi.” serait une formulation plus juste. Rien n’a changé, et pourtant je ne m’y sens pas à l’aise. Comme si quelque chose d’étranger flottait dans l’air. Quelque chose qui prend aux entrailles et me fait sentir exposée. Par pure paranoïa, je vérifie derrière le comptoir de la cuisine et dans la salle de bain. Non, évidemment, je suis seule. Le contraire m’aurait étonnée. Je finis par poser les yeux sur la petite pile de documents sur la table basse. Sur celle-ci repose la source de ce sentiment de vulnérabilité que j’éprouve. Une enveloppe. Une jolie enveloppe, comme on en reçoit pas tous les jours. Adressée à mon nom. À Mon adresse, que l’envoyeur n’aurait jamais dû posséder.
Je me penche, en grimaçant, pour la saisir entre mes doigts. Elle est vide. Le carton d’invitation qu’elle contenait est certainement resté sur le navire après qu’on le l’ai pris à l’embarquement. Lorsque je la retourne, je tombe sur mes coordonnées. Elles ont été écrites à la main, d’un trait fin et délicat. Les lettres tracées à l’encre bleue sont agrémentées de quelques arabesques. C’est assez peu commun pour le souligner. Ah ça… Pour être peu commun… Ils ont fait ça bien les enfoirés…
Pendant un instant, mon esprit imagine un scénario où je déchire la lettre. Ou je renverse la table basse. Ou je frappe dans le mur en laissant éclater la colère qui sommeille en moi. Cette rage que j’ai éprouvé après la découverte du piège dans lequel nous sommes tous tombés. Cette rage que j’ai du réprimer, et que je n’ai pas laissé éclater contre nos ennemis. Pas même contre Hyouga en personne. Ça aussi, ça me fait peur. Parce qu’elle sortira, à un moment ou un autre. L’appartement est protégé, pour l’instant, par la barrière que forme mon épuisement. Mais quand j’aurais dormi. Quand j’aurais encaissé. Contre quoi est-ce qu’elle éclatera? Contre qui?…
Je laisse retomber l’enveloppe sur la table et fais demi-tour. Je referme la porte à clé, et descend lentement les marches. Je ne veux pas rester ici. Je ne peux pas. Cette présence qui flotte dans l’air, ce mal être presque palpable, cette sensation omniprésente d’être épiée. Je n’y suis pas restée pas plus de cinq minutes, et pourtant je dois me rendre à l’évidence: Je ne me sens plus en sécurité, là haut. Ce n’est plus “chez moi”. Cette pensée me laisse un goût amer en bouche, mais cette lettre… cette putain de lettre… A agit comme une flèche perçant une armure. Mon armure. Comme si ma bulle d’intimité avait éclaté d’un seul coup. Je me sens exposée. Vulnérable. Et mon impuissance face à ça me rend folle. Je ne sais pas ce qui me retient de fondre en larme. De hurler. De frapper. Je m’en veux d’avoir été aussi conne, et d’avoir accepté cette invitation. J’en veux à ces enfoirés d’être les ordures qu’ils sont.
La Team Mistral a réussi à venir me chercher chez moi. Ils m’y ont contactée. Ils ont mon nom, mon adresse, peut être même mon visage… Ils ont pu me trouver alors que je ne suis… personne? Pourquoi avoir jeté leur dévolu sur moi? Je…
Les dents et les poings serrés, je pose mon front contre la vitre froide de la porte d’entrée du bâtiment. Je me sens exténuée, tremblante, fiévreuse. Je suis à bout. Je passe la porte, et retourne vers ma Dracaufeu. Hope a le museau levé, attendant de me voir apparaître à l’une des fenêtre, comme promis. Ses yeux surpris finissent par me dévisagent, l’interrogation dans ses prunelles.
-On repars… Lui dis-je faiblement.
Maintenant que l’adrénaline de cette nuit est redescendue, je pourrais m’endormir n’importe où. À même le sol, s’il le fallait. N’importe où… mais pas là haut. C’est comme si mon appartement faisait parti du navire. Comme s’il en était une extension qui aurait été prise d’assaut par Mistral. Je ne veux pas y rester.
Une fois installée sur ma Dracaufeu, je soupire. Je suis lasse. Je m’efforce de ne pas m’appuyer totalement sur Hope, et de ne pas fermer les paupières. Ce serait con d’avoir survécu jusque là pour chuter de ma monture. L’avantage, c’est qu’en altitude, le vent frais me fouette le visage, me maintenant éveillée. Je n’ai pas dis à Hope où nous allons. De toute façon, elle ne connaît pas cet endroit. Je me contente de la diriger en faisant glisser le poids de mon corps d’un côté ou de l’autre, ou en exerçant une pression du genou sur ses flancs.
* * *
Une fois de plus, je paye l’atterrissage d’un grognement de douleur. Je remercie la Dracaufeu d’une caresse et observe les alentours. Je ne vois personne. Pas un Pokémon. Mais le terrain est vaste, donc ce n’est pas étonnant. Je m’avance vers la porte d’entrée de la pension, et frappe quelques coups.
J’attends un peu. Un soupire pénible s’échappe de ma poitrine en feu. Me sentant de plus en plus stupide au fil des secondes qui s’égrainent, je suis sur le point de capituler et de rebrousser chemin pour aller je ne sais où. Et puis, le battant s’ouvre. J’entends la Dracaufeu piétiner légèrement sur place, derrière moi. Malgré sa carrure imposante, elle n’en reste pas moins une grande timide, craignant la moindre rencontre avec un Pokémon ou un être humain qu’elle ne connaît pas.
Lionel apparaît dans l’encadrement de la porte. J’ouvre la bouche un instant, sans qu’aucun son n’en sorte. Maintenant que je suis là, qu’est-ce que je lui dis? Je débarque comme ça, chez lui, au petit matin. Couverte de poussière de la tête aux pieds, la main droite constamment apposée sur mon flanc gauche… Et puis je dois bien avoir un peu de sang quelque part (le mien ou celui de quelqu’un d’autre). Sans compter la mine fatiguée et les cernes que je dois me taper. Je dois vraiment faire peine à voir.
Mes nerfs se relâchent un peu. L’avoir là, en face de moi, me rassure. Je lève la tête pour réprimer mes larmes qui se décident enfin à monter.
-Lionel… Le bateau, c’était un putain de piège.
J’ignore si les nouvelles de la croisières sont déjà parvenues aux médias. Si la télé, la radio, ou le réseau Dusk on déjà relayé les infos. Ça se trouve il n’est même pas au courant. Ni pour le bateau, ni pour le doyen, ni pour Hyouga, ni pour quoi que ce soit d’autre. Il savait même pas que j’étais là bas. Si toutefois il connaissait l’existence même du voyage. Mes yeux embués le fixent, sans que je ne sache trop quoi faire, ou quoi dire de plus. Comme si cette simple phrase expliquait absolument tout.
Puis un haut-le-cœur me parcours, m’arrachant (encore) un glapissement de douleur. Je m’appuie contre le mur en respirant aussi profondément que possible. Ça ne passe pas loin, mais je ne vomis pas, une fois de plus. J’appuie ma tête contre le mur du bâtiment. Je me sens tellement…