Affalée dans l'unique fauteuil de cuir usé de mon appartement, tête basculée en arrière, je fixe le plafond en me répétant en boucle toutes les choses à ne pas faire en ce samedi midi, plus précisément pour les heures à venir.

Ne pas trébucher, ne rien faire tomber, ne rien cogner, ne rien casser...

A force de faire tourner cette phrase interminable dans mon esprit, je pense que je devrais finir par être au point. Deux grandes pupilles rouges et verticales apparaissent alors soudainement au dessus de ma tête, manquant de me faire sursauter. Je rebascule vers l'avant en claquant la langue d'un air faussement agacé, tandis que Nâga, fier d'avoir réussi à me surprendre, repose lentement tout son corps reptilien sur le sol en le repliant pour reprendre sa posture habituelle. Je lui donne une légère pichenette sur le museau à laquelle il me répond par un sifflement. Ayshee, elle, est déjà prête à partir. Assise en face de la porte d'entrée, elle attend avec une impatience croissante que j'enfile ma veste pour que nous puissions enfin aller au rendez-vous. La semaine passée, le toiletteur qui s'est occupé d'elle m'a proposé, après que j'aie insisté, de racheter la bouteille de shampoing brisée, qui a abîmé ma main également, au passage. Aujourd'hui, il ne reste qu'une légère estafilade rougeâtre, ce qui ne nécessite plus de bandage, bien que parfois, je ressente encore des douleurs fantômes, comme si le bout de verre était toujours planté dans ma paume.

Je passe sur mes épaules ma veste blanche et rose, m'assure que toute fenêtre est bien fermée dans l'appartement, puis je sors à la suite de Nâga et Ayshee en fermant la porte d'entrée à triple tours. Mon Absol est tellement rayonnante et pressée de revoir le toiletteur que je me demande si je dois me sentir vexée ou non. Il est certain qu'elle l'apprécie énormément et que le courant est bien passé avec lui. Je serai presque jalouse qu'elle le préfère à moi. Nâga, lui, n'a encore jamais rencontré le toiletteur, et de toute façon, ce n'est pas un Pokémon qui a besoin de toilettage. Le calme et majestueux Séviper glisse lentement sur les pavés, agitant le bout de sa queue pour exprimer son bonheur d'être sorti. Si j'ai bien mémorisé le chemin, notre destination n'est pas très loin, à quelques rues à peine. Il nous faudra même pas dix minutes pour y être, ce qui est très rapide.
Quand j'arrive devant le salon, je consulte le cadran de ma petite montre. Il est seulement midi quarante-cinq, je suis en avance. Nous avons pris notre repas tôt et nous sommes préparés exprès en avance pour être sûrs de ne pas faire attendre le toiletteur. Enfin, c'est surtout moi qui ai imposé ça, même si Ayshee était, elle, tout à fait ravie. Vu ma bêtise de la semaine dernière, aujourd'hui, je me dois d'être irréprochable sous tous les plans.

J'en profite pour ouvrir la poche de mon sac et vérifier que j'ai bien pris mon porte-monnaie avec moi. Il ne manquerait plus que j'ai oublié l'argent pour rembourser le shampoing. Ça serait une catastrophe et une honte totale. Je passe les pièces cuivrées entre mes doigts pour les compter grossièrement, puis referme le tout, le porte-monnaie comme mon sac. En détaillant les maisons et la grande rue qui s'étire de chaque côté de notre position, je remarque que c'est plutôt désert malgré l'heure. Il est probable que chacun soit encore en train de déjeuner chez soi, ou vienne tout juste de commencer. Quoi qu'il en soit, le temps s'écoule, lentement mais sûrement. Le toiletteur, auquel il faut impérativement que je demande son nom pour plus de praticité, ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez. Enfin, je l'espère. Mais comme nous sommes bien samedi, qu'il va bientôt être 13h, que je ne me suis pas trompée dans la date du rendez-vous qu'il m'a donné, normalement il devrait venir. Sauf si lui, il a oublié. Et là, ça serait plus problématique...