Mon sac sur l’épaule, la patte de Rouchon dans une main et mon billet dans l’autre, j’avançais vers l’entrée de l’immense complexe au-dessus duquel trônait l’immense nom « Parc Akwakwak ». On pouvait en voir sortir des parties de certaines attractions : des toboggans gigantesques passaient en effet à l’extérieur pour permettre aux clients de voir le ciel pendant leur journée au milieu des nombreuses piscines.

Le programme du jour était simple : rester faire mumuse dans l’eau du matin au soir ! Piscine à vague ; course en bouée ; toboggans ; eau chaude ou glacée : nous comptions bien faire le tour complet des bains du parc aquatique ! D’autant que là-bas, l’une des piscines était entourée d’un dôme vitré et à cette période de l’année, le soleil se couche bien tôt : nous allions pouvoir observer ce spectacle en étant immergé sans être glacé jusqu’aux os…

Après un court passage aux vestiaires et à la douche, nous étions parés : les cheveux bien attachés, un joli maillot avec des motifs exotique et une bouée bien gonflée autour du cou de mon ami poilu. À la sortie des vestiaires, des grands bacs étaient remplis d’accessoire pour les grandes piscines : frites en mousse, planche ou ballon de plage ; tout le nécessaire pour que des enfants turbulents puissent déranger le reste des nageurs. Occupé à regarder cela, je ne vis que trop tard l’étincelle malicieuse qui s’était allumée dans l’œil de Mustébouée alors qu’il avait pris son élan pour me sauter dessus et nous faire choir tous les deux à l’eau. À peine avais-je sorti la tête à la surface qu’il avait déjà filé à toute vitesse vers l’autre bord en me narguant, se retournant de temps en temps pour me tirer la langue et rire de ma soi-disant lenteur…

« Si je t’attrape… »

Il était rapide le bougre, mais il avait beau être dans son élément, sa tendance à trop vouloir jouer allait me rendre service. Il ne voulait pas simplement m’échapper le plus longtemps possible non : il comptait bel et bien tout faire pour me laisser croire que j’avais une chance de faire jeu égal avec lui ! Il prenait le temps parfois de s’arrêter un moment avant de repartir, ou bien il allait s’amuser à slalomer entre les autres clients du parc. Il avait même surpris des personnes qui jouaient avec un ballon en jaillissant de l’eau pour interrompre l’une des passes et envoyer leur balle vers le petit panier de basket flottant qui était au bord !

J’avais beau faire de mon mieux, lorsque je fus sur le point de l’attraper, le bougre était sorti de l’immense piscine principale pour se diriger vers les attractions autour ! Grrr… Petit malin va : je ne comptais pas le laisser faire, et encore moins le laisser sans surveillance.

« On ne court pas au bord du bassin ! » annonçait le maître-nageur d’une voix blasée. C’était un monsieur chauve, bedonnant et qui n’avait pas l’air d’avoir plongé depuis quelques années…
Nous nous étions toutefois tous les deux arrêtés pour continuer notre poursuite en marchant, ce qui lui donnait un aspect probablement plutôt comique vu de l’extérieur. Nous avions pris la direction des piscines avec les cascades et les toboggans.

Cela dura un bon moment jusqu’à ce que, mon cher petit Mustébouée ne lève sa garde. Il n’y avait pas que moi qui voulait l’attraper et ce sont les bras d’une enfant qui vinrent le stopper dans sa course.

« TROP MIGNON ! »

La petite fille se pâmait devant lui et s’était mise à le câliner visiblement un peu trop fort au vu de son regard empli de détresse… Tel était pris celui qui croyais prendre ! Au bout d’un moment, je décidai tout de même de venir à son secours pour le récupérer et le sortir des bras de son adoratrice un peu trop collante. Lui qui me fuyait depuis un moment, il était soulagé de pouvoir se réfugier dans mes bras !

« C’est vrai qu’il est mignon ce petit garnement ! » lui avais-je dit alors qu’elle faisait un signe d’au revoir à Rouchon. C’était à mon tour de l’emmener faire un tour et je savais qu’il y avait quelque chose qu’il aimerait sans oser il y aller tout seul : le toboggan géant…

Rien que pour monter tout là-haut, il nous avait fallu un bon moment : c’était impressionnant de voir tout le complexe de là-haut et un petit peu effrayant en même temps. Accroché dans mes bras, Rouchon dévoilait une de ses peurs : il n’aimait pas que nous montions aussi haut mais c’était pourtant nécessaire pour essayer cette attraction ! La file n’était pas longue, il n’y avait pas tant de gens qui voulaient s’essayer à faire cette descente…

Arrivé à l’entrée du toboggan, je m’étais assis en le prenant contre moi, l’enserrant contre mon ventre avec les deux bras. 3 … 2 … 1 …

"C'est partiiiiiiii !"

Waouh ! Ça c’est de la descente ! Plif ! Plaf ! Plouf ! Des éclaboussures dans tous les sens et des tas de tournants, de loopings et des glissades ! Ça ballotte dans tous les sens, dans le noir ou à l’extérieur du dome, avec de jets d’eau de la brume dans la figure ! Ça finit par un joli saut dans le vide avec de la vitesse et après une seconde en l’air PLOUF : un atterrissage presque maîtrisé dans l’eau fraîche après une attraction qui nous a bien secoué ! Qu’est-ce que j’aime les parcs aquatiques ! Rouchon lui a la tête qui tourne et a encore un peu de mal à trouver ses repères après tant de sensations fortes... Il faut dire que c’est loin d’être le genre de choses que l’on trouve normalement dans les rivières ou les mers calmes qu’il a pu connaître dans sa vie de Mustébouée.

Le temps de laisser un peu repartir les émotions, nous prenons un petit jus de baie au bord d’un joli petit bassin lorsque le drame a lieu. Une tragédie sans nom, un vol à l’arraché qui ne laissera personne insensible, une mission prioritaire pour l’inspecteur Rouchon et son acolyte ! Laissez-moi vous narrer la fameuse histoire du bracelet en plastique volé.

Cela faisait bien longtemps que les forces de l’ordre avaient signalé la présence d’un terrible individu, mais tout le monde pensait qu’il n’était qu’une légende… Un tout petit poisson pourtant plus terrifiant qu’un Léviator, un monstre des abysses qui se réveillait pour terrifier les baigneuses et les dépouiller de tous leurs bien… Nous avions enfin l’occasion de mettre la main dessus et de lui faire cesser ses agissements, mais il fallait toujours rester sur nos gardes avec les psychopathes dans son genre : personne ne pouvait se préparer aux pièges qu’ils pouvaient tendre…

Ni une ni deux, l’inspecteur Rouchon avant bondi de son transat pour prendre la criminelle en filature, il ne comptait pas lâcher la suspecte d’une semelle… ou plutôt d’une nageoire en l’occurrence. Les deux bolides filaient sous l’eau à toute allure, raflant les parois du tuyau qui connectaient les deux bassins. Il était temps pour chacun d’entre eux de passer au mode turbo et la course poursuite s’intensifia encore. Quelques chocs entre eux ne suffirent pas à arrêter le fugitif qui s’engouffrait dans la moindre brèche pour s’enfuir avec son butin et tenter de retourner à sa planque en semant les forces de l’ordre. Ambroise lui, devait se contenter de suivre la course-poursuite du regard et de commenter la course en encourageant son loyal ami …

Au détour d’un bassin la poiscaille racaille pensait avoir trouver son salut : l’une des piscines était aménagée avec une sorte de grotte subaquatique très sombre et elle espérait pouvoir s’y cacher pour échapper au regard perçant et perspicace de l’inspecteur. Ce dernier y avança prudemment, n’hésitant pas à tirer un coup de sommation avec son pistolet à O.

« RENDEZ-VOUS ! Vous êtes cernés ! » annonça Ambroise qui avait dû s’improviser négociateur. Car si la Froussardine pilleuse avait trouvé une bonne planque, elle s’était surtout jetée droit dans un cul de sac… C’était à présent une épreuve de patience qui avait commencé. Un pas après l’autre, pataugeant dans le bassin, l’officier roux s’enfonçait dans les ténèbres, usant de ses sonicbooms pour maintenir la pression sur la voleuse. Arrivé au beau milieu de la pénombre, il était déjà trop tard pour comprendre dans quel piège il s’était fourré : il avait foncé au milieu du panier de crabes. La racaille se tenait tout autour de lui dans l’ombre et, face à lui, la voleuse innocente avait dévoilé son vrai visage : Froussardine pouvait en réalité rivaliser avec un Wailmer sous sa forme de banc !

La situation s’était inversée : c’était maintenant à notre héros préféré de prendre la fuite face au banc de poissons vengeurs qui fondait sur lui. Qu’allait-il se passer, allait-il en réchapper ? Tout espoir semblait perdu alors qu’il se précipitait vers la sortie de cette grotte. Même s’il parvenait à la quitter, comment pouvait-il espérer tenir la distance seul contre tous ?

À moins qu’il ne soit pas seul ! Les vrais héros ont toujours plus d’un tour dans leur sac et s’il ne pouvait pas compter sur son pistolet à O pour se sortir de cette situation délicate, il savait qu’une fois proche du plongeoir, il pourrait compter sur l’arme la plus dévastatrice du grand bain : la bombe !
Ambroise, son fidèle compagnon s’était élevé dans le ciel et, après un salto gracieux, il avait ramené ses jambes contre son torse pour s’écraser dans l’eau dans un splash bruyant, expulsant de puissantes gerbes d’eau partout autour de lui et disruptant le banc de Froussardine pour ne laisser que la petite voleuse esseulée face à un Rouchon au large sourire malicieux ! Encore une fois, le bien avait vaincu le mal ! Le bijou pouvait revenir à sa propriétaire et la population de l’aquapark pouvait être fière de ceux qui veillaient sur elle.