- Epreuve 3 :
- Présentation d'André Dubois:
Devant la porte d’une salle de laboratoire, un groupe de collégiens attendent en silence l’arrivée de leur professeur. Certains portent déjà leur blouse, d’autres la gardent dans leur cartable en attendant le début de la séance de travaux pratiques. Un grand homme roux aux yeux verts s’approche d’eux et les salue. Il ouvre la porte et, en enfilant une blouse, leur ordonne de faire de même et d’entrer dans la salle. L’un d’eux ne met pas de blouse. Il le retient et lui en demande la raison.
- Je l’ai oubliée chez moi, monsieur Dubois. Vous pourriez m’en prêter une ?
Le trentenaire fronce les sourcils.
- La semaine dernière, je vous ai dit d’emmener votre blouse pour aujourd’hui. C’est la deuxième fois que ça se produit, Alexandre. Et tu sais très bien que je ne prête pas de blouse à un élève qui a oublié la sienne plusieurs fois. Donne-moi ton carnet.
L’adolescent obéit. L’enseignant écrit quelque chose sur le carnet de correspondance, avant de l’indiquer à son élève.
- A la salle d’étude, tu vas montrer ce mot au surveillant. Il connaîtra le motif de ta permanence. Si tu te permets de te désister, j’en serai au courant. Après la fin de cette séance, tu as intérêt à la rattraper. Ça devrait être simple lors des deux heures de trous, auprès des élèves de ton demi-groupe. J’espère que ça te fera penser à ta blouse, la prochaine fois.
Le jeune garçon soupire puis s’éloigne de l’adulte, qui entre dans la salle. Il s’apprête à ouvrir son sac mais il n’y arrive pas. Pour cause, ses mains le traversent. Un rire sinistre le fait lever la tête. Il provient d’une dame âgée devant lui, qu’il n’a même pas vu arriver. Derrière elle, ses élèves ne réagissent pas, semblant avoir croisé le regard de Méduse. L’inconnue lui parle, un sourire aux lèvres :
- Alors, André, tu n’apprécies pas ce qui se passe ? Si tu pouvais faire de la magie, tu aimerais figer le temps, non ? Je le fais pour toi, c’est cadeau.
Son interlocuteur la regarde d’un air méfiant.
- Qui êtes-vous, madame ?
- Oh, tu ne me reconnais pas ? Normal, quand on vous nie l’existence de la magie. Je sais que tu as lu ma légende. Une sorcière russe qui enlève les enfants pour les manger, ça ne te dit rien ?
- Baba Yaga ?
- Oui, ici même, en chair et en os ! Au fait, ne t’avise pas de me mettre à la porte. Nous sommes bloqués dans cette salle, jusqu’à ce que je le décide.
- Mais que faites-vous ici ? Que voulez-vous de moi ?
- Je veux que vous m’amusiez.
Il hausse un sourcil.
- Je capture les enfants et je les cuisine. Quand je suis repue, je fais la sieste ou me concocte des potions. Une vie de sorcière, n’est-ce pas ? Le problème est que je vis isolée de tout. Les livres que je possède, je les ai tous lus. Aucune caravane d’artistes ne s’installe près de chez moi. Et ce que vous appelez le wifi ou le réseau ne passe pas dans ma maison. Alors je cherche les personnes qui pourraient m’amuser, et je vois un fort potentiel en toi.
- En moi ?
- Oui, en toi. Tu ne comprendras pas pourquoi, mais mon instinct me le dit. Et si tu arrives à me divertir, j’épargnerai tes élèves. C’est une belle chance que je te donne, non ?
- Si vous le voulez…
Il a beau comprendre qu’elle aurait pu le figer lui-aussi et prendre toute cette classe mais qu’elle ne l’a pas fait, il pense avoir une autre définition de la chance.
- Bien ! Nous allons faire une variante de « Tu préfères ». On va commencer doucement, pour que tu voies l’idée. Tu préfères avoir les mains flasques ou les oreilles décollées ?
- Je préfère vous voir partir.
La sorcière esquisse un sourire hilare face à cette réponse ferme.
- Tu pensais que ça marcherait ? Que je vais partir et te laisser en paix ? Tu as raison, je pourrai le faire… Avec les gosses en échange. Tu veux me les laisser ?
André soupire.
- J’ai compris, je jouerai le jeu.
- Très bien. Je réitère ma question : tu préfères avoir les mains flasques ou les oreilles décollées ?
- Les oreilles décollées.
André sent quelque chose se produire au niveau de ses oreilles. Il les touche de ses mains, elles sont décollées.
- As-tu compris les règles de ce jeu ?
- Malheureusement, oui.
- Très bien, question suivante ! Tu préfères embrasser une carpe ou danser avec une chèvre ?
L’idée de poser ses lèvres sur la bouche d’un poisson dégoûte André.
- Je préfère danser avec une chèvre.
- D’accord. On va changer de lieu, cette salle ne peut pas accueillir de chèvre. Mais avant, on va faire un petit arrangement.
Chaque élève se fait envelopper par une bulle avant de flotter dans les airs, sans aucune réaction. André serre les poings.
- Ne t’énerve pas, André. Je les emmène juste, pour les garder à l’œil. Si tu arrives à me divertir, ils retrouveront leur place, sans aucun souvenir de ce qui s’est passé. En route, mauvaise troupe !
Les deux adultes ainsi que toute la classe se retrouvent téléportés dans un enclos de chèvres. Les bulles flottent dans les airs, pour éviter de se faire éclater par les cornes.
- Vous ne craignez pas qu’on nous voie ?
- Oh, non. Je nous ai rendus totalement invisibles. Nous ressemblons presque à des fantômes, si tu vois ce que je veux dire.
Il repense à l’instant où ses mains ont traversé son sac. Puis il s’approche d’une chèvre et en prend les pattes. Une valse se joue pendant qu’il danse avec l’animal. Il sent ses pieds se dérober du sol. Autour de lui, les autres chèvres se prennent par les pattes avant et dansent eux aussi dans les airs. Ce spectacle étrange dure un moment, jusqu’à la fin de la musique. Alors les danseurs descendent doucement, et les chèvres se remettent sur quatre pattes. La sorcière applaudit.
- Bravo, André, bravo ! Tu danses très bien ! Je vais les épargner, en fin de compte.
Toute la classe disparaît. Leur professeur se réjouit de cette nouvelle, il pense que cette mascarade s’est terminée.
- Mais le jeu n’est pas fini, loin de là !
- Attendez, ce n’est pas censé s’arrêter ?
- Ça s’arrêtera quand je le décide, sinon ce n’est pas drôle.
Il soupire.
- Tu préfères devenir une grosse libellule muette ou une petite vache folle ?
Les deux options ne le réjouissent guère, mais l’une d’elles lui semble préférable aux autres.
- Une grosse libellule muette.
Il se sent son corps s’envoler dans les airs puis se métamorphoser. Il se sent différent. Il n’essaie pas de produire le moindre son, il sait qu’il ne peut plus parler.
- Tu préfères entrer dans mon antre ou mon jardin secret ?
- …
- Ah, zut, euh... Lève une patte pour la première option ou les deux pattes pour la deuxième.
L’insecte hésite plusieurs secondes avant de lever les deux pattes avant. Il se retrouve alors dans un cadre étonnant. Il trouve normal le lac à côté de lui mais les arbres multicolores et le ciel montrant d’étranges images le surprennent beaucoup.
- Dernière question. Tu préfères oublier notre rencontre ou ton identité ?
Tout de suite, il lève une patte. Soudain, il tombe par terre, évanoui. La sorcière émet un rire sardonique, s’amusant du calvaire qui attend son bouffon d’un instant.
- Pour comprendre la fin: