Présentation univers et personnage:

Quatre putain de jours.

Depuis qu’il était devenu l’une des nombreuses petites mains de Rosalina, Al avait commencé à se ronger les ongles. Certes, il était désormais utile, mais il était tout en bas de l’échelle sociale, soit pas vraiment ce à quoi il aspirait à la base. Qui peut se féliciter d’avoir recopié une énième fois un texte comme une vulgaire photocopieuse et d'être en charge des toilettes ?

Sur un coup de tête, alors que le groupe errait dans le désert à la recherche de la Ville afin de s’y réinstaller, il avait décidé de prendre son destin en main. Il avait défié Rosalina et tous les dictateurs - pardon, les élus - du regard, puis clamé « Je connais la Ville par cœur, laissez-moi y aller en premier ! ». Le lendemain, la cité abandonnée apparaissait en vue, et ils s’étaient montrés très vite motivés à l’idée qu’il soit chargé de faire les premiers repérages.

Il comprenait maintenant pourquoi.

Quatre putain de jours, et, aussi étrange que cela puisse paraître, il était impossible d’entrer dans la Ville. Les véhicules tombaient en panne ou s’embourbaient dans le sol. Les éclaireurs s’endormaient, tombaient malades, ou oubliaient totalement la raison de leur venue. Après plusieurs essais, ils avaient fini par tracer une ligne rouge au sol, au-delà de laquelle tout ce qui passait subissait une altération qui l’empêchait de se rendre en Ville.

Il avait bien sûr reporté le problème et demandé toute l’aide disponible. Ce à quoi on lui avait très gentiment répondu « Pas mon affaire, c’est toi l’expert ». C’était comme si quelqu’un avait délibérément fait en sorte que toute tentative de s’opposer à ce régime totalitaire soit retournée contre lui. Ce même quelqu’un attendait sans doute qu’il vienne avouer publiquement son échec.

Hors de question !

Certes, il piétinait complètement, mais la solution était sans doute à portée de main. Il fallait peut-être un objet spécifique.... Ou alors envoyer un Dessinateur tellement fou qu’il échapperait à la règle, ou alors...

« Hé, m’sieur ! » siffla une voix fluette.

Le rouquin se retourna, et jeta un regard noir à la gamine qui venait de le déranger. C’était l’un de ces nombreux mômes qui passaient leur temps à faire n’importe quoi tout en vivant aux frais du groupe. Et l’une des rares personnes qui avait accepté de l’aider malgré l’échec cuisant qui les attendait au bout du chemin. Il n’avait pas retenu son nom pour ne pas s’y attacher.

« Tu ne vois pas que je suis occupé ?
- Bah non m’sieur, tu regardais dans le vide en te rongeant les ongles.
- J’étais en train de réfléchir à un plan !
- Justement, m’sieur, j’ai trouvé un super truc ! »

La petite pointa son doigt potelé en direction de la ville inatteignable.

« J’étais en train d’essayer des mots de passe pour ouvrir la Ville. Et pi, quand j’ai commencé à dire des gros mots, il y a quelqu’un qui a commencé à me répondre ! De derrière le trait rouge !
- Pardon ? »

Ce n’est qu’après plusieurs minutes d’interrogatoire qu’Al reprit son souffle, et commença à réfléchir.
La Ville était habitée. Par un autre groupe. Ils avaient appelé leur cité Damned Town, et personne ne pouvait en sortir en raisons de leurs lois, de sorte qu’ils n’étaient probablement pas au courant d’être dans l’Esquisse. Apparemment, ils étaient assez organisés pour avoir une dirigeante.

Le plus logique était évidemment de tout dire à Rosalina, qui saisirait aussitôt l’occasion pour négocier avec ce nouvel acteur. Al aurait droit à une gratouille sous le menton et serait aussitôt relégué à un nouveau boulot ingrat. On oublierait vite ces quatre jours, et avec eux son acharnement…

Al regarda ses mains frippées par de longs jours d'angoisse et d'effort.

Sans compter le mioche, il était encore le seul à savoir. Tout le monde attendait qu'il abandonne et revienne les bras ballants. Autrement dit, s'il établissait et gérait le premier contact officiel, personne ne le dérangerait, et il pourrait revenir avec des résultats inespérés, et l'on aurait d'autre choix que de lui confier un rôle respectable !

Après avoir échangé le secret du mioche contre le dernier paquet de bonbons qu'il gardait en réserve, Al se rendit sur le lieu qui avait accueilli la discussion. Quelques heures passèrent, la silhouette réapparut, pour disparaître avec la lettre qui venait de lui être dictée.

Présentation univers et personnage:

La scène se déroule à l’Observatoire. LUKE est assis sur le hamac, jambes se balançant dans le vide, cheveux en bataille. Il porte une chemise bien trop grande pour lui. Son regard fixe sur une lettre rose posée ses jambes.

LUKE : « Une odeur singulière se dégage de cette enveloppe aux teintes rosées. En la pesant entre mes mains, elle paraît légère, délicate, comme écrite par une noblesse gracieuse aux secrets inavoués. Je me dois de confesser qu’en la découvrant seule et abandonnée dans le sac de cet agent municipaux, effectuant sa tournée aux aurores, mon cœur s’est serré. Encore à peine habillé et tout juste extirpé de mon lit par la douce caresse du zénith, je me suis glissé dehors, trébuchant au passage sur une autre bouteille de ma chère démone, pour délivrer ce précieux artefact de son donjon.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un correspondant à l’imagination débordante et à la créativité sans limite. L’histoire comptée par cette femme Rosalina prétendant provenir de l’Esquisse est juste frémissante. Imaginez un monde immense soumis à aucune règle, une liberté d’arborer sa destinée selon ses atours. Quel rêve exquis. Ainsi cette demoiselle remplie d’espoir souhaiterait accéder à notre monde et le découvrir de ses yeux ébahis. Ô que ne sera-t-elle pas ravie de découvrir nos souverains antipathiques, nos habitants moroses et les cafards de l’ennui qui grouillent dans les ruelles de la ville. Une pointe de cynisme, je vous l’accorde, mais je désire me prendre au jeu. L’ennui qui me tourmente pourrait peut-être m’abandonner le temps de quelques jours. Saillons déchu démon, et jetons-nous corps et âme dans ce jeu de rôle intriguant. Ainsi j’ai échangé de nombreuses lettres avec cette grande femme au bon coeur, décrivant mon lieu de vie et apprenant sur le sien, alimentant un peu plus cet univers que nous créions ensemble au fil des jours. Puis, guidé par un grain de folie, j’ai tenté d’apporter un tournant lors de ma réponse. »



LUKE repose son plan savamment dessiné sur le côté, sourire satisfait aux lèvres.

le fameux plan:

Le problème d'une lettre, c’est qu’on n’a ni la réponse en direct, ni la certitude absolue qu’elle a atteint son destinataire. Ce n’est qu’en revoyant la silhouette à cet endroit qu’il n’avait cessé de surveiller que le visage d’Al s’illumina à nouveau. Non seulement son idée avait fonctionné, mais la dirigeante de cette cité, qui aurait tout aussi bien pu être hostile, souhaitait être sauvée par les Dessinateurs !

S’il parvenait à ramener devant la vraie Rosalina une cité reconnaissante et prête à rejoindre leurs rangs, un avenir diplomatique radieux l’attendrait.

Marie Klinton avait même pris l’initiative de proposer un plan pour qu’il puisse rentrer ! Par contre…
Passée l’euphorie, Al s’était rapidement rendu compte de deux problèmes. Le premier, c’est qu’il y avait manifestement un décalage entre le ciel qu’ils voyaient et le ciel esquisséen, ce qui rendait les indications impossibles à appliquer. Le second, c’est que parvenir à rentrer était une chose, mais que réussir à sortir en était potentiellement une autre, et que le but n’était pas de s’enfermer avec eux (quoi que).

Il s’empressa de rédiger une réponse à sa nouvelle alliée.





Al essayait tant bien que mal de rendre le paysage merveilleux pour ne pas que Marie Klinton change d’avis et décide de rester enfermée.



La réponse se fit peu attendre, et fut accompagnée d'une carte du ciel détaillée.



Après avoir échangé quelques informations avec le passeur, qui lui indiqua que leur point de rencontre était à l'extrême sud de la ville, Al se mit au travail. Grâce à la fameuse "ligne rouge" qui délimitait le périmètre du dôme, il en déduit son diamètre, et put superposer la carte du ciel à celle de la ville - ce qui lui donna rapidement une idée plutôt claire du point faible. Trouver le moment exact était plus difficile, mais il suffirait de tester jusqu'à ce que ça marche.

Le second problème fut également résolu par la réponse de Marie.








L'idée n'était pas si saugrenue. Après tout, il avait déjà entendu parler d'objets capables de résister aux Tempêtes. Même s'il restait la question de savoir qui avait bien pu mettre en place une telle chose, et pourquoi il l'avait fait sans mettre au courant la population.

Il posa la question dans sa dernière lettre, avant de se préparer pour la grande opération.

À lui le moment de gloire !

HRP:

LUKE est assis sur le bureau, pieds sur la chaise, tandis qu’il écrit une nouvelle lettre. Des sachets de bonbons vides l’entourent ainsi que des restes du repas de midi froid. ALIZEE est occupée sur la plate-forme de l’observatoire, yeux rivés en direction du ciel pour étudier les nuages.

LUKE : « Ce délectable divertissement qui entretient mon âme en peine depuis ces derniers jours parvient malheureusement à sa fin. Je perçois difficilement un moyen habile de terminer cette histoire hormis par le déchirement d’un tragique dénouement. Ainsi, malgré ses tentatives ingénieuses, la grande ROSALINA ne parvient pas à percer à jour les mystères de notre cité, contraignant ses citoyens à errer pour toujours sous l’emprise maléfique d’un sortilège. Ou mieux encore, ses efforts parvinrent à l’emmener à destination, mais pour ne plus y trouver son interlocutrice qu’elle avait appris à chérir. Un destin tragique et shakespearien, implosant dans un ultime acte sous les roulements des tambours et les cris de la foule éplorée.

ROSALINA est une femme d’un goût certain que je ne puis imaginer que provenir de l’esprit d’un être gracieux et agile. Je suis presque déçu de ne pouvoir me la représenter avec aisance, l’imaginant tantôt grande, tantôt petite, tantôt rousse, tantôt brune. Une expression froide, ou bienveillante, une posture droite ou élégante. Si j’étais plus doué pour représenter les traits gracieux des humains, je l’aurai dessiné ; mais tous savent que mes portraits s’approchent plus des pictogrammes. Ainsi soit-il, je dois clore ce jeu selon les règles établies par cet inconnu malicieux. »



Lorsque LUKE pose son stylo, le ciel dehors est sombre. Il replie la lettre soigneusement, la glisse dans l’enveloppe et s’apprête à se lever pour rejoindre l’entrée quand une chose inhabituelle attire son attention.

LUKE, inquiet : « Dehors règne une atmosphère étrange. Alors que j’ouvre la fenêtre, j’entends une clameur lointaine. En contrebas, des citoyens courent se réfugier dans les montagnes, au temple probablement, ou un de mes vieux ennemis apprécie se ressourcer. Certains semblent blessés, et je crois que des flammes se dessinent dans la cité. Ne me dites-pas qu’un drame terrible se déroule sous mon nez, et que je ne l’aperçois que trop tard ? Je pensais pourtant que nul ne pouvait entraver les lois de notre cité. Quel est donc ce vacarme tonitruant dehors ? »

ALIZEE, sur ses gardes : « LUKE m’entends-tu ? Elle marque une pause. Une certaine MARIE souhaite s’entretenir avec toi sur le champ. »

Tandis qu’il s’approche de la porte d’entrée, une figure capée de sable l’attend. Son regard est indescriptible mais son expression transpire une colère certaine. Dehors, la clameur s’amplifie, et le climat s’assombrit.

MARIE, d’une voix ferme : « Tu viens de nous conduire à notre perte. Félicitations. »

HRP: