L'indépendance était déjà là. Là depuis que Katinka avait pris son petit studio pour faire ses études de stylisme. Un choix d'études non soutenu par ses parents, mais malgré tout, ils payaient l'école et l'appartement. C'était déjà bien. Pour le reste, Katinka pouvait toujours faire un peu de babysitting, ça ne lui coûtait pas grand chose d'autre que du temps pendant lequel, malgré tout, elle parvenait à faire ses dessins pour ses créations. Les trois-quarts du temps, les enfants dormaient et c'était très bien comme ça.

Mais du fait de cette toute relative indépendance, il y avait quand même ces obligations occasionnelles auxquelles Katinka était bien obligée de se plier. Et ç'avait été le cas pour le réveille de Noël, qui tombait également le jour de son anniversaire. Clairement, la petite blonde aurait préféré être ailleurs, plutôt qu'à se farcir la sempiternelle photo de famille pour laquelle ils devaient tous faire croire que tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes. [Vous voulez un secret? C'est faux. Il y a du rififi au Paradis.] Katinka avait également dû se forcer à rester pour le dîner qui s'en était suivi, où sa mère l'avait trainée à son bras pour la montrer à tous, en se vantant d'avoir une future créatrice de mode dans la famille. Comment se faire mousser pour un choix d'études qu'ils n'acceptaient pas? L'adolescente avait froncé les sourcils, sans pour autant commenter la diatribe de sa mère. Elle avait fini par comprendre que faire un esclandre, surtout en public, ne lui apporterait rien de bon. D'autant que toutes les personnes qui étaient là avaient largement les moyens de faire du mécénat pour la soutenir dans ses projets de carrière artistique, qu'il s'agisse du stylisme ou de la coordination. Autant donc faire profil bas et prendre les contacts qu'elle pouvait prendre.

Katinka n'avait, en tout cas, pas demandé son reste à la fin de la soirée pour partir et rentrer chez elle. Si ses parents auraient voulu qu'elle reste, elle avait refusé, arguant qu'elle avait rendez-vous de bonne heure le lendemain avec Maya et que cela lui ferait trop de route. Au moins un argument qui prenait avec ses parents, heureusement. Elle avait donc pu regagner Artestia et s'écrouler dans son lit, tremblante de rage. Avant que Magic ne la calme. Dire qu'en plus, elle n'avait pas pu prendre ses pokemon avec elle!

Enfin.

Hier c'était du passé et Katinka avait enterré ses dix-sept ans. Maintenant, elle avait dix-huit ans, et elle était officiellement majeure. C'était le début du reste de sa vie, et elle était bien décidée à fêter sa majorité avec sa meilleure amie. C'était donc à l'heure dire qu'elle avait débarqué chez celle-ci, avec un cadeau pour Noël.

"Coucou Maya! Si tu savais comme je suis contente d'être ici!"

Bon... Maya connaissait ses parents, et surtout ce que Kat lui en disait, elle ne serait certainement pas surprise de ce que Kat venait de déclarer. Elle la suivit jusqu'à la table, se demandant quel genre de cadeau elle avait pu lui faire cette année et tomba en arrêt devant un oeuf de pokemon.

"Rassure-moi... C'est un Foeubergé?" demanda-t-elle.

Sauf que non. Ca n'en était pas une coquille vide, mais un oeuf de Tournicoton. Un de ces pokemon que Katinka rêvait d'avoir un jour. Elle écarquilla des yeux ronds comme des soucoupes.

"C'est trop Maya! Tu le sais!"

Heureusement, celle-ci s'était aussi pris un oeuf pour elle-même. Cela rassurait un peu l'adolescente, il fallait bien l'admettre... Même si celle-ci avait l'impression d'être ridicule, à côté, avec le cadeau qu'elle avait prévu pour Noël pour son amie. C'était plus fort qu'elle, cependant, elle vint caresser la coquille tiède du petit Tournicoton qui se trouvait à l'intérieur et qui serait, bientôt, l'un.e de ses compagn.onne.s d'aventure. Avait-elle hâte? Oui, bien sûr! Mais c'était trop quand même.

"C'est la corvée annuelle, tu sais bien! Maintenant, je suis tranquille jusqu'au 24 décembre de l'année prochaine!"

C'était triste de voir les choses ainsi. Après tout, c'était ses parents. De l'extérieur, n'importe qui pourrait penser ça. Mais iel ne connaissait pas Monsieur et Madame Solomon. Des gens qui avaient eu quatre enfants par obligation conjugale et qui ne leur avait jamais fait de câlins , ni apporté le moindre amour. Toute son enfance, Katinka n'avait vu ses parents que pour Noël, littéralement. L'éducation des frères et soeurs avait été confié à des nourrices, puis des gouvernantes, puis des précepteurs. Qui ne restaient guère plus de deux ou trois ans afin que les petits ne s'attachent pas trop. C'était triste, de grandir ainsi et d'être plus proche du personnel de maison que de ses propres parents. De fait, Katinka n'éprouvait rien pour eux. Elle les vouvoyait, les appelait père et mère lorsqu'elle les voyait chaque année pour Noël et la sacrosainte photo de famille. Pour le reste, ils étaient "le paternel et la daronne". Elle estimait ne rien leur devoir et avait hâte de pouvoir être totalement indépendante financièrement. Vivement qu'elle commence à bien gagner sa vie, que ce soit avec les concours, ou avec le stylisme. Il le fallait. Elle ne supportait plus de voir cette somme à plusieurs zéros tomber chaque mois sur son compte.

"C'est vrai. Je vais bientôt pouvoir les envoyer bouler pour de bon. Si tu savais comme j'ai hâte! J'ai vraiment envie de faire comme Zack. Mais je ne suis pas suffisamment stable financièrement, et je ne veux pas devoir demander à mon frère, qui gagne juste assez pour lui, ou à la frangine. T'imagines, si je lui demandais à elle? Ce serait comme leur demander à eux! Non. Je préfère prendre mon mal en patience."

Au moins, on ne lui dirait pas qu'elle n'était pas réfléchie. Parce que même si un soir, elle avait bien envisagé de séduire un riche trentenaire ou jeune quarantenaire pour se faire entretenir, il y avait des limites. Elle ne voulait pas passer pour une escort ou une fille intéressée. Ce n'était pas elle. L'amour ne se commandait pas, et elle n'avait aucune envie de feindre ou de monnayer ses services. Quoique... Escort en tout bien tout honneur, ça pouvait rapporter, non? Tant que le type n'essayait pas d'aller plus loin! A creuser, peut-être.

"On s'occupe de nos oeufs?" demanda-t-elle avec un pétillement dans les yeux digne d'une enfant de cinq ans tandis qu'elle chassait toute considération matérielle et parentale de son esprit pour se concentrer sur le futur petit être dont les battements de coeur semblait pulser à travers la coquille.

Mais ce n'était certainement qu'une idée. Katinka savait que c'était impossible que cela se passe si vite, après seulement cinq minutes passées avec l'oeuf. Dans le cas de Magik, il avait fallu un moment, avant que la coquille ne se perce. Mais Katinka n'était alors qu'un nouveau-né qui avait pris l'oeuf pour un doudou. Aujourd'hui, elle était trop vieille pour agir de la sorte, même si l'idée de dormir avec l'oeuf lové au chaud contre elle pouvait être séduisante. En attendant, elle continuait de le caresser avec une douceur dont elle ne faisait preuve qu'envers ses pokemon, et envers les quelques personnes qui comptaient pour elle et dont Maya faisait partie.