La température a chuté si vite qu’ils n’ont rien eu le temps de prévoir. Le nord de Lumiris est beaucoup plus frais, certes et certaines villes sont reconnues pour ce genre de changement. C’est le cas de Feranium, notamment, mais la route sur laquelle Evelyn et ses Pokémons se trouvent n’y est pourtant pas à proximité. Elle qui pensait avoir le temps de se rendre à un refuge pour la nuit comprend bien que ce ne sera pas le cas.

-Hotman, rentres dans ta Pokéball, ordonne-t-elle pour la troisième fois.

Le Poussifeu refuse catégoriquement de la laisser seule dans de telles circonstances. Cinder, elle, est enfouie dans ses bras et tremble. Ce n’est pas le froid qui la dérange, la grosse flamme sur son dos la tenant elle et sa dresseuse bien au chaud. C’est que la petite vient à peine de naître et la situation l’effraie. Elle sent l’urgence dans la voix d’Evelyn. Si cette dernière est calme et composée, elle comprend à voir la neige s’épaissir qu’ils ne seront pas en sécurité à l’extérieur pour bien longtemps encore. Le vent est de plus en plus fort. C’est bien parce que Hotman a de la force à revendre dans les pattes qu’il ne s’envole pas avec lui.

-Poussifeu, s’oppose-t-il avec fermeté.

Il ne veut pas les laisser seules. Cinder ne rentrera pas dans sa Pokéball dans l’état où elle est et Evelyn n’a nulle part où se cacher. Elle ne s’inquiète pas pour elle-même. Avec son manteau et sa persistance, elle se sait capable de s’en sortir indemne. Malheureusement pour elle, son Pokémon s’avère avoir calqué son caractère sur le sien. Quand elle comprend qu’il ne cédera pas, elle se penche et l’attrape à son tour, le serrant avec Cinder dans ses bras. Elle le dépose dans la grande poche de son manteau pour lui donner de quoi se tenir.

-Cinder, éteint ta flamme s’il te plait, demande-t-elle avec douceur.

Le Pokémon laisse entendre un faible son nerveux, mais il écoute sa dresseuse. Evelyn referme alors immédiatement le vêtement épais autour des ses deux compagnons. Heureusement qu’elle en a choisi un épais avec cette raison en tête. Elle connait bien ses Pokémons et a prévu une telle éventualité. Hotman, dont la chaleur corporelle est intense, les maintient tous les trois très au chaud. Il sort sa tête du manteau pour observer les environs avec Evelyn, alors que Cinder se cache complètement comme si elle est dans un petit cocon, où elle se sent en sécurité.

-On va trouver quelque part où se réfugier, ne vous en faites pas.

Evelyn ne distingue presque rien devant elle. Si elle peut normalement voir bien au loin, ce n’est à cet instant que les quelques mètres qui l’entourent qui sont assez claire. Le reste, c’est un flou de blanc qui s’épaissit plus le temps passe. Elle n’entend en plus que le vent dans ses oreilles. De quoi se perdre dans cette tempête si elle ne fait pas attention.

-On doit se dépêcher, dit-elle plus pour elle-même que pour ses Pokémons.

Elle ressert difficilement la ganse de son sac sur son épaule, tenant de son autre bras ses Pokémons. La chaleur de Hotman est un vrai coup de pouce pour la jeune femme. Sans lui, elle n’aurait sans doute pas l’énergie d’accélérer comme elle le fait. Sa vitesse reste ralentie par l’épaisse couche au sol, mais elle n’en reste pas moins supérieure et ce n’est pas négligeable dans leur situation. Et comme de fait, ils s’en retrouvent récompenser quand elle voit une forme qui ressemble à la silhouette d’un être humain. Parfait! Il vaut mieux trouver quelqu’un pour se soutenir que traverser la tempête seule. Ce n’est pas dans toutes les situations où l’on doit faire confiance au premier venu, mais dans de telles circonstances, il ne faut pas la difficile. C’est une question de vie ou de mort!

-Il y a quelqu’un, cri-t-elle assez fort pour attirer l’attention de la personne.

Le vent reste fort et couvre sa voix, mais il devrait quand même pouvoir l’entendre, du moins, elle l’espère. Elle n’attend cependant pas sa réponse et accélère ses pas pour ne pas le perdre de vue. Dans son manteau, Cinder s’agite, à la fois curieuse et nerveuse d’entendre sa dresseuse appeler ainsi une personne qu’elle ne voit pas. Le Poussifeu, lui, se tient prêt à en découdre adviendrait-il que la personne soit un problème. Il reste dans les bras d’Evelyn, mais il n’hésitera pas à en sauter s’il le faut. Espérons qu’il puisse les aider, car la température ne s’améliorera pas de ci-tôt!

Evelyn sert ses Pokémons contre elle. La silhouette s’approche d’eux avec force, tout comme elle le fait. S’ils s’en sortent, ce sera parce qu’ils se sont battus. Impossible de simplement attendre que la tempête ne passe. Les secondes pressent et la dresseuse commence à s’inquiéter à l’idée que ses compagnons s’entêtent à refuser de se mettre en sécurité.

Elle ne s’attarde pas sur cette pensée, car l’inconnu n’a pas le temps de les rejoindre qu’il s’effondre au sol. Elle veut le rattraper, mais elle n’a le temps de rien faire qu’il se relève déjà. Il est pressé, avec raison. Au moins, Evelyn se rassure de savoir qu’il comprend le sérieux de la situation.

Pourtant, ses yeux l’arrêtent. Quelques flocons se sont coincés sur les cils de l’homme dans sa chute, surplombant des orbes rouges. Derrière la détermination se cache un regard éreinté. Elle ne connait rien de son histoire, mais elle sait avec certitude que la vie n’a pas été douce pour lui. S’il se bat pour survivre, ce n’est pas parce qu’il accorde une quelconque importance à sa propre personne. C’est pour quelqu’un d’autre, pense-t-elle.

-Par ici, les rochers peuvent couper le vent, l’informe-t-il.

Evelyn, qui s’était immobilisée quelques secondes, retrouvent la vigueur qu’elle avait lorsqu’elle l’a appelé. Elle ne regarde pas le téléphone bien longtemps. Avec la neige, c’est à peine si elle peut garder sa vision assez concentrée pour distinguer ce qu’il affiche. De toutes façons, quelque chose chez lui encourage la dresseuse à l’écouter. Il n’a peut-être pas la volonté de vivre, mais il est décidé à survivre cette tempête. Elle n’a cependant pas l’intention de laisser sa propre vie et celles de ses Pokémons dans les mains du hasard et c’est pourquoi elle se met en action.

Avant qu’il n’ait le temps de faire quoi que ce soit d’autre, elle pivote Aidan pour qu’il fasse face à la direction qu’ils doivent prendre pour trouver les rochers en question. Derrière lui, Evelyn se positionne si prêt qu’ils peuvent presque se toucher. Elle agrippe avec fermeté son manteau, mais malgré les couches de tissus qui les sépare, le dos de l’homme peut enfin se réchauffer. La chaleur du Poussifeu est tel qu’il peut lui aussi en profiter. Elle ne lui laisse pas vraiment le temps d’enregistrer ce changement qu’elle prend une attache reliée à sa ceinture pour l’épingler sur le vêtement de l’homme.

-Ne t’éloigne pas trop. Si on n’est séparé, on ne pourra pas se retrouver avec toute cette neige. Tu as le temps de gelé bien avant qu’on te vienne en aide. Je nous ai attaché, au cas où, mais ne compte pas seulement sur ça. Il vaut redoubler de prudence.

Elle le pousse très doucement dans le dos pour l’encourager à entamer le chemin nécessaire à leur sécurité. Plus vite ils trouvent les rochers, mieux ce sera.