La tension est à son comble. C’est le dernier match. Deux dresseurs s’affrontent pour gagner le titre de maître de la Ligue. Liam se tient sur le bout de sa chaise.

– Chérie, dépêches-toi, cri Liam à l’attention de sa femme. Le match va commencer!

L’horloge affiche bientôt treize heures. Plus que deux minutes. Braségali sautille d’un pied à l’autre en donnant des coups de poings dans l’air pour brûler son excès d’énergie.

– J’arrive, réponds Elena. Elle les rejoint au même moment que le présentateur annonce le début du combat.

Deux hommes arrivent sur le terrain et saluent la foule. Devant la télévision, le couple et leur Pokémon s’excite à la vue de l’un des dresseurs. Il a accompli tellement de chemin depuis ses débuts. Va-t-il faire appel à son Galifeu? Se demandent-ils. Sans doute, il s’agit après tout de son Pokémon de départ. Cardin rêve de devenir maître et entraîne son compagnon à cette fin depuis leur première rencontre. C’est le temps pour eux de briller.

– Braz ne tient pas en place, remarque Elena en s’essayant à côté de son mari.

Le Pokémon lance un cri de joie et continue sa danse. Les premiers combattant sont appelés dans l’arène : Alakazam contre Békipan. Astucieux. Il vaut mieux garder son meilleur Pokémon pour plus tard. Ce n’est pas pour autant que ce n’est pas un échange palpitant, car les deux adversaires sont tenaces. Quand Békipan tombe, Liam et Braz huent.

– Ce n’est pas fini pour autant, encourage la jeune femme.

Et elle à raison! Lorsque Cardin en est à son dernier Pokémon, son adversaire n’est pas loin derrière lui. À leur surprise, ce n’est pas un Galifeu qui se tient dans l’arène, c’est un Braségali! À peine deux semaines plus tôt, il en était à sa deuxième évolution. Braz pousse un cri de victoire en voyant l’avancement de sa progéniture.

– Tu vois Braz, tu fais les meilleurs Poussifeu de la région, s’exclame Liam et Braz ne peut qu’être d’accord avec lui.

À peine une minute plus tard, le Pokémon adversaire tombe. Il ne réussi même pas à placer une seule attaque contre Braségali qui l’assomme sans aucun effort de sa part. La foule est hystérique.

– Hey bien Chris c’était tout un Poing Feu qu’on vient de voir! Quelle force, admire l’un des commentateurs.

– Rien de surprenant venant d’un Braségali issu du centre Nox, réponds Chris. C’est l’un des meilleurs centres d’élevage de Poussifeu de toute la région! Espérons que Noémie nous cache elle aussi son meilleur concurrent si elle veut une chance de gagner le titre de maître!

La maisonnée s’excite quand ils entendent leur nom. Elena, qui se dandine sur sa chaise, pose la main sur son gros ventre rond en riant.

– Et bien j’en connais une qui est toute aussi excitée que nous…


Le professeur surveille la petite fille du coin de l’œil, alors qu’elle joue avec les Pokémons du laboratoire. Ses parents sont venus la porter le matin même avec un Poussifeu. Plusieurs dresseurs débutants viendront dans la journée choisir leur compagnon de départ. Il ne sera pas surpris si celui de type feu part le premier. Après tout, sa réputation – ou plutôt celle de sa famille – le précède.

– Evelyn, soit prudente quand tu joues près des équipements, demande-t-il d’une voix calme.

Il a l’habitude avec elle. La brunette adore le visiter et jouer avec toutes les créatures qui vivent avec lui. Plusieurs fois par mois, ils passent la journée ensemble. Elle est fascinée par les dresseurs et les chercheurs qui vont et viennent au laboratoire, qui ont toujours des histoires rocambolesques à lui raconter.

Evelyn ne l’écoute pas vraiment. Malgré son imprudence, le professeur s’éloigne et sort son téléphone cellulaire. Il ouvre un message texte, y répond et se dirige vers la porte. Elle s’ouvre à peine arrive-t-il devant.

– Ethan, comment vas-tu? S’exprime le professeur, attirant l’attention de la petite fille.

Aussitôt voit-elle le grand homme qu’elle court pour le rejoindre. Il l’attrape et la prend dans ses bras, tout sourire, et salue le professeur en retour. C’est Ollie Gray, un chercheur reconnu de la région et une véritable célébrité pour les enfants aventureux comme Evelyn. Il tient un camp de jour durant l’été et part en expédition avec ses campeurs.  

– Wow, tu as tellement grandi! Tu as quel âge, maintenant, quatre ans?

– Cinq, répond-elle en ouvrant large la paume de sa main devant lui, tout sourire.

La prochaine heure, il est bombardé de questions par la petite fille. C’est grâce à lui qu’elle rêve un jour de partir à l’aventure. À son jeune âge, elle sait déjà qu’elle veut passer sa vie à voyager.


Liam et Elena observent par la fenêtre la cours arrière. Ils sont inquiets pour Evelyn, Braségali et Kroknoix, en raison de la forte tempête.

– On devrait leur dire de rentrer, lance Elena à l’égard de son mari.

Il garde un œil sur Evelyn. La jeune fille ne les remarque pas.

– Elle s’en sort bien.

Elena acquiesce malgré elle et tend une assiette fraîchement lavée à Liam, qui la range d’un air distrait.

Evelyn assiste Kroknoix dans son avancée et garde un œil sur l’état de Braségali, quand un coup de vent ébranle le petit Pokémon. La pluie a rendu le sol glissant et les frappe avec fureur. Evelyn n’est pas perturbée; elle ancre ses pieds au sol, puis le rattrape juste à temps, se tourne vers son deuxième partenaire et lui fait signe de la tête de les rejoindre.

– C’est la température qui m’inquiète, rétorque Elena en se dirigeant vers la porte.

Liam la rattrape de justesse.

– Braségali lui fait confiance. On doit en faire de même.

Le Pokémon ne la laisserait pas à l’extérieur s’il jugeait la situation trop dangereuse, ils le savent bien. Dehors, le concerné se voit confié Kroknoix, alors qu’Evelyn continue son ascension en direction de l’aire de jeu des Pokémons. Elle rampe sous une plate-forme et en ressort quelques secondes plus tard avec un Posipi. Il est tout trempe et effrayé. Qui sait ce qu’il lui serait arrivé s’ils ne l’avaient pas trouvé.

– Je vous avais bien dit que je l’avais vu sortir, souffle du haut de ses sept ans la petite Evelyn, une fois rentrée.

Liam et Elena lui sourient avec fierté.


Sa première grande expédition est sur le Mont Chimnée. Tous les enfants du camp d’été Gray se préparent à installer leur campement, au bas de la montagne. L’aventure de l’été se déroulera dans l’est de la forêt, plus calme, mais ils auront la chance de visiter l’une des grottes volcaniques. Deux garçons commencent le placement d’une tente. À quelques mètres d’eux, la jeune Nox parle avec enthousiaste à l’un des animateurs. C’est la plus jeune des campeurs et ce de quelques années.

– Qu’est-ce qu’elle fait ici, celle-là? C’est pas un endroit pour une gamine, se plaint l’un d’eux.

À sa grande surprise, une main se pose sur son épaule. Il regrette immédiatement ses paroles quand il voit le sourire de M. Gray.

– Si tu avais passé moins de temps à procrastiner et que tu avais écouté à la place, tu aurais pu participer plus tôt toi aussi, Mike, répond-il.

Son ami éclate de rire. Mike balbutie, le visage rouge. Ce n’est que quelques jours plus tard, quand il sera sauvé de justesse par Evelyn après avoir cherché les ennuis auprès d’une ordre de Pyrax, qu’il admettra avoir eu tort à son sujet.


Épuisés de leur journée, trois petits poussifeu sont enfouis dans des couvertures. Ils se collent à Evelyn qui, comme eux, est plongé dans un sommeil réconfortant, bercée par ses rêves. Le réveil est brutal pour tous les habitants de la maisonnée.

– À l’aide, s’il vous plaît, presse une voie rauque. Il va mourir, aidez-moi!

La brunette se lève brusquement, alarmée par tout ce vacarme. Elle court à sa porte et fait signe aux poussifeu de rester en place pendant qu’elle va voir ce qui se passe. En ouvrant la porte, Evelyn voit sa mère disparaître dans les escaliers. Elle suit la trace d’Elena et arrive comme un homme franchis le seuil de l’entrée. Une vision épouvantable les accueille, alors que l’inconnu présente à Elena un Méditikka en état critique. Ils sont tous les deux couverts de sang.

– Sauvez-le, je vous en prie, supplie-il.

Evelyn ne bouge pas. C’est la première fois qu’elle voit un Pokémon blessé à ce point. Le centre Nox est réputé pour offrir une assistance médicale à quiconque le demande sans poser de question, mais elle ne pourrait jamais imaginer des circonstances aussi extrêmes. Elena, quant-à-elle, ne se laisse pas surprendre.

– Eve, tu vas devoir m’assister à la place de ton père, ordonne la matriarche en attrapant avec douceur le Méditikka. Evelyn!

La jeune fille sort enfin de sa torpeur et suit sa mère dans une autre pièce. L’homme est sur ses talons, toujours aussi déboussolés. La nuit est longue pour les Nox.

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Quand Evelyn se réveille le lendemain, elle est courbaturée de la tête aux pieds. À ses côtés, Braségali, qui a fait de son mieux pour les aider, dort toujours. Evelyn n’a pas besoin de voir sa mère, elle sait qu’elle est éveillée, au côté du Pokémon blessée. Ils ont passé des heures à le stabiliser et maintenant, ils doivent attendre. C’est au tour de Méditikka de se battre pour sa survie.

– Il va s’en sortir, annonce une voix grave.

Evelyn lève la tête en direction de son père.

– Papa! Je pensais que tu revenais seulement dans quelques jours?

– Ta mère m’a appelé. Tu as fait un excellent travail, cette nuit. Je suis fier de toi, dit-il en s’approchant d’elle.

Evelyn n’hésite pas à se glisser dans ses bras. Elle le sert si fort qu’il en a mal. C’est un dur réveil pour une enfant. Liam aurait préféré la garder loin de cette réalité pour encore bien longtemps, mais tôt ou tard, Evelyn devait y faire face.

– Tu peux aller le voir, si tu veux.

Elle est d’abord incertaine. Ce qu’elle a vu la veille va la suivre pour le restant de ses jours. Jamais elle ne pourra retirer cette vision de son esprit. Evelyn n’est cependant pas une personne qui recule parce que c’est difficile. À cet instant, le Pokémon a besoin de soutient et c’est tout ce qui compte. Elle se sépare donc avec regret de son père, puis se dirige vers la pièce où se repose Méditikka. La première chose qu’elle remarque en entrant, c’est le ruban bleu et la Pokéball posés sur la table de chevet.


L’air frais s’engouffre dans les cheveux rouge feu d’Evelyn. À ses côtés, Méditikka observe l’horizon. Ils tiennent chacun un sac contenant leur unique bagage. C’est l’anniversaire d’Evelyn, aujourd’hui. Quinze ans déjà! Après une longue discussion avec ses parents, la voilà enfin en route pour vivre son rêve : voyager à travers le monde.

– Tu es prêt, Med? S’enthousiaste Evelyn.

Le Pokémon répond avec un cri énergique. Il a attendu tellement longtemps pour être de retour à une vie normale. Il n’est pas fait pour rester enfermer. Encore moins pour aider à l’élevage de Pokémon nouveau-nés. Sa nouvelle dresseuse a dû l’empêcher de trop nombreuses reprises de commencer un combat avec eux. Non pas qu’il y soit parvenu. Jamais Braségali ne l’aurait laissé faire. Le combat est toujours terminé avant même qu’il ne soit commencé, avec Méditikka K.O par la mère des Poussifeu.

– Qu’est-ce que tu en passes, Arthur, surgis une voix inconnue à quelques mètres d’eux. Tu veux t’entraîner?

À ses mots, Méditikka se retourne avec hâte. Il ne laisse pas le temps au dresseur de répondre qu’il s’est déjà interposé entre les deux. Pire encore, il n’attend la permission de personne pour charger le Pokémon adversaire. Evelyn réagit juste à temps et se jette dans la mire de son compagnon.

Quand elle reprend conscience, c’est le ciel bleu qui se montre à elle en premier. Des bourdonnements se transforment en murmurent et une tête surgit au-dessus de la sienne.

– Est-ce que tout va bien, demande un vieil homme.

Son corps lui fait affreusement mal. Est-ce qu’elle a des côtes cassées? Non, penses-t-elle. Le coup n’était pas si violent.

– Tu es chanceux, Méditikka. Ta dresseuse aurait été en bien plus mauvaise état si tu ne t’étais pas retenu à la dernière seconde, reprend l’homme, répondant à la question silencieuse d’Evelyn.

Un gémissement attire l’attention de cette dernière. À ses côtés, Méditikka pleure.

– T’en fais pas, Med, dit-elle en lui tapotant la tête. Je suis plus forte qu’il n’en parait. On va travailler ensemble pour que ça n’arrive plus. D’accord?


– Med, utilises Pied Voltige, ordonne Evelyn.

Méditikka esquive de justesse l’attaque de son adversaire. La sueur coule sur son front. Il retombe quelques pas derrière lui, peinant à rester sur ses jambes. Pendant une fraction de seconde, il ne bouge pas, la respiration haletante, puis il trouve la force de tenter une énième attaque. Son adversaire ne semble même pas sur ses gardes.

– Kicklee, évite l’attaque, réplique le dresseur adverse.

L’attaque de Méditikka ne parvient même pas à toucher l’autre Pokémon. Il en est à ses derniers retranchement, mais quelque chose en lui refuse d’abandonner. Un coup vers Evelyn et il est à nouveau motivé. Une lueur brille dans son regard quand il se redresse droit. Soudain, il s’élance et cette fois-ci, Kicklee est sur ses gardes, les poings en l’air, prêt à prendre l’attaque de front, car il sait qu’il ne pourra cette fois-ci pas l’éviter.

À la grande surprise d’Evelyn, la lueur se répand maintenant sur tout son corps. Quand il saute, on ne peut même plus distinguer ses traits. Sa forme, cependant, est bien visible. Et surtout, changeante.

– Charmina, lance le Pokémon nouvellement évoluer alors que la lumière disparait enfin.

Cette fois-ci, Pied Voltige atteint son adversaire, mais ce n’est pas suffisant pour leur faire gagner le match. Le Kicklee se remet rapidement du coup et met fin au combat en lançant une rafale d’attaque, ne laissant aucune chance à Charmina de répliquer ou de se défendre.

Quand il tombe au sol, Evelyn est là pour le rattraper et la dernière chose qu’il voit avant l’obscurité est la fierté sur le visage de sa dresseuse.


Les hauts plafonds sont couverts de dessins antiques. Evelyn reconnait les esquisses de quelques légendaires, qu’elle a vu dans des livres du laboratoire. Le manoir doit avoir plus de 200 ans. Elle est stupéfaite. La dernière fois qu’elle a rencontré Denis, ils étaient sur son lieu de travail.

– Mademoiselle Nox! Bienvenue, lance un homme du haut d’un escalier à la couleur de l’or. As-tu réussi à trouver mon Griknot?

– Oui, j’ai réussi.

Elle a retrouvé ses esprits aussitôt qu’elle a entendu sa voix. Son ton est confiant. Ce qu’elle dit, c’est un fait et elle le sait.

– Tu n’es pas la première à me dire que tu vas me trouver la perle rare, répond-il. Qu’est-ce qui te fait croire que ton cas est différent?

À sa question, elle ne fait que sourire et sortir une Pokéball de sa poche. Elle a passé les deux dernières semaines à chercher la grotte Revêche, au grand damne de Charmina. S’il est maintenant beaucoup plus patient qu’il ne l’était dans ses débuts, il n’aime pas pour autant passer des heures à observer le comportement des Pokémons pour trouver le parfait candidat. Quand celui-ci apparait à leur côté, Denis hausse un sourcil.

– Pourquoi tu n’en juges pas par toi-même, réplique Evelyn.

Devant elle, Griknot est déjà prêt au combat. Il a lui aussi un grand sourire, mais le sien est un peu plus mesquin. Denis descend les escaliers pour les rejoindre et sans un mot, il lance à son tour une Pokéball. Cette fois-ci, c’est un Sabelette qui en sort.

– Il faudra plus que gagner contre moi pour me convaincre, jeune fille.

Ils font tous les deux signes à leur Pokémon de s’avancer et le combat commence. Dès la première attaque, c’est une véritable danse qui débute. Un instant, Sabelette évite d’instinct la charge du Griknot et l’instant suivant, c’est celui-ci qui détourne les coups de griffe de son adversaire. Ils peuvent voir l’un et l’autre dans leur jeu. Plus on les regarde, plus on dirait un miroir. Après de longues minutes à ne pas pouvoir se toucher, les deux Pokémons sont à bout de souffle.

Evelyn, elle, affiche un air satisfait. Elle a bien vu la posture de Denis changé pendant le combat. Il est fasciné par le Griknot, qui semble tout aussi intrigué par l’homme.

– Ma foi, je dois m’avouer impressionner, cède Denis en inclinant son chapeau. Bons nombres de dresseurs ont essayé de me vendre leur Pokémon et ils m’ont tous assuré avoir exactement ce que je recherchais. Comment t’y es-tu prises?

– Ce n’est pas aussi facile que de se faire dire ce que l’on cherche. Il faut le comprendre, aussi.  

Ce n’est pas pour rien qu’elle lui a aussi demandé un combat la dernière fois. Après avoir évalué ses stratégies, elle a effectué ses recherches sur le Pokémon pour en connaître plus sur ses forces et ses faiblesses. Après ça, il a suffi de quelques jours à arpenter la grotte et à observer tous les Griknot qu’elle a pu croiser afin de trouver celui dont la personnalité et les capacités correspondraient le mieux avec celle de Denis et à le préparer pour leur rencontre.

Elle a passé tellement de temps dans son enfance à voir comment les comportements des Poussifeu à l’enfance affectent leur façon de combattre. C’est tellement plus facile pour elle d’évaluer la compatibilité d’un dresseur et d’un Pokémon. Elle ne serait même pas là si elle ne pensait pas que Griknot puisse se sentir bien dans sa nouvelle équipe. Ou s’il ne voulait tout simplement pas être là, d’ailleurs.

– Donc, en ce qui concerne la récompense…


Ah, l’odeur du cuir! Il n’y a pas meilleure sensation que ça, décide Evelyne. Si elle pouvait passer ses journées ici, elle le ferait. Hélas! Vivre ses journées entières entourée de vêtements n’aiderait pas son porte-monnaie. Et puis, elle aime voyager. Comment découvrira-t-elle ce qu’ont à offrir les autres boutiques de la région si elle se contente de squatter celle-ci?

– Ne vas pas faire des folies juste parce que c’est ta fête, lui reproche John, l’un de ses récents compagnons de voyage.

– Tu dis ça comme si elle se privait le reste du temps, réplique sa fiancée, Mélissa.

Evelyn les a rencontrés une semaine plus tôt, en prenant le bateau en direction d’Alola. C’est leur avant dernière journée ici avant de repartir à Kanto. La brunette, quant-à-elle, compte bien rester encore au moins quelques mois.

– Ah, toi, tu me comprends, rit Evelyn.

Elle a jeté la moitié de sa garde-robe hier. Que peut-elle faire de plus? Bien sûr qu’elle doit compenser, quelle question! Son panier déborde déjà, mais ça ne l’empêche pas de continuer à le remplir d’accessoires en tout genre, de vêtements qu’elle ne portera qu’une fois, de bottines, de souliers… À chaque rangée, elle ajoute des articles qui ne lui serviront presque pas. John et Mélissa étaient fascinés de la voir dépenser autant et réussir à ne jamais manquer d’argent. C’est sûr que ça devait aider de ne pas dormir dans un hotel luxueux, comme eux…

– Oh, maintenant que tu as l’âge, on devrait trop aller au casino.

Mélissa frappe doucement le bras de son futur mari en lui lançant un regard noir. Quelle idée il a, lui…

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John en a eu des mauvaises idées, dans sa vie. Quand il était plus jeune, il a essayé de monter le Tauros de son frère par surprise. À l’adolescence, il a dû faire un million de cascades. Combien de fois s’est-il cassé un bras ou une jambe? Et on ne parlera pas de son ancien boys band… Celle-ci, cependant, est le comble de sa bêtise. Comment la soirée a-t-elle pu tourner au vinaigre aussi rapidement? Et à ce point-là, en plus…

Toute leur économie, partie en fumée. Heureusement qu’il a oublié sa stupide carte de crédit à l’hotel, il ne peut même pas imaginer à quel point la tournure des choses autrement.

– Je t’avais dit de ne pas l’amener là-bas, rage Mélissa. Tu croyais quoi, qu’une ado à peine adulte avec une tendance à lancer l’argent par la fenêtre aurait vraiment un bon contrôle dans un casino !? Et qu’est-ce qui t’a pris, aussi, de lui donner NOTRE argent!

– Je pensais vraiment qu’elle allait gagner. Elle a tellement bien commencé.

Les sanglots d’Evelyn envahissent la chambre d’hôtel. Mélissa tente de flatter le dos de la brunette, un mélange de colère et de culpabilité bouillonnant en elle.

– Me… Me… Me… Mes lunettes, pleure-t-elle.

God damn it.


La fumée est étouffante. Evelyn peine à voir plus d’un mètre devant elle. Sans l’aide de Charmina, elle n’y serait jamais parvenue.

– Il n’y a plus personne d’autres, s’empresse-t-elle. Dépêchons-nous.

Elle traîne de toutes ses forces un homme inconscient. Le Pokémon, quand-à-lui, a réussi à soulever trois personnes à la fois. Ils sont près de la sortie, mais le manque d’air déforme leur perception de la distance à parcourir. Evelyn manque de tomber. Ne sois pas égoïste, tu n’es pas seule ici, se réprimande-elle. Personne ne va mourir aujourd’hui.

Elle utilise tout ce qui lui reste d’énergie pour atteindre la porte, défoncée plus tôt par Charmina. Quand ils atteignent enfin l’air frais, elle lâche l’homme et le laisse tomber au sol, s’effondrant peu après lui en tentant de reprendre sa respiration. Au loin, elle peut entendre l’alarme des pompiers. Une patte se pose sur elle et Evelyn l’attrape avec inquiétude. Une image d’un petit Méditikka ensanglanté lui revient en mémoire et elle ne peut que serrer son camarade contre elle.

Ils sont arrivés juste à temps. Quelques minutes plus tard et personne n’aurait survécu. Le bâtiment est bien trop loin de la caserne de pompiers. C’est une chance qu’ils aient décidé d’explorer les environs. L’avant-bras d’Evelyn lui fait un mal de chien, mais elle juge que c’est un sacrifice qui vaut la peine quand elle voit les visages de ceux qu’ils ont aidé.


Evelyn et Charmina sont assis à une table près de l’entrée. Ils sont entourés d’hommes, de femmes et d’enfants venus de toute la région, tous accompagnés par leurs Pokémons. Le restaurant est bondé.

– Qu’est-ce que tu as envie de manger, demande Evelyn.

Sa bouche salive juste à regarder le menu. C’est LE restaurant à essayer à Johto. Il a ouvert quelques mois plus tôt, mais tout le monde en parle déjà. Evelyn se sent tellement chanceuse d’avoir réussi à avoir une réservation.

Le concept est sympa. Des télévisions sont placées partout dans le restaurant et ils diffusent des matchs en tout genre. En ce moment, c’est le début d’une nouvelle saison pour la ligue. Evelyn reconnait quelques dresseurs qu’ils ont rencontrés durant leur voyage. Les combats risquent d’être intéressants, si elle en juge par ce qu’elle a pu voir d’eux.

– Bonjour, mon nom est Laurie, je vais être votre serveuse aujourd’hui. Avez-vous déjà trouvé ce que vous allez manger?

Derrière elle, le match change pour laisser place à une annonce télévisée. À l’écran, un visage familier apparait.
– Vous avez toujours de l’énergie à revendre et vous avez besoin de vous défouler? Vous aimez vous battre, mais vous n’avez pas les bonnes techniques? Rejoignez le dojo Renoird…

Charmina se lève d’un bon, faisant sursautée la serveuse. Evelyn, elle, a le regard figé sur l’écran de télévision. Quand l’image change pour montrer le dojo, elle reconnait le bâtiment devant lequel ils sont passés plus tôt dans la journée. C’est à quelques minutes d’ici. Avant même qu’elle n’ait le temps de le réaliser, Charmina part à la course. Il faut une seconde à Evelyn pour le remarquer et elle part à sa poursuite.

– Charmina, attends!

Ses supplices tombent dans une oreille sourde. Il dévale les rues, effrayant plusieurs passants qui se jettent presque sur les côtés pour ne pas se faire bousculer par un Pokémon de cette carrure. Les types combats ne sont pas réputés pour être des poids plumes. Quand Evelyn réussi enfin à le rattraper, ils sont déjà au dojo et la porte a été éclatée.

– Charmina…

La voix d’Evelyn s’étouffe quand elle rentre derrière lui. Ils ont interrompu un cours. Tout autour de la classe, des élèves entre dix et douze ans se tiennent en silence, stupéfait. Au centre, c’est l’homme qu’ils ont vu à la télévision. C’est lui. C’est bel et bien lui.

– Mais qu’est-ce que vous…

C’est au tour de l’homme de perdre la voix. Son regard se pose sur le bras gauche de Charmina. Un ruban bleu. C’est tout ce qu’il lui faut pour se rappeler. Ses yeux sont grands sous la stupeur.

– Me-Méditikka !?

Charmina ne tient plus. Il s’élance pour donner un coup de poing à l’homme. Celui-ci l’évite avec facilité. Il ne réplique et continu d’éviter chaque attaque. Charmina, lui, s’épuise de plus en plus. Sa respiration est rapide, mais ce n’est pas son épuisement physique qui l’arrête. Des larmes coulent sur son visage quand il s’effondre dans les bras de l’homme.

– Je suis tellement désolé, commence ce dernier. Je voulais le meilleur pour toi. Je n’ai jamais voulu t’abandonner. Oh, regardes-toi, tu es tellement fort maintenant. Je suis s’y fier de toi.

Il pleure à son tour et les deux se tiennent forts, comme s’ils ont peur d’être séparés à nouveau. Le cœur d’Evelyn se brise en morceaux.

Quand elle repart ce soir-là, après une longue discussion émotive avec Charmina, elle est seule.


– Regardes ce que je viens de gagner, lance Elena en rentrant dans la chambre d’Evelyn, enthousiaste.

Elle brandit deux billets devant son visage. Evelyn, elle, s’amuse avec la nouvelle génération de Poussifeu qui a établis résidence dans sa chambre d’enfant. Elle est assise dans un coin, entouré de trois petits Pokémons, avec un quatrième posé sur ses jambes.

– Qu’est-ce que c’est, demande la plus jeune des Nox en riant devant tant d’excitation.

– Exactement ce qu’il te faut.

Elena lui tend les billets. Lumiris, lit Evelyn. Le nom est familier. Elle en a entendu parler pendant ses voyages.

– J’ai participé à un concours et ils ont fait tirer des billets. Une semaine tout payé. Si tu aimes, tu pourrais rester là-bas et sinon, tu peux toujours revenir. Tu es toujours la bienvenue ici.
Evelyn y songe. Oui, ce n’est pas une mauvaise idée. Elle a besoin d’un nouveau départ. Elle caresse la tête du Poussifeu assis sur elle. Quand elle est revenue, sa mère lui a expliqué qu’il est le fameux élu pour rester à la résidence Nox. Ils vont devoir l’entraîner pour avoir le meilleur candidat possible à la reproduction. Evelyn et lui se sont attachés l’un à l’autre depuis son retour.

– Tu sais quoi, c’est une bonne idée. Ça va me faire du bien, un changement de paysage.

Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre.