Everybody in this room feels so fake (and so am I)
Parfois j’ai l’impression que j’ai fait des mauvais choix de vie. Peut-être que si j’avais été un peu plus tendre envers moi-même, mon corps ne serait pas en train de m’abandonner ? Je ne pourrais pas dire, pour être honnête. Mais ce que je sais, c’est que je suis à bout. Ma patience se fait de plus en plus limitée, envers mes clients comme envers mes collègues de travail. J’ai même déjà commencé à compter les jours avant mes vacances d’été, il y en a encore beaucoup trop. On est seulement au mois de février, damn it.
C’est un vendredi soir où je finis un peu trop tard. Encore une fois, j’étais la première personne à ouvrir la shop, mais aussi la dernière à la fermer. Depuis janvier, j’enchaîne les 7h-20h, du lundi au vendredi, et tout ça sans vraiment me plaindre. J’ai pas à me plaindre; je gagne bien ma vie. Ma tante Évangeline m’a déjà dit « Le portefeuille ne fait pas le cercueil », une façon bien à elle de me dire que je devrais prendre du temps pour moi à la place de me surcharger et m’enterrer sous le travail. Meh. Mon loyer et mon épicerie ne vont pas se payer seuls, et l’argent ne pousse pas dans les arbres. Certes, j’ai Elijah pour me couvrir si y’a quoique ce soit, mais je n’aime pas dépendre de mon petit ami. Ça me fait sentir trop… Impuissant.e. Infantilisé.e. Et je n’aime pas ça.
Tant qu’à perdre mon vendredi soir après cette semaine bien chargée seul.e chez moi à regarder des séries Netflix que j’avais déjà vues une dizaine de fois, je m’étais dit que je pourrais prendre un peu de temps pour moi. Elijah travaille de nuit pour le weekend, et à l’heure qu’il est, il doit déjà être au commissariat… Je soupire que je prends mes clés. J’active le système d’alarme et je verrouille les portes derrière moi. J’ai eu le temps de me changer avant de partir, par chance. Je n’allais pas déambuler en Artiesta dans ce foutu jumpsuit recouvert de taches d’huile et de saleté, j’ai quand même un minimum d’estime de moi. Je flotte dans un t-shirt trois fois trop grand et des mom jeans que j’avais roulés pour qu’ils me remontent jusqu’au-dessus des chevilles. Bien sûr, mes iconiques chaussettes qui n’étaient pas jumelles, avec les motifs les plus ridicules auxquels tu pourrais penser. Je porte mes baskets vieilles de mon adolescence; je te jure que je vais les faire durer jusqu’au bout de leur vie, elles seront aussi fatiguées que moi lorsque j’en aurai fini avec elles. Je me glisse sous ce manteau de cuir, doublé par une chemise à carreaux épaisse qui me protégeait de ce froid de fin d’hiver. Oh, le printemps approche, à voir le soleil qui se couche de plus en plus tard, mais… Vois-tu, j’ai la peau sur les os, et je n’aime pas particulièrement avoir froid. Alors je fais avec ce que j’ai. Et puis, je ne me plains pas de cacher mon peu de courbes sous des vêtements que j’ai volés à mon petit ami, notre différence de taille me fait sentir un peu moins efféminé.e.
Je m’enfonce dans cette ville qui prend vie dès que le soleil ne se couche. Je cherche du regard le bar le plus perdu possible; je n’ai pas particulièrement envie de faire du social aujourd’hui. Disons que ça me ferait particulièrement chier de devoir me taper la causette avec un porc ou avec une meuf un peu trop intense pour moi. Je veux juste la paix. Je veux juste boire un verre en paix. Sans avoir à m’occuper de Clicker ou Reiner qui font des bêtises. Sans devoir m’ennuyer chez moi. Pourquoi j’ai à me justifier ? Oui, une personne de mon âge a parfaitement le droit d’être aussi fatiguée, tu fais de l’anémie et une mono ? Non ? Bah c’est ce que je me disais. L’alcool éclaircit le sang ? Bah c’est un problème pour moi plus tard.
Je tourne un coin de rue non loin du centre-ville d’Artiesta que je vois un bar qui m’a l’air potable. Pas trop miteux, sans non plus être le genre à me charger un bras, une jambe, mon numéro d’assurance vie et un rein pour une bière. Juste un petit pub propre qui me semble agréable, mon genre d’endroit. Je pousse la porte que la clochette soulignait mon arrivée, je balaie la grande salle du regard. Quelques tables, la majorité étant occupées, je n’ai pas envie de me mêler à cette foule agressive. Je grimace légèrement pour moi-même, mais je me décide à m’avancer dans le bâtiment tout de même. Bon. Tant qu’à faire du social avec les demoiselles d’honneur à l’enterrement de vie de jeune fille, ou le groupe d’aînés déprimés qui puent la clope bon marché, autant directement aller m’asseoir au bar directement. Au moins, le barman n’a pas l’air trop envahissant. Haha. C’est ce que je pensais bien, elle est drôle.
Je prends place sur ce banc que je jette un rapide coup d’œil à la carte des alcools, bien que je sais déjà ce que je vais prendre. Mais je sens une paire d’yeux insistants et invasifs dirigés vers ma maigre silhouette. Et si j’ignorais cette sensation oppressante d’être fixé.e, je fronçais les sourcils. Avant de lever les yeux vers lui. L e n t e m e n t.
« Quoi ? » ma voix se faisait froide, colérique, comme un dard acéré que je lançais à mon interlocuteur. Ma demande accompagnée de mon regard aussi orageux qu’une violente tempête d’automne.
Je n’aime pas qu’on me dérange. Qu’on me fixe. Mais pourtant, il est là, et il me regarde. Confus. Intrigué ? Envahissant, finalement. Je redépose la carte, que je prends appui sur le bar pour le fixer en retour. Je l’ai toujours pas sonné, je ne l’ai pas salué, ni adressé que j’étais prêt.e à faire mon choix. Je ne suis pas ce genre de personne. Mais qu’est-ce qu’il a l’air con, à me regarder comme ça, ça me tend.
Everybody in this room feels so fake. ft. Piper R. Reed
Tu n’as ni l’envie ni la patience de te battre avec Fluffy dans l’immédiat et pourtant mon bon Floyd, elle a décidé de dormir sur ta veste que tu le veuilles ou non et, au fond de toi, mon grand, tu sais qu’elle ne bougera pas tant que tu ne lui auras pas dit qu’elle peut t’accompagner. Incroyable. Outré, désabusé, l’air bête, tu finis par lâcher le plus long des soupirs que l’univers entier ait pu entendre. Tu lâches, par la même occasion, aussi le vêtement en allant en direction de la salle de bain en pestant. C’est fou comment une créature au moins cinq fois plus petite que toi est capable de te bully. Gratuitement. Et tu l’aimes en plus, c’est ça le plus drôle dans cette histoire : Tu es fou de ta princesse. Quelque part, tu sais aussi que si Fluffy se comporte ainsi avec toi, Floyd, c’est parce que tu la laisses faire. Tu n’as jamais vraiment cherché à la dominer d’une quelconque façon sous prétexte que tu es le ‘dresseur’. Ton Galekid a sa personnalité, son caractère, ses envies et tu respectes ça. Seulement ce soir c’est un peu contraignant.
Lorsque tu reviens, elle a d’ailleurs accepté, dans son infinie bonté, de se pousser pour te laisser prendre ta veste. Un miracle ! Approchant ta main de sa petite tête ovale, tu lui offres une caresse avant de t’asseoir à côté d’elle. L’un comme l’autre, vous n’aimez pas vous quitter. C’est un peu ‘nous deux contre le reste du monde’ entre vous après tout. En jetant un rapide coup d’œil à l’heure, tu te dis que tu as encore un peu de temps alors te voilà, comme un petit garçon, allongé à la prendre contre toi. Tu sais très bien que si elle n’en a pas envie, elle ne bougera pas d’un pouce. D’ailleurs, Fluffy commence par relever le menton, toujours un peu vexée de ton refus, mais elle a autant de volonté que toi concernant les câlins alors il ne lui faut pas si longtemps pour qu’elle vienne se rouler contre ton torse.
Il commence à faire nuit. Capuche sur la tête, les mains dans les poches de ton sweat et les yeux roulant, tu ne sais t’empêcher de sourire à la démarche pleine de fierté de la petite Galekid qui marche à côté de toi. Fière comme un paon, elle est bien contente d’avoir réussi à te faire craquer. Par simple soucis de sécurité, tu as pris sa pokéball avec toi. Ce n’est pas la peine de se mentir, tu sais qu’elle est difficile. Peut-être bien qu’il serait temps d’investir un peu plus de temps dans un échange plus constructif entre vous. Qu’apprendre qu’obéir c’est pas si mal par moment quand même. Et rien que d’y penser tu es bien fatigué, Floyd. Mais comme tu es un bon père, tu lui ouvres la porte du bar et salues tes collègues avant de passer dans le coin du staff. Fluffy attend sagement, observant le moindre de tes mouvements avec attention. Elle n’hésitera pas à te reprendre avec des petits cris désagréables si elle trouve que tu ne ranges pas ton cassier correctement alors tu fais un effort. Tu te pousses même pour lui laisser la chance de constater l’ordre méticuleux et parfait qu’il règne à l’intérieur de ce dernier. Satisfaite, Lady Fluffy s’en va pousser la porte avec son gros crâne chauve avant d’aller prendre place dans son royal panier derrière le bar.
– Fluffy a l’air de bonne humeur ! – Commence pas gros, j’suis fatigué.
Ton collègue, avant de partir avec la fin de son shift, t’expliques plus ou moins ce qu’il y aura à gérer pendant la soirée. Rien que ne te paraisse insurmontable ! T’es jeune et plein de bonne volonté ! Et puis, entre nous, tu commences à bien gérer ton affaire. Les commandes s’enchainent et la soirée s’annonce un brin plus mouvementée que ce que tu avais anticipé, mais c’est pas bien grave. Un coup d’œil rapide à Fluffy, qui désormais dors les quatre papattes en l’air, tu souris avec tendresse. Au moins y en a une qui passe une bonne soirée. Tu as dû expliquer à ces demoiselles que tu devais rester derrière le bar avec ton autre collègue, mais que, peut-être, plus tard, tu pourrais te permettre de prendre un verre ou deux avec elles. Ou pas. Pitié qu’elles oublient bien vite ton existence...
Ce n’est qu’un peu plus tard que tu vois cette jeune bouille s’asseoir au bar et tu as un doute pendant une fraction de seconde. Un gros doute ? Un petit doute ? Beaucoup de doutes. Tu penches la tête comme un chiot. Bien qu’adorable, tu devrais penser à ne pas le fixer comme ça quand même. Ou alors dis-lui quelque chose parce que tu dois avoir l’air bizarre. Un secouage de tête plus tard, tu t’approches alors qu’il vient, ou elle, t’en sais fichtrement rien, de t’agresser verbalement. Qu’est-ce qu’il a le petit machin ? Il veut son 1v1 dans les égouts. L’un de tes sourcils se lève alors que tu croises les bras. Voilà, c’est bien Floyd ! Posture fermée, prêt à en découdre. T’inquiètes même pas mon grand, you got this.
– Bah ouais, fais péter ta carte d’identité ? Il est tard quand même et vu ta tronche j’ai envie de te demander si t’as pas des devoirs à faire plutôt.
Y a pas de problèmes, toi aussi tu peux être désagréable sans raison. Pis en toute objectivité c’est pas très malin de vouloir se taper avec le barman, c’est quand même moins facile de boire son verre avec la mâchoire déboitée. Mais, Floyd t'es un jeune homme serviable, si ce petit machin à envie de boire ses verres pour les trois prochains mois à la paille, tu es prêt à l’aider. Sah, la main sur le cœur, Floyd. En sentant que tu es un peu nerveux, Fluffy se redresse, elle aussi est prête à distribuer des coups de tête, et tu lui fais un petit signe de la main.
– Tranquille, princesse. Il a pas encore mérité que tu lui casses les rotules en t’asseyant dessus.
Tu secoues la tête vers la petite chose métallique qui plisse les yeux en regardant, comme elle peut parce que franchement, ton agent sécurité doit faire 40 centimètres de haut à tout péter, le client de son panier. Après, vu comme ce gars à l’air rachitique, tu as un peu peur qu’elle lui brise tous les os de son petit corps de brindille si elle décide qu’il est trop mal élevé avec son papounet. Alors tu tentes de détendre l’atmosphère, pour le bien de ta clientèle.
– Non, mais sérieusement par contre, il me faut ta carte. Je peux pas me permettre de prendre une commande sinon. T’as l’air jeune, c’est plutôt une chance, mais à moins que tu veuilles juste un coca, il m’faudra ta carte.
Everybody in this room feels so fake (and so am I)
Un soupir exaspéré s'échappe de mes lèvres que je me recule légèrement. Ça me sass déjà ? Je ne pouvais m'empêcher de rire; alors pour le coup, je n'ai rien dit de déplacé ni quoique ce soit.
Elijah m'a déjà dit que j'avais l'air de me balader avec un sac à dos qui parle et un singe violet depuis que j'avais coupé mes cheveux, mais que voulez-vous; j'aime pas me faire appeler mademoiselle. Il me demande ma carte d'identité que je fouine dans mon sac, déjà que c'est le bordel là-dedans, je ne sors pas très souvent... Et puis, habituellement je suis avec Elijah donc je ne me fais jamais carter.
Je fronce les sourcils que j'attrape deux pièces d'identité; mon permis de conduire (tavu j'ai même mon permis de moto, dans tes dents le barman) ainsi que ma carte de santé ou j'sais plus trop comment vous appelez ça, à Lumiris. Mais sur les deux il est écrit. "Piper Roxanne Reed 14 Juin 2002 X Valide jusqu'au 14 Juin 2026"
Mes pièces d'identité sont legit, je peux me donner ça. Et Lumiris est beaucoup plus accessible pour la discrétion des personnes non-binaires, j'ai pu choisir de ne pas indiquer mon genre sur mes cartes. Et encore, je lui ai pas montré ma carte de travail, car sur ces cartes je suis Sodapop Roxas Reed, et je suis un garçon. Il m'aurait sans doute accusé de falsifier mes papiers.
« C'est bon ? Je peux m'installer pour faire mes devoirs, maintenant ? »
Tends-moi une perche, je te vole ton bras avec. Je me fais agresser par ce barman à peine j'ai posé les fesses à son bar et j'ai absolument rien fait sauf lui demander ce qu'il me voulait. Non mais. Il le veut son tip ou pas ? Je voyais sa petite chose s'énerver que je tirais mine de dégoût; parfois je regrettais de ne pas emmener Clicker avec moi. Elle est tout aussi... toxique.
Je tapotais impatiemment mes doigts contre le bar en lui offrant un sourire bien amer. Exagéré. Pour qui il se prend, ce barman ? Il me cherche ? Je dois prendre une bonne inspiration par le nez; j'ai pas particulièrement l'état pour me battre physiquement, c'est un plan pour que je finisse à l'hosto avec une hémorragie interne. Maladie de merde.
« Vous êtes Galorien, non ? »
Je reconnais son accent. Il doit reconnaître le mien, également, je viens de là aussi. Ce sont des choses qui ne manquent pas. Elijah vient de Galar aussi, Smashings plus exactement, sa façon de parler est si distingue, même s'il vit à Lumiris depuis plus longtemps que moi. Je zyeute faussement le menu que je continue de m'adresser à ce barman.
« Ça explique que vous aimiez confronter ainsi les gens, j'peux comprendre. »
...quoi ? Qu'est-ce que je suis censé.e lui dire ? "Oh pardon monsieur le barman, j'ai pas voulu être méchant.e dans ma façon de vous demander pourquoi vous m'oppressiez ainsi du regard, uwuwu désolé.e ~~" ? Nan, vous avez la mauvaise personne, je supplie pas, moi. Je me fais pas prier et je supplie pas qu'on me pardonne. Il le prend pas, tant pis pour lui, moi je gagne bien ma vie, l'argent ne manque pas, alors il perdra un.e bon.ne client.e, tant pis pour lui. Oh, je ne la cherchais pas, la confrontation, je te jure. Mais tu connais ma personnalité épineuse; j'aime pas qu'on me traite comme un enfant. J'en suis pas un.
« J'prendrais un Long Island Iced Tea, s'il vous plaît. »
Tiens, il avait de la chance le bonhomme, je lui disais s'il vous plaît. Bon. C'est surtout car j'avais pas envie qu'il me foutte à la porte pour des conneries, après tout; moi au garage j'ai le droit de refuser de servir des gens qui me font chier, j'imagine que c'est la même pour cette idiot, et c'est pire. Il m'apportait mon brevage que je lui donnais le montant et un peu plus. Qu'il soit encore heureux que je le tippe.
« Garde la monnaie. »
"Garde la monnaie, imbécile", c'est ce que je me retenais de lui dire alors que je lui glissais son généreux pourboire de cinq balles. Je te promets que je serai plus agréable avec un peu d'alcool dans le sang, reste avec moi un instant. À 19 ans, je fais quand même partie de ces adultes fatigués qui ont une carrière un peu trop occupée, que veux-tu, c'est ça, de grandir trop vite. J'avais 19 ans que j'avais été une grande soeur, un tuteur, une mère et un père. J'ai moisi dans un lit d'hôpital. J'ai eu tellement de tests sanguins que j'suis immunisé aux aiguilles. J'ai un emploi de grande personne. Je vis par moi-même. Et je satisfais les besoins de mon homme. Ouais. J'ai le droit d'être épuisé.e. Mais bon là n'est pas le point, j'ai juste envie de boire un verre et je sais pas si je vais rester. Les demoiselles d'honneur qui rient trop fort m'énervent un peu... Et j'vais pas me taper la causette avec les Depresso shootés à la théine d'après-midi et la nicotine. Je soupire. J'aurais peut-être dû manger, aujourd'hui. De un, j'ai la dalle. De deux; j'ai aucune idée du niveau de ma tolérance d'alcool ce soir, c'est un mystère que je vais résoudre plus tard !
Everybody in this room feels so fake. ft. Piper R. Reed
Comme le petit chiot que tu es, tu penches la tête en récupérant les pièces. 2002... 2002… Non, c’est bon 2002 Floyd, réfléchis pas trop tu vas te faire mal grand. Avec un sourire tu lui rends ses documents en attendant la commande, mais t’as pas le temps d’ouvrir la bouche que le petit machin en colère recommence à être désagréable. C’est pas l’envie qui te manque de lui faire manger le comptoir, mais on t’as déjà dit que tu pouvais pas faire avec tous les gens qui te reviennent pas. Vaguement, tu le lui fais un signe genre ‘fais comme chez toi’ en secouant la tête.
– Fais donc tes devoirs en paix mon enfant. Et y a un truc qui te rend plus agréable après l’avoir bu ou j’vais devoir faire avec ?
En regardant son sourire, tu ne peux pas t’empêcher de lâcher un petit rire. T’as pas la moindre idée de ce qui a pu mettre en colère le petit nerveux, mais ça t’amuse beaucoup. C’est pas non plus comme si c’était la première fois que tu te retrouves en face de quelqu’un tout hérissé pour aucune raison et qui pense que parce que t’es serveur, c’est ok de te traiter comme un chien. C’est pas juste, mais toi, tu es obligé de garder ton sourire et ta politesse. Damn, la vie est pas très juste. Tu hoches simplement la tête à la question. C’est pas un secret, c’est pas non plus très intéressant, mais oui, tu es bien Galorien. La remarque te fait simplement sourire davantage encore. Tu n’es pas sûr du lien entre tes origines et ton caractère, mais tu veux bien l’écouter te lancer ses piques.
– J’sais pas si ça a quelque chose à voir, mais c’est accepté. Long Island.
Tu attrapes un verre pour préparer sa commande. C’est ce que tu préfères finalement dans ce métier, la mixologie c’est vraiment super chouette. Rien que d’y penser, ça te fait dire des trucs comme ‘vraiment super chouette’. Huit et demi, à tout péter. Mais si tu es heureux, mon petit Floyd, personne n’a rien à en dire de ce que tu penses. Tu déposes le verre devant lui et récupère la monnaie. Oh bah ça alors ? Un pourboire ? Mais que lui arrive-t-il ? Tu lui lances un merci et mets donc le surplus dans le pot commun, parce que tu n’as vraiment pas besoin d’argent. Si tu restes ici, c’est par ce qu’ils n’ont trouvé personne pour te remplacer pour le moment, comme tu adores ton équipe et que le job ne te déplait pas, tu as décidé de continuer jusqu’à ce que ton remplaçant pointe le bout de son nez. Encourage-toi Floyd, il est temps d’aller débarrasser la table de ces demoiselles. Sinon tu sens que des verres vont s’péter la gueule et t’as bien la flemme de passer le balais.
En revenant, tu regardes ton collègue. À deux pour faire leur commande ça sera plus simple quand même. Dans le cours de la conversation, tu le supplies d’aller leur apporter les boissons. T’as rien contre elles, mais vraiment si tu peux éviter ça t’arranger. Peut-être que t’es un peu timide finalement. Puis tes yeux ambrés se posent sur la petite chose pleine de rage de tout à l’heure. Alors tu tentes, parce que t’es un mec sympa. Assez tristement, t’es un mec trop bien pour ce monde.
– Tu devrais aller te mettre là-bas si tu veux être tranquille. Elles font pas mal de bruit, désolé.
Tu lui montres un petit coin au bar, un peu à l’abri et très courageusement, tu tentes un sourire chaleureux. Tu sais que ce coin est au calme parce que les speakers en sont un peu plus éloignés, on ne voit pas depuis l'entrée qui y est assis et c'est là que tu te poses pour tes pauses, donc tu sais de quoi tu parles.
– T’as l’air crevé, du coup... Le bar est plus tranquille d’habitude, je le jure.
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Il ne répond pas à mes piques. Il prend son pourboire. Peut-être qu’il est un peu plus intelligent que je ne le croyais, tant mieux pour lui. Je pestais légèrement, mais je redevenais plus calme lorsqu’il m’amenait mon verre. J’étais crevé.e, oui. Au bout de ma vie.
Les demoiselles d’honneur me tapait sur le système, et je pense que ça se traduisait sur mon langage corporel. Chacun de leur cri, chaque exclamation, tendait mes muscles et me faisait serrer les dents. Quel enfer… Vraiment. Je m’appuyais contre la paume de ma main que je tirais agressivement sur ma paille. J’ai faim.
D’un coin de l’œil je vois la marmaille hystérique s’agiter et je soupire de soulagement; un repos pour mes pauvres oreilles, c’est trop demandé ? Pas question que je me retrouve à jouer au limbo avec une bande de dames qui traversent leur crise de la quarantaine ou j’sais pas quoi. Une petite chose pleine de rage, tu lis ? Oui. Je suis une accumulation vivante de colère, de frustration et de déception non-avouées, faisant de moi une jeune personne qui s’hérisse dès que l’on ne m’approche que trop. Je suis comme ça. Je ne pense pas que je pourrai changer un jour, tant pis pour vous. Je ne cherche pas à plaire à qui que ce soit, tu en prends ou tu en laisses, c’est comme ça que ça fonctionne, la vie. Mais contre toute attente, le barman Galorien venait s’adresser directement à moi. Est-ce que c’était si facile de comprendre comment je me sentais ? (Oui.) Il s’adressait en me disant directement que je pouvais m’installer un peu plus loin, et ça me rendait… Euh. Ça me faisait plaisir. Viens pas t’imaginer des choses...
Je sentais mes joues se teinter légèrement que je déviais les yeux lorsqu’il s’était arrangé pour me rendre service. J’ai pas l’habitude qu’on soit gentil avec moi. Quand les gens le sont, ils s’attendent souvent à un truc en retour. Red flag.
« P-Pff… T’es gentil avec moi parce que t’as eu un pourboire, c’est ça ? »
Calme-toi un peu, Piper. Respire par le nez. Si je fronçais les sourcils, c’était pour dévier doucement le regard vers lui, avant de susurrer discrètement.
« …h-hum, j’veux dire, en vrai… Merci. Elles me les brisent. »
Je déviais rapidement le pas pour me diriger vers le coin qu’il m’avait désigné. Et franchement, c’était beaucoup mieux. J’étais à l’abri de la musique et de l’hystérie de la Team Bride, et bien sûr, je n’étais pas envahi.e par le nuage d’odeur de clope bon marché. Elijah, ça ne me dérangeait pas. Mais les bonhommes qui sentaient le cendrier et le fond de bouchon, c’était autre chose.
J’observais tout ce beau monde, attentivement. Je venais tirer sur ma paille que-… Ah. J’avais déjà complètement terminé mon verre ? Il ne restait plus que les glaçons. C’est sans doute pour ça que je me sentais bien lorsque je me suis relevé.e… Je soufflais un peu. Peut-être que j’aurais dû manger avant de boire un truc aussi fort aussi vite. Qu’est-ce que c’est traître, ce genre de boisson. Mais voilà que le barman semblait remarquer qu’un truc clochait avec moi. Oh, je sais mieux gérer l’alcool que ça, je ne suis pas encore ivre. Mais disons que je suis feeling, et donc, sans doute plus approchable. Et il s’approchait pour s’adresser à moi. Je baissais légèrement ma garde; peut-être qu’il n’a pas si mauvaise foi, au final… Il me disait que j’avais l’air crevé.e, hah, no shit. Il disait qu’habituellement, c’était plus tranquille, et ça me faisait sourire.
« Ouais, grosse semaine, tout ça. J’imagine que tu connais la chanson, des gens comme moi, tu dois en croiser tous les soirs. »
Je viens délicatement toucher le rebord de mon verre, avant de le prendre pour le tendre au barman avec un sourire taquin, en levant mes améthystes vers lui.
« J’ai été assez cool pour avoir un refill ? »
Et une question qui me brûle les lèvres. Parce que je sais que j’en ai besoin pour passer au-travers de ma journée, mais aussi, je sais que si je ne le fais pas, j’allais être malade ou sinon ce barman devrait se retrouver à appeler Elijah pour qu’il vienne me chercher, et Inspecteur Carotte ne serait pas des plus heureux…
« …hey. T’as envie de manger un truc ? »
Mais franchement. Des mozzarella sticks, ça me semble comme étant une récompense appropriée en ce moment. Au pire, s’il refuse, ça m’en fera plus pour moi. Oui, ça m’arrive d’être sympa. Surtout quand j’ai un verre ou deux dans le nez.
Everybody in this room feels so fake. ft. Piper R. Reed
Un rire t’échappe à sa remarque, mais tu n’as pas le temps de lui dire que de toute façon tu mets tous tes pourboires dans le pot commun que ton interlocuteur se reprend. Floyd, tu ne sais vraiment pas sur quel pied danser. Avec cette petite créature alors tu te contentes de l’emmener dans ton petit havre de paix avec, sans perdre ton sourire avant de repartir bosser. Puis comme tu reviens à la charge pour prendre de ses nouvelles, dans un premier temps, tu as l’impression de lui être particulièrement désagréable, mais à ta grande surprise tu obtiens malgré tout une réponse et là, mon grand, tu es content. Ah ! Tu vois que les gens aiment bien qu’on s’intéresse un peu à eux malgré leur apparente mauvaise humeur. Tu hausses un peu les épaules.
– L’habitude ou des tas de gens, j’sais pas. Disons qu’on a tous des jours sans. Faut juste réussir à rester positif malgré tout. C’est sûrement le plus difficile dans l’affaire.
Un rire nouveau rire. Oh tu es de bonne humeur Floyd. Comme toujours. Peut-être est-ce la bénédiction des gens simples ou alors tu es particulièrement positif et les deux réponses sont viables d’une certaine façon, alors tu attrapes son verre pour le resservir.
– Allez ! C’est bien parce que je suis un grand fan des Cacneas.
Tu reposes le verre plein, amusé. Puis ta tête se penche sur le côté en le voyant hésiter. Tu es vraiment juste un chiot. Un très très grand chiot, mais juste un chiot malgré tout. Tu attends. Mais tu n’oses pas tellement presser pour savoir. Peut-être même qu’il ne te dira rien au final, et ce n’est pas bien grave. Puis la question arrive finalement et tu prends le temps de réfléchir à un endroit chouette.
– Je sais qu’un peu plus loin dans la rue y a une espèce de bar à sandwichs plutôt pas mal ! Sinon à genre 10 ou 15 minutes de marche y a un restau assez sympa de mémoire.
Tu t’arrêtes un peu soudainement. Tu n’es pas sûr de bien comprendre ce qu’il se passe. Est-ce que la petite boule de nerfs est en train de t’inviter ou est-ce que c’est juste ton imagination ? Tu ne sais plus quoi dire ou faire. Peut-être même que tu rougis. Voilà, tu es encore en train de t’embrouiller parce que tu ne comprends rien. C’est presque drôle. Et dans ta maladresse naturelle, et parfois mortelle pour ton entourage, tu manques de faire tomber la bouteille que tu n’as pas encore rangée. Et assez miraculeusement tu parviens à la rattraper. Peut-être qu’elle ne t’invite pas Floyd et que tu es en train de te faire des films comme un abruti. Mais en même temps, il a dit ‘tu’ donc techniquement c’est une invitation. Oh la la ! C’est beaucoup trop compliqué pour toi toute cette affaire. Tu te frottes la joue avec le dos de ta main en regardant l’heure.
– Je peux prendre ma pause et on peut aller chercher des sandwichs, si ça te tente ?
Voilà, c’est dit. Et tu n’as même pas bégayé. Damn, on pourrait presque demander une vague d’applaudissements. Te mettre dans tous tes états pour si peu, vraiment. Tu préviens ton collègue tu vas prendre ta pause, parce qu’il passe par là. Et voilà, tu viens de sceller ton destin sans le vouloir. Réalisant que tu lui as fait une proposition, mais que tu ne lui as pas laissé de choix finalement tu tentes de bredouiller des excuses. C’est très confus. On comprend rien quand tu parles alors arrête toi Floyd et reprendre tranquillement. Voilé, une grande inspiration. Maintenant essaie une nouvelle fois ?
– Enfin, si tu veux hein ! J’ai dit que je prenais ma pause parce qu’il passait par là, mais si t’as pas envie c’est pas très grave non plus. Puis j’ai envie de prendre une pause de toute façon.
Everybody in this room feels so fake (and so am I)
Qu’est-ce qu’il est… pataud. Oui. Pataud. Je n’ai pas de mot pour le décrire autrement. Il me regarde comme un Caninos à qui on montre une balle, à pencher la tête de gauche à droite, avec ce stupide sourire et ces grands yeux curieux. Pourquoi est-ce que ça m’agresse ? Peut-être… Parce que je n’ai pas eu la chance de connaître cette innocence moi-même ?
Il est de bonne humeur. Comment est-ce que les gens peuvent être aussi heureux, ça vient parfaitement contraster avec ma mauvaise humeur de tous les jours, la façon dont j’étais constamment sur les nerfs. Peut-être que certains sont plus petite tête que moi. Ou qu’ils l’ont eue plus facile. J’sais pas. J’veux pas savoir.
« Pourquoi tu m’regardes comme ça, ma question était si compliquée ? »
Non. Il était juste étonné car j’ai été sympa, tu sais… Ce que je ne suis que rarement. Trauma response, tout ça, je suppose. Je soupirais un peu alors que j’allais commander pour moi seul.e, le barman me répondait qu’il irait prendre sa pause. Ah, alors on sortait ? On s’invitait ? D’accord, alors. C’est un date, j’suppose.
Pas qu’il aurait une chance avec moi, bien loin de là. Je suis exclusif.ve à Elijah, j’en ai fait la promesse et je tiens mes paroles. Mais aussi… Je sais pas. J’aime pas sociabiliser. Qu’il se fasse pas trop d’idées.
« On va où tu veux alors, Don Juan. Te fais pas d’idées, j’ai juste faim. »
C’était surtout mon verre que j’avais presque fini d’une traite qui me faisait parler, et alors que je m’étais relevé.e pour me rhabiller… Ouh là. Quel mauvais choix j’avais fait. C’était pas la meilleure décision de ma vie, si on pouvait dire ainsi. Je soufflais un peu alors que j’attendais cet idiot de barman, j’avais même pas eu le temps de lire son nom sur son nametag, qui était-il ? Eh, chaque chose en son temps…
Golden Retriever revenait vers moi, tout excité à l’idée d’aller chercher des sandwichs. Jamais dans mes maigres dix-neuf ans d’existence je n’aurais cru voir quelqu’un aussi heureux de venir manger avec moi, alors que je n’étais qu’un étranger purement désagréable avec lui. Je soufflais un peu alors que je lui faisais signe de sortir du bar avec moi. Bon, on n’aurait pas toute la soirée mais si au moins je pouvais me mettre quelque chose sous la dent, ce serait déjà ça. La compagnie, c’était un bonus, j’espère qu’il ne soit pas trop pataud dans ses discussions en-dehors du travail.
Je regardais mes alentours alors que nous étions sortis. Ah oui, Artiesta la ville de la nuit, la ville qui ne dormait jamais. Les trottoirs se remplissaient depuis que le soleil s’était couché, depuis qu’il était 21h passé. Je grognasse un peu; j’aime pas les gens qui marchent lentement devant moi, et à mon air boudeur, Golden boy se doute sans doute d’un truc.
« Dis-moi. »
Je relève les yeux sur lui. Sans m’en rendre compte, mon regard était beaucoup moins agressif que la première fois.
« …t’as un nom ? »
Quelle question. Quelle façon de la poser, pas ma faute, ça m’arrivait d’être un peu con par moments. Et si je réalisais qu’il était content, je déviais les yeux rapidement, en fronçant les sourcils.
« F-Fin…! C’est surtout pour savoir qui suspecter si on m’retrouve dans trois sacs poubelles différents partout en Lumiris. »
…okay, mon humour et mes mécanismes de défense n’étaient sans doute pas les plus socialement acceptables, dans un sens. Je laissais un silence planer sur nous deux que je levais à nouveau la tête vers lui.
« Je m’appelle Piper, si t’avais pas retenu. Pas que je m’attendais à ce que tu t’en rappelles... »
Après tout, je préférais qu’on m’oublie. Ma mère m’oubliait, et je me doute que mon père soit en train de se rappeler de moi, alors j’espérais pas plus de purs étrangers. Sauf qu’on se rappelle toujours de moi d’une manière ou d’une autre, les désavantages d’être particulièrement désagréable. Les dommages de ne pas aimer faire du social.
Oh well.
Je levais les yeux sur l’enseigne lumineuse qui se dressait devant nous. C’était ça, son spot de sandwichs ? Ça a l’air sketch. J’aime bien.